https://www.babelio.com/auteur/Nicole-Abecassis/351476
"Déployer sa ruse pour assurer sa place de vivant au cœur de la nature s'avère insuffisant pour l'homme. Celui-ci a à se protéger d'un autre danger: celui de la folie. C'est que la pensée qui est en lui exige que « tout cela » ait du sens. Le sens se définit avant tout comme ce qui sera la réponse à la question: vaut-il la peine de suer pour survivre, jusqu'à ce que, de toute façon, mort s'en suive ? C'est cette exigence de sens habitant la pensée de l'homme, qui le conduit à projeter sur le monde la grille théorique de sa rationalité, à recouvrir ce dernier du tissu de ses discours et de ses images. C'est ainsi que l'intelligence humaine n'épuise pas ses fins dans le façonnement utilitaire de la nature: elle s'élève jusqu'au spéculatif: au-delà du savoir-faire au service de la survie (et du bien-vivre), elle développe des sciences (et elle cherche là ce qu'elle appelle la vérité), la philosophie et l'art (et elle cherche là, précisément le sens). À ce niveau, et pour faire écho au sauvetage visé par l'intelligence technicienne, il s'agirait, pour l'homme, d'ajouter à sa « maison », une porte de salut." (p.8 )
"[Hegel] définit l'intuition -qui est le ressort de l'activité artistique- comme la capacité de saisir des totalités, mais de manière confuse, et la pensée à son plus haut niveau -qui est le ressort de la philosophie-, comme l'exercice du dépassement de soi-même comme simple entendement (capacité d'analyse) jusqu'à la raison, à même, quant à elle, de ressaisir l'unité initiale intuitionnée, mais cette fois dans la connaissance de tous les éléments distincts la constituant (dans la connaissance des « différences », dit Hegel, lesquelles se révèlent finalement des différenciations de l'unité initiale)." (p.10)
"La pensée ne peut pas ne pas prendre du recul, et c'est précisément ce recul nécessaire qui la condamnerait à perdre « de vue » le réel, celui-ci même qu'elle ambitionne de « prendre » et de « rendre » éclairé, un peu comme un photographe reculant pour élargir le champ de sa prise et réduisant du même coup la dimension de ses sujets, les rendant moins discernables, voire finissant lui-même (avec sa photo) par tomber dans le ravin se trouvant derrière lui et qu'il a manqué de voir, distrait qu'il était par le souci de faire une image. Déjà, dans le Théétète, Platon rapportait une anecdote associée à Thalès de Millet (VII-VI av. J-C.), à savoir qu'en observant « les choses du ciel », le savant serait un jour tombé dans un puits, ce qui aurait bien fait rire la modeste servante thrace qui était à ses côtés, laquelle lui aurait fait remarquer qu'il serait bien surprenant qu'il pût comprendre quoi que ce fût du ciel, lui qui perdait de vue ce qui était à ses pieds !" (p.10)
"Nécessité de penser la pensée dans une histoire - révélation majeure de la philosophie hégélienne." (p.11)
"Solution est un mot étonnant qui, en quelque sorte, couvre deux opérations que l'on peut dire contraires, ce que, à bien y regarder, fait paraître son étymologie latine (solvo, solutus) : à la fois délier et dissoudre; le premier sens renvoie à une séparation, le second, au contraire, à un phénomène de fusion, quand bien même la dis-solution semble renvoyer à une rupture de solution, Les mains du prisonnier déliées reprennent chacune leur autonomie, tandis que la solution chimique mêle au moins deux substances qui font alors un liquide homogène, Or une solution de mariage est un divorce ; une solution de continuité: une interruption, une fracture... tandis que la solution d'une équation réalise (ou révèle) une égalité, Peut-être faut-il entendre qu'après tout, il n'y a que deux types de solutions possibles (de fin résolvant des tensions) à un problème: soit isoler les parties les unes par rapport aux autres parce que leur proximité est in-harmonique, soit les uniformiser, Dans tous les cas, ce qui semble ne pas pouvoir fonctionner et que la solution est censée résoudre, c'est une articulation unifiante d'éléments distincts." (pp.13-14)
"La matière a ses lois que la pensée n'est pas prête à partager: le devenir cadavre est l'épreuve que la conscience -qui est présence à soi- ne peut admettre. Elle se rêve « âme éternelle », séparée, libérée des « impuretés » de la matière (entendons du pourrissement du corps) ; cette résolution ultime, l'homme l'appelle le salut ; c'est une espérance humaine que l'on peut qualifier de spiritualiste. L'autre solution serait d'aligner la conscience sur les lois du corps, de façon à ce que cette première baigne dans le second comme un nourrisson dans son liquide amniotique ; il convient alors, ici, de parler, dans une perspective plus matérialiste, de l'attente humaine d'un sauvetage." (p.14)
-Nikol-Nicole Abécassis, Haine de la raison et obsessions antisémites. La philosophie pervertie, Paris, L'Harmattan, 2022, 274 pages.
