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    György Nádor, Le problème de la conscience morale au siècle des lumières

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    György Nádor, Le problème de la conscience morale au siècle des lumières  Empty György Nádor, Le problème de la conscience morale au siècle des lumières

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 17 Juin - 19:22



    "Locke, dont les pensées ont exercé une influence décisive sur les représentants français du siècle des lumières, affirme également que la conscience est avant tout le produit des circonstances extérieures, éducation, société, coutumes, que le sens moral ainsi que la conscience varient selon les époques et les peuples. Les penseurs de l'époque doivent se battre avec les difficultés théoriques qui résultent de ce fait, si les catégories morales sont historiquement relatives, comment parler de la conscience et d'un ordre de valeurs universellement observables?" (p.178)

    "Les éléments énumérés ci-dessus : la relativité, le cas de l'homme sans conscience, une pseudo-conscience qui masque l'immoralité profonde et l'auto-suggestion ont tellement compliqué la solution adéquate qu'une bonne partie des représentants de la philosophie du siècle des lumières ne pouvaient pas venir à bout des données du problème. Ces données, en tant qu'issues de facteurs nombreux et compliqués, ne pouvaient guère recevoir à cette époque une réponse définitive, univoque et dogmatiquement acceptable. Peut-être est-ce la raison pour laquelle, parmi les penseurs du siècle, ce sont les moins dogmatiques qui aperçurent le mieux comment se posait le problème de la conscience dans sa complexité totale et dans son essence souvent contradictoire." (p.180)

    "Les règles morales -la conscience- sont gravées dans le cœur de l'homme. Donc la notion de conscience au siècle des lumières est immanent et autonome [...]
    La philosophie des lumières reprend certaines idées du Stoïcisme, déjà utilisées par Descartes et Spinoza, qui se rattachent aux catégories de l'école dite du droit naturel. [...]
    Les principes de la morale naturelle, contrairement aux lois sans cesse changeantes des époques et des peuples, sont impérissables et universels." (p.181)

    "L'aile positivo-matérialiste des Encyclopédistes, d'Holbach, Helvetius, etc., mettent au premier plan le rôle formatif de l'habitude. Sous l'influence des thèses de Locke, ils professent qu'il n'y a pas de catégories morales innées en nous, que l'homme devient tel que l'éducation et l'habitude le forment.
    La conscience, le visage moral de l'homme, est donc un phénomène à posteriori, le produit des facteurs qui entourent l'homme. D'Holbach écrit que le caractère moral, le comportement, le monde affectif, la volonté de l'homme -donc sa conscience aussi- sont tous le produit de l'habitude.

    Il est intéressant de remarquer que, sous l'influence de cette conception, la notion de conscience même se dissout en différentes notions voisines. L'expression même de conscience ne se trouve que rarement dans les analyses éthiques des auteurs. En tiennent lieu, tantôt l'ensemble des notions se rattachant à la coutume, à l'éducation et à l'exemple, tantôt aussi les périphrases utilisées pour désigner « la bonne conscience » : satisfaction, bonheur, magnanimité, dignité humaine. Sur cette question Voltaire se rapproche, lui aussi, du point de vue de Locke." (p.182)

    "b) Au siècle des lumières, il y a même des voix qui s'élèvent pour tenir la conscience pour une manifestation de la raison. Sterne, dont l'étude mentionnée, traitant de la conscience, est, selon Voltaire, l'un des meilleurs travaux sur la question, donne la définition suivante :

    « Dorénavant... la conscience n'est pas autre chose que la connaissance de l'âme par elle-même dans les activités mentionnées et un jugement -approbation ou condamnation- des actions que nous avons faites au cours de notre vie... » Qu'il y ait dans la conscience un élément de connaissance (ce que l'expression même de conscience comporte) c'est une tradition éthique millénaire qui existe depuis les Grecs. Puisque déjà Socrate enseignait : « qui connaît la vertu, ne peut faire le mal ».

    Il est surprenant que les premiers des penseurs du siècle des lumières aient peu mis l'accent sur l'élément de connaissance existant dans la conscience; qu'ils aient fait passer à l'arrière-plan l'importance du jugement par rapport au facteur de l'habitude ; et cela est d'autant plus étonnant que, dans d'autres domaines, par exemple sur la question des préjugés religieux, la philosophie du siècle des lumières fait ressortir avec force l'importance du jugement. Quelle en est la raison ? C'est Thomas d'Aquin qui a formulé avec le plus de force la conception intellectualiste de la conscience dans la scolastique. Après avoir dit que le mot « conscience » a une parenté du point de vue étymologique avec la connaissance, il continue ainsi : « Car on dit de la conscience qu'elle atteste, retient ou stimule et même accuse, ou tourmente et reproche. Et tout cela découle de l'application d'une de nos connaissances ou de notre savoir à notre action. » [Summa theologica 79. 1 3.]

