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    Gaston Bachelard, Le matérialisme rationnel

    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Ven 3 Fév - 19:03

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    Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Jeu 6 Juin - 10:54, édité 2 fois


    _________________
    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".

    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Sam 29 Juil - 19:11

    https://gastonbachelard.org/wp-content/uploads/2015/07/materialisme_rationnel.pdf

    "Dès qu'on suit l'évolution des connaissances scientifiques sur la matière dans la période contemporaine, on est amené à s'étonner que le matérialisme puisse encore être tenu, par les philosophes, comme une philosophie simple, voire comme une philosophie simpliste. En effet, les problèmes envisagés par les sciences de la matière se multiplient actuellement et se diversifient avec une telle rapidité que le matérialisme scientifique - si seulement on le suit dans le détail de ses pensées effectives - est en passe de devenir la philosophie la plus complexe et la plus variable qui soit. On choquerait un psychologue en lui disant que les combinaisons psychologiques sont moins nombreuses et moins délicates que les combinaisons chimiques. Et pourtant les faits sont là : la production d'idées et d'expériences, dans la chimie contemporaine, dépasse la mémoire d'un homme, l'imagination d'un homme, la puissance de compréhension d'un homme." (p.7)

    "Comparé à la connaissance actuelle des diverses instances du matérialisme scientifique (instances mécanique, physique, chimique, électrique), on peut bien dire que le matérialisme philosophique traditionnel est un matérialisme sans matière, un matérialisme tout métaphorique, une philosophie dont les métaphores ont été l'une après l'autre déracinées par les progrès de la science. Est-il encore un chimiste pour essayer de relier les images des 4 éléments matériels et les propriétés des substances chimiques ? Finalement, le philosophe idéaliste ne dirige ses traits que contre ses propres notions, contre les idées désuètes qu'il se fait de la matière.
    Il nous paraît donc nécessaire d'étudier vraiment
    le matérialisme de la matière, le matérialisme instruit par l'énorme pluralité des matières différentes, le matérialisme expérimentateur, réel, progressif, humainement instructeur. Nous verrons qu'après l'échec des essais rationalistes prématurés, se constitue vraiment, dans la science contemporaine, un rationalisme matérialiste." (p.10)

    "La phénoménologie classique s'exprime avec complaisance en termes de visées. La conscience est alors associée à une intentionnalité toute directionnelle. De ce fait, il lui est attribué une centralité excessive. Elle est un centre d'où se dispersent les lignes de recherches. Elle est vouée à toutes les affirmations immédiates de l'idéalisme.

    Alors les obstacles matériels sont, tout de suite, des contradictions si totales, si irrationnelles qu'on perdrait son temps à les résoudre. On retourne au centre des visées pour recommencer à contempler. A la visée répondent des signes, des étiquettes, des noms d'objets. On organise le tout en science formelle, en système de significations, en logos. Mais les contradictions de la matière ne sont pas évincées pour si peu. Les visées contredites par une expérience de la matière provoquent des désharmonies dans l'intentionnalité, voire des décoordinations de l'être vivant. A la gratuité des actes de simple visée fait écho l'absurdité du monde visé. La pensée ne travaille plus sur l'obstacle ; elle ne persiste pas dans une expérience déterminée ; elle ne prolonge pas son effort au delà des premiers échecs ; elle se complaît dans sa liberté de viser ailleurs. Etre libre, c'est aller se faire embarrasser ailleurs, plus tard, autrement
    ." (p.18)

    "Tout au plus, forme et objet ne sont qu'un instant de la matière." (p.24)

    "Seul le dur travail de la pensée et de l'expérience scientifiques peut souder le réalisme et le rationalisme." (p.26)

    "La science n'a pas la philosophie qu'elle mérite." (p.28)

    "Se taire est souvent plus difficile que parler." (p.39)

    "Si l'on n'a pas vraiment suivi l'immense évolution des connaissances sur la matière, le problème de l'unité de la matière se formule en des questions pré-maturées. Ces questions, philosophiques, sorties d'un lointain passé, sont, à l'égard de la pensée contemporaine, des questions d'ignorant. Parfois le philosophe s'étonne que le savant moderne ne réponde pas à de telles questions. Il se prévaut de ce silence de la science sur ces « grands problèmes » de l'unité de l'être pour dénoncer la pauvreté philosophique de la pensée scientifique. Ainsi, c'est aux heures où les problèmes de la synthèse prudente et méthodique se posent explicitement, en réunissant des données plus nombreuses, plus claires, mieux vérifiées, aux heures mêmes où le difficile travail synthétique réussit que le philosophe se perd dans la nostalgie de la simplicité perdue. Mais, dans le règne de l'expérience, les origines sont de faux départs. Et cela est particulièrement sensible à l'égard des connaissances sur la matière." (p.46)

    "Nous croyons, en effet, que le progrès scientifique manifeste toujours une rupture, de perpétuelles ruptures, entre connaissance commune et connaissance scientifique, dès qu'on aborde une science évoluée, une science qui, du fait même de ces ruptures, porte la marque de la modernité." (p.244)

    "Le philosophe ne s'étonne pas de ce développement étonnant. Il lit et relit des généralités qui condamnent la technique. Il ne donne aucune attention au caractère éminemment désintéressé de certaines recherches techniques, il n'en voit pas la beauté intellectuel-le, il reste étranger à l'harmonie qui apparaît dans cette multiplicité d'êtres bien ordonnés. Il déshumanise ainsi un effort prodigieux de l'esprit humain, l'effort même de la cité scientifique devant un monde à créer dans une extraordinaire nouveauté." (p.247)

    "Du bon sens on veut faire sortir lentement, doucement, les rudiments du savoir scientifique. On répugne à faire violence au « sens commun ». Et dans les méthodes d'enseignement élémentaire, on recule, comme à plaisir, les heures d'initiations viriles, on souhaite garder la tradition de la science élémentaire, de la science facile ; on se fait un devoir de faire participer l'étudiant à l'immobilité de la connaissance première. Il faut pourtant en arriver à critiquer la culture élémentaire. On entre alors dans le règne de la culture scientifique difficile." (p.249)

    "Il nous semble que l'ozone, dont nous comprenons maintenant la constitution, dont nous écrivons sans hésitation le symbole 03 et auquel nous consacrons un court chapitre dans nos livres élémentaires, peut être un bon exemple d'une substance longtemps survalorisée.

    Dès le début, cette substance a un trop gros poids cosmique : elle est l'odeur de la foudre ; sa production par l'électricité lui confère l'importance historique de tout ce qui touche le fluide mystérieux. On est particulièrement attentif à toutes ses propriétés sensibles. Dans ces conditions, ce sera une tâche longue et difficile de faire rentrer au laboratoire cette substance « cosmique ». Cette tâche est achevée grâce à de longs efforts d'
    ontologie restrictive. Cette ontologie restrictive se présente comme un double restriction à l'égard d'une philosophie sensualiste et à l'égard d'une philosophie cosmique.

    En somme, la connaissance immédiate et la connaissance commune s'accommodent des grandes légendes de la philosophie naturelle, ou réciproquement les philosophies de la nature acceptent d'amplifier des faits qui frappent l'imagination. Au contraire, la connaissance scientifique veut de prime abord circonscrire son objet. Elle va à contre-courant des vagues généralisations
    ." (p.261)
    -Gaston Bachelard, Le matérialisme rationnel, Les classiques des sciences sociales, 1972 (1953 pour la 1ère édition), 264 pages.


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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

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