"Pour parvenir à cette définition neutre de la liberté politique, [Félix Oppenheim, qui a publié en 1961 Dimensions of Freedom], tout en s'inspirant des critères directifs du positivisme logique, fait recours largement à certaines notions, qu'il considère
définitivement acquises, de la science politique américaine, fondée
sur l'étude des comportements humains. « La science sociale en
général », écrit-il, « est devenue désormais la science des rapports
d'interaction entre les hommes, et la science politique, en particulier celle des rapports d'interaction politique ». Avant d'en
arriver à la liberté politique, il faut donc remonter, plus en général,
à la liberté sociale, dont voici la définition : « Par rapport à B,
A est libre de faire x ou z, si, et seulement si, B ne rend ni impossible
ni punissable pour A de faire x ou z. » La liberté sociale ainsi définie
présuppose, comme on voit, deux conditions : la présence d'une
alternative, et l'absence d'empêchement. A son tour, l'absence
d'empêchement n'a de sens qu'en tant qu'il existe, dans un contexte
social donné, la possibilité de prévenir ou de punir, c'est-à-dire
un « pouvoir » capable d'exercer une « force » ou une « pression »
sur les individus ou les groupes pour prévenir ou réprimer leurs
choix et leurs comportements. Mais tout pouvoir n'est pas nécessairement un pouvoir politique : seul, un pouvoir « institutionnalisé »
mérite ce nom. La liberté politique est donc selon Oppenheim « une
sous-classe de la liberté sociale, et se réfère généralement à la liberté
des citoyens et des associations par rapport au gouvernement »."
-Alexandre Passerin d'Entrèves, "La liberté politique. Quelques problèmes de définition", Revue Philosophique de la France et de l'Étranger, T. 159 (1969), pp. 289-301.