http://www.ina.fr/video/CAB98042680
http://www.loribel.com/microsoft/articles/1999-11-08.001.html
http://www.ai.univ-paris8.fr/~ga/pdf/News/edj.pdf
http://docteurdu16.blogspot.fr/2012/05/la-rougeole-etat-de-lart-sous-forme-de.html
Un exemple paradigmatique de l’influence des fondations privées dans les orientations sanitaires en matière de vaccination et de santé publique : la fondation Bill Gates
La seule Fondation Bill Gates, bien que privée et gérée par trois administrateurs Bill et Melinda Gates ainsi que Warren Buffet, dispose, pour l’ensemble de ses multiples activités, d’un budget de 37 milliards d’euros, quelques huit fois supérieur à celui de l’OMS . Cette fondation, très liée aux laboratoires pharmaceutiques, est le deuxième contributeur volontaire (contributions à objet désigné) de l’OMS après les Etats Unis. Pour l’exercice 2010-2011, la Fondation Bill Gates a contribué pour 220 millions de dollars, soit environ 5% du budget total de l’OMS. Bill Gates se montre un allié fidèle des firmes pharmaceutiques en prônant la protection de leurs brevets contre l’intérêt des populations des pays pauvres. Une part importante des financements de cette fondation, est destinée à soutenir des programmes de vaccination, que Bill Gates considère comme une priorité (ICI).
Mais certaines personnalités issues des pays en voie de développement sont très citriques envers les programmes de vaccination de l’OMS qui ne tiennent pas compte des problématiques de santé particulières à chaque pays. Ces personnalités déplorent que de tels programmes s’imposent aux pays pauvres. Elles les jugent très coûteux, absorbant l’essentiel des maigres ressources, en particulier personnel médical et para-médical, dont ces pays disposent pour la santé, et désorganisant en outre le système de soins au profit de programmes qui s’avèrent parfois être des échecs, justement en raison de l’approche par pathologie et de l’absence de vision globale des problématiques de santé, comme dans le cas de la poliomyélite (ICI, LA et encore ICI).
Ces analyses sont corroborées par une enquête très approfondie, menée par une équipe de journalistes du Los Angeles Times dirigée par l’un d’entre eux, Charles Piller, en 2007. Cette enquête journalisitique, sans doute l’une des plus sérieuses et approfondie jamais menées, intitulée « Des nuages sombres planent au-dessus des bonnes œuvres de la fondation Bill Gates » mettait en avant un certain nombre de points noirs dans le financement de la fondation et dans son influence dans les pays en développement (LA).
Pas d’éthique sur l’étiquette de la fondation Bill Gates
Les fondations sont des personnes morales ayant des objectifs d’intérêt général. Aux Etats Unis, contrairement à la France, les fondations peuvent investir dans des sociétés privées et sont taxées. Aux Etats Unis on peut donc très bien conjuguer bienfaisance, affaires et enrichissement personnel en s’impliquant dans des œuvres réputées servir l’intérêt général.
Un premier point noté par les journalistes du LA Times est que la fondation Gates ne fait de donations que à hauteur de 5% de ses actifs, c'est-à-dire, au niveau précis qui lui permet de réduire ses impôts au minimum. Les autres 95% étant investis dans des secteurs à forte rentabilité. De fait, on ne peut que constater que si investir dans des œuvres caritatives a valu à Bill Gates d’étendre son pouvoir personnel en détenant la fondation la plus riche et la plus influente au monde, cela n’a pas nui à sa fortune propre qui est passée de 45 milliards en 1998, lorsqu’il a commencé à s’adonner aux œuvres de bienfaisance, à 61 milliards en 2012 .
Mais ce n’est pas là le point central soulevé par l’enquête. Le problème est ailleurs. Il est d’essayer de savoir si, par son action, la fondation Bill et Melinda Gates favorise d’avantage l’intérêt des populations des pays pauvres pour lesquels elle offre des dons, notamment pour des programmes de vaccination, ou nuit à ces populations tout en favorisant les intérêts de certaines multinationales, pharmaceutiques entre autres.
