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    Cecile Gintrac, « Géographie critique, géographie radicale : Comment nommer la géographie engagée ? »

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Cecile Gintrac, « Géographie critique, géographie radicale : Comment nommer la géographie engagée ? » Empty Cecile Gintrac, « Géographie critique, géographie radicale : Comment nommer la géographie engagée ? »

    Message par Johnathan R. Razorback Sam 20 Fév - 15:38

    https://www.franceculture.fr/personne/cecile-gintrac

    "Avec Loïc Wacquant, on peut commencer par affirmer qu’il existe deux acceptions principales de la notion de critique : une acception « kantienne », qui « désigne l’examen évaluatif des catégories et des formes de connaissance afin d’en déterminer la validité et la valeur cognitives » et une acception marxienne qui « se donne pour tâche de porter au jour les formes cachées de domination et d’exploitation (…) afin de faire apparaître, en négatif, les alternatives qu’elles obstruent et excluent » (Wacquant, 2001). Mais si l’on s’en tient au sens kantien, on pourrait convenir que tous les chercheurs adoptent un positionnement critique, condition même de toute démarche scientifique. C’est peut-être en combinant ces deux définitions que l’on peut appréhender ce qu’est une pensée critique. Celle‑ci se situerait à la confluence des deux traditions et « allierait donc critique épistémologique et critique sociale, en questionnant, de manière constante, active et radicale, les formes établies de pensée et les formes établies de vie collective » (Wacquant, 2001)."

    "L’émergence de la géographie radicale est aisément identifiable dans le temps et l’espace. La géographie radicale est née au tournant des années 1960 et 1970, aux États-Unis. Lors d’un entretien pour la revue Vacarme, David Harvey revient sur la naissance de ce qui relève alors encore davantage d’un mouvement spontané que d’un courant institué.

    « L’expression « géographie radicale » est apparue à la fin des années 1960. À l’époque, la géographie traditionnelle était encore étroitement liée aux pratiques militaires et impérialistes. De jeunes géographes — Doreen Massey en Grande Bretagne, la revue Antipode aux États-Unis, etc. — cherchaient à fonder un courant de gauche à l’intérieur de la discipline. Nous étions fortement marqués par le discours anti‑colonial, les guerres anti-impérialistes et les luttes anti-capitalistes, mais nos cultures politiques respectives étaient trop différentes pour pouvoir être englobées sous le qualificatif de « marxiste » ou d’« anarchiste ». L’expression « géographie radicale » était plus accueillante à la diversité de nos engagements. » (Harvey, 2012, p. 220)."

    "À partir de 1972, Antipode devient plus explicitement marxiste et, comme le rappelle D. Harvey « la revue a déclenché des prises de position tranchées aux États-Unis lors de congrès nationaux et a donné naissance à un groupe, les géographes socialistes »."

    "Le terme radical n’a pas jamais été « importé » tel quel en France. Dans son Histoire de la géographie, Paul Claval affirme, sans entrer dans les détails, qu’« en France, où le marxisme a cessé d’être professé par la plupart des géographes français, ces travaux ne suscitent qu’un intérêt limité. » (2008, p. 104). Il fait ici référence à la génération des géographes liés au Parti Communiste Français mais qui n’ont pas pour autant développé une géographie spécifiquement marxiste. David Harvey y fait d’ailleurs référence dans un entretien avec la New Left Review, traduit en 2010 dans l’ouvrage Géographie et Capital :

    « Il existait une autre école en France, qui était plus influente sur le plan institutionnel (…), et qui était liée au parti communiste : son représentant le plus connu était Pierre George. Cette école était très bien implantée dans l’institution universitaire, et contrôlait dans une large mesure les nominations. Ils pratiquaient une géographie qui n’était pas du tout ouvertement politisée3 ». (Harvey, 2010, p. 89)

    C’est ce que confirme Joël Pailhé dans son article de 2003. Celui-ci préfère parler d’ « empreinte marxienne » plutôt que de géographie marxiste, en constatant la faiblesse quantitative de leurs références à Marx, « que l’on ne peut sérieusement mettre au compte d’une éventuelle « répression » de l’appareil universitaire » (2003, p. 55)."

