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    Alain, Système des beaux-arts + Préliminaires à l'esthétique + Vingt leçons sur les beaux-arts

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Lun 16 Jan - 16:27

    "
    -Alain, Système des beaux-arts,

    "On a rassemblé dans le présent recueil des Propos d'Esthétique qui sont, les uns antérieurs au Système [des beaux-arts] et qui y conduisent, les autres postérieurs au Système et qui le confirment sans s'y rattacher directement. Les difficultés qu'on y trouvera ne barrent point la route, au contraire elles montrent souvent plus d'un chemin ; et en effet il y a plus d'un chemin. Il ne faut pas se tromper au Système ; ce qu'on y aperçoit de vrai est un contact et une convenance de la prose avec les belles œuvres. Dès qu'on s'approche familièrement de l'édifice, de la statue ou du dessin, dès que les fières œuvres ne repoussent plus l'idée, la réflexion a fait tout ce qu'elle pouvait." (p.7)

    "Il s'agissait de faire la place du Beau dans l'Histoire des Hommes. Hegel m'y invitait par sa succession admirable : l'Art, la Religion, la Philosophie. C'était une partie de la doctrine de l'Esprit retrouvé dans la nature. Je ne tentai pas de refaire ce travail, un peu trop métaphysique pour mon goût. Ce que je cherchais, c'était exactement une physique des œuvres d'art, c'est-à-dire un moyen de saisir la beauté de près, et non pas comme signe d'autre chose, mais comme signe d'elle-même." (p.Cool

    [Cris chantés, 26 octobre 1907] - À la chasse, il est nécessaire que les chasseurs s'avertissent de loin ; ils ont commencé sans doute par crier en arrondissant leurs mains autour de leur bouche ; puis ils ont fait des porte-voix en écorce et en métal ; et là-dedans ils mugissaient en ne gardant de la voix ordinaire que l'aigu et le grave, joints à un rythme. C'est alors que la physique a réglé et comme filtré ces cris-là ; car un tuyau ne renforce pas également tous les sons, mais seulement ceux qu'on appelle harmoniques ; et, comme ceux-là s'entendaient mieux que les autres, on a appelé bons crieurs et maîtres dans l'art de crier ceux qui poussaient ces sons-là ; c'est ainsi que le porte-voix est devenu peu à peu trompette, cor de chasse, clairon, en même temps que l'art de crier devenait l'art de chanter ; toute notre musique est bâtie sur les notes que donne un clairon ou un cor de chasse. C'est dans ce qui nous entoure, dans la nature même qu'il faut chercher l'origine des institutions, et non dans les vieux papiers." (p.10)

    " [Concours de violons, 5 février 1909] - On fit [...] une expérience contre les préjugés. Deux violonistes firent entendre, dans l'obscurité, un lot de violons choisis, les uns jeunes et les autres vieux. Artistes et amateurs tendirent l'oreille et eurent à choisir six violons sur dix-huit. Toutes précautions étaient prises pour qu'on ne pût juger que sur le son. Il arriva que, parmi les six violons triomphateurs, il y eut, comme on pouvait s'y attendre, quatre illustres italiens d'un âge respectable, mais aussi un violon moderne qui n'avait pas cent ans et un autre qui n'avait pas un an. Ce résultat, que je n'avais pas prévu, m'a fait faire d'utiles réflexions.

    J'expliquais la supériorité des vieux italiens, comme tout le monde, en supposant d'abord que les luthiers d'autrefois avaient un tour de main et un art de choisir les bois ; ensuite que les années rendaient les violons meilleurs, parce que le bois devenait de plus en plus sec, et peut-être même assouplissait ses fibres à la musique.

    L'expérience dont il s'agit m'a fait considérer ces choses d'un œil plus froid. Il ne faut pas croire que les arts aient beaucoup changé au cours de l'histoire. Sans doute, autrefois comme aujourd'hui, les luthiers fabriquaient un beau violon de temps en temps, parmi des centaines de violons médiocres. Ce bon violon, fils de l'industrie et du hasard, était en ce temps-là à peu près ce qu'il est aujourd'hui ; c'est pourquoi il avait plus de chances que les autres de rester aux mains des artistes, d'être manié avec respect, d'être couché dans le velours, et ainsi de durer jusqu'à notre temps. Les autres, violons médiocres ou mauvais, sont sans doute tombés aux mains des violoneux ; ils ont péri dans quelque saoulerie.

