"La sociologie eut ses précurseurs : Durkheim a reconnu pour tels Montesquieu et Rousseau." (p.14)
"Zénon écrivit une République en réponse à celle de Platon. D’autres penseurs seront davantage portés aux recherches normatives ; c’est incontestablement le cas des Stoïciens de l’époque impériale." (p.16)
"Les trois parties de la philosophie (physique, éthique et logique) y sont à la fois nettement distinctes et étroitement solidaires." (p.21)
"Les penseurs stoïciens, de Zénon à Marc Aurèle, ont progressivement édifié, entretenu et élargi un idéal de vie capable de séduire les esprits les plus différents, de rallier en grand nombre des hommes de toutes conditions. Ce qui attirait ces adeptes, dont la plupart étaient loin d’avoir reçu une formation philosophique approfondie, c’était, nous pouvons en être sûrs, une vision nouvelle, propre à toucher le cœur, du sens de la vie, des rapports de l’homme avec autrui et avec Dieu, en d’autres termes, une morale et une religion nouvelles et non les subtilités de la physique et de la dialectique. On peut sans peine imaginer que le « fidèle » demandait à son école une règle de conduite et non des cours de philosophie." (pp.22-23)
"Le sentiment du divin qu’éprouvèrent Zénon et surtout Cléanthe est le fruit d’une expérience incommunicable, que chacun est invité à revivre par ses propres forces. L’essentiel est là. Mais, dès qu’une telle émotion prend vie et se répand, de partout et particulièrement des écoles philosophiques en place, s’élèvent questions et contestations. Comment concevoir cette divinité? De quoi se compose-t-elle ? Comment exerce-t-elle son pouvoir sur tout l’univers ? Comment l’a-t-elle créé ? En réponse à ces questions et à bien d’autres, naissent théories physiques et dialectique de combat. De là ces raisonnements tendant à démontrer que la divinité est un corps, que ce corps est divisible à l’infini, etc. L’erreur est de chercher sur ces façades pâles le cœur de la pensée stoïcienne.
Ce qui est vrai des fondateurs l’est plus encore des Stoïciens de l’époque impériale. Ils laissent éclater, Sénèque le tout premier, un virulent anti-intellectualisme. Ce n’est pas qu’ils répugnent au raisonnement, mais on peut imaginer qu’ils ont compris le danger que représentait la prolifération de la dialectique et de la physique, qui risquaient d’étouffer les deux branches vives de la pensée stoïcienne, l’émotion et la morale, seules capables d’attirer et d’apaiser les âmes inquiètes d’une vie plus intense. Aussi s’exprimèrent-ils en termes d’émotion et de volonté bien plus qu’en termes d’intelligence." (p.26)
"Dans l’être humain, le rôle actif revient à l’âme, tandis que le corps joue le rôle passif. Ensuite, tout ce qui agit comme tout ce qui subit une action doit être corporel [...] L’âme humaine, principe actif par excellence, est donc corporelle." (p.28)
"Les Stoïciens anciens distinguent plusieurs « parties » de l’âme [..] Pour Zénon, elle en comporte huit, dont chacune assure une fonction particulière ; la partie principale et centrale, siège de la raison [...] logée dans le cœur, et les parties subordonnées : les cinq sens, la parole et la puissance génératrice." (p.29)
"Dans l’école stoïcienne, l’analogie devait être exploitée jusqu’à devenir le centre de la métaphysique.
Le monde stoïcien est un grand vivant dont l’âme, assimilée à Zeus Dieu suprême, est corporelle et pneumatique. La divinité se compose d’air et du feu le plus subtil, l’éther des corps célestes où règne l’hégémonique de l’âme universelle (dans le ciel ou dans l’éther des astres ou, selon Cléanthe, dans le soleil)." (p.33)
-Arthur Bodson, La morale sociale des derniers stoïciens, Sénèque, Épictète et Marc Aurèle, Paris, Les Belles Lettres, 1967, 148 pages.