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    Georges Cottier, Du romantisme au marxisme

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Georges Cottier, Du romantisme au marxisme Empty Georges Cottier, Du romantisme au marxisme

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 1 Nov - 13:15

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Cottier

    "Hegel est le plus grand philosophe du romantisme." (p.14)

    "Le goût de l’ordre, de la mesure, ont leurs limites, l’homme n’est pas que cela. Le romantisme est né d’une telle réaction. La nature sauvage a sa poésie; le folklore populaire recèle des trésors de beauté qu’un art de culture, élaboré, méconnaît." (p.15)

    "Les philosophies romantiques sont en général panthéistes. Dieu n'est pas distinct du monde, créateur au-dessus de la création; il est l’âme de cette vie, il est cette vie elle-même. Les philosophies romantiques sont des philosophies de l'immanence : le royaume de Dieu est présent dans la nature et dans l'Histoire. Ce n’est que dans ses manifestations les plus extérieures et dans la saisie la plus superficielle que nous en prenons, que la diversité et la multiplicité apparaissent comme caractéristiques de l'activité des hommes ou du monde des choses : derrière cette multiplicité, il faut savoir retrouver le tout, l'unité présente dans le multiple. Il faut se replonger dans la source, mais cette source n’est pas loin, elle est au-dedans de l’âme, à portée de main, il suffit à l’âme d’ouvrir les yeux qu'il faut, et ne pas se laisser égarer par le travail de dissection de l’entendement, de la raison raisonnante.

    Certes, ainsi, on ne cueillera plus d’idées « claires et distinctes », mais on coïncidera, on entrera en communion avec des forces plus obscures et plus profondes." (p.17)

    "La seconde idée autour de laquelle gravite la pensée hégélienne est celle de fluidité. N’est-ce pas le mouvement qui distingue le vivant de l’inorganique ? Le monde inorganique est statique, mort, figé, inerte ; la vie est devenir, développement, croissance, maturité et déclin,- il lui arrive d'être tumultueuse. Ceci est vrai du vivant individuel. Si l’on regarde vers l'unité plus vaste dans laquelle s'inscrit l'individu, on retrouve le mouvement, le renouvellement, les automnes et les printemps ; la vie, comme un fleuve sans cesse rajeuni, poursuit sa marche en avant, à travers les cycles de vie et de mort des individus. Dès lors, qu’est-ce que l’individu, sinon un épisode d’un processus incessant, une éphémère manifestation d'une durée, qui, elle, ne meurt pas ?" (p.18)

    "Alors que le XVIIIe siècle, en général, laissait l'histoire hors du champ de son investigation, la philosophie du romantisme veut comprendre l’histoire. Le siècle des Lumières avait dit : l’histoire, n’est-ce pas l'événement, le contingent, le fait libre et isolé, le hasard, et donc ce qui échappe à la loi générale ? L'histoire, en conséquence, n’offre pas d'intérêt pour la raison." (p.19)

    "Nous les avons traduits [les Manuscrits de 1844] en grande partie dans notre ouvrage, L'athéisme du jeune Marx et ses origines hégéliennes, Paris 1959, pp. 240 - 361. La traduction de l’édition Molitor est tout à fait défectueuse." (note 6 p.25)

    "Hegel connaissait bien Adam Smith. L’idée d'une « main invisible » qui détourne au profit d’un bien général l’action des individus mue par d’autres mobiles immédiats avait déjà été reprise par Kant." (p.35)

    "La nature est le lieu de mystères inépuisables ; des « forces » obscures la travaillent (le jeune Schelling écrit une philosophie de la nature dans laquelle les phénomènes alors inexpliqués comme le magnétisme tiennent une grande place)." (p.37)

    "L’image du vivant est au centre de la philosophie de Hegel. Toute la réalité est comparable à un organisme vivant. L’individu est « abstrait », c’est-à-dire isolé, séparé de la vie qui est dans le tout, mort. L’entendement tue. Au lieu d’un monde composé d’individus reliés extérieurement les uns aux autres, nous avons une unité primordiale." (p.37)

    "La plupart des romantiques demandent à une faculté pararationnelle, imagination, sentiment avec ses « représentations », de se substituer à l’entendement. Les lumières du rêve sont préférées à la clarté d’un midi tyrannique qui isole les choses dans des contours trop nets. Le mythe devient un instrument privilégié d’investigation. L’originalité de Hegel est de doter la raison elle-même des prérogatives de la nouvelle faculté." (p.38)

    "L’idéalisme peut être caractérisé comme une doctrine de la connaissance dans laquelle l'acte de connaître apparaît, non plus comme l'acte par lequel l’intelligence reçoit, accueille l’objet connu, mais comme l’acte qui pose, et même qui crée cet objet." (pp.40-41)

