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    Peter Thomas, « Gramsci et le politique »

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Date d'inscription : 12/08/2013
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    Peter Thomas, « Gramsci et le politique » Empty Peter Thomas, « Gramsci et le politique »

    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 26 Oct - 13:46



    "Gramsci ne propose pas de théorie « du » politique en tant que tel, chez lui plus introuvable encore que ne l’est sa « théorie générale de la politique ». Il s’efforce au contraire de fournir une analyse de la « production », ou plus exactement de « la constitution du politique » — constitution dans un sens à la fois actif et formalisé — en tant que rapport social distinct dans le cadre de ce que Les Cahiers de prison appellent « l’État intégral » bourgeois. L’« hégémonie » décrit le processus de cette constitution, ou la manière dont des pratiques politiques historiquement identifiables (les rapports sociaux de communication, de coordination et d’organisation du projet d’une classe ou d’un groupe social particuliers) en sont venues à définir la nature de « la politique » en tant que telle, ou en tant que sa « distillation » politico-philosophique. Cette analyse en vient à son tour à fonder une tentative de penser la possibilité d’une notion d’un politique « d’un genre entièrement différent » (pour paraphraser la description léninienne du statut du pouvoir soviétique dans « l’interrègne du double pouvoir » de 1917), notion et pratique « du politique » qui permettraient la formation de ce que Gramsci appelle une « société autorégulée ».

    Au centre de cette analyse se trouvent trois grandes lignes générales de recherche du projet gramscien des Cahiers de prison, les deux derniers étant lus à travers le prisme du premier : (i) une théorie non-essentialiste de la « traduisibilité » entre les pratiques sociales ; (ii) une définition antimétaphysique de la philosophie ; et (iii) une critique de la relation intégrale entre toute philosophie jusqu’ici et la forme État (bourgeois ; dans les termes de Gramsci, « l’État intégral », conçu comme unité dialectique de la société civile et de la société politique ou de la forme institutionnalisée du politique."

    "Plutôt que d’y voir les formes réductrices ou dérivées de liens hiérarchiques de causalité, ou d’une articulation externe, ou même d’une surdétermination de domaines autonomes gouvernés par leur logique propre, Gramsci aborde le rapport entre philosophie et politique, entre pensée et action, dans les termes d’un rapport dialectique d’identité et de distinction simultanées. Cette identité n’est pas posée en fonction d’une essence première, comme l’unité originaire qui « s’exprimerait » et se « concrétiserait » sous diverses formes mondaines. Au contraire, l’identité entre philosophie et politique est conçue comme rapport actif d’une traduction entre différents niveaux et formes organisationnelles d’activités d’une classe ou d’un groupe social. C’est précisément cette traduction dans différents registres qui, rétrospectivement et temporairement, “unifie” un projet de classe et permet à ses dimensions politiques et philosophiques d’être saisies comme « attributs » (pour utiliser une structure conceptuelle spinoziste) d’une « substantialité » accomplie plutôt qu’originaire. Autrement dit, pour Gramsci, il n’y a pas d’Ursprache, tout comme il n’y a pas de telos de compréhensibilité immédiate dans un Esperanto homogénéisant. Pour Gramsci, la « traduisibilité » renvoie à la nature jamais achevée et donc transformable des rapports de communication entre différentes pratiques sociales.

    En outre, la distinction entre ces formes est saisie sous un aspect « quantitatif » plutôt que « qualitatif », dans sa relation à différentes intensités d’organisation, confirmation et contestation des rapports sociaux et non comme distinctions insurmontables entre des logiques incompatibles qui les précèderaient. Dans cette perspective, la philosophie apparaît comme une forme d’organisation particulièrement intense des rapports sociaux de connaissance dans lesquels advient la pratique politique ; elle apparaît donc elle-même, d’emblée, comme forme profondément médiée de pratique politique institutionnelle et discursive. De la même manière, la politique, dès lors qu’elle entend modifier l’organisation des rapports sociaux dont la connaissance est elle-même partie intégrante, est d’emblée une forme intensément médiée de pratique philosophique. En d’autres termes, la politique est saisie comme « philosophie à l’état pratique ».

