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    Jean-Marie Brohm, La tyrannie sportive. Théorie critique d'un opium du peuple

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Date d'inscription : 12/08/2013
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    Jean-Marie Brohm, La tyrannie sportive. Théorie critique d'un opium du peuple Empty Jean-Marie Brohm, La tyrannie sportive. Théorie critique d'un opium du peuple

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 10 Juil - 8:26

    "Depuis la chute du Mur de Berlin en 1989 et l'effondrement consécutif du glacis soviétique, l'unification sportive du monde est devenue une réalité géopolitique incontestable dans le cadre de la stratégie d'expansion du capital financier international. Du temps de la guerre des blocs -Est, Ouest, non alignés- le sport était le prolongement diplomatique d'une stratégie de confrontation entre "systèmes sociaux différents" -avec sa course aux médailles, ses enjeux nationalistes et sa rhétorique onusienne- mais aussi l'illustration de la technologisation croissante du corps humain en tant que vecteur de performances physiques. Aujourd'hui, ces tendances n'ont pas disparu, mais ont été intégrées dans le processus de la globalisation capitaliste qui homogénéise les particularités, réduit les différences et nivelle les valeurs d'usage au profit de la seule valeur d'échange.

    Dans ses institutions, ses pratiques, ses techniques, ses spectacles, le sport est désormais devenu une marchandise globale." (pp.9-10)

    "La compétition sportive mondial est [...] d'abord et avant tout une guerre farouche entre les différents taux de productivité et les divers niveaux d'investissements scientifiques, technologiques, économiques des usines à muscle, qu'elles soient étatisées comme à Cuba ou en Chine, ou privées comme aux USA." (p.10)

    "L'autre tendance de la marchandisation du monde par le sport est évidemment la spectacularisation universelle du phénomène sportif dont les Jeux Olympiques ou les Championnats du monde de football sont les manifestations les plus évidentes." (p.10)

    "Les athlètes -sprinters, lanceurs, sauteurs, coureurs de demi-fond- sont eux aussi contraints par l'injonction de la performance à tout prix de se "gonfler" muscles, cœur et poumons, de se bourrer de piqûres et pilules, d'avaler compléments alimentaires et autres "rééquilibrages hormonaux" et de "s'oxygéner" le sang. Les footballeurs les ont suivi dans cette course aux adjuvants chimiques, hormonaux et bientôt génétiques. [...]

    Le résultat en est que les sportifs tombent de plus en plus comme des mouches, fauchés dans la fleur de l'âge par des morts "naturelles" prétendument inexplicables. Or, tout le monde sait, sans vraiment vouloir le savoir, ni surtout l'avouer publiquement, que le sport de haute compétition, gangrené par le dopage "scientifique" intensif, est une grave menace pour la santé des pratiquants enrôlés." (pp.11-12)

    "C'est la connaissance du tout ou du contenant qui permet fondamentalement la connaissance de la partie ou du contenu, même si bien entendu les relations entre le tout et les parties sont dialectiques. En même temps -et malgré leur évaluation très discutable de la "pacification" de l'espace des sports dans l'espace public ou de la "maîtrise" et de l'auto-contrôle des émotions par le sport, thèse reprise à la volée et acceptée par toute une série de sociologues français- [Norbert] Elias et [Eric] Dunning ont bien pointé le fait que le processus sportif moderne était une clé pour la compréhension du processus de civilisation. Il reste cependant que celui-ci n'est pas un processus anhistorique, neutre [...] mais bel et bien le processus de civilisation -et de décivilisation- capitaliste à l'ère impérialiste, à l'ère du marché mondial, des cartels géants, de la concentration transnationale du capital et des multimédias planétaires. Aussi ne peut-on que s'interroger sur la rigueur de la contextualisation historique [...] d'Elias et Dunning lorsqu'ils écrivent que "dans le courant du XXe siècle, les activités de compétition physique réunissant des individus sous la forme rigoureusement codifiée que nous appelons "sport" ont fini par servir de représentations symboliques à une forme de compétition non violente et non militaire entre les Etats". Les compétitions sportives entre Etats au XXe siècle n'ont certes pas été directement militaires, mais elles ont été des préparations directes à la guerre (dans l'Italie mussolinienne et dans l'Allemagne hitlérienne, notamment) et elles se sont toujours tenues dans un contexte de paix armée, de coexistence belliqueuse, de rivalités diplomatiques et pour finir de confrontations guerrières directes ou indirectes. L'histoire des Jeux Olympiques du XXe siècle est là pour l'attester.

    Les sociologues du sport ont quasiment tous tendance aujourd'hui à euphémiser, banaliser, scotomiser la massification des consciences dans et par le spectacle sportif."(pp.13-14)

    "La révolte supportériste, même violente, [est] un facteur d'intégration à la machinerie sportive." (p.15)

    "
    (pp.15-18)

    "Rares sont ceux alors qui mettent en question [...] la logique même de la compétition qui engendre le dopage comme la prostitution engendre les proxénètes. Tous veulent encore croire que le dopage ne touche que certains sports et ne concerne que quelques "brebis galeuses" [...] Or, depuis au moins trois décennies, les cas de dopage se multiplient de manière exponentielle, à tous les niveaux de compétition et dans tous les sports. Après le cyclisme, l'athlétisme, l'haltérophilie, l'aviron, la natation, le ski de fond, le football, c'est au tour des sports que l'on croyait naïvement à l'abri d'être gangrenés. L'escrime, le judo, le basket, le rugby, etc., sont aussi touchés et à présent c'est aussi le cas du tennis." (pp.19-20)

    "La violence est inhérente au football." (note 23 p.23)

    "L'opium sportif n'est pas réductible [...] à l'un de ses multiples aspects -le fanatisme, le chauvinisme, la xénophobie, le racisme, l'antisémitisme, le sexisme, la haine de l'adversaire, la violence des hooligans, les beuglements des supporters, la massification émotionnelle, la régression intellectuelle, le spectacle des gladiateurs, le goût pour les mises à mort symboliques, toutes ces facettes que j'ai soigneusement disséquées- mais représente la totalité de ce que Theodor W. Adorno a appelé [...] les "pseudo-satisfactions illusoires grâce auxquelles l'ordre odieux que nous connaissons peut encore survivre" et qui, précisément parce qu'elles confortent l'ordre établi en dissimulant l'exploitation, l'aliénation, l'oppression et la domination, ne sont jamais mises à jour par les sociologues positivistes adeptes de l'harmonie sociale préétablie et des "valeurs de la culture sportive". Or "cela fait partie du mécanisme de la domination d'empêcher la connaissance des souffrances qu'elle engendre" [Adorno, Minima Moralia. Réflexions sur la vie mutilée]. Cela fait partie du mécanisme de la domination que de scotomiser son origine, ses processus, ses effets." (pp.23-24)
    -Jean-Marie Brohm, La tyrannie sportive. Théorie critique d'un opium du peuple, Paris, Beauchesne, 2006, 244 pages.


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