Les journalistes du LA Times ayant enquêté en Afrique, ont découvert que, la fondation investit dans des compagnies pétrolières, telles Total, Eni, Exxon, Royal Dutch Shell, etc qui polluent l’air, avec des torchères dont les émanations sont chargées en composés toxiques comme le mercure, le benzène ou le chrome, bien au-delà des normes autorisées en occident, par simple souci de maximisation des gains. C’est le cas, par exemple, dans une métropole nigérienne de plus de 200 000 habitants, Ebocha. Les pathologies respiratoires, deuxième cause de mortalité infantile dans les pays à faible revenu, rendant compte d’environ un décès sur 7 parmi les enfants, y sont légion. Mais grâce à la fondation Bill Gates, la plupart d’entre eux seront bien vaccinés.
D’autre part ces mêmes compagnies creusent des fosses qui constitueront des réservoirs d’eau stagnante et feront le lit de toutes sortes de maladies infectieuses, comme la polio, le paludisme la dysenterie, le choléra…
D’après l’enquête du LA Times 41% des investissements de la fondation, équivalents à 8,7 milliards de dollars, sont faits dans des entreprises qui n’ont pas réussi les test d’évaluation par les organismes de notation évaluant les sociétés selon qu’elles adoptent ou non des comportements socialement responsables. Les sociétés mal notées, comme celles où la fondation Bill Gates investit 41% de ses actifs, sont celles qui violent les droits de l’Homme en général dans un objectif de maximisation des bénéfices (atteintes à l’environnement, discrimination, non respect du droit du travail comme, par exemple, travail des enfants, comportement non éthique comme la pratique de la corruption, etc.).
Ainsi, l’enquête du LA Times a établi que dans le même temps où la fondation Bill Gates versait 218 millions de dollars pour lutter contre la rougeole et la polio dans les pays pauvres, elle en investissait 423 dans des firmes pétrolières épinglées pour leur absence d’éthique
Il est permis de penser que c’est même probablement cette absence totale de souci de l’éthique dans les investissements qui a permis à la fondation Bill Gates de devenir la plus puissante des fondations américaines, très loin devant les autres, puisque pour 10 dollars dépensés par les fondations privées américaines, 1 dollar proviendrait de celle de Bill Gates (LA). Les autres fondations, dans un souci de cohérence et d’éthique, font en sorte d’investir dans des sociétés dont le comportement ne va pas à l’encontre de leurs objectifs affichés et s’efforcent à travers leur participation, d’infléchir le comportement des firmes dans un sens plus conforme aux droits de l’Homme.
Interrogés sur ces aspects problématiques, les époux Gates se contentaient de répondre qu’ils ne connaissent pas en détail les investissements de leur fondation et qu’ils faisaient bien attention à ne pas investir dans l’industrie du tabac (ICI).
Malgré l’opinion d’administrateurs d’autres fondations, qui pensaient que si la fondation Bill Gates, avec son immense pouvoir, montrait l’exemple en refusant d’investir dans des sociétés non éthiques, cela aurait un impact très important sur ces sociétés, une porte-parole de la fondation Bill Gates expliquait, peu de temps après ces faits, qu’aucun changement ne surviendrait dans la politique d’investissement de la fondation.
Bill Gates avait néanmoins promis, en 2007, suite aux révélations des journalistes, de s’amender et d’être plus circonspect à l’avenir, concernant ses investissements. En dépit de quoi il a encore été épinglé en 2010 pour sa prise de participation dans la multinationale Monsanto (LA) .
Un bilan « globalement positif » ?
Un autre aspect non moins important, est l’évaluation des conséquences de l’influence de la fondation Bill Gates sur les politiques de santé dans les pays pauvres.
Ainsi, les efforts pour diminuer la mortalité par des programmes de vaccination sont contrebalancés, outre les effets néfastes des investissements privés de la fondation Bill Gates, par la capacité de ces programmes à attirer le personnel médical et paramédical formé par des salaires alléchants (trois à quatre fois les salaires payés par les administrations). Dans ces pays où la densité médicale est très faible et les besoins sanitaires très importants, le fait de laisser ainsi dépourvues les institutions prenant en charge les soins primaires de manière globale, induit immédiatement une augmentation de la mortalité pour les maladies non couvertes par la vaccination, qui peut contrebalancer, voire surpasser, les bénéfices de celle-ci. C’est ce qui explique l’incapacité de plusieurs de ces programmes à réduire la mortalité globale des enfants, malgré des investissements importants.