    "L’Etat a valeur de révélation. Manifestation de l'Esprit, il est la seule personne au sens métaphysique parce qu'il est un absolu dont les individus et les sociétés naturelles ou intermédiaires ne sont que des « moments ». Quels que soient les aménagements libéraux que Hegel ait prévus au plan de la constitution, l'inspiration de fond de sa philosophie politique est totalitaire." (p.45)

    "Ces manuscrits, qui attendront également 1932 pour être publiés, annoncent déjà Le Capital." (p.48)

    "La « dialectique dans les choses » est une pure vue de l'esprit qui n’a plus la grandeur ni la vigueur de la dialectique hégélienne. Si elle séduit, cela provient de ce que nous nous contentons d'approximations. Ainsi le monde matériel nous offre la vision du mouvement. La loi de la génération et de la corruption y règne. Le vivant implique également divers types de mouvements. L’Histoire, à son tour, connaît des alternances et des heurts. Tout cela, de loin, peut sembler « coller » avec la dialectique, mais, à l'analyse, ne résiste pas. (Je pense à tel manuel marxiste qui décrit sérieusement la dialectique de l’œuf et du poussin : l'œuf serait l’affirmation, le germe la négation de l’affirmation, le poussin qui brise la coquille la négation de la négation.) Il faut d’ailleurs ajouter que Marx semble avoir pressenti les difficultés inhérentes à sa conception. C'est Engels qui s’engagera sans réticences dans la voie de la dialectique objective." (p.50)

    "La personne y cesse d'être un absolu créé, relié directement à l'Absolu divin,- elle devient un moment de l'Etat. La « moralité subjective » est une partie de la morale politique, alors qu'en saine doctrine, là où la transcendance de Dieu et la dignité de la personne humaine sont reconnues, la morale politique se présente comme une partie de la morale tout court." (p.51)

    "Feuerbach entreprend de prouver que chaque attribut divin classique est en fait un attribut de l'Humanité qui s'est trompé de « sujet »; la notion est juste, l'idée des attributs divins est à conserver, mais elle est mal appliquée. L'histoire de l'humanité jusqu'à Feuerbach est ainsi caractérisée par un accident logique, par une erreur d'attribution.

    Métaphysiquement cette explication est fort naïve.

    D'abord, parce que l'idée d'image et d'analogie présuppose l'intelligibilité de l'être. Pourquoi Feuerbach conserve-t-il l'ordre classique des valeurs, dans leur sens absolu ? Dans l'univers athée de Feuerbach le bien demeure le bien. Il serait cependant nécessaire de poser la question : les valeurs sont-elles relatives, voire illusoires ? Vous savez que la IVe voie de saint Thomas conclut de l’existence des perfections participées à l'existence de leur source infinie. L’Humanité de Feuerbach est une entité, en ce qu'a priori elle prend la place de l’Absolu. Ensuite, on peut se demander pourquoi l'aliénation est à l'origine d'un processus de projection directe : les attributs divins sont un reflet fidèle des attributs de l'Homme. Or la psychologie a assez insisté sur le fait que les frustrations se camouflent sous un réseau de symboles. Le dieu irréel de Feuerbach est une image exacte de l'homme. On comprendrait mieux qu'un conflit s'exprime en un langage inversé, déchiqueté ou sournois." (p.54)

    "Sismondi et ses disciples, comme E. Buret, que Marx connaît bien, contestent l'idée que la science économique a pour but de décrire les lois nécessaires qui conduisent les affaires humaines, comme la physique doit décrire les lois de la nature. La science économique est une science de l’homme." (p.57)

    "La notion d'infrastructure appartient au type des idées faussement claires. Déjà chez Marx, l'infrastructure du capitalisme désigne tantôt des processus caractéristiques du capitalisme, comme les marchés, tantôt des phénomènes plus larges, comme l'industrialisation. Mais surtout on est fort embarrassé quand il s'agit de délimiter les frontières de l’infrastructure et de la superstructure : « l’idéologie » intervient dans la contexture même de « l’économique » : pas d'économie sans choix, sans option ; par exemple des phénomènes comme le plan ou la publicité sont d'ordre idéologique autant que d'ordre économique. L'opposition marquée par le marxisme est spécieuse.

