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    Friedrich Engels, La situation de la classe laborieuse en Angleterre + L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Friedrich Engels, La situation de la classe laborieuse en Angleterre + L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat Empty Friedrich Engels, La situation de la classe laborieuse en Angleterre + L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat

    Message par Johnathan R. Razorback Mar 6 Jan - 15:53

    « Il constitue une étape dans l'élaboration du marxisme, c'est-à-dire de notre compréhension de la société. » (p.4)

    « Lorsqu'il écrit La Situation de la classe laborieuse, Engels a vingt-quatre ans ; il est issu d'une famille de riches cotonniers de Barmen, en Rhénanie, la région industrielle la plus avancée d'Allemagne, et son père est associé à une entreprise de textiles, la maison Ermen & Engels, qui se trouve au cœur de la région économique anglaise la plus importante de l'époque, à Manchester. Le jeune Engels, face aux horreurs du capitalisme industriel naissant et par réaction contre l'étroitesse et le pharisaïsme de son éducation piétiste, s'engage, dans la voie des jeunes intellectuels progressistes allemands formés dans la tradition philosophique alors dominante dans les milieux cultivés d'Allemagne et tout comme Karl Marx, de quelques années son aîné, il devient « hégélien de gauche »; son adhésion précoce aux idées communistes le pousse à collaborer aux divers périodiques et revues où la gauche allemande s'efforce de formuler sa critique de la société existante. La décision de s'installer pour quelque temps en Angleterre émane-t-elle de lui ou de son père ? On ne sait. Ils ont sans doute des raisons différentes d'approuver ce projet : le père veut tenir son révolutionnaire de fils à l'écart des agitations allemandes et faire de lui un solide homme d'affaires ; le fils tient à être plus près du centre du capitalisme et de ces grands mouvements du prolétariat britannique d'où va surgir, pense-t-il, la révolution décisive du monde moderne. Il part pour l'Angleterre, en automne 1842 (c'est au cours de son voyage qu'il rencontre Marx pour la première fois). Il va y rester près de deux ans, à observer, étudier et exprimer ses idées. Sans doute travaille-t-il à son livre dès les premiers mois de 1844. Mais, c'est après son retour à Barmen, au cours de l'hiver 1844-1845 qu'il en rédige l'essentiel. L'ouvrage paraît à Leipzig, dans l'été 1845. » (p.4)

    « Engels fait ici œuvre de pionnier, puisque La Situation est probablement la première étude importante dont l'argument repose tout entier sur cette notion de révolution industrielle, aujourd'hui admise mais qui n'était alors qu'une hypothèse hardie, élaborée dans les cercles socialistes français et anglais des années vingt. » (p.5)

    « P. MANTOUX : La Révolution industrielle au XVIII° siècle, Paris, Génin, 1905; réédité en 1959, daté, mais excellent. » (note 7 p.5)

    « Le capitalisme précipite brusquement la jeune classe ouvrière, souvent composée d'immigrants venus de pays non développés et pré-industriels, tels que l'Irlande, dans une sorte d'enfer social où les travailleurs sont exploités sans répit, mal payés, réduits à la famine, abandonnés, condamnés à vivre dans des taudis sordides, méprisés et opprimés non seulement en vertu du jeu impersonnel de la concurrence, mais aussi directement par la bourgeoisie qui, en tant que classe, les considère comme des choses et non comme des hommes, comme du « travail », de la « main-d'œuvre » et non comme des êtres humains (chapitre XII). Fort de la législation bourgeoise, le capitaliste impose sa discipline à l'usine, distribue des amendes, fait jeter les travailleurs en prison, les soumet à ses moindres désirs. La bourgeoisie en tant que classe organise une discrimination sociale défavorable aux travailleurs, élabore la théorie malthusienne de la population et les contraint à subir les cruautés de la Nouvelle Loi sur les Pauvres, loi malthusienne de 1834 qui les force à entrer dans les ateliers de charité - ces « bastilles de la loi sur les pauvres » - lorsqu'ils demandent à être secourus, et sépare hommes, femmes et enfants; il s'agit de rendre l'assistance si horrible que le travailleur préférera accepter le premier emploi, si rebutant soit-il, que lui offrira le capitaliste. Toutefois, cette déshumanisation va maintenir les travailleurs hors d'atteinte de l'idéologie et des illusions bourgeoises -de l'égoïsme, de la religion et de la morale bourgeoises, par exemple- tandis que l'industrialisation et le mouvement de concentration urbaine vont peu à peu, en les regroupant, leur donner une idée de leur puissance. » (pp.6-7)