    La thèse de Thomas d'Aquin est encore une réalité vivante au XVIIIe siècle." (p.183)

    "Dans l'étude citée, Voltaire s'attaque vivement à l'enseignement de Thomas, selon lequel les juges ne doivent pas juger suivant la conviction de leur conscience, mais uniquement suivant le témoignage des preuves : «... et, selon vous, il doit en conscience condamner l'accusé quand sa conscience lui dit que cet accusé est innocent. » Cette opposition à la conception de l'éthique thomiste était peut-être l'une des raisons pour lesquelles les penseurs du XVIe siècle avaient peu mis l'accent sur l'élément intellectuel de la conscience. La situation créée par l'éthique jésuite ne faisait qu'aggraver cette opposition.

    Chez les jésuites, l'élément intellectuel et rationnel se déforme par passage du rigorisme au laxisme. La conscience est fondée sur un calcul volontaire ; la pureté du but vise à décharger la conscience du poids des sentiments accablants qu'engendre l'emploi de moyens repréhensibles. Cette doctrine pseudo-intellectuelle des jésuites ne pouvait qu'accroître l'aversion contre l'idée de faire de la conscience morale un jugement rationnel relevant de la réflexion et de la connaissance.

    Il est certain que la plupart des représentants des lumières, en premier lieu Sterne, Voltaire, Diderot, n'ont contesté en aucune manière le fait psychologique que la conscience morale comporte aussi des processus de connaissance.

    c) Excepté peut-être Rousseau qui, en marge des encyclopédistes, avait son opinion particulière sur plusieurs questions. Rousseau oppose résolument et nettement l'activité intellectuelle -dont le résultat est souvent incertain- à la conscience qui a une base affective et par conséquent ne s'égare jamais :

    « Trop souvent la raison nous trompe, et nous n'avons que trop acquis le droit de la récuser : mais la conscience ne nous trompe jamais ; elle est le vrai guide de l'homme ; elle est à l'âme ce que l'instinct est au corps. »

    Le sens moral rend donc inutile toute activité intellectuelle et appréciatrice. Dans le discernement du bien et du mal le sens intérieur de l'homme est un juge infaillible : « Tout ce que je sens être bien est bien, tout ce que je sens être mal est mal. »

    II est évident qu'ainsi toute sorte de casuistique devient superflue : « Le meilleur de tous les casuistes est la conscience. »

    Par le fait qu'il se déclare contre la notion de conscience exclusivement intellectualiste, Rousseau tient le même rôle qu'un siècle plus tôt Pascal dans sa lutte contre l'éthique des jésuites. En même temps il déifie proprement le sens moral. Il n'est pas seul à professer à cette époque que les principes moraux sont innés dans le cœur humain, que le sens moral est infaillible, que la conscience est un don éternel pour l'homme. Mais Rousseau lui prête des attributs réellement divins :

    « Conscience ! Conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable à Dieu ! C'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la mortalité de ses actions ; sans toi, je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un entendement sans règle et d'une raison sans principe. »

    De ces prémisses, il devrait résulter que l'homme écoute toujours en toutes circonstances la voix divine jaillissant de ce sentiment inné donné par la nature. Assurément la réalité oppose un démenti à une telle hypothèse.

    Et Rousseau s'efforce d'expliquer quelle en est la cause : la conscience est timide, réservée, elle s'adresse à nous par la voix de la nature -cependant que tout veut étouffer cette voix, nous pousse à l'oublie." (pp.184-186)

    "d) II y a aussi une conception qui fait du sens esthétique de l'homme le moteur de la conscience. C'est lord Shaftesbury qui a formulé cette conception au tournant du XVIIe au XVIIIe siècle. Selon cette opinion la conscience entre parmi les sentiments naturels de l'homme. Les châtiments annoncés par la religion ne sont pas nécessaires. Puisque l'homme, cet être pourvu de sens et de raison, est conscient des conséquences de ses actes :

    « no creature can maliciously and intentionally do ill without being sensible at the same time that he deserves it. And in this respect, every sensible creature may be said to have conscience ».