    Sur ce point, Marx demeure tributaire des idées du XVIIIe siècle. Il est persuadé du pouvoir infaillible des institutions sur l’homme. Il fait sienne une psychologie utilitariste sommaire. Une organisation (celle qui repose sur la propriété privée) engendre un motif de l'action, l'égoïsme. A l'opposé, la propriété collective des moyens de production engendrera à coup sûr un comportement altruiste." (p.58)

    "Les classes jouent le rôle que jouaient chez Hegel les Empires par rapport aux Epoques. Un lien nécessaire rattache dialectiquement les Epoques les unes aux autres pour former la trame de l'Histoire." (p.59)

    "C’est sans doute la praxis qui confère au marxisme son originalité philosophique. L’Homme en transformant la nature dont il dépend se crée lui-même." (p.59)

    "Dans ses Principes d'Economie Politique, Ricardo, le premier, tient compte de la coordonnée démographique : les terres que la croissance démographique force à défricher sont de plus en plus pauvres. On marche vers la paupérisation." (p.65)

    "L'homme, dans la conception marxiste, se crée soi-même par la médiation du seul interprète d'une Histoire dont la structure est fournie par un rapport de forces : le Parti.

    C'est pourquoi, à regarder la logique du système, l’éducation marxiste est totalitaire. On ne voit pas comment y introduire une exigence de respect de la personne de l'élève." (p.79)

    "Violent, selon la définition d’Aristote, s'oppose à naturel. Cette définition doit permettre de distinguer deux types de mouvements. Le mouvement naturel procède de l’intérieur d'un être, il est conforme à sa nature, il suit son inclination. Sa source est intrinsèque. Le mouvement violent est imprimé du dehors, il est extrinsèque, il contrecarre l'inclination d'un être, brise son élan propre, ou, tout au moins, ne répond pas à son attente. Ce qui est violent brutalise et contrarie. [...]

    Pour Aristote, il y a d'abord le monde des natures qui ont leurs lois, leurs tendances ; il y a d'abord un certain ordre primordial ; le mouvement découle d'inclinations qui sont inscrites dans les natures : par là il est ordonné.

    La violence est seconde; si elle est possible, c’est parce que, antérieurement, existe un ordre de natures.

    La violence implique l'idée d'une rupture de l'ordre premier ; elle est désordre qui se produit, anarchie. Et cependant l’ordre du monde ne peut être sans l'intervention de la violence, il exige sa part de désordre : l'univers est composé de parties hétérogènes, subordonnées au bien du tout. [...]

    La forme, étant acte, pose une exigence de durée, de permanence. Plus un être est forme, acte, plus forte en lui est l’exigence de permanence, d’ordre, de paix.

    La matière est potentialité, disponibilité à recevoir une multitude de formes; il en résulte une instabilité, une vulnérabilité essentielles aux êtres matériels,- ceux-ci sont sujets au changement, à l'expulsion de leur forme, qui, de soi, tend à demeurer. Dans le processus de corruption, la forme et le composé subissent violence. Mais la capacité de subir violence est inscrite dans la matière ; l’acte, dans la mesure où il est acte, ne saurait subir violence.

    Ainsi dans le monde matériel, où les êtres sont composés de matière et de forme, la violence ne peut pas ne pas occuper une grande place. La loi fondamentale qui régit ce monde est la loi de la génération et de la corruption : toute forme nouvelle, pour informer une matière, doit chasser une forme ancienne." (pp.87-89)

    "Il faut reconnaître que dans bien des cas les condamnations de la « révolution » procèdent d’une mauvaise foi : on évoque la paix, voire des motifs religieux, tout en prenant son parti d'un statu quo inique ; or l'iniquité est une violence qui se perpétue, elle est sans titres devant la violence qui explose. Beaucoup fixent les bornes de l’inévitable et de la fatalité à l'endroit précis où leur zèle de la justice, faible ou démissionnaire, refuse de s'avancer." (p.95)

    "Un agent est violent quand il incline le mouvement d’un être hors de son cours naturel." (p.95)

    "Une philosophie de l'être caractérisera le mouvement comme un état de tendance ou de « voie ». Le mouvement, comme mutation, est le passage d'un état à un autre état. Il se définit ainsi comme acte de l'être en puissance, en tant qu'il est en puissance. Le mouvement comporte un certain acte, dans la mesure où l'être en mouvement a quitté son état initial pour procéder au-delà. Mais quand le terme est atteint, le mouvement a cessé.

    Il faut bien comprendre l'analyse aristotélicienne. L'objection qui lui est couramment adressée part d’une conception imaginative des choses; elle identifie ce qui est « statique » avec ce qui est mort; elle va parfois jusqu'à dire que l'être est mort, plat. A partir de là, elle interprète la pensée "fixiste" d'Aristote : le mouvement ne serait qu'un intermède, d’importance secondaire, dans un univers privé de dynamisme, un univers d'« êtres » qu'on imagine comme des essences logiques. Mais telle n'est pas l'authentique pensée aristotélicienne. Aucun être matériel n'est en possession, au point de départ, de toute sa perfection, de toute l'actualité dont il est virtuellement capable; il doit y parvenir. Le mouvement sera donc le passage à une actualité plus haute; mais en lui-même il n'est que ce passage. De plus, le mouvement des mobiles, quel que soit le type de mouvement considéré, suppose la motion des causes efficientes, qui agissent en vertu de leur actualité. C'est pourquoi le mouvement sera le plus souvent le signe d’un surcroît d'actualité (dans la cause).

