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    Mahamade Savadogo, Théorie de la création. Philosophie et créativité

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Mahamade Savadogo, Théorie de la création. Philosophie et créativité Empty Mahamade Savadogo, Théorie de la création. Philosophie et créativité

    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 7 Mar - 15:31

    https://www.youtube.com/watch?v=vJ3ZYwT-cTg

    "La psychologie s'emploie à révéler les traits de personnalité qui favorisent la créativité cependant que la sociologie analyse les mœurs des créateurs considérés comme un groupe social. Que pourrait bien apporter la philosophie de plus sur ce thème ?" (p.6)

    "Il est connu que le thème de la création a été jusqu'à présent rattaché à la réflexion sur l'art ou sur le beau. L'art est censé être le domaine dans lequel la création triomphe
    par rapport à d'autres où elle est supposée jouer un rôle secondaire. À travers l'art, la créativité finit par s'affranchir même de la quête du beau, objet de l'esthétique, pour s'ériger en une fin en soi ainsi que le montre l'évolution de l'art contemporain.

    Une telle évolution prépare, certes, les conditions pour transformer la création en un thème central de réflexion, mais elle présente l'inconvénient de désigner dans la création une occupation spécialisée qui demeure éloignée des manifestations ordinaires de l'existence, ce qui ne permet pas de justifier une réflexion globale sur son sens. La réflexion sur le sens de la création pour l'existence se doit de prendre acte de l'inscription de la créativité dans toutes les dimensions de l'existence pour ensuite s'interroger sur la signification de l'affirmation de la créativité spécialisée à travers le phénomène de l'art." (pp.7-8 )

    "Il ne s'agit pas, ici, de proposer une histoire positive de la philosophie qui examine chaque doctrine prise isolément mais une « histoire transcendantale » qui dégage des liens entre les doctrines en fonction de leurs manières d'appréhender le phénomène de la créativité.  

    Une telle « histoire transcendantale » aboutit, en définitive, à suggérer les principaux traits de la créativité dont la présentation constitue l'enjeu de la seconde grande partie de la théorie de la création que le présent ouvrage se destine à élaborer." (p.8 )

    "La création semble renvoyer d'abord à une disposition qui se retrouve impliquée dans notre expérience quotidienne. En effet, il est constamment exigé de chaque homme de réagir face à des situations nouvelles, de répondre à des sollicitations inattendues qui remettent en cause ses habitudes, qui ébranlent même ses certitudes.

    La création désigne d'abord cette aptitude à réagir face à l'imprévu ou à la nouveauté. Ainsi perçue, elle s'avère être une disposition indispensable à l'existence et ne paraît pas constituer un signe distinctif entre les hommes. Il est vrai que le temps de réaction face à l'imprévu ou à la nouveauté n'est pas le même d'un individu à un autre,
    tout comme il demeure possible de distinguer parmi les réactions certaines qui sont plus pertinentes ou appropriées que d'autres ; mais, dans l'ensemble, chaque homme par
    vient à affronter tant bien que mal les situations nouvelles auxquelles il se retrouve confronté.

    Il ne saurait en être différemment car, dans cette expérience quotidienne de la création par la considération de laquelle s'ouvre la réflexion en cours, la nouveauté rencontrée est à la hauteur de la vie d'un individu ; en d'autres termes, elle s'apprécie en fonction de l'expérience d'un individu, en relation avec la somme des événements ayant marqué sa vie et non dans l'absolu. Ce qui est nouveau pour un individu dépend de son histoire personnelle et la part de création qu'il déploie pour y répondre s'évalue, en priorité, à partir de son propre point de vue.

    Cette création ou cette créativité qui s'apprécie à partir de la personnalité de chaque homme s'identifie à la créativité ordinaire. Cette créativité est dite ordinaire parce qu'elle est courante et anonyme : ses produits ne constituent pas des références qui marquent l'évolution d'un secteur d'activité mais de simples étapes dans la révélation d'une personnalité à elle-même.

    La création ordinaire, courante et anonyme, se doit d'être dissociée de la création éminente ou spécifique dont la valeur s'apprécie à l'échelle d'une histoire qui dépasse la vie de l'individu pour concerner plusieurs générations.

    La création éminente engendre des productions qui introduisent une rupture dans le cours de la vie ordinaire, qui attire l'attention générale en se révélant être singulières ou originales.

    Il n'est certainement pas aisé de proposer une conception de l'originalité autour de laquelle l'unanimité serait susceptible de se réaliser, mais il est clair que l'original s'oppose au banal ou au déjà connu. Une production originale constitue une référence qui marque l'évolution d'un secteur d'activité.

