"On trouve d'abord le nom Adamas chez Hésiode: il y désigne la matière mythique, particulièrement dure, le métal magique de la faucille dont Gaia se sert pour castrer Ouranos." (p.34)
"Le projet politique de Hölderlin [...] se met en place dans de longs débats avec Hegel sur le christianisme, et demeure assez proche, dans sa problématique "esthétique", des positions de Schiller." (p.45)
-Jean-Pierre Lefebvre, préface à Friedrich Hölderlin, Hypérion ou l'Ermite de Grèce, trad. Jean-Pierre Lefebvre, GF Flammarion, 2005 (1797-1799 pour la première édition allemande), 281 pages.
"Ne faire qu'un avec tout ce qui vit, plonger dans la félicité de l'oubli de soi en revenant dans le Tout de la nature, voilà l'ultime sommet des pensées et des joies, la cime sacrée, le lieu de l'éternelle quiétude, où se dissipe la lourde chaleur de midi, où la voix du tonnerre se tait, où la mer bouillonnante s'apaise et se fait aussi ondoyante qu'un champ de blé. [...]
Ah, que n'ai-je évité d'aller dans vos écoles. La science que j'ai suivie dans les profondeurs qu'elle creuse, et dont, dans la folie de la jeunesse, j'attendais qu'elle conforte mes joies pures, la science a tout abîmé.
Chez vous je suis devenu tout à fait raisonnable, j'ai appris à me distinguer avec rigueur de ce qui m'environne, et maintenant je me trouve isolé dans la beauté du monde, expulsé loin du jardin de la nature où j'ai grandi et me suis épanoui, et je me dessèche au soleil de midi." (p.69)
"Ah, l'homme est un dieu quand il rêve, et un mendiant quand il réfléchit." (p.70)
"Ce qui épiçait pour moi le fade aliment du commerce ordinaire avec les gens, c'était les bons visages et les bonnes personnes que la nature compatissante dépêche encore ça et là comme des étoiles dans nos ténèbres." (p.86)
"Caractère incurable de ce siècle." (p.87)
"[Alabanda:] Grâce à Dieu, je n'aurai pas une fin ordinaire. Etre heureux, dans la bouche des valets, c'est somnoler. Etre heureux ! J'ai l'impression d'avoir de la bouillie et de l'eau tiède sur la langue, quand vous me parlez d'être heureux. C'est tellement niais et abominable, tout ce pour quoi vous sacrifiez vos couronnes de laurier, et votre immortalité." (p.96)
"Ils n'ont aucune idée du péché qu'ils commettent ceux qui entendent faire de l'Etat une école des mœurs à adopter. Quoi qu'on dise, c'est bien ce qui a fait de l'Etat un enfer: que l'homme veuille en faire son ciel.
L'Etat, c'est l'écorce rude autour du noyau de la vie et rien d'autre. C'est le mur autour du jardin des fruits et des fleurs de l'humanité." (p.99)
"La beauté éternelle, la nature ne souffre d'aucune perte en elle-même, pas plus qu'elle ne souffre d'ajout." (p.134)
"Athènes n'était plus que la catin d'Alexandre, et le monde entier était comme un cerf traqué à mort par le grand chasseur." (p.158)
"Veux-tu te retrancher dans le ciel de ton amour et laisser se dessécher et refroidir sous toi le monde qui aurait besoin de toi ? Il faut, tel le rayon de lumière, que tu descendes sur le monde, ou, comme la pluie qui rafraîchit tout, que tu tombes sur la terre des mortels ; tu dois illuminer comme Apollon, ébranler, faire vivre, comme Jupiter, sinon, tu n'es pas digne de ton ciel." (p.173)
"Car ce pays d'ombres est l'élément de l'amour, le seul ici où du ciel de tes yeux s'écoule la rosée discrète de la mélancolie." (p.232)
"Mais toutes les actions de l'homme ont à la fin leur châtiment, et seuls les dieux ou les enfants échappent à la Némésis." (p.238)
"Je n'avais jamais éprouvé aussi entièrement cette vieille et ferme sentence du destin qui veut qu'un nouveau bonheur monte dans le cœur qui résiste et supporte la minuit du chagrin, et pose que c'est au plus profond de la souffrance, et seulement alors, que retentit pour nous, tel un chant de rossignol dans l'obscurité, le chant de vie de l'univers." (p.260)
-Friedrich Hölderlin, Hypérion ou l'Ermite de Grèce, trad. Jean-Pierre Lefebvre, GF Flammarion, 2005 (1797-1799 pour la première édition allemande), 281 pages.