    Il y a donc un nouvel élément que Shaftesbury ajoute à l'éthique : un fondement esthétique. Ainsi il joint à la conscience le sens du beau, autrement dit la répulsion à l'égard du laid. Il faut qu'en tout être raisonnable existe ce sens, sous l'influence duquel il doit éviter le laid avec le dégoût. Si ce sens moral et en même temps esthétique manque à quelqu'un, c'est un état anormal, un défaut moral qui entraîne le malheur et l'infortune.

    L'éthique inspirée de l'hellénisme de Shaftesbury influença surtout la thèse de Diderot.
    Il ne faut pas considérer ces catégories de façon rigide. Voltaire, par exemple, qui fait découler la conscience de l'habitude, met l'accent en même temps aussi sur les éléments intellectuels et rationnels.
    Diderot prend en considération la raison et l'esthétique également." (p.186)

    "Diderot s'accorde avec l'idée régnante de l'époque pour affirmer que l'homme vertueux vit dans le bonheur, la sérénité intérieure et que le remords n'appartient point aux états désirables du point de vue éthique.

    Ce qui fait la valeur de la conscience morale c'est que la distinction entre le Bien et le Mal est absolue et infranchissable et que cet ordre de valeurs est inclu pour jamais dans le cœur humain. Diderot accepte sans réserve cette conception du siècle des lumières. De sorte que la question de la conscience rejoint chez lui le problème de la morale naturelle. [...]
    Le cœur humain est l'une des sources de la conscience. Diderot déduit le jugement moral en premier lieu des facultés intérieures de l'homme, de la sensibilité morale."(p.190)

    "Quant aux conflits de la conscience, voici ce qu'il professe : si les lois positives, les lois de l'État ou le droit se trouvent opposés aux normes de la morale naturelle - l'homme ne doit pas hésiter un instant, il doit s'opposer fermement aux lois sanctionnées par l'État, la religion, etc.

    Il arrive à Diderot de sortir des cercles vicieux où d'autres encyclopédistes sont restés pris, à l'aide de corrections relativement petites, mais pourtant importantes du point de vue méthodologique. Nous ne citons qu'un exemple. Helvétius pensait trouver la base de la morale dans l'intérêt. Nous avons montré plus haut les difficultés qui naissent d'un tel point de départ pour la construction de l'éthique : il fallait élargir la notion de l'intérêt personnel pour qu'elle puisse englober aussi l'intérêt social. Diderot procède autrement : il remplace la notion de l'intérêt par une notion voisine, mais plus habilement choisie, par le concept de l'amour-propre, de l'instinct de conservation. L'amour-propre -dit Diderot- est l'une des données fondamentales de la nature humaine ; son effet n'est ni toujours ni nécessairement destructif, souvent même il fait naître des vertus.
    Dans la notion de l'amour-propre, si on l'examine bien, entre particulièrement l'amour du prochain. Il ne faut donc pas s'étonner - continue Diderot - du principe d'Helvétius, de la catégorie de l'intérêt." (p.191)

    "Diderot défend donc Helvétius, maintient le principe de l'intérêt, mais en lui attribuant un sens expressément spinoziste : il identifie l'amour-propre à l'instinct de conservation émané réellement du vivant humain et dont l'importance vitale est indéniable. Par cette correction, à peine perceptible, Diderot introduit un changement de méthode dans l'éthique ; dès qu'on conçoit la catégorie de l'intérêt à la façon de l'instinct de conservation, le principe perd sa rigidité et son exclusivisme.

    En principe, la notion de l'intérêt personnel ne laisse pas beaucoup de place à la conscience puisque la fonction de la conscience s'exerce dans une direction contraire à l'affirmation de l'égoïsme. La situation se présente autrement si l'on interprète l'intérêt dans un sens plus large, et si on l'identifie à l'instinct de conservation, il se rattache déjà à la conscience, puisque l'amour-propre bien conçu prend une allure éthique. Tandis que l'intérêt implique les notions du calcul, l'idée d'amour-propre -l'instinct de conservation contient plutôt les traits de l'être humain naturel qui a des passions, des instincts qu'il peut manifester dans un bon et dans un mauvais sens. La conscience est inhérente à la nature humaine comme une faculté naturelle. L'exemple de l'éthique spinoziste montre comment les sentiments altruistes, les normes morales humanistes peuvent gagner un large domaine dans un ordre éthique fondé sur l'instinct de conservation." (p.192)

    "Une des manifestations les plus profondes de cette investigation spirituelle est le Neveu de Rameau, œuvre que son auteur n'a pas publiée et qui fut, d'après les manuscrits, introduite par Gœthe dans la littérature mondiale." (p.193)