Un aperçu des conséquences de ces politiques sélectives à courte vue est donné par l’exemple de cette femme, incitée à faire plusieurs heures de route, pour se rendre au centre mobile assurant la campagne de vaccination contre la rougeole avec son nourrisson chétif. Beaucoup de personnes des régions isolées d’Afrique subsaharienne peuvent ne pas voir de médecin pendant plusieurs années.
Elle aurait aimé poser des questions sur l’état de son enfant et le faire tester pour le SIDA. Mais, arrivée sur place, il lui est demandé de ne poser aucune question autre que concernant la vaccination, comme à tous les autres. Il n’est pas possible non plus d’effectuer des tests. Cela ralentirait le rythme de la campagne de vaccination et empêcherait d’atteindre les objectifs en matière de couverture vaccinale.
L’influence de cette politique sanitaire sélective est donc loin d’être univoque malgré les chiffres triomphalement affichés sur la réduction de la mortalité par la vaccination contre la rougeole qui ne sont que des estimations, calculant le nombre de vie sauvées en fonction du nombre de vaccins distribués. Une telle démarche prêterait à sourire en Occident. Mais on verra plus loin qu’il est très difficile, même pour un pays développé, de se faire une idée précise du nombre de cas de rougeole sur son territoire.
La majeure partie des dons de la fondation concernant les programmes de vaccination vont au GAVI. Le GAVI étant l’organisme, issu d’un partenariat public-privé et soutenu par la fondation Bill Gates, qui achète et distribue les vaccins pour les programmes de vaccination dans les pays en développement. En 2007, sur 1,8 milliards de dollars de dons destinés aux programmes de vaccination par la fondation Bill Gates, 1,5 avaient été octroyés au GAVI (LA).
Pourtant, selon l’enquête du LA Times, la mortalité globale des enfants s’est plus souvent améliorée dans les pays qui ont reçu moins d’aides que la moyenne du GAVI .
Un professeur d’études urbaines de l’université de la ville de New York, disait qu’on ne peut pas affirmer que des vies ont été sauvées avant que les enfants grandissent. En effet, les causes de mortalité sont multiples en Afrique. Avec, en tête, particulièrement pour les enfants, la diarrhée et les infections respiratoires basses.
Les résultats globaux en matière de mortalité sont loin d’être à la hauteur des espérances et des investissements, en particulier en Afrique subsaharienne, où sur un territoire avec une population de 425 millions d’habitants, représentant un habitant sur sept de la planète, sont rassemblés le quart des naissances mais aussi la moitié des décès mondiaux des enfants de moins de cinq ans. Dans sept des pays qui ont reçu plus de fonds que la moyenne de la part du GAVI la mortalité des enfants a progressé.
Certains auteurs, comme ceux de cet institut nigérien, ont voulu évaluer l’impact des facteurs environnementaux, non infectieux comme ceux affectés par les sociétés financées par la fondation de Bill Gates, dans cette mortalité. Ils sont arrivés à la conclusion que l’on pouvait obtenir 70% de réduction de la mortalité en corrigeant ces facteurs. [Environmental Determinants of Child Mortality in Nigeria Mesike, Chukwunwike Godson, 2011 ICI]
Bien sûr cela ne peut pas se faire de manière magique, et d’autres ont, depuis longtemps, mesuré la part de la pauvreté et, notamment, de la malnutrition, dans la mortalité des enfants et l’évaluaient à plus de 50% sur l’ensemble des pays à faible revenu. Avec un rôle prépondérant de la malnutrition, y compris quand celle-ci était légère a modérée (LA).
On comprend mieux dès lors pourquoi une maladie bénigne comme la rougeole peut provoquer un décès sur 10 000 dans des pays où les enfants sont bien nourris et où il existe des systèmes sanitaires accessibles et bien dotés et 100 voire jusqu’à 1000 fois plus de décès parmi les enfants des pays pauvres.
La carence en vitamine A jouant un rôle majeur dans la sévérité de l’infection due à la rougeole et dans le développement d’une immunité suite au vaccin, lors des campagnes de vaccination, on distribue de la vitamine A aux enfants.
Bill Gates, une personne influente
L’influence de Bill Gates au sein de l’OMS est aussi patente.
