https://www.fichier-pdf.fr/2017/02/07/assimilation-la-fin-du-modele-francais/assimilation-la-fin-du-modele-francais.pdf
"L’assimilation est un processus social de convergence des comportements, auquel la mixité des mariages (et plus largement des unions) apporte une contribution décisive. C’est ainsi que des millions d’immigrés et d’enfants d’immigrés sont devenus des Français à part entière. Elle s’effectue dans un rapport inégalitaire entre la nation qui accueille et les nouveaux venus. C’est de ces derniers que sont attendus la plupart des efforts, sous la pression sociale exercée par la population environnante. Ce qui ne veut pas dire que cette dernière n’évolue pas. Si elle n’est pas disposée à se plier aux mœurs des nouveaux venus, elle se transforme pourtant elle aussi subrepticement, mais sans avoir l’impression que ses modes de vie ou ses pratiques culturelles sont profondément chamboulés, voire directement remis en cause." (p.6-7)
"L’assimilation nécessite que le corps social s’y engage sans réticence – en l’occurrence les classes populaires qui sont au front de la cohabitation inter-ethnique – et dans son entier, élites comprises. Les Français continuent massivement de penser que ce sont aux étrangers d’adapter leurs comportements, comme l’indique encore le dernier sondage de la CNCDH2 : en décembre 2012, 94 % des personnes interrogées jugent indispensable que les étrangers qui viennent vivre en France adoptent les habitudes de vie françaises. Vivement critiquée et rejetée aujourd’hui, plus par les élites que par les citoyens ordinaires, l’assimilation a-t-elle encore un avenir ?" (p.7)
"La France est, et probablement encore pour longtemps, le premier pays de l’UE277 par le nombre et la proportion de musulmans, Bulgarie exceptée. Contrairement à une légende qui voudrait faire de l’islam l’une des religions installées de longue date en France, les musulmans d’aujourd’hui sont presque
exclusivement le produit de l’immigration récente." (p.
"Le plus grand danger qui guette la France n’est pas une submersion démographique, même à long terme, mais une certaine complaisance et un manque de volonté à défendre ses valeurs et ses modes de vie. Par ailleurs, une présence musulmane importante en France, et plus largement en Europe, expose notre pays aux tentations radicales qui fleurissent un peu partout dans le monde musulman et représentent, encore pour des décennies sans doute, un véritable danger, surtout si elles ne sont pas traitées avec vigilance ou font l’objet d’un relativisme complaisant." (p.10)
"L’assimilation sera d’autant plus difficile qu’elle est contrariée par une évolution des mentalités des élites françaises, mais plus largement européennes, vers une grande intransigeance à l’égard des « autochtones » qui contraste vivement avec une tolérance à tout dès que l’Autre entre dans le champ de vision. C’est le produit d’une Europe taraudée par sa mauvaise conscience et d’élites transformées en « gardiens du temple » craignant toujours le pire et
donnant tort a priori aux descendants d’Européens dont elles se souviennent qu’ils ont été justement capables du pire." (p.10)
"Les attentions manifestées par les pouvoir publics à l’égard des « quartiers populaires », expression désignant désormais exclusivement la banlieue que les classes populaires « autochtones » évitent soigneusement, ne peuvent que susciter du ressentiment chez ces dernières, alors même que l’État s’est désengagé des zones faiblement urbanisées où elles ont trouvé refuge. Elles ne semblent pas très séduites par la perspective d’avoir à entrer dans un dialogue des cultures qui a toutes les chances d’être épuisant et dont l’issue est incertaine. Désavouées par les élites, anxieuses d’échapper à la banlieue et incapables de se payer le luxe de la frontière dans les grandes métropoles, elles font sécession et habitent, lorsqu’elles le peuvent, là où elles sont en mesure de protéger leur mode de vie.
Désormais, l’assimilation, l’intégration, le multiculturalisme, la diversité, l’interculturalisme ou tout ce qu’on voudra bien inventer… ce sera sans elles. Or, sans les classes populaires, non seulement l’assimilation est impraticable, mais les autres options ne s’annoncent pas très bien non plus. Comment encourager le dialogue interculturel si l’on ne se côtoie plus ?" (p.11-12)
"Depuis 1999, la population immigrée a augmenté de 24 % en 10 ans. Le nombre de natifs n’a progressé, lui, que de 5 % sur la même période. La proportion d’immigrés est donc passée de 7,4 % en 1999 à 8,5 % en 2009. En termes relatifs, l’accroissement de la proportion d’immigrés est voisin de celui observé pendant les Trente Glorieuses, période que personne n’oserait qualifier de stagnation migratoire. La France est donc sortie de sa phase de faible intensité des flux migratoires qui a effectivement suivi la suspension de l’immigration de travail en 1974 et a duré un quart de siècle, pour entrer dans un nouveau cycle migratoire. Elle connaît la proportion d’immigrés la plus élevée de son histoire.