    « Cette crise, Engels croit, en 1844, qu'elle peut se développer de deux façons : ou bien la concurrence américaine (ou peut être allemande) viendra mettre fin au monopole industriel de la Grande-Bretagne et précipiter une situation révolutionnaire; (c'est déjà un exploit remarquable que d'avoir dès cette époque discerné dans ces deux nations les rivales les plus dangereuses de l'Angleterre), ou bien la polarisation de la société suivra son cours jusqu'au moment où les ouvriers, constituant désormais la grande majorité de la nation, prendront conscience de leur force et s'empareront du pouvoir. Cependant, étant donné la situation intolérable des travailleurs et l'existence des crises économiques, une révolution devrait se produire avant que ces tendances aient eu leur plein effet. Engels compte qu'elle éclatera entre les deux prochaines dépressions économiques, c'est-à-dire entre 1846-1847 et 1854-1855. Malgré son manque de maturité, l'œuvre d'Engels possède des qualités scientifiques absolument remarquables. Ses défauts sont ceux de la jeunesse, et dans une certaine mesure, d'un manque de perspective historique. Ses prédictions pèchent évidemment par excès d'optimisme : sans parler de la révolution qu'il voyait imminente, l'élimination de la petite bourgeoisie anglaise et l'essor de l'industrie américaine, par exemple, devaient se concrétiser bien plus lentement qu'il ne le croyait en 1844. Mais ces deux dernières prédictions étaient fondées. En Angleterre les employeurs représentaient, en 1951, 2 % de la population active, les gérants, administrateurs, etc., 3,7 %, les fermiers, artisans, boutiquiers - bref, la petite bourgeoisie au sens classique du terme - 5,3 % ; les salariés : 87 %. En 1844, la population était loin de révéler une telle polarisation. » (p.7)
    -E. J. Hobsbawm, préface à Friedrich Engels, La situation de la classe laborieuse en Angleterre, 1845, Les classiques des sciences sociales, 270 pages.

    « Engels n'a pas écrit cette histoire sociale de l'Angleterre qu'il projetait. » (note 40 p.13)

    « Si les conditions de vie du prolétariat en Allemagne n'ont pas atteint ce degré de classicisme qu'elles connaissent en Angleterre, nous avons à faire au fond au même ordre social qui aboutira nécessairement, tôt ou tard, au point critique atteint outre-Manche - au cas où la perspicacité de la nation ne permettrait pas à temps de prendre des mesures donnant à l'ensemble du système social une base nouvelle. Les causes fondamentales qui ont provoqué en Angleterre la misère et l'oppression du prolétariat, existent également en Allemagne et doivent nécessairement provoquer à la longue les mêmes résultats. » (p.13)

    « Engels fait allusion aux soulèvements de tisserands de 1844. En Silésie la troupe intervint, notamment à Langenbielau, et écrasa la révolte dans le sang. En Bohême, la même année, dans les districts de Leitmeritz et de Prague les ouvriers prirent d'assaut les fabriques textiles et détruisirent les machines. » (note 42 p.13)

    « L'histoire de la classe ouvrière en Angleterre commence dans la seconde moitié du siècle passé, avec l'invention de la machine à vapeur et des machines destinées au travail du coton. On sait que ces inventions déclenchèrent une révolution industrielle qui, simultanément, transforma la société bourgeoise dans son ensemble et dont on commence seulement maintenant à saisir l'importance dans l'histoire du monde. L'Angleterre est la terre classique de cette révolution qui fut d'autant plus puissante qu'elle s'est faite plus silencieusement. C'est pourquoi l'Angleterre est aussi la terre d'élection où se développe son résultat essentiel, le prolétariat. » (p.15)