"Les Vies des hommes illustres de Plutarque [...] sont une lecture "pédagogique" majeure de Hölderlin, comme de tous les auteurs de sa génération [...] dans le droit fil des recommandations de Rousseau." -Friedrich Hölderlin, Hypérion ou l'Ermite de Grèce, trad. Jean-Pierre Lefebvre, GF Flammarion, 2005 (1797-1799 pour la première édition allemande), 281 pages, notes du traducteur, note 1 p.76.
"Que nous entrions dans la nuit ne signifie nullement que nous ne puissions ni veiller, ni nous souvenir, ni attendre." (p.25)
-François Garrigue, Introduction à Friedrich Hölderlin, Œuvre poétique complète, trad. François Garrigue, Éditions de la Différence, 2005, 1007 pages.
"mais l'esclave du vice,
Connaît de la conscience l'âpre cri,
L'angoisse à mort le roule sur la couche molle
Où le plaisir lui-même tient le fouet." ("La nuit", p.55)
"Viele Wonnenaugenblike gabst du mir / Tant d'instants de bonheur que j'ai eus de toi." ("Plaintes", p.68-69)
"Que c'est bon ! N'avoir plus sous les yeux l'essaim des fous,
Élever dans les airs ma vue dès lors plus libres de nuages,
Respirer d'un plus libre sein qu'entre les murs de la misère
Et les détours de l'imposture. Oh! belle heure radieuse !
Comme des amants séparés, longtemps privés d'embrassements
Se jettent les bras dans les bras, tel je courais sur la lande,
Montant me faire une fête en ma lande solitaire.
Et je les ai retrouvées, je les ai, mes tranquilles joies
Retrouvées toutes, et les revoici, mes chênes ombreux,
Encore debout là-même si royaux, assombrissant la lande
De leurs superbes rangs anciens, encor, les chênes ombreux.
Chaque fois passe auprès de mes chênes millénaires
Tête nue le chasseur, comme le veut la tradition
De ce pays, car au pied de leurs superbes rangs
Dorment depuis longtemps les héros tombés dans l'âge de fer.
Mais écoute ! quel bruit s'élève du noir bocage ?
Reste au loin ! perturbateur du poète ! -mais vois !
Vois ! -merveille ! ô grandeur ! une harde de cerfs à la haute ramure
Défile lentement -descendant à la source, au vallon. -
Oh! là je me retrouve, et la noire misanthropie
Est si pleinement, si pleinement effacée de mon cœur.
Puissé-je être à jamais loin de ces murs de misères,
De ces murs d'imposture ! - Un reflet monte des toits miroitants
Des palais géants, et des pointes des tours vieillissantes
Là où sont chêne et hêtre en telle solitude ; et sourdement
Monte de la vallée le roulement des carrosses de cour
Et le sabot des chevaux de parade - - Ô courtisans, restez
Restez à jamais dans vos roulements de carrosse,
Prosternez-vous bien bas sur les scènes de fous des grands palais,
Restez-y à jamais ! - Et vous, plus nobles, arrivez,
Nobles vieillards, hommes faits, jeunes gens, arrivez !