La forte croissance de la proportion d’immigrés durant la période 1921-1926 est exceptionnelle, a duré très peu de temps et est restée sans équivalent." (p.58-59)
"On dit souvent que rien n’a changé en France, que l’immigration y est un phénomène ancien et l’on imagine que l’immigration nouvelle subira le même destin que celles qui l’ont précédée. Pourtant l’apparition de l’islam en France et sa visibilité accrue au fil des années ne peuvent pas être considérées comme un phénomène anodin, malgré les tentatives courantes de faire remonter la présence de l’islam à des temps plus anciens, comme on essaie de faire croire que l’Europe a été de tout temps une terre d’immigration et que l’histoire de la planète est jalonnée par celle de grandes migrations, quitte à y inclure les invasions guerrières, la colonisation ou le commerce des esclaves. Il ne nous arriverait donc rien de nouveau et ce qui nous arrive serait à considérer avec recul, comme une péripétie sur la grande échelle du temps long." (p.116-117)
"J’estime, en effet, le nombre de musulmans plutôt proche de 4,2 millions fin 2008 (cf. encadré), soit 6,7 % de la population de la France métropolitaine. Sur ces 4,2 millions de musulmans, près de 3 millions sont français ou le deviendront à leur majorité ou par option un peu avant, soit 71 % de l’ensemble. Si l’on ne s’intéresse qu’aux Français musulmans en âge de voter, l’effectif est de 1,6 millions. À supposer qu’ils aient été inscrits sur les listes électorales et aient fréquenté les bureaux de vote au deuxième tour des présidentielles de 2012 comme les autres électeurs potentiels, ils représentaient, en 2008, 1,26 million de voix. D’après une étude de l’Ifop, ils ont été 86 % à voter pour François Hollande au deuxième tour, soit une masse de votants de 1,09 million. C’est presque autant que le nombre de voix qui a séparé M. Hollande de M. Sarkozy." (p.128)
"En 1962, on peut estimer grossièrement à un peu moins de 500 000 le nombre de “Français musulmans” d’Algérie et d’étrangers en provenance du Maghreb, d’Afrique subsaharienne ou de Turquie résidant en France métropolitaine." (p.135)
"La conversion à l’islam, qui alimente de nombreuses conversations, n’a rien de massif. La proportion de musulmans convertis (dont aucun parent n’est musulman) est, parmi les 18-50 ans, voisine de celle des catholiques convertis, respectivement 5% et 4%." (p.138)
"La répartition géographique des musulmans est, on le devine, très concentrée. En 2008, 63 % des musulmans âgés de 18-50 ans résident dans trois régions seulement – Ile-de- France, PACA et Rhône-Alpes – contre 41 % des habitants de la France métropolitaine en général." (p.140)
"Si l’on s’intéresse maintenant aux plus fervents, ceux qui déclarent accorder beaucoup d’importance à la religion, les musulmans sont plus nombreux que les catholiques entre 18 et 50 ans. L’islam n’est donc probablement pas loin d’être la première religion de France parmi ceux pour qui la religion compte beaucoup. C’est d’autant plus vrai que l’on descend la pyramide des âges. En 2008, parmi les 18-27 ans, les musulmans sont plus de trois fois plus nombreux que les catholiques." (p.145)
"Les musulmans ont la réputation de vivre, en moyenne, dans des conditions plus difficiles que le reste de la population. C’est vrai, leur environnement est plus difficile. Ils sont plus nombreux à résider dans des quartiers cumulant divers handicaps, en termes d’emploi, de niveau de diplôme, d’habitat et de revenu." (p.153)
"Le Coran autorise les musulmans à manger de la viande provenant de bêtes abattues par des chrétiens ou des juifs qu’il appelle « les gens du Livre ». Le Coran autorise aussi un musulman à épouser une femme « du Livre ». Si certains accommodements sont possibles avec les chrétiens et les juifs, aucun ne l’est avec les gens qui n’ont pas de religion. La doctrine islamique elle-même renforce donc l’hostilité que les musulmans peuvent ressentir à l’égard de la société française, laïque et peu croyante." (p.171)
"Les enfants élevés dans une famille où l’un au moins des parents est musulman ont reçu une éducation plus religieuse que les enfants des familles catholiques : 50 % des premiers déclarent que leur éducation a accordé une grande importance à la religion, contre 13 % des seconds." (p.174)
"Au fil du temps, la transmission de l’islam s’est considérablement améliorée dans les familles immigrées. Leurs enfants nés en France dans la deuxième moitié des années 1980 adhèrent à l’islam dans une proportion voisine de celle des migrants adultes et des migrants enfants, soit deux fois plus qu’il y a un quart de siècle." (p.180)
"De ceux qui sont nés en 1958-1964, seulement 24 % ont reçu une éducation familiale accordant une grande importance à la religion. Les familles qui n’en ont accordé aucune sont aussi nombreuses. Parmi ceux qui sont nés en 1985-1990, soit un peu plus d’un quart de siècle plus tard seulement, près de la moitié ont été éduqués dans une famille accordant une grande importance à la religion, soit cinq fois plus que ceux dont l’éducation n’a pas du tout tenu compte de la religion." (p.181)
"Les unions exogames sont beaucoup plus fragiles que celles conclues entre musulmans. Au bout de cinq ans, 14 % des unions entre deux conjoints musulmans célébrées avant 2004 ont été rompues, contre 30 % de celles alliant un(e) musulman(e) à un conjoint sans religion." (p.192)
"La natalité élevée de la population musulmane tient à sa grande jeunesse et à un différentiel de fécondité qui, sans être considérable, n’est pas négligeable.
La fécondité des femmes musulmanes est supérieure à celles des catholiques et des athées ou agnostiques. Les femmes musulmanes nées en 1958-68 ont, à 40 ans, 1,1 enfant de plus que les femmes sans religion et 0,9 enfant de plus que les femmes catholiques (tableau 25). Cet avantage est en grande partie dû aux femmes immigrées – les filles d’immigrés n’ayant, à 35 ans, que 0,3 enfant de plus que les femmes sans religion, contre 0,8 pour les femmes immigrées – et à l’investissement personnel dans la religion. Les femmes musulmanes qui accordent une grande importance à la religion ont plus d’enfants que les autres." (p.212)
"Les problèmes que peut poser l’islam à la société française ne tiendront pas à une submersion démographique dans les décennies qui viennent. Il faut donc absolument se défaire de ces prévisions d’apocalypse qui n’aident pas à envisager sérieusement les problèmes." (p.219)
"Le voile a été un sujet récurrent de polémique depuis plus de 20 ans, à l’intersection du statut des femmes et de la laïcité. Il fait partie, avec les interdits alimentaires et l’édification de mosquées, des signes de visibilité de l’islam qui se sont multipliés dans le paysage français. [...] signalent une intention de vivre selon les règles du droit musulman. En effet, on oublie trop souvent que l’islam n’est pas seulement une religion. C’est aussi un droit, une éthique et un mode de vie." (p.222-223)
"Les femmes musulmanes qui ne sont pas allées à l’école, ou pas plus loin que le primaire ou qui n’ont pas réussi à décrocher le brevet sont presque trois fois plus nombreuses à se voiler que celles qui ont atteint au moins le niveau BAC + 2. L’accès au marché du travail leur est difficile et l’absence d’activité économique facilite le port du voile : 30 % se voilent et seulement 30 à 38 % travaillent. Le port du voile et un niveau éducatif bas ne sont probablement pas les meilleurs atouts pour trouver un travail." (p.231-232)