    Cette version non-essentialiste de la traduisibilité est au fondement de cette idée que l’on trouve chez Gramsci selon laquelle la métaphysique représente, non pas le « noyau dur » de la philosophie, mais bien l’une de ses « formes » conjoncturelles possibles. Comme d’autres marxistes de sa génération, et peut-être à la différence de ceux de la nôtre, Gramsci défendait encore une version particulière de la critique plus générale de la métaphysique de la fin du 19e siècle élaborée par Marx et « popularisée » par le dernier Engels. Pour cette critique, il fallait que les concepts métaphysiques soient rationnellement traduits dans leurs formes réelles d’existence historique, en tant que formes discursives socialement particularistes et limitées dans le temps, revendiquant une validité universelle et a-historique fausse. Dans le cas de Gramsci, la distorsion post-marxiste par Croce de sa critique et de sa tentative de l’appliquer à la pensée même de Marx fut l’occasion d’une extension et d’une précision importantes. À la suite des Thèses sur Feuerbach, Gramsci identifia la « spéculation » comme le noyau dur du « mode de production » de la forme métaphysique de la philosophie."

    "Gramsci fit une traduction des Thèses sur Feuerbach dans les premiers temps de son incarcération. Elles devinrent la pierre angulaire à laquelle il ne cessa de revenir dans toutes ces recherches, à tel point qu’il ne serait pas exagéré de voir dans les Cahiers de prison, pris dans leur totalité, un vaste commentaire et un développement à partir de ce texte, l’un des plus courts de la tradition philosophique occidentale."

    "Comme l’a relevé Gramsci, Croce s’est efforcé « de “chasser” du domaine de la philosophie tout résidu de théologie et de métaphysique ; allant jusqu’à nier tout “système” philosophique ». En même temps, il affirma que le marxisme et ses pseudo-concepts ne représentaient rien de plus qu’une variation sur les explications dualistes bien connues de la tradition philosophique. La « structure économique » de Marx, défendue par le vieil Engels comme détermination en « dernière instance » des autres pratiques sociales, n’était pour Croce rien d’autre qu’une reprise moderne de l’eidos platonicien. Élaborant le cadre philosophique qui allait être exploité, souvent sans le savoir, par diverses moutures du « post-marxisme », Croce proposa une critique de la pensée de Marx rapportée à une forme d’ « essentialisme » en ce qu’elle n’accorde le statut de réalité pleine et entière qu’à la seule structure, abandonnant la superstructure à l’ordre de la simple apparence, de l’échec mimétique ou de phénomène. Le marxisme, pour Croce, restait indifférent à l’histoire réelle, l’ayant préalablement déclarée fondamentalement irréelle.

    Gramsci retourna l’accusation en l’amplifiant : si Croce pouvait voir dans les propositions fondatrices de la conception matérialiste de l’histoire rien de mieux qu’une métaphysique spéculative, il le devait au caractère essentiellement spéculatif de sa propre pensée même. Croce était incapable de saisir le dynamisme historique de la notion de structure chez Marx en tant qu’ensemble de rapports sociaux actifs, du fait de la distinction insurmontable dans le système de Croce entre l’ordre des évènements historiques et la conceptualité utilisée pour les comprendre. Autrement dit, le problème était celui de la restauration involontaire de la métaphysique par Croce dans le geste même de sa négation. Pour Croce, la structure de pensée authentique sous la forme de concepts philosophiques échappe nécessairement à toute contamination du développement historique (par distinction avec les simples pseudo-concepts valant dans l’action pratique, et rejetés en tant qu’ « idéologie » instrumentale).[15] Les concepts philosophiques sont donnés dans la pensée par la pensée, en tant que forme spéculative « supérieure » de connaissance du Réel, libre de toute contamination pratique.[16] La pensée peut au mieux refléter l’histoire au sens d’un speculum (de manière plus ou moins rigoureuse, selon le degré de « pureté » du concept), mais ne peut pas en faire partie, et sa structure « logique » fondamentale n’est pas altérée par elle. La tentative menée par Croce lui-même d’identifier philosophie et histoire, explique Gramsci, reste donc prisonnière d’une « idée » de l’histoire incapable de saisir sa propre historicité. Elle ne pouvait qu’espérer refléter la réalité tout en lui demeurant extérieure et sans parvenir à reconnaître sa propre constitution pratique au titre d’élément lui-même immergé dans l’histoire ; sans parvenir à reconnaître le statut de cette « philosophie » elle-même et de ses concepts purifiés comme instances de « l’idéologie », ou comme intervention pratique dans l’organisation conceptuelle et politique du présent.

