https://fr.wikipedia.org/wiki/Dominique_Aury
http://biblioteka.kijowski.pl/reage%20pauline/histoire_d'o.pdf
"Il lui dit, tout en la tenant par le collier, deux doigts glissés entre le cuir et le cou, qu’il entendait qu’elle fût désormais mise en commun entre lui et ceux dont il déciderait, et ceux qu’il ne connaîtrait pas qui étaient affiliés à la société du château, comme elle l’avait été la veille au soir. Que c’est de lui, et de lui seul qu’elle dépendait, même si elle recevait des ordres d’autres que lui, qu’il fût présent ou absent, car il participait par principe à n’importe quoi qu’on pût exiger d’elle ou lui infliger, et que c’était lui qui la possédait et jouissait d’elle à travers ceux aux mains de qui elle était remise, du seul fait qu’il la leur avait remise. Elle devait leur être soumise et les accueillir avec le même respect avec lequel elle l’accueillait, comme autant d’images de lui. II la posséderait ainsi comme un dieu possède ses créatures, dont il s’empare sous le masque d’un monstre ou d’un oiseau, de l’esprit invisible ou de l’extase. Il ne voulait pas se séparer d’elle. Il tenait d’autant plus à elle qu’il la livrait davantage. Le fait qu’il la donnait lui était une preuve, et devait en être une pour elle, qu’elle lui appartenait ; on ne donne que ce qui vous appartient. II la donnait pour la reprendre aussitôt, et la reprenait enrichie à ses yeux, comme un objet ordinaire qui aurait servi à un usage divin et se trouverait par là consacré. Il désirait depuis longtemps la prostituer, et il sentait avec joie que le plaisir qu’il en tirait était plus grand qu’il ne l’avait espéré, et l’attachait à elle davantage comme il l’attacherait à lui, d’autant plus qu’elle en serait plus humiliée et plus meurtrie. Elle ne pouvait, puisqu’elle l’aimait, qu’aimer ce qui lui venait de lui. O écoutait et tremblait de bonheur, puisqu’il l’aimait, tremblait, consentante. Il le devina sans doute, car il reprit : « C’est parce qu’il t’est facile de consentir que je veux de toi ce à quoi il te sera impossible de consentir, même si d’avance tu l’acceptes, même si tu dis oui maintenant, et que tu t’imagines capable de te soumettre. Tu ne pourras pas ne pas te révolter. On obtiendra ta soumission malgré toi, non seulement pour l’incomparable plaisir que moi ou d’autres y trouverons, mais pour que tu prennes conscience de ce qu’on a fait de toi. » O allait répondre qu’elle était son esclave, et portait ses liens avec joie. Il l’arrêta : « On t’a dit hier que tu ne devais, tant que tu serais dans ce château, ni regarder un homme au visage, ni lui parler. Tu ne le dois pas davantage à moi, mais te taire, et obéir. Je t’aime. Lève-toi. Tu n’ouvriras désormais ici la bouche, en présence d’un homme, que pour crier ou caresser. »." (46-49)
"Elle n’était plus libre ? Ah ! Dieu merci, elle n’était plus libre. Mais elle était légère, déesse sur les nuées, poisson dans l’eau, perdue de bonheur." (p.136)
"O aimait, avec passion, voir se répandre sur les visages cette buée, qui les rend si lisses et si jeunes ; d’une jeunesse hors du temps, qui ne ramène pas à l’enfance, mais gonfle les lèvres, agrandit les yeux comme un fard, et fait les iris scintillants et clairs. L’admiration y avait plus de part que l’amour-propre, car ce n’était pas son ouvrage dont elle était émue : elle avait à Roissy éprouvé le même trouble devant le visage transfiguré d’une fille possédée par un inconnu. La nudité, l’abandon des corps, la bouleversaient, et il lui semblait que ses amies lui faisaient un cadeau dont elle ne pourrait jamais offrir l’équivalent quand elles consentaient seulement à se montrer nues dans une chambre fermée."