"Si l’on se réfère aux déclarations sur la consommation de porc en 1992, interdit moins souvent transgressé que l’alcool, comme pôle de comparaison, les personnes nées en France en 1963-1972 de deux parents venus d’Algérie ne semblent guère plus attachées aux interdits alimentaires qu’elles ne l’étaient 16 ans plus tôt – c’est même plutôt le contraire –, sauf à supposer que les départs aient concerné, sélectivement, les plus scrupuleux. On a vu la relative stabilité de la proportion de ceux qui se déclarent sans religion chez les enfants nés en 1963-1962 de deux parents immigrés. Ce n’est donc pas la
proportion de sans religion qui vient perturber les résultats. Par contre, cette proportion a fondu entre les jeunes de 1992 et ceux de 2008. Chez ces derniers, le respect des interdits alimentaires est donc plus important, tout particulièrement chez les jeunes femmes." (p.243)
"On assiste donc à une forme de durcissement identitaire qui sépare les musulmans des autres, renforce le contrôle social et pèse sur la liberté des fidèles mais aussi celle des non musulmans." (p.246)
"Tony Blair a proposé en 2005, avec le soutien de la gauche, une loi visant à pénaliser (d’une peine allant jusqu’à sept ans de prison) la critique des religions alors que la crise des caricatures battait son plein : les propos offensants ou insultants, intentionnellement ou non, comme les actes menaçants. Serait ainsi déclaré criminel le simple emploi de l’expression « terrorisme islamique ». Si le projet de loi avait été adopté au moment de leur parution, la publication des caricatures danoises au Royaume-Uni aurait été passible de poursuites pénales. La loi n’est finalement pas passée parce que 21 députés du Labour se sont concertés pour y faire obstacle et que Tony Blair s’est absenté avant le vote. C’était moins une." (p.254-255)
"La lâcheté, bien souvent, ne se contente pas toujours du silence. Il arrive qu’elle donne son avis et fait ainsi cause commune avec les appels au meurtre. Les œuvres en cause, dit-on, devraient justifier d’une qualité ou d’une esthétique particulière pour mériter d’être rendues publiques. À la critique de la médiocrité ou du mauvais goût s’ajoute souvent le manque de respect ou l’insensibilité quand ce n’est pas une attaque en règle de l’auteur. Dans l’affaire Rushdie, le grand romancier John Le Carré s’est ainsi déshonoré en déclarant : « Je ne pense pas qu’il soit donné à aucun d’entre nous d’être impertinent avec les grandes religions en toute impunité » ou encore « En maintes et maintes fois, il a eu l’occasion de sauver la face de ses éditeurs et de retirer son livre, avec dignité, en attendant que les choses se calment. Il me semble qu’il n’a plus rien à prouver d’autre que son insensibilité. » Roald Dahl aussi : "Rushdie est un dangereux opportuniste"." (p.255)
"La faiblesse et la pleutrerie des Occidentaux, leur tendance à se coucher de manière préventive pour satisfaire, par anticipation, les désirs supposés
des musulmans ont suscité la surenchère et un sentiment excessif de puissance." (p.256)
"Si nous tenons tant à voir dans l’Autre la figure de la victime, c’est peut-être d’abord pour garder vivante la mémoire des choses horribles dont nous avons été capables et qui, si nous n’y prenions pas garde, seraient toujours prêtes à s’emparer de nous. Coupables, nous devons l’être de manière systématique à titre préventif. Nous ne pouvons nous faire confiance et nous en tirons, c’est peut-être le pire, un certain orgueil. Les heures les plus sombres de notre histoire menacent à chaque instant. Cette moralisation à sens unique revient à diviser la France selon une ligne ethnique avec une
« idéalisation de l’Autre » d’un côté et une « dépréciation a priori de soi » de l’autre côté, attitude que Paul Yonnet a épinglée sous le nom de sociocentrisme négatif. Cette idéologie crée une ethnicisation théorique de la société, dont nous nous étonnons parfois de constater qu’elle s’incarne dans le réel." (p.269)
"C’est aussi une forme de narcissisme qui installe l’Autre dans une position supérieure a priori, bien piètre façon de faire comprendre le principe d’égalité aux nouveaux venus. C’est une inversion complète de ce que le modèle d’assimilation nécessite de la part des natifs au carré : confiance en soi, conviction que leur ressembler n’est pas le pire, mais peut-être ce qui peut arriver de mieux aux nouveaux venus." (p.270)
"Par élite, on peut entendre ceux qui, parmi les gens qui exercent un pouvoir en économie, en politique, dans les médias ou dans les institutions culturelles d’un pays, ont une véritable influence." (p.275)
"Croyante, mais pas pratiquante, cette nouvelle élite dissimule un égoïsme de classe derrière un discours moralisateur vis-à-vis des classes populaires dont elle aimerait qu’elles se conduisent avec élégance et tolérance dans leurs rapports avec les populations d’origine étrangère. Tous les modes de vie et pratiques culturelles se valent, sauf pour cette élite qui peut choisir son mode de vie et qui compte bien dresser le poil des « petits blancs » récalcitrants en leur infligeant une cohabitation dont elle n’est pas menacée tant qu’elle maintient ses avantages. Le système méritocratique lui convient parfaitement puisqu’il fonctionne à son avantage. La nouvelle élite est à fond pour la justice sociale et le partage pourvu que son autoreproduction ne soit pas menacée. Elle vit à part, observe de loin la société ordinaire et souhaite que celle-ci ne lui offre pas le spectacle affligeant de l’intolérance et du choc des cultures. Elle ne se sent guère de responsabilité, en tant qu’élite, sur la chose publique et c’est sans doute le plus grand reproche que l’on peut lui faire. Shmuel Trigano parle de choc civilisationnel pour désigner l’expérience de « peuples abandonnés par leurs élites. » Il ajoute que « les nouvelles élites du pouvoir gouvernent à distance, depuis le dehors du système politique, en promouvant un projet politique […] destiné aux masses tandis qu’elles sont
retranchées dans leur quartier d’exception (le campus, le média, la bourse, le Tribunal) à la façon d’une oligarchie coupée des masses. » Dans cet éloignement des préoccupations ordinaires, c’est le délaissement par la gauche de son agenda social qui donne aux catégories populaires un sentiment d’abandon." (p.278-279)
"Ce désamour de la classe ouvrière a même été théorisé, avant la campagne présidentielle de 2012, par Terra Nova, le groupe de réflexion proche du PS. Terra Nova a incité ce dernier à laisser à la droite et à l’extrême droite un électorat populaire irrécupérable au profit de segments de populations plus porteurs – les minorités des quartiers populaires, les femmes, les jeunes et les diplômés – qui sont appelés à former « son nouvel électorat “naturel” : la France de demain ». Cette France de demain est « avant tout unifiée par ses valeurs culturelles, progressistes : elle veut le changement, elle est
tolérante, ouverte, solidaire, optimiste, offensive. C’est tout particulièrement vrai pour les diplômés, les jeunes, les minorités. Elle s’oppose à un électorat qui défend le passé contre le changement […]. Il n’est pas possible aujourd’hui pour la gauche de chercher à restaurer sa coalition historique de classe : la classe ouvrière n’est plus le cœur du vote de gauche, elle n’est plus en phase avec l’ensemble de ses valeurs [je souligne] ».