Il y a quelques années, un mémorandum du directeur de projet de l’OMS sur le paludisme avait été rendu public et avait fait sensation dans la presse anglo-saxonne. Ce directeur avait fait une note interne à Margaret Chan, directrice de l’OMS, qui ne lui avait pas répondu pour lui faire part de sa préoccupation concernant l’influence croissante et néfaste de la fondation Bill Gates dans les plans de lutte contre les maladies les plus meurtrières dans les pays pauvres. Selon cet expert l’influence de la fondation faussait les priorités en matière de lutte contre ces maladies et empêchait le débat au sein de l’OMS et la compétition intellectuelle entre chercheurs attirés par l’argent proposé pour financer leurs recherches dans une sorte de cartel sous le contrôle de la fondation où celle-ci les maintenait enfermés (LA).
Car tandis que les Etats se montrent de moins en moins exigeants sur l’allocation de leurs contributions, les contributeurs privés, avec, en tête, Bill Gates et sa fondation, dont le rôle croît de facto dans la détermination des priorités à travers les contributions volontaires à objet désigné, prétendent de plus en plus réduire le rôle organisateur et de coordination de l’OMS, et le ramener à un simple rôle normatif des politiques de santé mondiales dans une vision parcellaire de la santé. De fait, ces contributions privées, de par leur rigidité, tendent à empêcher toute révision des orientations des politiques sanitaires afin de les mettre en adéquation avec les besoins réels des pays en développement, comme cela a été noté lors d’une consultation préalable au vote du budget de l’OMS en 2010.
Cela aboutit à la diminution des crédits pour ce qui concerne les maladies non transmissibles, qui dominent pourtant de plus en plus les problématiques de santé mondiales, et pour les programmes ayant pour objet la santé maternelle et infantile (ICI) .
Selon Paul Eisenberg, attaché de recherche à l’institut des politiques publiques de l’université de Georgestown, il risque d’y avoir d’autres milliardaires qui vont vouloir créer leur fondation. « Le danger pour notre démocratie-dit-il- c’est que nous allons avoir de plus en plus de ces méga-fondations dirigées par deux ou trois familles et qui vont dicter la manière dont les fonds doivent être dépensés… ».
Lorsqu’on observe le développement fulgurant de la fondation de Bill Gates, la manière dont le milliardaire essaye d’inciter les plus riches à donner pour ses « bonnes œuvres », on peut se demander si le risque ne serait pas plutôt de voir émerger sous peu une fondation en situation de monopole dans le domaine de la bienfaisance. Domaine qui, comme nous l’avons vu, tend à empiéter sur les politiques mondiales en matière de santé (LA).
Mais il n’y a pas de loi anti-trust dans le domaine de la bienfaisance. Est-ce un hasard si Bill Gates a décidé de quitter la direction de Microsoft et de s’investir dans les œuvres caritatives lorsque plusieurs de ses partenaires en affaires l’ont assigné en justice pour abus de position dominante ? (ICI)
Le problème, en ce qui concerne Bill Gates, c’est que s’il croit, peut-être, en la possibilité de réduire les effets de la pauvreté par des moyens techniques sophistiqués et grâce à l’innovation, Il croit sans doute encore plus à l’ultra-libéralisme économique, au rôle des multinationales et à la nécessité de leur laisser le champ libre pour engranger un maximum de bénéfices, même au détriment de l’éthique et des populations les plus pauvres.
Le problème c’est aussi que d’avoir le talent de s’enrichir à grande vitesse en investissant dans des secteurs à forte rentabilité au mépris du respect des droits de l’Homme ne le rend en rien légitime pour jouer un rôle majeur dans l’orientation des politiques sanitaires mondiales en s’asseyant sur la démocratie et en réduisant au silence ceux qui ne partagent pas son avis.
Interrogé sur ces sujets Bill Gates estimait que le rôle des philanthropes, même s’ils peuvent faire des erreurs, c’est de prendre des risques en matière de bienfaisance que les pouvoirs publics n’osent pas prendre.