    "En révélant la problématique intérieure de l'esprit de Diderot, le dialogue met en lumière la dialectique intérieure de l'idéologie du siècle. Les lieux communs du siècle des lumières se révèlent avec leurs limites." (p.194)

    "Comme [Diderot l'] écrit en parlant de Montaigne [dans Encyclopédie, article « Pyrrhonisme »] : « Les contradictions de son ouvrage sont l'image fidèle des contradictions de l'entendement humain. » (p.196)

    "Dans la nature se trouvent également le Bien et le Mal ; les pessimistes et les optimistes de l'éthique se réfèrent à juste titre à la nature." (p.196)

    "Diderot se montre aussi réaliste et critique que dans le dévoilement de l'hypocrisie et du mensonge des classes supérieures. Il démontre que l'homme affamé ne se croit pas obligé de respecter les lois de la morale - quoique Diderot parle en premier lieu des fainéants qui vivent des riches, ce qu'il dit sur l'estomac creux se rapporte aux gens pauvres en général « la voix de la conscience et de l'honneur est bien faible, lorsque les boyaux crient ».

    On justifie la valeur générale de la morale et de la conscience en se référant à la nature. Diderot demande ironiquement : si on se réfère à la nature, pourquoi donc tous les hommes n'ont-ils pas naturellement le droit de manger à leur faim ; quelle est cette nature qui donne à l'homme de l'appétit, mais ne lui assure pas de quoi vivre ? « Mais s'il est dans la nature d'avoir appétit... je trouve qu'il n'est pas du bon ordre de n'avoir pas toujours de quoi manger. »

    Donc la réalité éthique et sociale donne un démenti aux principes éthiques : les principes du siècle des lumières se présentent tout autrement dans l'usage vulgaire que dans les écrits des philosophes. C'est surtout la vie qui dément les principes : dans les classes supérieures, on ne fait que parler de la conscience, mais on se moque de la morale ; de l'autre côté, les affamés ne peuvent penser à la conscience à cause de leur estomac creux." (p.200)

    "Toute l'éthique traditionnelle a été fondée sur l'hypothèse que l'homme est un être pourvu de conscience. Shakespeare, le grand connaisseur des passions humaines, le peintre génial des aberrations de l'homme, prouve aussi dans ses œuvres qu'il n'y a pas d'homme sans conscience ou plus exactement sans remords et que même les monstres moraux, au moins dans les moments critiques de leur vie, éprouvent des tourments de leur conscience (Richard III, Macbeth). Pour les moralistes, il était tout naturel de prendre la conscience humaine pour un facteur psychologique fondamental sur lequel on peut édifier l'éthique avec certitude.

    Quoique embarrassante, la reconnaissance a été inévitable : il existe des hommes qui manquent de conscience. Par cette révélation, Sterne prête sa voix à l'expérience de l'époque. Et, dans son œuvre, Diderot place ce phénomène au centre de ses recherches : quelle est la nature de « la conscience » de l'homme sans conscience ? Quelle théorie éthique tire d'elle-même la moral insanity ?

    S'il n'avait été question que d'exceptions isolées, on aurait pu fermer les yeux sur ce cas. Mais celui-ci a pris des dimensions sociales au cours du siècle. Naturellement Diderot ne peut et ne veut pas donner une réponse décisive à la question posée. D'ailleurs toute réponse n'aurait été que spécieuse.

    Diderot signale la question et montre la problématique : depuis des milliers d'années les penseurs ont essayé de construire une éthique, de convaincre les hommes de ce que sont le bien et le mal moraux, conduits par l'hypothèse que l'homme -chaque homme- a une conscience. Mais que faire si -ainsi qu'il apparut- cette hypothèse est gratuite, s'il y a des hommes qui manquent de sens moral ? De quoi peut-on convaincre un homme qui n'a pas de conscience." (p.201)

    "C'est la valeur du Neveu de Rameau : la mise à jour aiguë, impitoyable, des problèmes. Diderot ne craint pas pour la cause du siècle des lumières, en suivant cette voie. Il sait que les lieux communs de la philosophie du siècle des lumières, que ses points faibles, que ses formules vulgarisées ne sont pas des choses sacrées et immuables. C'est justement en les corrigeant que la philosophie du siècle des lumières verra la victoire de sa cause." (p.203)
    -György Nádor, "Le problème de la conscience morale au siècle des lumières", Revue Philosophique de la France et de l'Étranger, T. 156 (1966), pp. 177-204.



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