    Pour Gramsci, il s’agissait donc de déchiffrer cette disposition spéculative en tant que signe du développement politique d’un projet de classe, ou de rapatrier cette « spéculation vers ses conditions réelles en tant qu’idéologie ». Plutôt qu’un couronnement ultime de la philosophie en tant que telle, la forme métaphysique spéculative de la philosophie est alors reconnue comme phase particulière du développement historique d’une formation idéologique. Elle est symptomatique d’une phase de pleine réalisation d’une hégémonie sociale et politique qui cherche à se prémunir contre la dissolution et la désagrégation par un recours à la sophistication idéelle et à la perfection conceptuelle. En ce sens, dans la mesure où la philosophie est définie comme rapport social pratique parmi d’autres, il devient alors possible de penser la transformation de la philosophie par les rapports sociaux qu’elle cherche à comprendre, ou en d’autres termes le statut de la pensée elle-même en tant que rapport social de communication, de coordination et d’organisation."

    "La notion de « traduisibilité » exerce aussi une influence déterminante sur la manière dont Gramsci retravaille le concept hégélien de l’État, dans la continuité de la critique trouvée dans les premières œuvres de Marx. Chez Marx, l’échec de la transition entre la société civile et l’État dans la Philosophie du droit de Hegel était non seulement révélateur d’un défaut propre à la philosophie politique de Hegel ou même à la dialectique et à la philosophie hégélienne en général, mais aussi d’une réalité fondamentale de l’État moderne en tant que tel. « Hegel, dit Marx, n’est pas à blâmer parce qu’il décrit l’essence de l’État moderne comme elle est, mais parce qu’il allègue ce qui est comme l’essence de l’État ». Marx estimait que l’incarnation spéculative proposée par Hegel offrait une bien trop grande ressemblance avec la réalité, présentait un échec mimétique au sens le plus fort : les catégories hégéliennes n’étaient pas autre chose que l’imitation (la « traduction », aurait dit Gramsci) et par conséquent la ratification d’une apparence non limitée à l’expression d’une essence, mais bel et bien produite par la suppression d’un ensemble complexe de médiations politiques. Ainsi, pour Marx, l’État bourgeois moderne fait lui-même figure d’ « évènement métaphysique » au premier chef. Dans les termes de Gramsci, il est la réalisation concrète de la spéculation comme forme extensive d’organisation sociale.

    Gramsci prolonge de manière décisive les termes de la critique de Hegel par Marx en ayant recours à la notion d’unité dialectique de la « société civile » et de la « société politique », deux instances séparables sur le plan analytique mais « organiquement » unies au sein de « l’État intégral ». Pour Gramsci, la « société politique » (dans laquelle il ne se contente pas de voir la politique « officielle », mais les fonctions d’organisation et de coordination à travers l’ensemble de la formation sociale) de l’État intégral bourgeois est une « condensation » (le terme est de Poulantzas) des rapports sociaux, des forces et des formes d’organisation dans la société civile que la société politique elle-même a rendu possible, ou du moins, a surdéterminé. Elle en est l’organisation institutionnelle ou la compréhension, en termes spéculatifs. Comme Marx, Gramsci défend l’idée, contre Hegel, que la société civile est le véritable fondement de l’État et non l’inverse. Mais en même temps, toujours dans le prolongement de Marx, Gramsci admet que dans la société bourgeoise, l’ « État » (saisi ici comme l’ensemble des fonctions institutionnelles concrètes incarnées dans les rapports de la « société politique ») est réellement primaire, au sens où il est une abstraction réelle ou une hypostase qui subordonne et organise la société civile. « Enveloppée » et pénétrée de cette société politique existante, la société civile ne peut alors apparaître que comme sa « matière première » subalterne. Autrement dit, la société politique se présente comme compréhension spéculative d’une société civile constituée dans sa particularité précisément par la prétention qu’a la société politique à être une instance de l’ordre universel. En termes schmittiens, il s’agit alors de la concrétisation institutionnelle de cette prétention « du politique » à dominer et à organiser « la politique » ; en termes gramsciens, c’est la traduction spéculative du projet de classe bourgeois.