On le voit, toute référence au social a disparu de ce discours. Ce ne sont pas les ouvriers que la nouvelle gauche entend défendre afin d’améliorer leur position dans la société. La classe ouvrière est stupidement restée collée à l’agenda d’une gauche qui n’existe plus : défense des intérêts des travailleurs, comme aurait dit Arlette Laguiller, émancipation de la classe ouvrière, niveau et conditions de vie… En fait, la nouvelle gauche a évacué la classe ouvrière de son agenda. Elle ne retient que la partie correspondant aux minorités auxquelles elle trouve toutes les qualités requises pour susciter son intérêt. Si c’est pour elles que la gauche conserve quelque ambition sociale, elle pratique un usage paradoxal de la référence culturelle. Cette dernière prédomine quand il s’agit de cibler les minorités, parce qu’elles votent à gauche, parce qu’elles sont différentes, valeur en soi, et qu’elles sont censées être les victimes valeureuses d’aujourd’hui. Par contre, la culture est rejetée dès qu’il s’agit des stratégies et comportements de ces mêmes minorités. On revient alors au vieux credo des causes sociales. Si ces dernières s’islamisent par exemple, c’est parce qu’elles sont malheureuses et que ce malheur n’est que le produit des misères que leur font les natifs au carré bornés, sans doute nombreux dans les catégories populaires, et la société dans son ensemble en leur refusant l’emploi et la place qui leur reviennent." (p.284-285)
"Si les natifs au carré des catégories populaires semblent avoir disparu, c’est parce qu’ils habitent ailleurs que sous les feux des projecteurs des médias focalisés sur les problèmes de banlieue des grandes agglomérations qui paraissent concentrer toute la misère à portée de caméra ou à portée d’avion, la Seine-Saint-Denis occupant la première place.
Pourtant, si la Seine-Saint-Denis affiche le taux de pauvreté le plus élevé, y compris chez les jeunes, ce département est suivi de près par d’autres : la jeunesse du Pas-de-Calais, des Pyrénées-orientales et de l’Aude et les territoires urbanisés des Ardennes, de l’Aisne, du Nord et du Pas-de-Calais." (p.290)
"Les catégories populaires ne forment plus la cible privilégiée de la gauche. C’est un électorat perdu dont Terra Nova, un groupe de réflexion proche du PS, a proposé à la gauche de se séparer définitivement afin de se tourner vers un électorat plus composite, jugé plus ouvert au progrès, dont « les minorités » sont l’une des composantes. C’est un retournement qui a au moins le mérite de clarifier un abandon des catégories populaires qui ne date pas d’hier. C’est désormais la modernité qui sert de ligne directrice à cette nouvelle gauche, ce qui revient à accompagner les évolutions en cours." (p.294)
"La nouvelle gauche a donc réussi l’exploit de diviser les classes populaires a contrario de ce qui a longtemps constitué son ADN. Elle abandonne les natifs au carré des catégories populaires aux partis qui parlent d’eux et ont l’air de se préoccuper de leur situation. D’où les connotations très sociales et le ciblage des territoires périurbains dans la stratégie du nouveau Front national, comme l’a montré la campagne présidentielle de 2012." (p.296)
"Ces natifs au carré se sentent exclus des grandes initiatives en matière de politique sociale, d’urbanisme et plus généralement d’aménagement du territoire. D’autant que la réforme générale des politiques publiques a démuni nombre de territoires où ils vivent : fermeture de classes, de postes de
gendarmerie, d’hôpitaux, de bureaux de poste… Ce ne sont pas seulement des services publics qui désertent ces territoires, ce sont aussi les emplois qui vont avec alors même que les emplois industriels eux aussi se raréfient. Ils regardent avec envie les efforts entrepris pour rendre plus agréables les fameux « quartiers populaires ». On a ainsi dépensé, dans le cadre du plan de rénovation urbaine mis en place par Jean-Louis Borloo, 600 millions d’euros pour rénover le Plateau, quartier de Clichy-sous-Bois/Montfermeil, soit une dépense d’environ 40 000 euros par habitant. Même si l’état de délabrement de ce quartier justifiait qu’on s’en occupe, cette initiative suscite envie et sentiment d’abandon dans les territoires moins urbanisés. Les efforts éducatifs, comme celui qui a été entrepris par Sciences-Po avec la signature de conventions dans les zones d’éducation prioritaire afin de faciliter le recrutement de jeunes des « quartiers populaires », sont eux aussi probablement ressentis comme une préférence et un abandon. Le lieu d’habitat des natifs au carré des catégories populaires les place souvent en dehors des zones bénéficiant de ces politiques sociales, zones qui sont aussi intégrées dans des périphéries urbaines très dynamiques." (p.298)
"Dans les petites unités urbaines, la relative pauvreté du voisinage n’implique pas une cohabitation avec une présence musulmane importante (6 %). Les natifs au carré des catégories populaires qui y résident sécurisent leur mode de vie et leurs pratiques culturelles." (p.300)
"Le modèle d’assimilation nécessite, pour fonctionner, une certaine mixité ethnique des catégories populaires. La perspective de la mise en minorité des natifs au carré est profondément anxiogène et conduit plutôt à la séparation qu’à la mixité. Pour que l’assimilation fonctionne, les natifs au carré
doivent aussi avoir le sentiment qu’ils exercent un ascendant culturel reconnu par l’ensemble du corps social, élites comprises qui sont celles qui distribuent les bons et les mauvais points. Or leur ascendant culturel est contesté, pratiquement, dans l’expérience quotidienne de la cohabitation, mais aussi théoriquement par ces élites pour qui toutes les cultures ont un même droit de cité. La séparation devient alors la conduite rationnelle des catégories populaires pour protéger leurs propres modes de vie." (p.302)