Nous aurions envie de lui dire : «Très bien. Mais il y a un hic. C’est que les risques de vos idées « philanthropiques » et » innovantes » ce n’est pas vous qui les prenez. C’est aux populations que vous les faites prendre. Et surtout aux populations des pays pauvres ».
http://www.loribel.com/microsoft/articles/1999-11-08.001.html
http://www.ai.univ-paris8.fr/~ga/pdf/News/edj.pdf
http://docteurdu16.blogspot.fr/2012/05/la-rougeole-etat-de-lart-sous-forme-de.html
Un exemple paradigmatique de l’influence des fondations privées dans les orientations sanitaires en matière de vaccination et de santé publique : la fondation Bill Gates
La seule Fondation Bill Gates, bien que privée et gérée par trois administrateurs Bill et Melinda Gates ainsi que Warren Buffet, dispose, pour l’ensemble de ses multiples activités, d’un budget de 37 milliards d’euros, quelques huit fois supérieur à celui de l’OMS . Cette fondation, très liée aux laboratoires pharmaceutiques, est le deuxième contributeur volontaire (contributions à objet désigné) de l’OMS après les Etats Unis. Pour l’exercice 2010-2011, la Fondation Bill Gates a contribué pour 220 millions de dollars, soit environ 5% du budget total de l’OMS. Bill Gates se montre un allié fidèle des firmes pharmaceutiques en prônant la protection de leurs brevets contre l’intérêt des populations des pays pauvres. Une part importante des financements de cette fondation, est destinée à soutenir des programmes de vaccination, que Bill Gates considère comme une priorité (ICI).
Mais certaines personnalités issues des pays en voie de développement sont très citriques envers les programmes de vaccination de l’OMS qui ne tiennent pas compte des problématiques de santé particulières à chaque pays. Ces personnalités déplorent que de tels programmes s’imposent aux pays pauvres. Elles les jugent très coûteux, absorbant l’essentiel des maigres ressources, en particulier personnel médical et para-médical, dont ces pays disposent pour la santé, et désorganisant en outre le système de soins au profit de programmes qui s’avèrent parfois être des échecs, justement en raison de l’approche par pathologie et de l’absence de vision globale des problématiques de santé, comme dans le cas de la poliomyélite (ICI, LA et encore ICI).
Ces analyses sont corroborées par une enquête très approfondie, menée par une équipe de journalistes du Los Angeles Times dirigée par l’un d’entre eux, Charles Piller, en 2007. Cette enquête journalisitique, sans doute l’une des plus sérieuses et approfondie jamais menées, intitulée « Des nuages sombres planent au-dessus des bonnes œuvres de la fondation Bill Gates » mettait en avant un certain nombre de points noirs dans le financement de la fondation et dans son influence dans les pays en développement (LA).
Pas d’éthique sur l’étiquette de la fondation Bill Gates
Les fondations sont des personnes morales ayant des objectifs d’intérêt général. Aux Etats Unis, contrairement à la France, les fondations peuvent investir dans des sociétés privées et sont taxées. Aux Etats Unis on peut donc très bien conjuguer bienfaisance, affaires et enrichissement personnel en s’impliquant dans des œuvres réputées servir l’intérêt général.
Un premier point noté par les journalistes du LA Times est que la fondation Gates ne fait de donations que à hauteur de 5% de ses actifs, c'est-à-dire, au niveau précis qui lui permet de réduire ses impôts au minimum. Les autres 95% étant investis dans des secteurs à forte rentabilité. De fait, on ne peut que constater que si investir dans des œuvres caritatives a valu à Bill Gates d’étendre son pouvoir personnel en détenant la fondation la plus riche et la plus influente au monde, cela n’a pas nui à sa fortune propre qui est passée de 45 milliards en 1998, lorsqu’il a commencé à s’adonner aux œuvres de bienfaisance, à 61 milliards en 2012 .
Mais ce n’est pas là le point central soulevé par l’enquête. Le problème est ailleurs. Il est d’essayer de savoir si, par son action, la fondation Bill et Melinda Gates favorise d’avantage l’intérêt des populations des pays pauvres pour lesquels elle offre des dons, notamment pour des programmes de vaccination, ou nuit à ces populations tout en favorisant les intérêts de certaines multinationales, pharmaceutiques entre autres.