    Ajoutons que le caractère limité des êtres les empêche de posséder simultanément toutes leurs perfections. La multiplicité est supérieure à l'élémentaire, elle est inférieure à la simplicité propre à l'ordre des esprits." (p.102)

    "Hegel pose également l’être et le non-être dans le mouvement. Mais, en supprimant la précision essentielle : non sous le même aspect, il franchit un pas décisif. Du coup en effet la contradiction apparaît comme l'étoffe même du réel. L’être cesse d'être premier, il s’efface devant le devenir, qui devient la substance première des choses. Le mouvement n'affecte plus des êtres qui sont, avant que d’être mus,- il est radical. L’être et le non-être ne sont plus que des moments de ce devenir fondamental. Le réel est fécond, riche, actuel, dans la mesure où il est contradictoire.

    Dès lors, dans le mouvement de « génération », la forme chassée et la forme nouvelle constituent une totalité : la réalité étant d'abord devenir apparaît comme la corrélation dynamique de deux pôles, de deux termes, qui ne se peuvent définir que l'un par l’autre. La forme expulsée, dont la corruption s'était présentée à nous comme condition d’une nouvelle génération, entre dans la définition même de la forme « induite », elle est son « autre » et tout n’est que comme l'autre d’un autre. La forme expulsée devient ainsi ce qui définit la forme induite, c'est-à-dire sa cause formelle.

    Certes, on ne peut définir un passage qu'en fonction de ses termes. Mais dans la conception hégélienne, ces termes ne sont que pour et dans le mouvement, ils sont portés, enveloppés par lui.

    A l'opposé, une philosophie de l’être reconnaît dans le mouvement une modalité de 1 être imparfait. L’être se définit par sa forme, qui, en tant que telle, est au-dessus du mouvement. Si la réalité était pur devenir, une telle vue serait impossible. Il faudrait avec Hegel identifier l’opposition de contradiction à l'opposition de relation et faire de la corrélation la catégorie fondamentale, unique et universelle.

    Ainsi dans une philosophie dialectique, toute chose est la négation exercée de son terme corrélatif et contradictoire. De là on passe naturellement à l'idée de la fécondité de la lutte et de la violence. Le réel est contradiction : or un contradictoire est toujours « violent » par rapport à son autre. Chacun des termes est à la fois le père et le meurtrier de l'autre. « Vivre de mort et mourir de vie », disait un fragment d'Héraclite La philosophie du devenir doit également en arriver à définir la nature par la violence." (pp.103-104)

    "La philosophie politique doit notamment se préoccuper des moyens techniques d'action qui s'appliquent à agir sur le système sensoriel et psychique de l’homme avec le but plus ou moins avoué de s'emparer de ses décisions. La publicité, la propagande, la guerre psychologique constituent le domaine de la violence idéologique, dans lequel opèrent ceux qu’une formule barbare de Staline appelle les « ingénieurs des esprits »." (p.112)

    "Le problème posé est celui de savoir si le matérialisme historique est une philosophie proprement dite. On sait que Benedetto Croce répondait par la négative : le marxisme n'est ni une théorie ni même une méthode, mais comme la prise de conscience nouvelle d’un faisceau de faits sociaux. Marx serait le Machiavel du prolétariat, il aurait le premier porté son regard sur un ensemble de données, de constantes dans la vie des sociétés. Quant à la doctrine marxiste, il faudrait la considérer comme un « canon d interprétation historique », un instrument efficace de recherche historique.

    Pour réfuter cette interprétation crocéenne, Gentile renvoie à la Préface à la Contribution à la critique de l'économie politique, ouvrage paru en 1859, et qui peut être considéré comme un prodrome du Capital. Dans cette préface, Marx expose sa conception de l’histoire. Gentile relève la phrase-clef qui « renferme le concept philosophique de tout le reste » (p. 163) : Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur être, mais, au contraire, c'est leur être social qui détermine leur conscience. Il montrera que cette assertion fonde une philosophie de l’histoire, mais qu'elle contient une contradiction ruineuse." (pp.142-143)

    "
    (pp.143-144)

    "
    (pp.145-147)
    -Georges Cottier, Du romantisme au marxisme, Paris, Alsatia, 1961, 230 pages.


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