http://www.multitudes.net/Althusser-et-Machiavel-la/
"Althusser n’articule jamais une théorie de la puissance du peuple où la puissance soit comprise comme une puissance de révoquer le fait accompli. Une telle puissance n’est pas seulement le présupposé d’une nouvelle action constituante, mais, plus primordialement, elle est l’expression d’une souveraine indifférence de la part du peuple et, par là, du point de vue politique au projet de gouvernement imposé par l’État et le système des partis politiques. En recourant à l’expression « souveraine in-différence au gouvernement » en rapport à l’idée de la puissance du peuple, j’entends faire ressortir trois caractéristiques de la position du peuple, dite constituante. D’abord, le peuple est puissant seulement aussi longtemps qu’il soutient sa différence avec le projet étatique de fondation : son in-différence consiste pour lui à se maintenir « dans » cette différence (cette réserve tient en échec toute tentation « républicaine » traditionnelle qui identifie le peuple au fondement de l’État). Ensuite, le peuple comme agent du non-gouvernement n’a pas d’« intérêt commun » qui puisse être formulé par l’État et son projet de gouvernement, son « in-différence » se réfère à un radical dés-intérêt pour les résultats de la gouvernementalité, qui seul permet de porter une véritable jugement sur les résultats en question. Pour agir en juge de l’État, le peuple ne peut pas fonctionner comme un réservoir d’intérêts particuliers que l’État et le système politique doivent recomposer en vue de gagner de la légitimité (cette réserve tient en échec toute tentation « pluraliste » qui identifie le peuple avec la société civile). Enfin, la souveraine in-différence du peuple se réfère à son impassibilité face à l’interpellation parlementaire ; quand le peuple est puissant, il ne veut pas être représenté politiquement précisément parce que cette forme de reconnaissance politique, venant de l’État, est la principale manière dont s’obtient leur sujétion (cette réserve tient en échec toute tentation « libérale » qui identifie le peuple à la sphère publique constituée de la démocratie électorale)."
-Miguel Vatter, Althusser et Machiavel : la politique après la critique de Marx, Multitudes, n°13, été 2003 » Mineure 13. Machiavel : maintenir le conflit.
"Althusser n’articule jamais une théorie de la puissance du peuple où la puissance soit comprise comme une puissance de révoquer le fait accompli. Une telle puissance n’est pas seulement le présupposé d’une nouvelle action constituante, mais, plus primordialement, elle est l’expression d’une souveraine indifférence de la part du peuple et, par là, du point de vue politique au projet de gouvernement imposé par l’État et le système des partis politiques. En recourant à l’expression « souveraine in-différence au gouvernement » en rapport à l’idée de la puissance du peuple, j’entends faire ressortir trois caractéristiques de la position du peuple, dite constituante. D’abord, le peuple est puissant seulement aussi longtemps qu’il soutient sa différence avec le projet étatique de fondation : son in-différence consiste pour lui à se maintenir « dans » cette différence (cette réserve tient en échec toute tentation « républicaine » traditionnelle qui identifie le peuple au fondement de l’État). Ensuite, le peuple comme agent du non-gouvernement n’a pas d’« intérêt commun » qui puisse être formulé par l’État et son projet de gouvernement, son « in-différence » se réfère à un radical dés-intérêt pour les résultats de la gouvernementalité, qui seul permet de porter une véritable jugement sur les résultats en question. Pour agir en juge de l’État, le peuple ne peut pas fonctionner comme un réservoir d’intérêts particuliers que l’État et le système politique doivent recomposer en vue de gagner de la légitimité (cette réserve tient en échec toute tentation « pluraliste » qui identifie le peuple avec la société civile). Enfin, la souveraine in-différence du peuple se réfère à son impassibilité face à l’interpellation parlementaire ; quand le peuple est puissant, il ne veut pas être représenté politiquement précisément parce que cette forme de reconnaissance politique, venant de l’État, est la principale manière dont s’obtient leur sujétion (cette réserve tient en échec toute tentation « libérale » qui identifie le peuple à la sphère publique constituée de la démocratie électorale)."
-Miguel Vatter, Althusser et Machiavel : la politique après la critique de Marx, Multitudes, n°13, été 2003 » Mineure 13. Machiavel : maintenir le conflit.