Que nous bâtissions chalets -de vrai virilité germanique,
Oui, et chalets à l'amitié sur ma lande solitaire." ("Écrit sur une lande", 1787, p.117 et 119)
-Friedrich Hölderlin, Œuvre poétique complète, trad. François Garrigue, Éditions de la Différence, 2005, 1007 pages.
http://francais.agonia.net/index.php/poetry/1788092/PAIN_ET_VIN
"Le projet politique de Hölderlin [...] se met en place dans de longs débats avec Hegel sur le christianisme, et demeure assez proche, dans sa problématique "esthétique", des positions de Schiller." (p.45)
-Jean-Pierre Lefebvre, préface à Friedrich Hölderlin, Hypérion ou l'Ermite de Grèce, trad. Jean-Pierre Lefebvre, GF Flammarion, 2005 (1797-1799 pour la première édition allemande), 281 pages.
"Ne faire qu'un avec tout ce qui vit, plonger dans la félicité de l'oubli de soi en revenant dans le Tout de la nature, voilà l'ultime sommet des pensées et des joies, la cime sacrée, le lieu de l'éternelle quiétude, où se dissipe la lourde chaleur de midi, où la voix du tonnerre se tait, où la mer bouillonnante s'apaise et se fait aussi ondoyante qu'un champ de blé. [...]
Ah, que n'ai-je évité d'aller dans vos écoles. La science que j'ai suivie dans les profondeurs qu'elle creuse, et dont, dans la folie de la jeunesse, j'attendais qu'elle conforte mes joies pures, la science a tout abîmé.
Chez vous je suis devenu tout à fait raisonnable, j'ai appris à me distinguer avec rigueur de ce qui m'environne, et maintenant je me trouve isolé dans la beauté du monde, expulsé loin du jardin de la nature où j'ai grandi et me suis épanoui, et je me dessèche au soleil de midi." (p.69)
"Ah, l'homme est un dieu quand il rêve, et un mendiant quand il réfléchit." (p.70)
"Ce qui épiçait pour moi le fade aliment du commerce ordinaire avec les gens, c'était les bons visages et les bonnes personnes que la nature compatissante dépêche encore ça et là comme des étoiles dans nos ténèbres." (p.86)
"Caractère incurable de ce siècle." (p.87)
"[Alabanda:] Grâce à Dieu, je n'aurai pas une fin ordinaire. Etre heureux, dans la bouche des valets, c'est somnoler. Etre heureux ! J'ai l'impression d'avoir de la bouillie et de l'eau tiède sur la langue, quand vous me parlez d'être heureux. C'est tellement niais et abominable, tout ce pour quoi vous sacrifiez vos couronnes de laurier, et votre immortalité." (p.96)
"Ils n'ont aucune idée du péché qu'ils commettent ceux qui entendent faire de l'Etat une école des mœurs à adopter. Quoi qu'on dise, c'est bien ce qui a fait de l'Etat un enfer: que l'homme veuille en faire son ciel.
L'Etat, c'est l'écorce rude autour du noyau de la vie et rien d'autre. C'est le mur autour du jardin des fruits et des fleurs de l'humanité." (p.99)
"La beauté éternelle, la nature ne souffre d'aucune perte en elle-même, pas plus qu'elle ne souffre d'ajout." (p.134)
"Athènes n'était plus que la catin d'Alexandre, et le monde entier était comme un cerf traqué à mort par le grand chasseur." (p.158)
"Veux-tu te retrancher dans le ciel de ton amour et laisser se dessécher et refroidir sous toi le monde qui aurait besoin de toi ? Il faut, tel le rayon de lumière, que tu descendes sur le monde, ou, comme la pluie qui rafraîchit tout, que tu tombes sur la terre des mortels ; tu dois illuminer comme Apollon, ébranler, faire vivre, comme Jupiter, sinon, tu n'es pas digne de ton ciel." (p.173)
"Car ce pays d'ombres est l'élément de l'amour, le seul ici où du ciel de tes yeux s'écoule la rosée discrète de la mélancolie." (p.232)
"Mais toutes les actions de l'homme ont à la fin leur châtiment, et seuls les dieux ou les enfants échappent à la Némésis." (p.238)
"Je n'avais jamais éprouvé aussi entièrement cette vieille et ferme sentence du destin qui veut qu'un nouveau bonheur monte dans le cœur qui résiste et supporte la minuit du chagrin, et pose que c'est au plus profond de la souffrance, et seulement alors, que retentit pour nous, tel un chant de rossignol dans l'obscurité, le chant de vie de l'univers." (p.260)
-Friedrich Hölderlin, Hypérion ou l'Ermite de Grèce, trad. Jean-Pierre Lefebvre, GF Flammarion, 2005 (1797-1799 pour la première édition allemande), 281 pages.
