https://laviedesidees.fr/_Manzini-Frederic_.html
"Édition en deux volumes des Opera Omnia d’Aristote, publiée à Bâle en 1548 chez l’éditeur Johannes Oporinus, que Spinoza a eu en sa possession. [...] pourquoi a-t-il acquis une édition monumentale, volumineuse et probablement très coûteuse des œuvres complètes du Stagirite ?"
"Avec onze occurrences il n’est rien moins que le deuxième auteur auquel il fait le plus souvent allusion, puisqu’il se range certes après Descartes mais bien avant Hobbes par exemple, qui n’est cité que deux fois et de façon marginale."
"Comme Descartes et un certain nombre de ses contemporains (ou à travers eux), Spinoza donne l’impression d’user d’Aristote comme d’un repoussoir plutôt que de le considérer comme un interlocuteur."
"Comment expliquer par exemple que Spinoza se transforme en un si ardent défenseur de l’atomisme et de ses partisans les plus illustres alors que lui-même nie l’existence du vide [...] ? N’est-ce pas [...] dans un esprit polémique, pour mieux se démarquer à tout prix de l’aristotélisme et d’une certaine façon sentencieuse de pratiquer la philosophie ?"
"Aristote et Spinoza sont les deux représentants de l’éthique qui, dans sa différence avec la theologia moralis fondée sur la notion de responsabilité morale et voulant assigner des lois pour faire plier la volonté, cherche avant tout à définir cette fin suprême qu’est la vie bonne et heureuse de manière attractive et non impérative, comme objet de visée plutôt que comme norme du devoir."
"Le Stagirite se trouve être à la fois éminent (« præstantissimi »), laborieux (« quorum labori, & industriæ »), soucieux de la vie droite (« de recta vivendi ») et exhortant à la prudence (« plena prudentiæ consilia »). Le philosophe grec pourrait ainsi représenter aux yeux de Spinoza l’un des rares philosophes à s’être attelé au projet d’une véritable éthique scientifique et donc l’un de ses précurseurs dans ce domaine. Quels que soient toutefois leurs mérites, les éthiques des précurseurs, celle d’Aristote y compris, se sont sans doute révélées lacunaires ou insuffisantes puisque Spinoza juge nécessaire d’en rédiger une nouvelle."
"[L'éthique, Spinoza] veut l’élever en lieu et place de la métaphysique au rang de discipline digne de couronner la philosophie. Elle ne peut certes pas prétendre à ce statut comme science de toutes choses qui envelopperait les autres ; en revanche elle est souveraine et universelle au sens de la cause finale parce qu’elle traite du souverain bien, de la « fin de toutes les actions humaines » et des moyens de l’obtenir. Non content de montrer de l’intérêt pour une question devenue aussi désuète au XVIIe siècle que celle du summum bonum."
"Au contraire [d'Aristote, Spinoza], subordonne non seulement la politique à l’éthique mais va jusqu’à soumettre toute la philosophie dans son ensemble à la question du summum bonum comme à son objet final."
-Frédéric Manzini, Spinoza, une lecture d'Aristote, PUF, 2015 (2009 pour la première édition).
"Édition en deux volumes des Opera Omnia d’Aristote, publiée à Bâle en 1548 chez l’éditeur Johannes Oporinus, que Spinoza a eu en sa possession. [...] pourquoi a-t-il acquis une édition monumentale, volumineuse et probablement très coûteuse des œuvres complètes du Stagirite ?"
"Avec onze occurrences il n’est rien moins que le deuxième auteur auquel il fait le plus souvent allusion, puisqu’il se range certes après Descartes mais bien avant Hobbes par exemple, qui n’est cité que deux fois et de façon marginale."
"Comme Descartes et un certain nombre de ses contemporains (ou à travers eux), Spinoza donne l’impression d’user d’Aristote comme d’un repoussoir plutôt que de le considérer comme un interlocuteur."
"Comment expliquer par exemple que Spinoza se transforme en un si ardent défenseur de l’atomisme et de ses partisans les plus illustres alors que lui-même nie l’existence du vide [...] ? N’est-ce pas [...] dans un esprit polémique, pour mieux se démarquer à tout prix de l’aristotélisme et d’une certaine façon sentencieuse de pratiquer la philosophie ?"
"Aristote et Spinoza sont les deux représentants de l’éthique qui, dans sa différence avec la theologia moralis fondée sur la notion de responsabilité morale et voulant assigner des lois pour faire plier la volonté, cherche avant tout à définir cette fin suprême qu’est la vie bonne et heureuse de manière attractive et non impérative, comme objet de visée plutôt que comme norme du devoir."
"Le Stagirite se trouve être à la fois éminent (« præstantissimi »), laborieux (« quorum labori, & industriæ »), soucieux de la vie droite (« de recta vivendi ») et exhortant à la prudence (« plena prudentiæ consilia »). Le philosophe grec pourrait ainsi représenter aux yeux de Spinoza l’un des rares philosophes à s’être attelé au projet d’une véritable éthique scientifique et donc l’un de ses précurseurs dans ce domaine. Quels que soient toutefois leurs mérites, les éthiques des précurseurs, celle d’Aristote y compris, se sont sans doute révélées lacunaires ou insuffisantes puisque Spinoza juge nécessaire d’en rédiger une nouvelle."
"[L'éthique, Spinoza] veut l’élever en lieu et place de la métaphysique au rang de discipline digne de couronner la philosophie. Elle ne peut certes pas prétendre à ce statut comme science de toutes choses qui envelopperait les autres ; en revanche elle est souveraine et universelle au sens de la cause finale parce qu’elle traite du souverain bien, de la « fin de toutes les actions humaines » et des moyens de l’obtenir. Non content de montrer de l’intérêt pour une question devenue aussi désuète au XVIIe siècle que celle du summum bonum."
"Au contraire [d'Aristote, Spinoza], subordonne non seulement la politique à l’éthique mais va jusqu’à soumettre toute la philosophie dans son ensemble à la question du summum bonum comme à son objet final."
-Frédéric Manzini, Spinoza, une lecture d'Aristote, PUF, 2015 (2009 pour la première édition).