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    Frédéric Chauviré, L'ethos chevalresque dans l'éthique militaire de la noblesse française à l'époque moderne

    Johnathan R. Razorback
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    Frédéric Chauviré, L'ethos chevalresque dans l'éthique militaire de la noblesse française à l'époque moderne Empty Frédéric Chauviré, L'ethos chevalresque dans l'éthique militaire de la noblesse française à l'époque moderne

    Message par Johnathan R. Razorback Mar 10 Nov - 21:18

    http://www.academia.edu/9840690/ethos_chevaleresque_et_%C3%A9thique_militaire_de_la_noblesse_%C3%A0_l%C3%A9poque_moderne

    "C'est en effet à la guerre que le gentilhomme pourra acquérir une réputation, c'est à dire une opinion favorable aux yeux de ses pairs et de ses supérieurs. Cette réputation implique bien évidemment une dimension personnelle, mais il convient de ne pas en négliger l'aspect lignager, il lui faut égaler la vertu des ancêtres et proposer un modèle à ses descendants. La réputation est un patrimoine symbolique qu'il importe d'accroître et de transmettre."

    "Le XVIe siècle fut aussi le témoin de certains infractions notables au code chevaleresque. Les guerres de Religion virent ainsi les codes de la reddition remis en cause à plusieurs reprises. Condé est exécuté de sang-froid à Jarnac. Le maréchal de Saint-André à Dreux (1562) et l'amiral de Villars à Doullens (1595) connaissent le même sort. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces entorses aux règles chevaleresques. Anne-Marie Cocula y voit notamment, dans le cas de Condé, les conséquences de la "vendetta des Grands". Les dimensions religieuses et politiques propres à cette guerre civile sont également à prendre en compte. Il ne faut cependant pas, selon Myriam Gilet, exagérer "la spécificité moderne" de ces exécutions infamantes. Au moins peut-on souligner qu'elles témoignent, pour cette période, d'une véritable crise des valeurs nobiliaires."

    "Face à la puissance des escadrons de reîtres, les gentilshommes, bravant tout doucement leur mépris et leurs préjugés, sont donc contraints de faire une place au pistolet. A la fin du siècle, l'honneur militaire semble donc s'accommoder d'une arme que l'éthique chevaleresque ne pouvait que condamner. Nous observerons cependant que, si les gendarmes consentent à adopter la "pistolle" des reîtres, ils rejettent la tactique traditionnelle de ces derniers. La fameuse caracole, qui repose sur l'évitement du choc, est par trop éloignée de leur conception du combat. L'arme à feu est, d'une certaine façon, intégrée à l'éthique des hommes d'armes, elle ne peut être envisagée que comme une préparation au corps à corps, le seul mode de combat digne des chevaliers. Il est vrai cependant que les gentilshommes durent accepter, pour utiliser plus efficacement le feu, d'abandonner la haie pour l'escadron. Il ne pouvait plus être question désormais que chacun puisse "combattre de front et ne demeurer des derniers rangs"."

    "La prégnance du modèle chevaleresque semble connaître un recul relatif durant le règne de Louis XIV. Certains comportements ne paraissent plus acceptables. La témérité de certains gentilshommes, leur désir de briller et de prouver leur courage peut constituer une menace pour Hay du Chastelet. Il se méfie par exemple des nobles volontaires qui accompagnent les armées. "Leur zèle trop ardent cause parfois de grands désordres ; et par une ambition indiscrète et précipitée ils se font tuer inutilement." Il observe également souvent que, "les troupes étant en bataille, il se détache du fond des rangs ennemis quelques braves qui demandent un coup de pistolet. Jamais le général ne doit permettre à personne des siens de s'exposer pour cela ; nous ne sommes plus au temps des Horaces, ces sortes de combat ne servent de rien." Certes, du Chastelet est un homme de robe, néanmoins l'inflexion est réelle. Le courage ne suffit plus, la mort au "lit d'honneur" n'est plus un gage absolu car tous les sacrifices ne se valent pas. L'exemple fameux en est bien entendu la mort de d'Artagnan au siège de Maastricht (1673). Le capitaine lieutenant des mousquetaires du roi avait entrepris de sa propre initiative une attaque fort périlleuse, et l'avait payé de sa vie. Une telle action eut sans nul doute classé autrefois la mort de d'Artagnan dans le registre héroïque et chevaleresque de la "belle mort", mais les courtisans jugèrent cette fois que le célèbre mousquetaire avait fait preuve "d'une témérité de jeune homme". Le sacrifice se doit désormais d'être utile.
    Cet exemple est significatif d'une importante évolution. Le règne de Louis XVI marque en effet un tournant essentiel dans l'émergence d'une "culture du service". C'est à cette période que "l'idéal du parfait officier a dépassé le stade de la théorie pour structurer les comportements et organiser les carrières". L'esprit de service et l'intérêt général doivent l'emporter sur l'héroïsme individuel, le gentilhomme doit être désormais prêt "à tout faire et à tout souffrir pour la défense de l'Etat". Ce changement de perspective implique inévitablement une modification des valeurs qui fondent l'éthique militaire: au courage et à la courtoisie s'ajoutent à présent l'obéissance, l'économie et la sagesse. La bravoure n'est pas un "emportement", elle est soumise à une appréciation calculée et raisonnée du danger
    ."
    -Frédéric Chauviré, "L'ethos chevaleresque dans l'éthique militaire de la noblesse française à l'époque moderne", Inflexions, n°27, La documentation française, 2014.



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