    La création éminente suscite la nouveauté. Elle ne consiste pas seulement en une réaction face à l'imprévu, par laquelle une personnalité se révèle à elle-même, mais, sur
    tout, en une production délibérée de ce qui sort de l'ordinaire, ce qui rompt avec nos habitudes. Cette production s'appuie sur différents types de matériaux qui vont des matières les plus brutes aux signes les plus sophistiqués, de la pierre au son en passant par le bois, le métal ou le mot… En s'appliquant à chacun de ces matériaux, la création éminente suscite des objets inattendus, elle transfigure le lien familier qui nous relie à eux pour les rendre étrangers, dignes d'attention.

    Cette capacité de transfigurer des matériaux familiers, d'en tirer des objets qui captivent l'attention, qui s'identifie à l'aptitude à la création éminente, instaure une discrimination entre les hommes ; elle n'est pas censée être à la portée de tout homme. Elle implique des qualités spécifiques qui ne se rencontrent pas chez tous les individus. La possession de ces qualités singularise un individu, elle le transforme en sujet de curiosité pour les autres hommes et suscite la quête d'une explication. Il existe différentes façons de rendre compte de la manifestation de l'aptitude à la création éminente en l'individu. Ces différentes façons ne sont pas à inventer ; elles se retrouvent à l'œuvre à travers l'histoire de la philosophie." (pp.11-13)

    "Il est clair que toutes les doctrines ne se sont pas directement préoccupées de comprendre la créativité et ne l'ont pas érigée en une thématique importante.

    Ensuite, parmi celles qui en ont parlée, toutes n'ont pas suscité un éclairage particulier qui constitue une référence dans la perception du phénomène. Il arrive que des doctrines reprennent des idées formulées par d'autres qui les ont précédées.

    L'histoire de la philosophie en vue ici doit donc s'attacher à dégager les moments particuliers à travers lesquels une conception spécifique de la créativité s'affirme. Cette conception constitue un principe autour duquel différentes doctrines sont susceptibles d'être rassemblées.

    La présentation des principes dont la succession révèle les différents aspects du phénomène de la créativité engendre une histoire idéalisée de la philosophie qui se distingue de l'histoire positive de la philosophie."

    "La création ne constitue pas un thème central pour la philosophie dès son commencement." (p.17)

    "Il en est ainsi parce qu'à son commencement la réflexion philosophique se destine essentiellement à saisir l'unité de toutes les catégories d'êtres qui composent le monde en désignant la position qui revient à chaque catégorie d'êtres en particulier, à l'espèce humaine notamment. En d'autres termes, la philosophie à son commencement se présente comme une ontologie. Certes la critique heideggérienne, qui reproche à la philosophie depuis l'antiquité de s'être préoccupée de l'étant au lieu de l'être est aujourd'hui bien connue." (p.18)

    "Au commencement de la philosophie, l'être se comprend essentiellement en opposition à la multiplicité des êtres ou à la diversité des phénomènes accessibles au sens.

    La préoccupation de la philosophie à son commencement est d'appréhender l'unité de ce qui est par-delà la diversité des êtres ou des phénomènes.

    Suivant cette préoccupation, la réflexion philosophique est conduite à formuler précisément des catégories qui permettent de regrouper les êtres en des ensembles, de les
    classer, pour ensuite dégager le lien entre les différents ensembles. Ce lien indique un ordre auquel les différents ensembles d'êtres se retrouvent soumis. Au fondement de cet ordre se découvre un principe ultime qui permet de rendre compte de la cohésion du monde dans sa globalité par-delà la diversité des catégories d'êtres.

    La nature de ce principe ultime est susceptible de varier d'un philosophe à un autre ; il sera présenté comme un être impersonnel chez tel et comme un sujet agissant chez tel autre, mais il permet, en définitive, de rendre compte de l'unité de tout ce qui est par-delà la multiplicité des phénomènes qui se révèlent aux sens.

    Cette unité, impliquant une hiérarchie, se conquiert au terme de l'élaboration d'un discours qui, après avoir regroupé les êtres dans des catégories grâce à des concepts généraux, indique l'ordre qui les maintient ensemble et détermine la position de chaque espèce.

    Quel que soit le chemin emprunté, à travers le discours ontologique, pour reconstituer l'unité de tout ce qui est, qu'il parte de la diversité des êtres pour remonter à leur principe d'unification ou qu'il redescende de celui-ci à la multiplicité des phénomènes, il reste qu'à la base de cet ordre ainsi conquis se trouve un principe premier, un être suprême, à partir duquel toutes les autres catégories d'êtres s'engendrent et se développent." (p.19)

    "L'ontologie méconnaît l'importance de l'activité créatrice. [...]

