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    Philip Knee, Diderot et Montaigne. Morale et scepticisme dans le Neveu de Rameau

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Philip Knee, Diderot et Montaigne. Morale et scepticisme dans le Neveu de Rameau Empty Philip Knee, Diderot et Montaigne. Morale et scepticisme dans le Neveu de Rameau

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 17 Juin - 22:47



    "Corrado Rosso parle d'une proximité « implicite et inavouée » de Diderot avec Montaigne, par les résultats auxquels il parvient, par son type de langage et par son style de vie, malgré son opposition à Montaigne sur un plan « conscient et polémique »." (note 3 p.35)

    "Diderot faisant l'éloge du style de Montaigne, notamment dans l'article « Pyrrhonienne », mais se refusant toujours a une écriture subjective ou introspective, même dans son œuvre la plus montaignienne, l'Essai sur les règnes de Claude et de Néron, ou il présente Montaigne comme une sorte de complice." (p.36)

    "Rameau va se révéler un critique acerbe de la pensée rationaliste et systématique, sur quoi porte d'ailleurs l'unique référence directe du texte du Neveu à Montaigne." (p.38)

    "En s'identifiant avec les imposteurs qu'il dénonce, Rameau renonce a toute éthique du bien- vivre et se réclame de l'abjection. II se conduit comme les rapaces qu'il décrit, car telle est, selon lui, l'universalité de la condition humaine. Rameau est à quelque distance des autres convives chez Bertin par le récit qu'il est capable de faire d'eux et de lui-même ; mais en cela seulement réside son dédoublement. Celui de Montaigne procède d'une autre idée de l'Homme. Sa conscience de la logique des idiotismes est une conscience critique.

    En ce sens, Schwartz n'a pas tort d'avancer que Rameau est une caricature grotesque des idées de Montaigne, car s'il démystifie les apparences comme le fait Montaigne tout au long des Essais, il le fait au nom d'un immoralisme qui n'a rien de montaignien." (pp.39-40)

    "Pour Montaigne, la recherche d'une stabilité dans l'inconstance, qui préside à la connaissance de soi, est nécessairement en même temps la recherche d'une conduite morale dans son rapport aux autres." (p.40)

    "Cette démarche qui s'enquiert de la vérité de la nature [de la morale], rattachée par Montaigne a l'école pyrrhonienne [...] me semble présente dans le Neveu, mais elle ne ressort ni des propos de Rameau ni de ceux du philosophe, elle s'esquisse plutôt a travers leur échange." (p.41)

    "On retrouve donne une part de Montaigne chez Rameau, dans la mesure où il déconstruit toute définition abstraite de l'homme ; et une part chez le philosophe, dans la mesure où il refuse de réduire l'homme au désir égoïste." (p.45)

    "II faut consentir aux idiotismes, pas au nom d'un quelconque savoir acquis, mais parce qu'ils permettent aux hommes de vivre ensemble et parce que la volonté choisit, pour cette raison, de se soumettre à la communauté ou a la tradition dont elle est l'héritière. Mais ce choix n'hypothèque pas la recherche d'un ordre naturel ou d'une bonne vie ; au contraire, le consentement aux coutumes est l'une des conditions de cet effort. Car pour ce scepticisme moral le doute n'est pas la fin mais le ressort d'une quête toujours reprise, débouchant sur une exigence éthique de responsabilité. Si l'homme peut trouver une certaine stabilité dans l'inconstance, c'est a travers cette séparation du savoir et de l'action, en laquelle réside paradoxalement la seule harmonie entre lui et le monde extérieur qui lui soit accessible.

    C'est cette épreuve de l'identité disjointe que Diderot propose à son lecteur dans le Neveu, mais une épreuve qu'il ne thématise pas à la fin du dialogue. Elle est indiquée latéralement, ou montrée « au doigt » comme dirait Montaigne [...] et le lecteur est laisse à lui-même quant a la possibilité de la prendre en charge par une éthique positive. [...] Tout se passe comme si Diderot préférait ne pas l'articuler, la laisser deviner, voire en détourner son propre regard. II est en cela moins philosophe qu'artiste, laissant l'œuvre manifester d'elle-même, par son mystère, ce qui est à voir sans qu'elle l'énonce jamais." (pp.50-51)
    -Philip Knee, "Diderot et Montaigne. Morale et scepticisme dans le Neveu de Rameau", Diderot Studies, Vol. 29 (2003), pp. 35-51.



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