"En cette belle journée d’été, ils sont nombreux à emprunter le sentier qui serpente depuis le lac de barrage de Schlegeis, dans le Tyrol autrichien, pour rejoindre le refuge de l’Olperer situé 600 mètres plus haut. Si cet «environnement sauvage offre de multiples possibilités de longues randonnées en solitaire» apprend-on dans l'article, ce n'est pourtant pas pour cette raison que la plupart des visiteurs, plus de 100 000 chaque été, fait le déplacement.
L'explication et véritable objectif des promeneurs se trouve en effet à une centaine de mètres de là, où l'on découvre «un pont suspendu, en bois et en métal, qui enjambe un torrent», de son vrai nom le Kebema Panoramabrücke. Il est devenu le plus photographié du pays sur Instagram à l'été 2019 à en croire l'office du tourisme de la vallée de Zillertal, valorisé notamment à l'occasion de la publication, en juin dernier, du cliché d'une influenceuse y posant «en robe d’été rouge, pieds nus, coiffée d’un chapeau de paille et le regard perdu dans le lointain».
Repartagé un grand nombre fois en l'espace de quelques mois, le post cumule aujourd'hui plusieurs dizaines de milliers de likes et en appelle des centaines d'autres depuis. «Les pouvoirs publics ont très bien compris qu’ils pouvaient se servir des réseaux sociaux comme des outils de promotion territoriale, commente le géographe Victor Piganiol, c’est une nouvelle manière de partager l’espace.»
La promotion du territoire sur les réseaux
Basé à Bordeaux, ville par ailleurs devenue son terrain d'enquête, l'enseignant d’histoire-géographie dans le secondaire et doctorant en géographie à l’université Bordeaux-Montaigne y fait état d'une stratégie de «marketing territorial et urbain» qui passe notamment par le réseau social Instagram. «Chaque semaine, vous avez une story sur le compte de la ville de Bordeaux pour promouvoir le marché des capucins par exemple. Aujourd'hui, toutes les métropoles françaises ont des comptes Instagram et préfèrent se servir de ces outils plutôt que de subir ses effets.»
Repartagé un grand nombre fois en l'espace de quelques mois, le post cumule aujourd'hui plusieurs dizaines de milliers de likes et en appelle des centaines d'autres depuis. «Les pouvoirs publics ont très bien compris qu’ils pouvaient se servir des réseaux sociaux comme des outils de promotion territoriale, commente le géographe Victor Piganiol, c’est une nouvelle manière de partager l’espace.»
La promotion du territoire sur les réseaux
Basé à Bordeaux, ville par ailleurs devenue son terrain d'enquête, l'enseignant d’histoire-géographie dans le secondaire et doctorant en géographie à l’université Bordeaux-Montaigne y fait état d'une stratégie de «marketing territorial et urbain» qui passe notamment par le réseau social Instagram. «Chaque semaine, vous avez une story sur le compte de la ville de Bordeaux pour promouvoir le marché des capucins par exemple. Aujourd'hui, toutes les métropoles françaises ont des comptes Instagram et préfèrent se servir de ces outils plutôt que de subir ses effets.»
Des accusations qu'il convient toutefois de nuancer poursuivent les journalistes selon qui, «une part importante des sites qui se plaignent de l’afflux de visiteurs que provoquerait le réseau social n’ont pas attendu l’invention de la perche à selfie pour connaître les dégâts du tourisme et du sur-tourisme.» Le spécialiste de la ville numérique et co-créateur du cabinet de conseil en prospective urbaine Pop-Up Urbain Philippe Gargov partage cet avis et rappelle pour sa part qu'«Instagram matérialise des dynamiques qui existaient déjà depuis longtemps et vient compléter une manière de témoigner de l'attractivité d'un lieu.»
«Instagram permet de réinvestir certains lieux et d'en porter d'autre à la connaissance des habitants et touristes, abonde encore Victor Piganiol. On parle souvent du sur-tourisme provoqué par Instagram mais le réseau permet aussi d'éclater les flux. Autrement dit de révéler des lieux d'intérêts sur un territoire pour sortir des sentiers battus et ainsi réguler la pression touristique.»
Le vécu des lieux
À la question de savoir ce qu'Instagram «fait» finalement à la ville, Philippe Gargov tend à considérer que le réseau constitue une nouvelle manière de s'approprier une esthétique urbaine. Il s'en explique : «Prenez le courant du brutalisme. C'est une architecture largement revalorisée aujourd'hui sur Instagram alors qu'elle était regardée de manière négative pendant un temps. Sa mise en valeur par des photographes aguerris a contribué à la ré-appropriation d'un bâti laissé en jachère.»
Si le réseau ne «créé pas des envies de toutes pièces» comme le formule Philippe Gargov qui rappelle que l'algorithme d'Instagram amène l'utilisateur à suivre des contenus proches de ses intérêts déjà enregistrés par la plateforme, il peut toutefois permettre de renouveler le regard porté sur la ville, pour ceux qui s'y intéressent.
Considéré par d'aucuns comme futile au regard de sa dimension très esthétique, Instagram pourrait, au contraire, servir de révélateur des pratiques, des usages et des attentes des habitants d'une ville. À titre d'exemple, le réseau pourrait motiver l'aménagement d'une aire de jeux, l'implantation de bancs là où les citadins ont pris l'habitude de s'installer ou encore la valorisation d'un mur de street-art maintes fois photographié. «En plus de l'expertise des concepteurs de nos villes, il est aujourd'hui nécessaire de prendre en compte le vécu des lieux par tous les usagers, assure ainsi Philippe Gargov, aussi bien pour les promoteurs que pour les pouvoirs publics.»
-Marie Crabié, Comment Instagram bouscule la géographie de nos territoires, 19 novembre 2021 : https://tema.archi/articles/comment-instagram-bouscule-la-geographie-de-nos-territoires-1