    Cette condensation, ou cette traduction spéculative, prit historiquement effet lorsque la bourgeoisie se tourna vers une pratique politique inédite, contenue dans l’un des concepts d’ « hégémonie » présents dans les Cahiers de prison. Gramsci, au cours de cette période carcérale, entreprit nombre d’études de ce processus de constitution du politique dans divers contextes nationaux. En tant que pratique politique distinctement moderne visant à composer, à partir d’individus atomisés et juridiquement libres, des corps collectifs sociaux plus larges, l’hégémonie bourgeoise a franchi les frontières séparant société civile et société politique, constituant simultanément une forme d’organisation et de direction à la fois « politique » et « civile ». C’est le rapport social de coordination et de direction à travers lequel le projet de classe bourgeois mena la transition d’une phase simplement corporative (économique) à une phase proprement hégémonique ou politique, réussissant à positionner ses intérêts particuliers (avant tout, la forme de la propriété privée) comme valant pour la société toute entière. L’histoire de la société politique a consisté jusqu’ici en sa séparation consciente de la société civile, et comme solution spéculative juridique des contradictions des forces sociales de la société civile corporative. Ce qui signifie que la pratique de l’hégémonie bourgeoise elle-même a été le moyen par lequel « le politique » a été « constitué » en domaine distinct de l’expérience sociale, produite concrètement et formalisée institutionnellement comme fondement de toute « politique » possible. D’ailleurs, dans la mesure où une société politique distincte est une forme sociale n’ayant vu le jour qu’avec le monde moderne, elle se définit donc bien comme société politique bourgeoise, à la manière de la société civile bourgeoise de Hegel (bürgerliche Gesellschaft), tout comme le politique se définit bien, dans cette perspective, comme « le politique bourgeois ».

    En elle-même cette perspective suffirait pour une critique des conceptions platonisantes ou normatives « du politique » comme lieu qui précède et détermine le moment de la politique. À l’encontre de ce courant traditionnel de la philosophie politique occidentale, à travers son affirmation d’une relation entre le et la politique relevant du rapport général / particulier, conceptualité / instanciation ou détermination / déterminité, la théorie gramscienne de l’hégémonie veut démontrer que le politique de l’État intégral bourgeois n’est pas constitutif, mais au contraire historiquement constitué dans des termes institutionnels précis qui comprennent la « philosophie politique », voire, dans les formes de ratification institutionnelles inhérentes à la « philosophie politique » elle-même. Dans l’analyse de Gramsci, « le politique » ne représente ni une origine ni une dérivation de la politique ; c’est une forme d’organisation politico-philosophique aux médiations multiples, produit d’une « distillation » du projet de classe hégémonique de la bourgeoisie. C’est le niveau de conceptualité spéculative qui correspond aux, en même temps qu’il organise les structures elles-mêmes déjà spéculatives de la société politique. Une philosophie politique qui propose ce concept « du politique » se contente de répéter la traduction unilatérale et éternisante de pratiques politiques particulières vers un concept métaphysique spéculatif lui-même déjà accompli dans l’hégémonie bourgeoise.