    Le créateur, de son point de vue, est l'individu porté par une force qui le dépasse et qui lui permet de se distinguer des autres hommes. Ainsi, le philosophe qui élabore le discours ontologique permettant de dégager l'ordre qui relie les différentes catégories d'êtres est le créateur par excellence. Car, l'intuition du principe ultime qui fonde l'élaboration du discours de l'ontologie est l'indice d'une élection, le signe d'un privilège dont l'origine transcende la simple volonté humaine.

    Il faut, en effet, un saut pour passer de l'enchaînement des concepts qui aident à regrouper les êtres à la désignation d'un principe ultime, d'un être suprême, qui serait l'ultime fondement de tous les êtres. Les êtres que les concepts aident à classer sont perceptibles par les sens mais l'être suprême, lui, échappe à toute perception sensible. Il est une pure production de l'esprit, une création." (p.20)

    "On ne devient pas philosophe par hasard. Le philosophe est l'élu des dieux. Son activité est d'essence divine. L'esprit est la partie de l'homme qui le rapproche le plus des dieux.

    L'activité intellectuelle est celle par laquelle l'homme s'éloigne le plus de la condition humaine. Elle constitue le lien direct entre l'homme et la divinité. Le triomphe de l'activité intellectuelle à travers la philosophie est un indice de l'emprise du divin sur l'homme. Sans l'aide de la divinité, l'homme est incapable de s'élever de l'enchaînement des perceptions sensibles pour viser ce qui unit tous les phénomènes qu'il perçoit.  

    La divinité recrée le monde à travers la philosophie, la philosophie est une activité de recréation du monde. La recréation du monde dans la philosophie, qui est l'activité créatrice par excellence, se doit cependant d'être distinguée de la création dérivée ou de l'imitation, de l'activité créatrice à travers les arts. L'artiste imite sans connaître la vraie nature de l'être qu'il imite.

    Il ignore la position qui revient à chaque catégorie d'êtres dans le monde. Il ne sait rien de la fin pour laquelle chaque type d'être existe ni de la loi par laquelle il a été engendré. Sa création ne révèle rien de fondamental ou d'essentiel concernant la nature ou l'homme." (p.21)

    "Cette création digne n'est pas une démarche arbitraire ou contingente initiée par l'homme.

    Au contraire, elle s'accomplit sous l'autorité de la divinité qui passe par l'individu philosophe pour se rappeler l'ordre auquel le monde est soumis. [...]
    Le créateur est élu par une force qui le transcende, une force dont il répète les actes. Donc la réflexion sur la création n'est pas d'une grande importance.  La philosophie est certes création, mais la création ne saurait constituer un thème central pour la philosophie." (p.22)

    "La philosophie réflexive se profile en remettant en question l'ambition de l'ontologie. La démarche de l'ontologie conduit à dépasser les phénomènes accessibles aux sens pour essayer de saisir l'unité de tout ce qui est. Mais, au-delà des intuitions sensibles, l'esprit produit des idées auxquelles ne correspond aucun véritable contenu.

    Il élabore des concepts qui témoignent, certes, de sa fécondité mais ne désignent aucune réalité effective. La preuve en est que le principe suprême, qui est censé fonder l'unité de toutes les catégories d'êtres qui composent le monde, est désigné par certains philosophes comme un être impersonnel et par d'autres comme un sujet agissant.

    Il est impossible de départager les thèses en conflit sur la nature du principe suprême parce qu'elle est le résultat d'une libre création de l'esprit et non un objet de connaissance véritable. Toute création de l'esprit n'est, en effet, pas une connaissance.

    La connaissance exige qu'un objet soit d'abord donné au sujet pour qu'il s'applique ensuite à le déterminer, à le soumettre à un concept qui lui assigne une signification. L'esprit humain produit le concept mais il est incapable de créer l'objet auquel il est susceptible de s'appliquer. Cet objet est reçu sous la forme d'une intuition qui affecte la sensibilité. En d'autres termes, l'activité de connaissance est marquée par une passivité incontournable. La spontanéité de l'esprit, sa créativité, se limite à la production de concepts qui, considérés en eux-mêmes, ne suscitent aucune connaissance." (p.24)
    -Mahamade Savadogo, Théorie de la création. Philosophie et créativité, L'Harmattan, 2016, 148 pages.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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