    "Claude Bataillon a étudié cette génération à travers une série d’entretiens réalisés auprès de Raymond Guglielmo, Bernard Kayser, Yves Lacoste, André Prenant, Michel Rochefort, tous nés entre 1923 et 1927 et ayant tous appartenu au Parti communiste Français."

    "Dans un registre proche, « une autre revue française à caractère critique celle-là, lancée en 1975, s’est, pendant quelques années, réclamée plus ouvertement du marxisme ». (De Koninck, 2004, p. 185). La revue Espaces‑Temps est intéressante car son sous-titre - « revue française de géographie critique »- semble être la première occurrence du terme « géographie critique » en français. À peu près au même moment, en 1975, des géographes espagnols créent la revue Geocritica, qui se revendique comme critique. Dans les deux cas cependant, il semble bien que le terme critique s’entende avantage comme une rupture face aux théories géographiques dominantes et un appel au renouvellement de la discipline qu’un véritable appel à l’engagement. Les références marxistes n’étaient pas absentes mais pas toujours pleinement revendiquées, ce qui était au contraire la pratique courante dans la revue Hérodote. C’est d’ailleurs ce que souligne Jacques Lévy dans son entretien pour la revue Carnets de géographes, en rappelant que si lui-même était nourri de théories marxistes, ce n’était pas particulièrement le cas de Christian Grataloup, co‑fondateur de la revue.

    Malgré les proximités, l’examen de ces différents courants de la géographie ne semble pas permettre d’appliquer pleinement l’appellation « géographie radicale » au contexte français contemporain des années 1970. Ces publications relèveraient donc plutôt d’une géographie critique, même si les acteurs principaux de ces publications ont, pour la plupart, rompu avec le marxisme au tournant des années 1980
    ."

    "Comme la géographie radicale, la géographie critique a en effet pour ambition de participer à transformer le monde qu’elle décrit (Berg, 2010)6. La déclaration d’intention du groupe du Groupe international de géographie critique, créé en 1997 dans le but d’organiser une conférence internationale, affiche clairement la volonté de s’engager auprès des mouvements sociaux (International Critical Geography Group). Il y a donc de fait une certaine proximité. Mais la géographie critique se distingue de la géographie radicale actuelle par son éclectisme. L’ambition émancipatrice est en effet partagée par « une large coalition de d’approches géographiques progressistes de gauche » (a broad coalition of Left- progressive approaches to the study of Geography’) (Berg, 2010). La géographie critique se veut plurielle : géographie des minorités, géographie féministe, géographie postcoloniale, mais aussi nouvelle géographie économique.

    Ces approches, nées « dans le giron de la géographie radicale », sont également le produit plus ou moins direct et assumé des théories postmodernistes (Collignon, 2001, p. 135). Dans les années 1980, le rejet des excès structuralistes a conduit à la marginalisation progressive de la géographie radicale et à l’émergence d’une géographie critique, qui, quoique toujours proche de l’économie politique de Marx, ne se réduisait plus à une analyse de classe.

    Dans le monde anglophone, la géographie critique a donc en quelque sorte pris le relais de la géographie radicale tout en élargissant les approches et les objets considérés."

    "Contexte général où « le marxisme a perdu l’hégémonie intellectuelle dont il disposait autrefois sur la gauche. Il n'est plus le langage dominant dans lequel s'énonce la contestation » (Keucheyan, 2011)."

    "Cette dé-radicalisation est aussi soulignée par David Harvey :

    « Après 1989 – à une époque où il était de bon ton d'enterrer le marxisme – ceux qui, comme moi, réservaient une place centrale à la critique anti- capitaliste se sont vus de plus en plus marginalisés dans le champ de la « géographie critique ». Pour cette raison, je n'aime plus beaucoup cette expression. Il m'est souvent arrivé de demander de quoi la géographie critique fait désormais la critique… sinon celle des autres géographes. Je préfère en rester à l'idée de « géographie radicale » (2011)."

    "L’idée même d’une géographie critique « intégrée » (au sens situationniste de la « subversion intégrée », utile à la reproduction de la société capitaliste) affleure à plusieurs reprises."
    -Cecile Gintrac, « Géographie critique, géographie radicale : Comment nommer la géographie engagée ? », Carnets de géographes [En ligne], 4 | 2012, mis en ligne le 01 septembre 2012, consulté le 20 février 2021. URL : http://journals.openedition.org/cdg/1241 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cdg.1241




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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

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