    Cependant, le concept gramscien d’État intégral offre aussi une perspective critique sur ce que j’ai appelé le mode « transcendantal » de la pensée politique contemporaine, en lien avec d’autres approches débouchant sur des conséquences pratiques similaires. La société politique existante et sa logique d’organisation dans le politique bourgeois ne sont pas de simples illusions que l’on pourrait se contenter de déplorer, ou un espace qu’il suffirait de contourner. Ce sont, au contraire, des hypostases ou des abstractions réelles dont le mode d’existence consiste précisément en leur relation spéculative active avec la politique quelle que soit sa « distance » à l’État : la société politique bourgeoise et « le » politique qui l’accompagne projettent la « politique réelle » comme leur objet qu’ils livrent à leur contemplation, chacun à sa manière, le politique cherchant à réguler et à dominer la possibilité de toute action politique quelle qu’elle soit, tout comme la société politique administre juridiquement ses réalisations concrètes. La question n’est donc pas de soustraire les déformations de la société politique existante pour atteindre un noyau dur de « la » politique au sein du Réel, que l’on parle d’antagonisme social, de société civile ou d’un lieu indéterminé qui la dépasserait. Au contraire, dans la mesure où les formes hypostasiées du politique bourgeois déterminent bel et bien l’espace conceptuel dans lequel la politique peut prendre place au sein de cette formation sociale — non seulement la politique « officielle », mais la politique au sens étendu tel que l’entend Gramsci, ou les rapports sociaux d’organisation—, la question est bien plus celle de la détermination des formes particulières de la pratique, même, voire prioritairement, dans leur condition de subalternité vis-à-vis de la société politique existante, ou d’interpellation par cette dernière ; formes de la pratique qui seraient donc à même de faire rupture avec l’ordre de sa propre constitution matérielle. Autrement dit, la question est d’abord celle de ces formes d’activité et d’organisation qui pourraient permettre la formation d’un politique d’un « genre complètement différent »."

    "La production de l’identité de la théorie et de la pratique s’apparente alors à l’art de découvrir, prenant exemple sur Spinoza, la bonne forme théorique d’une pratique, à même d’accroître sa capacité d’action d’une part, ou d’autre part la bonne forme pratique d’une théorie à même d’accroître sa capacité à connaître.[28] Au lieu d’être une fonction de la domination de la forme étatique, cette forme non-métaphysique de la philosophie est redéfinie comme relation pédagogique tournée vers l’agir. Elle s’efforce d’intervenir comme compréhension théorique de pratiques réellement existantes, par la description de leurs tendances et trajectoires de développement potentiel comme gestes concrets d’organisation et de coordination, plutôt que par prescription de leurs formes de manière normative et descendante.

    Traduit en termes politiques, c’est la dimension active du projet hégémonique même du mouvement ouvrier, conçu comme forme organisationnelle potentiellement extensive et non bureaucratique, qui signale la possibilité de la constitution d’un politique d’un genre entièrement différent. Il y a inversion de la relation traditionnelle ; la matérialité de l’organisation des rapports sociaux (la politique, donc) affirme son hégémonie sur sa compréhension dans une conceptualité spéculative (« le politique »). Les contours d’un autre type du politique apparaissent maintenant, participant — plutôt que séparé — de la politique et configuré comme forme théorique d’auto-compréhension des pratiques auxquelles il reste intégralement lié dans des relations dynamiques de traduction."

    "Renouvellement de la relation organique entre la théorie de gauche radicale et les formes d’organisation déjà existantes dans la grande variété de pratiques et des rapports sociaux qui composent aujourd’hui ce que Gramsci appelait les « groupes sociaux subalternes », qui vont de la résistance « instinctive » à l’extraction de survaleur jusqu’au rejet de la forme marchandise comme mode de réponse aux besoins sociaux, et à la montée de l’exigence politique d’un « autre monde ». Nécessairement, compte tenu de leur niveau actuel de désagrégation et de subalternité, ces formes sont souvent incohérentes et inefficaces. Elles n’en sont pas moins les formes issues du développement historique ; si elles ne sont pas encore l’élément social « dans lequel une volonté collective commence à se manifester, volonté reconnue et qui s’est partiellement affirmée dans l’action », pour reprendre les termes de la description que faisait Gramsci de son époque, ils constituent néanmoins le seul socle sur lequel un fantasme concret machiavélien pourrait apparaître."
    -Peter Thomas, « Gramsci et le politique », Contretemps, 11 décembre 2013 : https://www.contretemps.eu/gramsci-politique/  

    « L’État est l’ensemble des activités pratiques et théoriques grâce auxquelles la classe dirigeante non seulement justifie et maintient sa domination, mais réussit à obtenir le consensus actif des gouvernés. »
    -Antonio Gramsci, Cahier 15, § 10.



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