    « Les ouvriers vivaient une existence tout à fait supportable et ils menaient une vie honnête et tranquille en toute piété et honorabilité; leur situation matérielle était bien meilleure que celle de leurs successeurs; ils n'avaient nullement besoin de se tuer au travail, ils n'en faisaient pas plus qu'ils n'avaient envie, et ils gagnaient cependant ce dont ils avaient besoin, ils avaient des loisirs pour un travail sain dans leur jardin ou leur champ, travail qui était pour eux un délassement, et pouvaient en outre participer aux distractions et jeux de leurs voisins; et tous ces jeux : quilles, ballon, etc. contribuaient au maintien de leur santé et à leur développement physique. C'étaient pour la plupart des gens vigoureux et bien bâtis dont la constitution physique était bien peu ou pas du tout différente de celle des paysans, leurs voisins. Les enfants grandissaient au bon air de la campagne, et s'il leur arrivait d'aider leurs parents dans leur travail, cela ne se produisait que de temps à autre, et il n'était pas question d'une journée de travail de 8 ou 12 heures. Le caractère moral et intellectuel de cette classe se devine aisément. A l'écart des villes, où ils ne se rendaient jamais, puisqu'ils livraient le fil et le tissu à des commis itinérants contre paiement du salaire, tellement isolés dans leur campagne que des gens âgés qui habitaient à proximité des villes ne s'y étaient cependant jamais rendus, jusqu'au moment où le machinisme les dépouilla de leur gagne-pain et où ils furent contraints de chercher du travail en ville. Leur niveau intellectuel et moral était celui des gens de la campagne, avec lesquels d'ailleurs ils étaient en outre le plus souvent directement liés par leur petit fermage. Ils considéraient leur squire - le propriétaire terrien le plus important de la région - comme leur supérieur naturel, ils lui demandaient conseil, lui soumettaient leurs petites querelles et lui rendaient tous les honneurs que comportaient ces rapports patriarcaux. C'étaient des gens « respectables » et de bons pères de famille ; ils vivaient selon la morale, parce qu'ils n'avaient aucune occasion de vivre dans l'immoralité, aucun cabaret ni maison malfamée ne se trouvant à proximité, et que l'aubergiste chez qui ils calmaient de temps à autre leur soif, était également un homme respectable et, le plus souvent, un grand métayer faisant grand cas de la bonne bière, du bon ordre et n'aimant pas veiller tard. Ils gardaient leurs enfants toute la journée à la maison et leur inculquaient l'obéissance et la crainte de Dieu; ces rapports familiaux patriarcaux subsistaient tant que les enfants n'étaient pas mariés; les jeunes gens grandissaient avec leurs camarades de jeux dans une intimité et une simplicité idylliques jusqu'à leur mariage, et même si des rapports sexuels avant le mariage étaient chose presque courante, ils ne s'établissaient que là où l'obligation morale du mariage était reconnue des deux côtés, et les noces qui survenaient bientôt remettaient tout en ordre. Bref les ouvriers industriels anglais de cette époque vivaient et pensaient tout comme on le fait encore en certains endroits d'Allemagne, repliés sur eux-mêmes, à l'écart, sans activité intellectuelle et menant une existence sans à-coups brutaux. Ils savaient rarement lire et encore moins écrire, allaient régulièrement à l'église, ne faisaient pas de politique, ne conspiraient pas, ne pensaient pas, prenaient plaisir aux exercices physiques, écoutaient la lecture de la Bible avec un recueillement traditionnel, et s'accordaient fort bien, humbles et sans besoins, avec les classes sociales plus en vue. Mais en revanche, ils étaient intellectuellement morts ; ils ne vivaient que pour leurs intérêts privés, mesquins, pour leur métier à tisser et leur jardin et ignoraient tout du mouvement puissant qui, à l'extérieur, secouait l'humanité. Ils se sentaient à l'aise dans leur paisible existence végétative et, sans la révolution industrielle, n'auraient jamais quitté cette existence d'un romantisme patriarcal, mais malgré tout indigne d'un être humain. Le fait est que ce n'étaient pas des hommes mais de simples machines, travaillant au service des quelques aristocrates qui avaient jusqu'alors dirigé l'histoire ; la révolution industrielle n'a rien fait d'autre que de tirer la conséquence de cette situation en réduisant tout à fait les ouvriers au rôle de simples machines et en leur ravissant les derniers vestiges d'activité indépendante, mais en les incitant, précisément pour cette raison, à penser et à exiger de jouer leur rôle d'hommes. Si, en France, cela avait été le fait de la politique, ce fut en Angleterre l'industrie - et d'une manière générale l'évolution de la société bourgeoise - qui entraîna dans le tourbillon de l'histoire les dernières classes plongées dans l'apathie à l'égard des problèmes humains d'intérêt général. » (pp.15-16)
    -Friedrich Engels, La situation de la classe laborieuse en Angleterre, 1845, Les classiques des sciences sociales, 270 pages.


    http://www.marxists.org/francais/engels/works/1884/00/fe18840000.htm




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