"On pouvait la lancer à la chasse, elle était un oiseau de proie naturellement dressé, qui rabattrait et rapporterait sans faute le gibier." (p.276)
-Pauline Réage, Histoire d'O, 1954.
http://biblioteka.kijowski.pl/reage%20pauline/histoire_d'o.pdf
"Il lui dit, tout en la tenant par le collier, deux doigts glissés entre le cuir et le cou, qu’il entendait qu’elle fût désormais mise en commun entre lui et ceux dont il déciderait, et ceux qu’il ne connaîtrait pas qui étaient affiliés à la société du château, comme elle l’avait été la veille au soir. Que c’est de lui, et de lui seul qu’elle dépendait, même si elle recevait des ordres d’autres que lui, qu’il fût présent ou absent, car il participait par principe à n’importe quoi qu’on pût exiger d’elle ou lui infliger, et que c’était lui qui la possédait et jouissait d’elle à travers ceux aux mains de qui elle était remise, du seul fait qu’il la leur avait remise. Elle devait leur être soumise et les accueillir avec le même respect avec lequel elle l’accueillait, comme autant d’images de lui. II la posséderait ainsi comme un dieu possède ses créatures, dont il s’empare sous le masque d’un monstre ou d’un oiseau, de l’esprit invisible ou de l’extase. Il ne voulait pas se séparer d’elle. Il tenait d’autant plus à elle qu’il la livrait davantage. Le fait qu’il la donnait lui était une preuve, et devait en être une pour elle, qu’elle lui appartenait ; on ne donne que ce qui vous appartient. II la donnait pour la reprendre aussitôt, et la reprenait enrichie à ses yeux, comme un objet ordinaire qui aurait servi à un usage divin et se trouverait par là consacré. Il désirait depuis longtemps la prostituer, et il sentait avec joie que le plaisir qu’il en tirait était plus grand qu’il ne l’avait espéré, et l’attachait à elle davantage comme il l’attacherait à lui, d’autant plus qu’elle en serait plus humiliée et plus meurtrie. Elle ne pouvait, puisqu’elle l’aimait, qu’aimer ce qui lui venait de lui. O écoutait et tremblait de bonheur, puisqu’il l’aimait, tremblait, consentante. Il le devina sans doute, car il reprit : « C’est parce qu’il t’est facile de consentir que je veux de toi ce à quoi il te sera impossible de consentir, même si d’avance tu l’acceptes, même si tu dis oui maintenant, et que tu t’imagines capable de te soumettre. Tu ne pourras pas ne pas te révolter. On obtiendra ta soumission malgré toi, non seulement pour l’incomparable plaisir que moi ou d’autres y trouverons, mais pour que tu prennes conscience de ce qu’on a fait de toi. » O allait répondre qu’elle était son esclave, et portait ses liens avec joie. Il l’arrêta : « On t’a dit hier que tu ne devais, tant que tu serais dans ce château, ni regarder un homme au visage, ni lui parler. Tu ne le dois pas davantage à moi, mais te taire, et obéir. Je t’aime. Lève-toi. Tu n’ouvriras désormais ici la bouche, en présence d’un homme, que pour crier ou caresser. »." (46-49)
"Elle n’était plus libre ? Ah ! Dieu merci, elle n’était plus libre. Mais elle était légère, déesse sur les nuées, poisson dans l’eau, perdue de bonheur." (p.136)
"O aimait, avec passion, voir se répandre sur les visages cette buée, qui les rend si lisses et si jeunes ; d’une jeunesse hors du temps, qui ne ramène pas à l’enfance, mais gonfle les lèvres, agrandit les yeux comme un fard, et fait les iris scintillants et clairs. L’admiration y avait plus de part que l’amour-propre, car ce n’était pas son ouvrage dont elle était émue : elle avait à Roissy éprouvé le même trouble devant le visage transfiguré d’une fille possédée par un inconnu. La nudité, l’abandon des corps, la bouleversaient, et il lui semblait que ses amies lui faisaient un cadeau dont elle ne pourrait jamais offrir l’équivalent quand elles consentaient seulement à se montrer nues dans une chambre fermée."
"On pouvait la lancer à la chasse, elle était un oiseau de proie naturellement dressé, qui rabattrait et rapporterait sans faute le gibier." (p.276)
-Pauline Réage, Histoire d'O, 1954.