"Les Vies des hommes illustres de Plutarque [...] sont une lecture "pédagogique" majeure de Hölderlin, comme de tous les auteurs de sa génération [...] dans le droit fil des recommandations de Rousseau." -Friedrich Hölderlin, Hypérion ou l'Ermite de Grèce, trad. Jean-Pierre Lefebvre, GF Flammarion, 2005 (1797-1799 pour la première édition allemande), 281 pages, notes du traducteur, note 1 p.76.
"Que nous entrions dans la nuit ne signifie nullement que nous ne puissions ni veiller, ni nous souvenir, ni attendre." (p.25)
-François Garrigue, Introduction à Friedrich Hölderlin, Œuvre poétique complète, trad. François Garrigue, Éditions de la Différence, 2005, 1007 pages.
"mais l'esclave du vice,
Connaît de la conscience l'âpre cri,
L'angoisse à mort le roule sur la couche molle
Où le plaisir lui-même tient le fouet." ("La nuit", p.55)
"Viele Wonnenaugenblike gabst du mir / Tant d'instants de bonheur que j'ai eus de toi." ("Plaintes", p.68-69)
"Que c'est bon ! N'avoir plus sous les yeux l'essaim des fous,
Élever dans les airs ma vue dès lors plus libres de nuages,
Respirer d'un plus libre sein qu'entre les murs de la misère
Et les détours de l'imposture. Oh! belle heure radieuse !
Comme des amants séparés, longtemps privés d'embrassements
Se jettent les bras dans les bras, tel je courais sur la lande,
Montant me faire une fête en ma lande solitaire.
Et je les ai retrouvées, je les ai, mes tranquilles joies
Retrouvées toutes, et les revoici, mes chênes ombreux,
Encore debout là-même si royaux, assombrissant la lande
De leurs superbes rangs anciens, encor, les chênes ombreux.
Chaque fois passe auprès de mes chênes millénaires
Tête nue le chasseur, comme le veut la tradition
De ce pays, car au pied de leurs superbes rangs
Dorment depuis longtemps les héros tombés dans l'âge de fer.
Mais écoute ! quel bruit s'élève du noir bocage ?
Reste au loin ! perturbateur du poète ! -mais vois !
Vois ! -merveille ! ô grandeur ! une harde de cerfs à la haute ramure
Défile lentement -descendant à la source, au vallon. -
Oh! là je me retrouve, et la noire misanthropie
Est si pleinement, si pleinement effacée de mon cœur.
Puissé-je être à jamais loin de ces murs de misères,
De ces murs d'imposture ! - Un reflet monte des toits miroitants
Des palais géants, et des pointes des tours vieillissantes
Là où sont chêne et hêtre en telle solitude ; et sourdement
Monte de la vallée le roulement des carrosses de cour
Et le sabot des chevaux de parade - - Ô courtisans, restez
Restez à jamais dans vos roulements de carrosse,
Prosternez-vous bien bas sur les scènes de fous des grands palais,
Restez-y à jamais ! - Et vous, plus nobles, arrivez,
Nobles vieillards, hommes faits, jeunes gens, arrivez !
Que nous bâtissions chalets -de vrai virilité germanique,
Oui, et chalets à l'amitié sur ma lande solitaire." ("Écrit sur une lande", 1787, p.117 et 119)
-Friedrich Hölderlin, Œuvre poétique complète, trad. François Garrigue, Éditions de la Différence, 2005, 1007 pages.
http://francais.agonia.net/index.php/poetry/1788092/PAIN_ET_VIN