Les journalistes du LA Times ayant enquêté en Afrique, ont découvert que, la fondation investit dans des compagnies pétrolières, telles Total, Eni, Exxon, Royal Dutch Shell, etc qui polluent l’air, avec des torchères dont les émanations sont chargées en composés toxiques comme le mercure, le benzène ou le chrome, bien au-delà des normes autorisées en occident, par simple souci de maximisation des gains. C’est le cas, par exemple, dans une métropole nigérienne de plus de 200 000 habitants, Ebocha. Les pathologies respiratoires, deuxième cause de mortalité infantile dans les pays à faible revenu, rendant compte d’environ un décès sur 7 parmi les enfants, y sont légion. Mais grâce à la fondation Bill Gates, la plupart d’entre eux seront bien vaccinés.
D’autre part ces mêmes compagnies creusent des fosses qui constitueront des réservoirs d’eau stagnante et feront le lit de toutes sortes de maladies infectieuses, comme la polio, le paludisme la dysenterie, le choléra…
D’après l’enquête du LA Times 41% des investissements de la fondation, équivalents à 8,7 milliards de dollars, sont faits dans des entreprises qui n’ont pas réussi les test d’évaluation par les organismes de notation évaluant les sociétés selon qu’elles adoptent ou non des comportements socialement responsables. Les sociétés mal notées, comme celles où la fondation Bill Gates investit 41% de ses actifs, sont celles qui violent les droits de l’Homme en général dans un objectif de maximisation des bénéfices (atteintes à l’environnement, discrimination, non respect du droit du travail comme, par exemple, travail des enfants, comportement non éthique comme la pratique de la corruption, etc.).
Ainsi, l’enquête du LA Times a établi que dans le même temps où la fondation Bill Gates versait 218 millions de dollars pour lutter contre la rougeole et la polio dans les pays pauvres, elle en investissait 423 dans des firmes pétrolières épinglées pour leur absence d’éthique
Il est permis de penser que c’est même probablement cette absence totale de souci de l’éthique dans les investissements qui a permis à la fondation Bill Gates de devenir la plus puissante des fondations américaines, très loin devant les autres, puisque pour 10 dollars dépensés par les fondations privées américaines, 1 dollar proviendrait de celle de Bill Gates (LA). Les autres fondations, dans un souci de cohérence et d’éthique, font en sorte d’investir dans des sociétés dont le comportement ne va pas à l’encontre de leurs objectifs affichés et s’efforcent à travers leur participation, d’infléchir le comportement des firmes dans un sens plus conforme aux droits de l’Homme.
Interrogés sur ces aspects problématiques, les époux Gates se contentaient de répondre qu’ils ne connaissent pas en détail les investissements de leur fondation et qu’ils faisaient bien attention à ne pas investir dans l’industrie du tabac (ICI).
Malgré l’opinion d’administrateurs d’autres fondations, qui pensaient que si la fondation Bill Gates, avec son immense pouvoir, montrait l’exemple en refusant d’investir dans des sociétés non éthiques, cela aurait un impact très important sur ces sociétés, une porte-parole de la fondation Bill Gates expliquait, peu de temps après ces faits, qu’aucun changement ne surviendrait dans la politique d’investissement de la fondation.
Bill Gates avait néanmoins promis, en 2007, suite aux révélations des journalistes, de s’amender et d’être plus circonspect à l’avenir, concernant ses investissements. En dépit de quoi il a encore été épinglé en 2010 pour sa prise de participation dans la multinationale Monsanto (LA) .
Un bilan « globalement positif » ?
Un autre aspect non moins important, est l’évaluation des conséquences de l’influence de la fondation Bill Gates sur les politiques de santé dans les pays pauvres.
Ainsi, les efforts pour diminuer la mortalité par des programmes de vaccination sont contrebalancés, outre les effets néfastes des investissements privés de la fondation Bill Gates, par la capacité de ces programmes à attirer le personnel médical et paramédical formé par des salaires alléchants (trois à quatre fois les salaires payés par les administrations). Dans ces pays où la densité médicale est très faible et les besoins sanitaires très importants, le fait de laisser ainsi dépourvues les institutions prenant en charge les soins primaires de manière globale, induit immédiatement une augmentation de la mortalité pour les maladies non couvertes par la vaccination, qui peut contrebalancer, voire surpasser, les bénéfices de celle-ci. C’est ce qui explique l’incapacité de plusieurs de ces programmes à réduire la mortalité globale des enfants, malgré des investissements importants.