    Il ne faut pas juger le temps passé d'après ses œuvres. On est tenté de croire que les artisans d'autrefois avaient de précieux secrets. Mais c'est peut-être trop supposer. Ils ont fait, sans doute, dans tous les temps comme aujourd'hui, un peu de tout, du médiocre, du passable, du beau aussi, par rencontre. Le Temps a choisi." (pp.13-14)

    " [La raison architecte, 4 mai 1909] - Nos cathédrales seraient bien laides si elles n'avaient pour nous plaire que les statues des saints et des rois, ou les monstres des gargouilles. Mais tous ces ornements faits pour plaire sont heureusement perdus dans l'ensemble. Ce sont les lignes tout à fait simples, sévères et dénudées de la grande nef qui sauvent tout. Moins une cathédrale est ornée, plus elle est belle quand elle est belle. Or ceux qui ont arrondi et entre-croisé ces arceaux à vingt mètres du pavé ne pensaient pas, je crois, à la beauté ; ils pensaient à la solidité ; ils ont rencontré le beau sans l'avoir cherché. [...] c'est la raison qui fut l'architecte." (p.18)

    " [Dessins d'enfants, 14 juillet 1909] - La source du beau est double ; il faut une chose, et il faut un homme. Quand un homme, par pur jeu, saisit une fleur, ou une branche, ou un oiseau, ou n'importe quoi, d'un trait de crayon ou de pinceau, c'est toujours vivant ; c'est quelquefois beau. Pourquoi c'est beau, quand c'est beau, on n'en sait rien. Je croirais assez que c'est un mouvement de joie, sain, libre, décidé, hardi, qui fait le beau ; on dirait bien que c'est l'amitié d'un homme et d'une chose qui fait le beau. L'essentiel c'est une perception ingénue d'un objet naturel.

    Tout ce qui est appris, tout ce qui est copié sur la perception d'un autre fait pitié. Ce sont des arrangements de rhéteur, des maquillages, des flots de rubans pour plaire aux autres, non pour se plaire à soi." (p.23)

    " [Bijoux et armures, 14 juillet 2011] - D'où vient cette mode, si ancienne, des bagues, bracelets et colliers ? Si l'on ne considérait que les colliers et les bracelets, on pourrait croire que ce furent des signes d'esclavage ; et il serait difficile de comprendre comment on arriva à les porter volontairement et avec plaisir, comme signes de puissance et de richesse. Et, du reste, cette interprétation n'explique pas les bagues, ni les boucles d'oreilles.

    Mais si l'on prend tous ces ornements comme d'anciennes armures, tout s'explique assez bien. La gorge est un des points vulnérables du corps, de là les colliers. Mais il y a sous l'oreille et au-dessus des colliers, un point encore vulnérable, où l'on sent battre les artères carotides ; et des plaques d'or ou de métal, pendues 'aux oreilles, pouvaient arrêter ou détourner une flèche ou une sagaie. Enfin les coups de tranchant sur le poignet et sur les doigts mutilaient l'ennemi pour toujours, parce que les tendons coupés se rétractent et qu'ainsi la cicatrisation ne les répare point ; ce furent donc des blessures redoutées, contre lesquelles, bien avant le gantelet de fer, on trouva les bagues minces en dessous, élargies et allongées en dessus, comme on les fait encore, et les bracelets, surtout à plusieurs cercles, qui protégeaient sans paralyser. Ces armures furent précieuses et désirées, en même temps qu'elles furent les signes du courage et de la force, puisqu'elles étaient portées par les guerriers. Chez nous l'épaulette, qui fut d'abord une espèce d'armure contre les coups de sabre, est encore un ornement et un insigne." (pp.29-30)

    " [Sur le roman, 13 octobre 1911] - Le réel tout seul est bien plus dramatique, bien plus symbolique, bien plus enseignant que n'importe quelle fiction, mais autrement. Non pas par l'enchaînement, la préparation, l'histoire des individus, la reconstruction enfin que l'on admire dans Britannicus, modèle du genre ; mais au contraire par la surprise, par la rupture des idées, par les abîmes d'ombre, par les rafales, par la présence de l'univers sournois ; par la marche du temps aussi, qui est réglée, qui emporte d'un même mouvement toutes les choses de ce monde, sans un retour, sans un arrêt." (p.34)
    -Alain, Préliminaires à l'esthétique, Gallimard, coll. "NRF", version numérique "Les classiques des sciences sociales" (1939 pour la première édition) 306 pages.

    "
    -Alain, Vingt leçons sur les beaux-arts,


    _________________
    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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