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    Marc Fourny, Quand Napoléon était le champion de l'islam

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Marc Fourny, Quand Napoléon était le champion de l'islam Empty Marc Fourny, Quand Napoléon était le champion de l'islam

    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 30 Nov - 14:50


    "« J'aime mieux la religion de Mahomet, elle est moins ridicule que la nôtre », confia Napoléon au soir de sa vie au baron Gourgaud. Une confession qui fit longtemps gloser sur le réel attrait de Napoléon pour l'islam, même s'il a toujours confessé son appartenance à la religion catholique – sa mère était très pieuse et il assistait encore à la messe lors de son exil à Sainte-Hélène. Mais l'homme a toujours été intéressé par l'islam, comme le développe un chapitre de Napoléon sur le divan, le nouveau livre de Dimitri Casali, grand spécialiste de Bonaparte, qui décortique avec précision la psychologie complexe du personnage. Dès l'adolescence, rappelle-t-il, Napoléon se plonge dans le Coran, et à 20 ans, il écrit une nouvelle s'inspirant de Mahomet, Le Masque prophète, dans laquelle il raconte le destin d'un religieux qui soulève les peuples…

    Quand Bonaparte arrive en Égypte pendant l'été 1798, envoyé par le gouvernement du Directoire qui craint désormais cet ambitieux général, il connaît bien la religion du pays à conquérir et se montre d'emblée soucieux de la respecter. Avant même le débarquement, il prévient ses hommes en leur demandant de faire preuve d'ouverture et de tolérance : « Les peuples avec lesquels nous allons vivre sont musulmans, lance-t-il à ses officiers et soldats. Ayez des égards pour leurs imams comme vous en avez eu pour les rabbins et les évêques… » Et dès qu'il met un pied à Alexandrie, il prend soin de rassurer les populations locales, qui vivent sous l'autorité des mamelouks, laissant croire qu'il se fera bientôt mahométan : « On dira que je viens détruire votre religion, ne les croyez pas, proclame-t-il. Réponds que je viens vous restituer vos droits, punir les usurpateurs, et que je respecte (…) Dieu, son prophète et le Coran ».

    Après avoir brisé les mamelouks du sultan Mourad Bey, il prend sans hésiter les atours d'un despote local, raconte l'historien Dimitri Casali. « Napoléon se met à porter le costume oriental, notamment pour la grande fête du Nil, en août 1798, ce qui amuse beaucoup son état-major, notamment ses généraux Murat et Lannes qui éclatent de rire… Le peuple l'appelle rapidement “le sultan El-Kébir”, un surnom qui lui restera longtemps, et le conseil du diwan lui attribue le titre d'Ali-Bonaparte. Lui-même se fait appeler “digne enfant du Prophète” et “favori d'Allah”… » Son attachement aux rites locaux ira même assez loin puisqu'en juillet 1799, le général français proclame quasiment son adhésion à la foi musulmane avec ce qui ressemble à une shahada, une véritable profession de foi : « Il n'y a pas d'autres dieux que Dieu et Mahomet est son prophète ! » affirme-t-il devant les populations locales.

    Comment interpréter ces actes ? La shahada se doit d'être sincère pour être effective, et sur ce point, Bonaparte a fait plus preuve d'opportunisme que de conviction… « C'est le prince des caméléons, le génie de la com, rappelle Dimitri Casali. On est alors à la veille de la bataille d'Aboukir, le général a plus que besoin du ralliement et de la confiance des locaux pour faire face aux forces ottomanes qui attaquent l'Égypte, un combat qu'il finira par emporter haut la main. » Quand il revient en France, pour confisquer le pouvoir, il montrera le même pragmatisme pour rallier à lui les catholiques en signant le concordat avec le pape Pie VII en 1801, après les exactions révolutionnaires, puis en se faisant sacrer à Notre-Dame, toujours en présence du pape. Mais quand ce dernier finira par l'excommunier, il n'hésitera pas à l'enfermer pendant cinq ans, preuve que la politique a toujours pris le pas sur la religion. Selon lui, elle n'est qu'un moyen pour asseoir son pouvoir et garantir l'obéissance des citoyens : « Une société sans religion est comme un vaisseau sans boussole », disait-il.

    La France était catholique, va pour le catholicisme… Mais s'il avait conquis l'Orient et l'Inde, comme il en rêvait, il aurait tout aussi bien adopté d'autres dieux pour consolider son trône, en évitant tout fanatisme, qu'il détestait en digne héritier des Lumières – il supprima l'Inquisition en Espagne. « C'est en me faisant catholique que j'ai fini la guerre de Vendée, déclarait-il en 1800, en me faisant musulman que je me suis établi en Égypte, en me faisant ultramontain que j'ai gagné les esprits en Italie. Si je gouvernais le peuple juif, je rétablirais le temple de Salomon… » On ne peut être plus clair."
    -Marc Fourny, Quand Napoléon était le champion de l'islam, Le Point.fr, 24/11/2019: https://www.lepoint.fr/histoire/quand-napoleon-etait-le-champion-de-l-islam-24-11-2019-2349219_1615.php


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