"Sur les près de 1,5 million d’expériences racistes que les personnes âgées de 18-50 ans déclarent avoir subi en 2008 en France métropolitaine, un peu plus de 900 000 concernent des natifs au carré de métropole. Heureusement, si l’on peut dire, les associations ont généralement décidé que ce racisme-là
n’existait pas, ce qui leur facilite la tâche et leur évite des confits moraux." (p.306)
"Les États de l’UE ont opté pour un modèle d’intégration qui n’a rien à voir avec celui de l’assimilation. D’après le premier principe, « l’intégration est un processus dynamique à double sens d’acceptation mutuelle de la part de tous les immigrants et résidents des États membres ». Au contraire, l’assimilation suppose une asymétrie entre la société d’accueil qui sert de référent culturel et les nouveaux venus, lesquels ont à fournir l’essentiel des efforts d’adaptation. Les nouveaux venus sont guidés par la pression sociale qui ne laisse aucune ambiguïté sur le sens dans lequel les ajustements doivent intervenir. Placer sur le même plan les immigrants et les « résidents » (on retrouve, à l’échelon européen, la difficulté de nommer ; l’emploi du terme résident ne résout rien puisque les immigrants eux-mêmes sont aussi des résidents), c’est nier l’existence de cette asymétrie entre la nation qui accueille et ceux qui s’y installent." (p.321)
"L’UE ne nous dit pas vers quoi mène ce processus « à double sens », contrairement à l’assimilation dont on sait qu’elle est un processus de convergence, de rapprochement des comportements et modes de vie vers ceux de la population « autochtone ». Même si, au fond, cette dernière se voit elle aussi transformée, mais sans avoir perdu le sentiment de continuité avec son histoire.
Ce ne peut être le cas dans la définition de l’intégration adoptée par l’UE puisqu’on ne sait pas quel en sera le résultat. C’est la surprise." (p.324)
"Nous avons donc changé de politique, alors même que le code de la nationalité française fait toujours référence à la nécessité de l’assimilation pour devenir français. Défaut de cohérence qui finira bien par être corrigé lorsque nos politiques auront le courage d’expliquer aux Français le tournant politique qu’ils ont pris sans eux en toute connaissance de cause en matière d’intégration." (p.335)
"Les instances européennes voient dans l’immigration en provenance de pays tiers un facteur essentiel à la survie de l’UE et à la leur. Peu importe de quels peuples l’UE sera formée pourvu qu’elle perdure. On pourrait même dire que plus son peuplement se sera diversifié, moins les adhérences aux anciennes nations seront fortes et plus l’ingénierie sociale dont elle a le secret sera nécessaire pour faire advenir respect et tolérance. Valeurs qu’elle prône d’ores et déjà dans la politique d’intégration qu’elle a su imposer aux États européens alors même que l’intégration n’est pas encore une compétence européenne. La persistance des nations est plus une gêne qu’une facilité pour l’UE, car elles ont tendance à freiner ses velléités d’extension ou d’approfondissement. La définition de l’intégration européenne, qui revient à s’accommoder de la diversité croissante sans accorder de privilège aux héritiers des nations européennes, est parfaitement cohérente avec le projet post-national qui la sous-tend." (p.345)
"Nous avons péché par excès d’optimisme en imaginant avoir résolu une fois pour toutes la question des prétentions religieuses sur la vie politique." (p.347)
"L’assimilation, peut-être de manière contre-intuitive, n’est pas une conception culturaliste de l’intégration. Elle ne considère pas que l’autre soit incapable de modifier ses comportements. C’est même tout le contraire. Elle n’implique pas non plus une valorisation excessive de la culture nationale mais impose simplement son ascendant sur les cultures venues d’ailleurs afin que les « autochtones » n’aient pas l’impression de vivre en touristes dans leur propre pays et qu’ils éprouvent un sentiment de continuité avec leur propre histoire. La cohésion sociale ne nécessite pas seulement un dialogue entre les présents, mais aussi avec ceux qui les ont précédés." (p.350)
-Michèle Tribalat, Assimilation - la fin du modèle français, Paris, Éditions du Toucan, 2013, 391 pages.
"L’assimilation est un processus social de convergence des comportements, auquel la mixité des mariages (et plus largement des unions) apporte une contribution décisive. C’est ainsi que des millions d’immigrés et d’enfants d’immigrés sont devenus des Français à part entière. Elle s’effectue dans un rapport inégalitaire entre la nation qui accueille et les nouveaux venus. C’est de ces derniers que sont attendus la plupart des efforts, sous la pression sociale exercée par la population environnante. Ce qui ne veut pas dire que cette dernière n’évolue pas. Si elle n’est pas disposée à se plier aux mœurs des nouveaux venus, elle se transforme pourtant elle aussi subrepticement, mais sans avoir l’impression que ses modes de vie ou ses pratiques culturelles sont profondément chamboulés, voire directement remis en cause." (p.6-7)
"L’assimilation nécessite que le corps social s’y engage sans réticence – en l’occurrence les classes populaires qui sont au front de la cohabitation inter-ethnique – et dans son entier, élites comprises. Les Français continuent massivement de penser que ce sont aux étrangers d’adapter leurs comportements, comme l’indique encore le dernier sondage de la CNCDH2 : en décembre 2012, 94 % des personnes interrogées jugent indispensable que les étrangers qui viennent vivre en France adoptent les habitudes de vie françaises. Vivement critiquée et rejetée aujourd’hui, plus par les élites que par les citoyens ordinaires, l’assimilation a-t-elle encore un avenir ?" (p.7)
"La France est, et probablement encore pour longtemps, le premier pays de l’UE277 par le nombre et la proportion de musulmans, Bulgarie exceptée. Contrairement à une légende qui voudrait faire de l’islam l’une des religions installées de longue date en France, les musulmans d’aujourd’hui sont presque
exclusivement le produit de l’immigration récente." (p.