Un aperçu des conséquences de ces politiques sélectives à courte vue est donné par l’exemple de cette femme, incitée à faire plusieurs heures de route, pour se rendre au centre mobile assurant la campagne de vaccination contre la rougeole avec son nourrisson chétif. Beaucoup de personnes des régions isolées d’Afrique subsaharienne peuvent ne pas voir de médecin pendant plusieurs années.
Elle aurait aimé poser des questions sur l’état de son enfant et le faire tester pour le SIDA. Mais, arrivée sur place, il lui est demandé de ne poser aucune question autre que concernant la vaccination, comme à tous les autres. Il n’est pas possible non plus d’effectuer des tests. Cela ralentirait le rythme de la campagne de vaccination et empêcherait d’atteindre les objectifs en matière de couverture vaccinale.
L’influence de cette politique sanitaire sélective est donc loin d’être univoque malgré les chiffres triomphalement affichés sur la réduction de la mortalité par la vaccination contre la rougeole qui ne sont que des estimations, calculant le nombre de vie sauvées en fonction du nombre de vaccins distribués. Une telle démarche prêterait à sourire en Occident. Mais on verra plus loin qu’il est très difficile, même pour un pays développé, de se faire une idée précise du nombre de cas de rougeole sur son territoire.
La majeure partie des dons de la fondation concernant les programmes de vaccination vont au GAVI. Le GAVI étant l’organisme, issu d’un partenariat public-privé et soutenu par la fondation Bill Gates, qui achète et distribue les vaccins pour les programmes de vaccination dans les pays en développement. En 2007, sur 1,8 milliards de dollars de dons destinés aux programmes de vaccination par la fondation Bill Gates, 1,5 avaient été octroyés au GAVI (LA).
Pourtant, selon l’enquête du LA Times, la mortalité globale des enfants s’est plus souvent améliorée dans les pays qui ont reçu moins d’aides que la moyenne du GAVI .
Un professeur d’études urbaines de l’université de la ville de New York, disait qu’on ne peut pas affirmer que des vies ont été sauvées avant que les enfants grandissent. En effet, les causes de mortalité sont multiples en Afrique. Avec, en tête, particulièrement pour les enfants, la diarrhée et les infections respiratoires basses.
Les résultats globaux en matière de mortalité sont loin d’être à la hauteur des espérances et des investissements, en particulier en Afrique subsaharienne, où sur un territoire avec une population de 425 millions d’habitants, représentant un habitant sur sept de la planète, sont rassemblés le quart des naissances mais aussi la moitié des décès mondiaux des enfants de moins de cinq ans. Dans sept des pays qui ont reçu plus de fonds que la moyenne de la part du GAVI la mortalité des enfants a progressé.
Certains auteurs, comme ceux de cet institut nigérien, ont voulu évaluer l’impact des facteurs environnementaux, non infectieux comme ceux affectés par les sociétés financées par la fondation de Bill Gates, dans cette mortalité. Ils sont arrivés à la conclusion que l’on pouvait obtenir 70% de réduction de la mortalité en corrigeant ces facteurs. [Environmental Determinants of Child Mortality in Nigeria Mesike, Chukwunwike Godson, 2011 ICI]
Bien sûr cela ne peut pas se faire de manière magique, et d’autres ont, depuis longtemps, mesuré la part de la pauvreté et, notamment, de la malnutrition, dans la mortalité des enfants et l’évaluaient à plus de 50% sur l’ensemble des pays à faible revenu. Avec un rôle prépondérant de la malnutrition, y compris quand celle-ci était légère a modérée (LA).
On comprend mieux dès lors pourquoi une maladie bénigne comme la rougeole peut provoquer un décès sur 10 000 dans des pays où les enfants sont bien nourris et où il existe des systèmes sanitaires accessibles et bien dotés et 100 voire jusqu’à 1000 fois plus de décès parmi les enfants des pays pauvres.
La carence en vitamine A jouant un rôle majeur dans la sévérité de l’infection due à la rougeole et dans le développement d’une immunité suite au vaccin, lors des campagnes de vaccination, on distribue de la vitamine A aux enfants.
Bill Gates, une personne influente
L’influence de Bill Gates au sein de l’OMS est aussi patente.
