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    Arthur Chevallier, Pourquoi la révolution n’aura pas lieu

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Arthur Chevallier, Pourquoi la révolution n’aura pas lieu Empty Arthur Chevallier, Pourquoi la révolution n’aura pas lieu

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 29 Mar - 16:03

    https://www.msn.com/fr-fr/actualite/other/pourquoi-la-r%C3%A9volution-n-aura-pas-lieu/ar-AA19bPOD?ocid=msedgdhp&pc=U531&cvid=b754a9ad344a498bb930d8fe1f2371b0&ei=20

    "Rien n'est plus douloureux qu'échouer à devenir soi-même. En dépit d'efforts et de certitudes, d'énergie concentrée en un point fixe et déterminé, la vie, parfois, résiste. La France insoumise se découvre la version parodique d'un parti révolutionnaire. Son ambiguïté relativement à l'usage de la violence la pousse à devenir soit immorale, soit inaudible. Emmanuel Macron dénonçait, ce week-end, un parti dont le projet consistait à délégitimer les institutions. C'était lui faire beaucoup d'honneur. En réalité, les membres députés Insoumis seront bientôt les derniers en France à croire qu'ils font de la politique.

    En se mettant volontairement à la marge de la Ve République ? ils en réclament d'ailleurs la fin ?, ils ont parié sur l'insurrection. Dit autrement, leur chef de file, à l'affût, a cultivé la dissidence afin d'être certain de récupérer un mouvement populaire dont l'ampleur aurait permis un renversement du pouvoir. La réforme des retraites est un exemple, les Gilets jeunes en sont un autre. Il est, en dépit de ces efforts, rejeté par une rue dont il se rêve le champion. Pourquoi ? Le disciple du militant révolutionnaire Pierre Lambert a en réalité oublié les leçons les plus élémentaires du trotskysme. De façon à la fois curieuse et passionnante, les causes de ces échecs révèlent à elles seules la défaillance du logiciel idéologique dont la gauche s'est dotée pour conquérir à nouveau le pouvoir. Elles démontrent aussi combien la France est loin, très loin, d'une révolution.

    Dans Ma vie, autobiographie parue en 1930 (dix ans avant sa mort), premier livre écrit pendant son exil, Léon Trotsky revenait sur les trente premières années de son engagement, au cours desquelles il a passé beaucoup de temps en prison, en déportation dans l'extrême nord-est de la Russie, en exil. Chose surprenante, ça n'a pas été, toute proportion gardée, si terrible que ça. Il en a profité pour lire, écrire, apprendre. Lui-même admet ne pas avoir souffert outre mesure : « Les cellules n'étaient pas fermées dans la journée ; les promenades se faisaient en commun. Nous passions des heures à jouer avec entrain à saute-mouton. »

    Alors que le régime tsariste était loin d'être laxiste, pourquoi la police, les geôliers, bref les fonctionnaires dont la mission consistait à surveiller les prisonniers se sont-ils montrés si ce n'est bienveillants, à tout le moins conciliants ? La monarchie poursuivait son cours dans le silence et l'isolement tandis que la force publique dont elle était supposée disposer disparaissait. En 1907, il écrit : « Le sous-off qui était de faction [?] déclamait des poésies révolutionnaires tout récemment parues. [?] Les autorités pénitentiaires nous traitaient avec les plus grandes prévenances : car les poids de la révolution et de la contre-révolution oscillaient encore et l'on ne savait pas quel plateau de la balance prendrait sur l'autre. L'officier qui commandait le convoi commença par nous montrer un papier de ses chefs qui l'autorisait à ne pas nous passer les menottes, mesure pourtant exigée par la loi. » Il poursuit ainsi pendant des lignes et des lignes. Ce qui mène à une conclusion naturelle : avant de se produire dans la rue, la révolution s'était, dix ans avant 1917, produite dans les têtes. Rien de tel en France, où la police, la gendarmerie, l'armée et en général les corps de l'administration poursuivent leur tâche avec conscience et dévouement.

    La République, même mise à l'épreuve, continue d'exercer un pouvoir de séduction considérable, pour des raisons d'ailleurs bonnes et évidentes. Emmanuel Macron a raison de désigner Jean-Luc Mélenchon comme un individu désireux de détourner les voies légales d'accession au pouvoir, même si c'est en faire grand cas dans la mesure où nous assistons précisément à l'échec de sa stratégie. La raison en est simple : il n'est pas parvenu, en dépit de coups d'éclat électoraux et médiatiques, à constituer la moindre homogénéité dans la nature des revendications, oubliant, là encore, les leçons élémentaires de son maître Trotsky. Cela explique l'éparpillement et la fragmentation des mobilisations.

    Autrement dit : même si une majorité est mécontente, les individus qui la composent le sont pour des raisons différentes. Ils ne sont pas plus d'accord quant aux solutions à apporter. La France insoumise éructe contre la « monarchie présidentielle », voue la Ve République aux gémonies, répète que le régime est à bout de force, pour autant elle se montre incapable de constituer autre chose qu'une minorité. La réforme des retraites inaugure peut-être une nouvelle ère démocratique, elle signe en revanche l'effondrement de La France insoumise et l'échec définitif de sa stratégie d'inspiration insurrectionnelle. Le clientélisme électoral l'aura poussée à flatter des intérêts et des convictions contradictoires au sein même de ses sympathisants. Démontrant ainsi qu'elle n'est qu'une section dominée par des opportunistes au cynisme douteux, dont plus personne, pas même la révolution, ne veut."
    -Arthur Chevallier, "Pourquoi la révolution n’aura pas lieu", Le Point, 29 août 2023: https://www.msn.com/fr-fr/actualite/other/pourquoi-la-r%C3%A9volution-n-aura-pas-lieu/ar-AA19bPOD?ocid=msedgdhp&pc=U531&cvid=b754a9ad344a498bb930d8fe1f2371b0&ei=20



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