"Le plus grand danger qui guette la France n’est pas une submersion démographique, même à long terme, mais une certaine complaisance et un manque de volonté à défendre ses valeurs et ses modes de vie. Par ailleurs, une présence musulmane importante en France, et plus largement en Europe, expose notre pays aux tentations radicales qui fleurissent un peu partout dans le monde musulman et représentent, encore pour des décennies sans doute, un véritable danger, surtout si elles ne sont pas traitées avec vigilance ou font l’objet d’un relativisme complaisant." (p.10)
"L’assimilation sera d’autant plus difficile qu’elle est contrariée par une évolution des mentalités des élites françaises, mais plus largement européennes, vers une grande intransigeance à l’égard des « autochtones » qui contraste vivement avec une tolérance à tout dès que l’Autre entre dans le champ de vision. C’est le produit d’une Europe taraudée par sa mauvaise conscience et d’élites transformées en « gardiens du temple » craignant toujours le pire et
donnant tort a priori aux descendants d’Européens dont elles se souviennent qu’ils ont été justement capables du pire." (p.10)
"Les attentions manifestées par les pouvoir publics à l’égard des « quartiers populaires », expression désignant désormais exclusivement la banlieue que les classes populaires « autochtones » évitent soigneusement, ne peuvent que susciter du ressentiment chez ces dernières, alors même que l’État s’est désengagé des zones faiblement urbanisées où elles ont trouvé refuge. Elles ne semblent pas très séduites par la perspective d’avoir à entrer dans un dialogue des cultures qui a toutes les chances d’être épuisant et dont l’issue est incertaine. Désavouées par les élites, anxieuses d’échapper à la banlieue et incapables de se payer le luxe de la frontière dans les grandes métropoles, elles font sécession et habitent, lorsqu’elles le peuvent, là où elles sont en mesure de protéger leur mode de vie.
Désormais, l’assimilation, l’intégration, le multiculturalisme, la diversité, l’interculturalisme ou tout ce qu’on voudra bien inventer… ce sera sans elles. Or, sans les classes populaires, non seulement l’assimilation est impraticable, mais les autres options ne s’annoncent pas très bien non plus. Comment encourager le dialogue interculturel si l’on ne se côtoie plus ?" (p.11-12)
"Depuis 1999, la population immigrée a augmenté de 24 % en 10 ans. Le nombre de natifs n’a progressé, lui, que de 5 % sur la même période. La proportion d’immigrés est donc passée de 7,4 % en 1999 à 8,5 % en 2009. En termes relatifs, l’accroissement de la proportion d’immigrés est voisin de celui observé pendant les Trente Glorieuses, période que personne n’oserait qualifier de stagnation migratoire. La France est donc sortie de sa phase de faible intensité des flux migratoires qui a effectivement suivi la suspension de l’immigration de travail en 1974 et a duré un quart de siècle, pour entrer dans un nouveau cycle migratoire. Elle connaît la proportion d’immigrés la plus élevée de son histoire.
La forte croissance de la proportion d’immigrés durant la période 1921-1926 est exceptionnelle, a duré très peu de temps et est restée sans équivalent." (p.58-59)
"On dit souvent que rien n’a changé en France, que l’immigration y est un phénomène ancien et l’on imagine que l’immigration nouvelle subira le même destin que celles qui l’ont précédée. Pourtant l’apparition de l’islam en France et sa visibilité accrue au fil des années ne peuvent pas être considérées comme un phénomène anodin, malgré les tentatives courantes de faire remonter la présence de l’islam à des temps plus anciens, comme on essaie de faire croire que l’Europe a été de tout temps une terre d’immigration et que l’histoire de la planète est jalonnée par celle de grandes migrations, quitte à y inclure les invasions guerrières, la colonisation ou le commerce des esclaves. Il ne nous arriverait donc rien de nouveau et ce qui nous arrive serait à considérer avec recul, comme une péripétie sur la grande échelle du temps long." (p.116-117)
"J’estime, en effet, le nombre de musulmans plutôt proche de 4,2 millions fin 2008 (cf. encadré), soit 6,7 % de la population de la France métropolitaine. Sur ces 4,2 millions de musulmans, près de 3 millions sont français ou le deviendront à leur majorité ou par option un peu avant, soit 71 % de l’ensemble. Si l’on ne s’intéresse qu’aux Français musulmans en âge de voter, l’effectif est de 1,6 millions. À supposer qu’ils aient été inscrits sur les listes électorales et aient fréquenté les bureaux de vote au deuxième tour des présidentielles de 2012 comme les autres électeurs potentiels, ils représentaient, en 2008, 1,26 million de voix. D’après une étude de l’Ifop, ils ont été 86 % à voter pour François Hollande au deuxième tour, soit une masse de votants de 1,09 million. C’est presque autant que le nombre de voix qui a séparé M. Hollande de M. Sarkozy." (p.128)
"En 1962, on peut estimer grossièrement à un peu moins de 500 000 le nombre de “Français musulmans” d’Algérie et d’étrangers en provenance du Maghreb, d’Afrique subsaharienne ou de Turquie résidant en France métropolitaine." (p.135)
"La conversion à l’islam, qui alimente de nombreuses conversations, n’a rien de massif. La proportion de musulmans convertis (dont aucun parent n’est musulman) est, parmi les 18-50 ans, voisine de celle des catholiques convertis, respectivement 5% et 4%." (p.138)
"La répartition géographique des musulmans est, on le devine, très concentrée. En 2008, 63 % des musulmans âgés de 18-50 ans résident dans trois régions seulement – Ile-de- France, PACA et Rhône-Alpes – contre 41 % des habitants de la France métropolitaine en général." (p.140)
"Si l’on s’intéresse maintenant aux plus fervents, ceux qui déclarent accorder beaucoup d’importance à la religion, les musulmans sont plus nombreux que les catholiques entre 18 et 50 ans. L’islam n’est donc probablement pas loin d’être la première religion de France parmi ceux pour qui la religion compte beaucoup. C’est d’autant plus vrai que l’on descend la pyramide des âges. En 2008, parmi les 18-27 ans, les musulmans sont plus de trois fois plus nombreux que les catholiques." (p.145)
"Les musulmans ont la réputation de vivre, en moyenne, dans des conditions plus difficiles que le reste de la population. C’est vrai, leur environnement est plus difficile. Ils sont plus nombreux à résider dans des quartiers cumulant divers handicaps, en termes d’emploi, de niveau de diplôme, d’habitat et de revenu." (p.153)