"Déployer sa ruse pour assurer sa place de vivant au cœur de la nature s'avère insuffisant pour l'homme. Celui-ci a à se protéger d'un autre danger: celui de la folie. C'est que la pensée qui est en lui exige que « tout cela » ait du sens. Le sens se définit avant tout comme ce qui sera la réponse à la question: vaut-il la peine de suer pour survivre, jusqu'à ce que, de toute façon, mort s'en suive ? C'est cette exigence de sens habitant la pensée de l'homme, qui le conduit à projeter sur le monde la grille théorique de sa rationalité, à recouvrir ce dernier du tissu de ses discours et de ses images. C'est ainsi que l'intelligence humaine n'épuise pas ses fins dans le façonnement utilitaire de la nature: elle s'élève jusqu'au spéculatif: au-delà du savoir-faire au service de la survie (et du bien-vivre), elle développe des sciences (et elle cherche là ce qu'elle appelle la vérité), la philosophie et l'art (et elle cherche là, précisément le sens). À ce niveau, et pour faire écho au sauvetage visé par l'intelligence technicienne, il s'agirait, pour l'homme, d'ajouter à sa « maison », une porte de salut." (p.8 )
"[Hegel] définit l'intuition -qui est le ressort de l'activité artistique- comme la capacité de saisir des totalités, mais de manière confuse, et la pensée à son plus haut niveau -qui est le ressort de la philosophie-, comme l'exercice du dépassement de soi-même comme simple entendement (capacité d'analyse) jusqu'à la raison, à même, quant à elle, de ressaisir l'unité initiale intuitionnée, mais cette fois dans la connaissance de tous les éléments distincts la constituant (dans la connaissance des « différences », dit Hegel, lesquelles se révèlent finalement des différenciations de l'unité initiale)." (p.10)
"La pensée ne peut pas ne pas prendre du recul, et c'est précisément ce recul nécessaire qui la condamnerait à perdre « de vue » le réel, celui-ci même qu'elle ambitionne de « prendre » et de « rendre » éclairé, un peu comme un photographe reculant pour élargir le champ de sa prise et réduisant du même coup la dimension de ses sujets, les rendant moins discernables, voire finissant lui-même (avec sa photo) par tomber dans le ravin se trouvant derrière lui et qu'il a manqué de voir, distrait qu'il était par le souci de faire une image. Déjà, dans le Théétète, Platon rapportait une anecdote associée à Thalès de Millet (VII-VI av. J-C.), à savoir qu'en observant « les choses du ciel », le savant serait un jour tombé dans un puits, ce qui aurait bien fait rire la modeste servante thrace qui était à ses côtés, laquelle lui aurait fait remarquer qu'il serait bien surprenant qu'il pût comprendre quoi que ce fût du ciel, lui qui perdait de vue ce qui était à ses pieds !" (p.10)
"Nécessité de penser la pensée dans une histoire - révélation majeure de la philosophie hégélienne." (p.11)
"Solution est un mot étonnant qui, en quelque sorte, couvre deux opérations que l'on peut dire contraires, ce que, à bien y regarder, fait paraître son étymologie latine (solvo, solutus) : à la fois délier et dissoudre; le premier sens renvoie à une séparation, le second, au contraire, à un phénomène de fusion, quand bien même la dis-solution semble renvoyer à une rupture de solution, Les mains du prisonnier déliées reprennent chacune leur autonomie, tandis que la solution chimique mêle au moins deux substances qui font alors un liquide homogène, Or une solution de mariage est un divorce ; une solution de continuité: une interruption, une fracture... tandis que la solution d'une équation réalise (ou révèle) une égalité, Peut-être faut-il entendre qu'après tout, il n'y a que deux types de solutions possibles (de fin résolvant des tensions) à un problème: soit isoler les parties les unes par rapport aux autres parce que leur proximité est in-harmonique, soit les uniformiser, Dans tous les cas, ce qui semble ne pas pouvoir fonctionner et que la solution est censée résoudre, c'est une articulation unifiante d'éléments distincts." (pp.13-14)
"La matière a ses lois que la pensée n'est pas prête à partager: le devenir cadavre est l'épreuve que la conscience -qui est présence à soi- ne peut admettre. Elle se rêve « âme éternelle », séparée, libérée des « impuretés » de la matière (entendons du pourrissement du corps) ; cette résolution ultime, l'homme l'appelle le salut ; c'est une espérance humaine que l'on peut qualifier de spiritualiste. L'autre solution serait d'aligner la conscience sur les lois du corps, de façon à ce que cette première baigne dans le second comme un nourrisson dans son liquide amniotique ; il convient alors, ici, de parler, dans une perspective plus matérialiste, de l'attente humaine d'un sauvetage." (p.14)
-Nikol-Nicole Abécassis, Haine de la raison et obsessions antisémites. La philosophie pervertie, Paris, L'Harmattan, 2022, 274 pages.