Il y a quelques années, un mémorandum du directeur de projet de l’OMS sur le paludisme avait été rendu public et avait fait sensation dans la presse anglo-saxonne. Ce directeur avait fait une note interne à Margaret Chan, directrice de l’OMS, qui ne lui avait pas répondu pour lui faire part de sa préoccupation concernant l’influence croissante et néfaste de la fondation Bill Gates dans les plans de lutte contre les maladies les plus meurtrières dans les pays pauvres. Selon cet expert l’influence de la fondation faussait les priorités en matière de lutte contre ces maladies et empêchait le débat au sein de l’OMS et la compétition intellectuelle entre chercheurs attirés par l’argent proposé pour financer leurs recherches dans une sorte de cartel sous le contrôle de la fondation où celle-ci les maintenait enfermés (LA).
Car tandis que les Etats se montrent de moins en moins exigeants sur l’allocation de leurs contributions, les contributeurs privés, avec, en tête, Bill Gates et sa fondation, dont le rôle croît de facto dans la détermination des priorités à travers les contributions volontaires à objet désigné, prétendent de plus en plus réduire le rôle organisateur et de coordination de l’OMS, et le ramener à un simple rôle normatif des politiques de santé mondiales dans une vision parcellaire de la santé. De fait, ces contributions privées, de par leur rigidité, tendent à empêcher toute révision des orientations des politiques sanitaires afin de les mettre en adéquation avec les besoins réels des pays en développement, comme cela a été noté lors d’une consultation préalable au vote du budget de l’OMS en 2010.
Cela aboutit à la diminution des crédits pour ce qui concerne les maladies non transmissibles, qui dominent pourtant de plus en plus les problématiques de santé mondiales, et pour les programmes ayant pour objet la santé maternelle et infantile (ICI) .
Selon Paul Eisenberg, attaché de recherche à l’institut des politiques publiques de l’université de Georgestown, il risque d’y avoir d’autres milliardaires qui vont vouloir créer leur fondation. « Le danger pour notre démocratie-dit-il- c’est que nous allons avoir de plus en plus de ces méga-fondations dirigées par deux ou trois familles et qui vont dicter la manière dont les fonds doivent être dépensés… ».
Lorsqu’on observe le développement fulgurant de la fondation de Bill Gates, la manière dont le milliardaire essaye d’inciter les plus riches à donner pour ses « bonnes œuvres », on peut se demander si le risque ne serait pas plutôt de voir émerger sous peu une fondation en situation de monopole dans le domaine de la bienfaisance. Domaine qui, comme nous l’avons vu, tend à empiéter sur les politiques mondiales en matière de santé (LA).
Mais il n’y a pas de loi anti-trust dans le domaine de la bienfaisance. Est-ce un hasard si Bill Gates a décidé de quitter la direction de Microsoft et de s’investir dans les œuvres caritatives lorsque plusieurs de ses partenaires en affaires l’ont assigné en justice pour abus de position dominante ? (ICI)
Le problème, en ce qui concerne Bill Gates, c’est que s’il croit, peut-être, en la possibilité de réduire les effets de la pauvreté par des moyens techniques sophistiqués et grâce à l’innovation, Il croit sans doute encore plus à l’ultra-libéralisme économique, au rôle des multinationales et à la nécessité de leur laisser le champ libre pour engranger un maximum de bénéfices, même au détriment de l’éthique et des populations les plus pauvres.
Le problème c’est aussi que d’avoir le talent de s’enrichir à grande vitesse en investissant dans des secteurs à forte rentabilité au mépris du respect des droits de l’Homme ne le rend en rien légitime pour jouer un rôle majeur dans l’orientation des politiques sanitaires mondiales en s’asseyant sur la démocratie et en réduisant au silence ceux qui ne partagent pas son avis.
Interrogé sur ces sujets Bill Gates estimait que le rôle des philanthropes, même s’ils peuvent faire des erreurs, c’est de prendre des risques en matière de bienfaisance que les pouvoirs publics n’osent pas prendre.
Nous aurions envie de lui dire : «Très bien. Mais il y a un hic. C’est que les risques de vos idées « philanthropiques » et » innovantes » ce n’est pas vous qui les prenez. C’est aux populations que vous les faites prendre. Et surtout aux populations des pays pauvres ».