"Le Coran autorise les musulmans à manger de la viande provenant de bêtes abattues par des chrétiens ou des juifs qu’il appelle « les gens du Livre ». Le Coran autorise aussi un musulman à épouser une femme « du Livre ». Si certains accommodements sont possibles avec les chrétiens et les juifs, aucun ne l’est avec les gens qui n’ont pas de religion. La doctrine islamique elle-même renforce donc l’hostilité que les musulmans peuvent ressentir à l’égard de la société française, laïque et peu croyante." (p.171)
"Les enfants élevés dans une famille où l’un au moins des parents est musulman ont reçu une éducation plus religieuse que les enfants des familles catholiques : 50 % des premiers déclarent que leur éducation a accordé une grande importance à la religion, contre 13 % des seconds." (p.174)
"Au fil du temps, la transmission de l’islam s’est considérablement améliorée dans les familles immigrées. Leurs enfants nés en France dans la deuxième moitié des années 1980 adhèrent à l’islam dans une proportion voisine de celle des migrants adultes et des migrants enfants, soit deux fois plus qu’il y a un quart de siècle." (p.180)
"De ceux qui sont nés en 1958-1964, seulement 24 % ont reçu une éducation familiale accordant une grande importance à la religion. Les familles qui n’en ont accordé aucune sont aussi nombreuses. Parmi ceux qui sont nés en 1985-1990, soit un peu plus d’un quart de siècle plus tard seulement, près de la moitié ont été éduqués dans une famille accordant une grande importance à la religion, soit cinq fois plus que ceux dont l’éducation n’a pas du tout tenu compte de la religion." (p.181)
"Les unions exogames sont beaucoup plus fragiles que celles conclues entre musulmans. Au bout de cinq ans, 14 % des unions entre deux conjoints musulmans célébrées avant 2004 ont été rompues, contre 30 % de celles alliant un(e) musulman(e) à un conjoint sans religion." (p.192)
"La natalité élevée de la population musulmane tient à sa grande jeunesse et à un différentiel de fécondité qui, sans être considérable, n’est pas négligeable.
La fécondité des femmes musulmanes est supérieure à celles des catholiques et des athées ou agnostiques. Les femmes musulmanes nées en 1958-68 ont, à 40 ans, 1,1 enfant de plus que les femmes sans religion et 0,9 enfant de plus que les femmes catholiques (tableau 25). Cet avantage est en grande partie dû aux femmes immigrées – les filles d’immigrés n’ayant, à 35 ans, que 0,3 enfant de plus que les femmes sans religion, contre 0,8 pour les femmes immigrées – et à l’investissement personnel dans la religion. Les femmes musulmanes qui accordent une grande importance à la religion ont plus d’enfants que les autres." (p.212)
"Les problèmes que peut poser l’islam à la société française ne tiendront pas à une submersion démographique dans les décennies qui viennent. Il faut donc absolument se défaire de ces prévisions d’apocalypse qui n’aident pas à envisager sérieusement les problèmes." (p.219)
"Le voile a été un sujet récurrent de polémique depuis plus de 20 ans, à l’intersection du statut des femmes et de la laïcité. Il fait partie, avec les interdits alimentaires et l’édification de mosquées, des signes de visibilité de l’islam qui se sont multipliés dans le paysage français. [...] signalent une intention de vivre selon les règles du droit musulman. En effet, on oublie trop souvent que l’islam n’est pas seulement une religion. C’est aussi un droit, une éthique et un mode de vie." (p.222-223)
"Les femmes musulmanes qui ne sont pas allées à l’école, ou pas plus loin que le primaire ou qui n’ont pas réussi à décrocher le brevet sont presque trois fois plus nombreuses à se voiler que celles qui ont atteint au moins le niveau BAC + 2. L’accès au marché du travail leur est difficile et l’absence d’activité économique facilite le port du voile : 30 % se voilent et seulement 30 à 38 % travaillent. Le port du voile et un niveau éducatif bas ne sont probablement pas les meilleurs atouts pour trouver un travail." (p.231-232)
"Si l’on se réfère aux déclarations sur la consommation de porc en 1992, interdit moins souvent transgressé que l’alcool, comme pôle de comparaison, les personnes nées en France en 1963-1972 de deux parents venus d’Algérie ne semblent guère plus attachées aux interdits alimentaires qu’elles ne l’étaient 16 ans plus tôt – c’est même plutôt le contraire –, sauf à supposer que les départs aient concerné, sélectivement, les plus scrupuleux. On a vu la relative stabilité de la proportion de ceux qui se déclarent sans religion chez les enfants nés en 1963-1962 de deux parents immigrés. Ce n’est donc pas la
proportion de sans religion qui vient perturber les résultats. Par contre, cette proportion a fondu entre les jeunes de 1992 et ceux de 2008. Chez ces derniers, le respect des interdits alimentaires est donc plus important, tout particulièrement chez les jeunes femmes." (p.243)
"On assiste donc à une forme de durcissement identitaire qui sépare les musulmans des autres, renforce le contrôle social et pèse sur la liberté des fidèles mais aussi celle des non musulmans." (p.246)
"Tony Blair a proposé en 2005, avec le soutien de la gauche, une loi visant à pénaliser (d’une peine allant jusqu’à sept ans de prison) la critique des religions alors que la crise des caricatures battait son plein : les propos offensants ou insultants, intentionnellement ou non, comme les actes menaçants. Serait ainsi déclaré criminel le simple emploi de l’expression « terrorisme islamique ». Si le projet de loi avait été adopté au moment de leur parution, la publication des caricatures danoises au Royaume-Uni aurait été passible de poursuites pénales. La loi n’est finalement pas passée parce que 21 députés du Labour se sont concertés pour y faire obstacle et que Tony Blair s’est absenté avant le vote. C’était moins une." (p.254-255)
"La lâcheté, bien souvent, ne se contente pas toujours du silence. Il arrive qu’elle donne son avis et fait ainsi cause commune avec les appels au meurtre. Les œuvres en cause, dit-on, devraient justifier d’une qualité ou d’une esthétique particulière pour mériter d’être rendues publiques. À la critique de la médiocrité ou du mauvais goût s’ajoute souvent le manque de respect ou l’insensibilité quand ce n’est pas une attaque en règle de l’auteur. Dans l’affaire Rushdie, le grand romancier John Le Carré s’est ainsi déshonoré en déclarant : « Je ne pense pas qu’il soit donné à aucun d’entre nous d’être impertinent avec les grandes religions en toute impunité » ou encore « En maintes et maintes fois, il a eu l’occasion de sauver la face de ses éditeurs et de retirer son livre, avec dignité, en attendant que les choses se calment. Il me semble qu’il n’a plus rien à prouver d’autre que son insensibilité. » Roald Dahl aussi : "Rushdie est un dangereux opportuniste"." (p.255)
"La faiblesse et la pleutrerie des Occidentaux, leur tendance à se coucher de manière préventive pour satisfaire, par anticipation, les désirs supposés
des musulmans ont suscité la surenchère et un sentiment excessif de puissance." (p.256)
"Si nous tenons tant à voir dans l’Autre la figure de la victime, c’est peut-être d’abord pour garder vivante la mémoire des choses horribles dont nous avons été capables et qui, si nous n’y prenions pas garde, seraient toujours prêtes à s’emparer de nous. Coupables, nous devons l’être de manière systématique à titre préventif. Nous ne pouvons nous faire confiance et nous en tirons, c’est peut-être le pire, un certain orgueil. Les heures les plus sombres de notre histoire menacent à chaque instant. Cette moralisation à sens unique revient à diviser la France selon une ligne ethnique avec une
« idéalisation de l’Autre » d’un côté et une « dépréciation a priori de soi » de l’autre côté, attitude que Paul Yonnet a épinglée sous le nom de sociocentrisme négatif. Cette idéologie crée une ethnicisation théorique de la société, dont nous nous étonnons parfois de constater qu’elle s’incarne dans le réel." (p.269)
"C’est aussi une forme de narcissisme qui installe l’Autre dans une position supérieure a priori, bien piètre façon de faire comprendre le principe d’égalité aux nouveaux venus. C’est une inversion complète de ce que le modèle d’assimilation nécessite de la part des natifs au carré : confiance en soi, conviction que leur ressembler n’est pas le pire, mais peut-être ce qui peut arriver de mieux aux nouveaux venus." (p.270)
"Par élite, on peut entendre ceux qui, parmi les gens qui exercent un pouvoir en économie, en politique, dans les médias ou dans les institutions culturelles d’un pays, ont une véritable influence." (p.275)
"Croyante, mais pas pratiquante, cette nouvelle élite dissimule un égoïsme de classe derrière un discours moralisateur vis-à-vis des classes populaires dont elle aimerait qu’elles se conduisent avec élégance et tolérance dans leurs rapports avec les populations d’origine étrangère. Tous les modes de vie et pratiques culturelles se valent, sauf pour cette élite qui peut choisir son mode de vie et qui compte bien dresser le poil des « petits blancs » récalcitrants en leur infligeant une cohabitation dont elle n’est pas menacée tant qu’elle maintient ses avantages. Le système méritocratique lui convient parfaitement puisqu’il fonctionne à son avantage. La nouvelle élite est à fond pour la justice sociale et le partage pourvu que son autoreproduction ne soit pas menacée. Elle vit à part, observe de loin la société ordinaire et souhaite que celle-ci ne lui offre pas le spectacle affligeant de l’intolérance et du choc des cultures. Elle ne se sent guère de responsabilité, en tant qu’élite, sur la chose publique et c’est sans doute le plus grand reproche que l’on peut lui faire. Shmuel Trigano parle de choc civilisationnel pour désigner l’expérience de « peuples abandonnés par leurs élites. » Il ajoute que « les nouvelles élites du pouvoir gouvernent à distance, depuis le dehors du système politique, en promouvant un projet politique […] destiné aux masses tandis qu’elles sont
retranchées dans leur quartier d’exception (le campus, le média, la bourse, le Tribunal) à la façon d’une oligarchie coupée des masses. » Dans cet éloignement des préoccupations ordinaires, c’est le délaissement par la gauche de son agenda social qui donne aux catégories populaires un sentiment d’abandon." (p.278-279)
"Ce désamour de la classe ouvrière a même été théorisé, avant la campagne présidentielle de 2012, par Terra Nova, le groupe de réflexion proche du PS. Terra Nova a incité ce dernier à laisser à la droite et à l’extrême droite un électorat populaire irrécupérable au profit de segments de populations plus porteurs – les minorités des quartiers populaires, les femmes, les jeunes et les diplômés – qui sont appelés à former « son nouvel électorat “naturel” : la France de demain ». Cette France de demain est « avant tout unifiée par ses valeurs culturelles, progressistes : elle veut le changement, elle est
tolérante, ouverte, solidaire, optimiste, offensive. C’est tout particulièrement vrai pour les diplômés, les jeunes, les minorités. Elle s’oppose à un électorat qui défend le passé contre le changement […]. Il n’est pas possible aujourd’hui pour la gauche de chercher à restaurer sa coalition historique de classe : la classe ouvrière n’est plus le cœur du vote de gauche, elle n’est plus en phase avec l’ensemble de ses valeurs [je souligne] ».
On le voit, toute référence au social a disparu de ce discours. Ce ne sont pas les ouvriers que la nouvelle gauche entend défendre afin d’améliorer leur position dans la société. La classe ouvrière est stupidement restée collée à l’agenda d’une gauche qui n’existe plus : défense des intérêts des travailleurs, comme aurait dit Arlette Laguiller, émancipation de la classe ouvrière, niveau et conditions de vie… En fait, la nouvelle gauche a évacué la classe ouvrière de son agenda. Elle ne retient que la partie correspondant aux minorités auxquelles elle trouve toutes les qualités requises pour susciter son intérêt. Si c’est pour elles que la gauche conserve quelque ambition sociale, elle pratique un usage paradoxal de la référence culturelle. Cette dernière prédomine quand il s’agit de cibler les minorités, parce qu’elles votent à gauche, parce qu’elles sont différentes, valeur en soi, et qu’elles sont censées être les victimes valeureuses d’aujourd’hui. Par contre, la culture est rejetée dès qu’il s’agit des stratégies et comportements de ces mêmes minorités. On revient alors au vieux credo des causes sociales. Si ces dernières s’islamisent par exemple, c’est parce qu’elles sont malheureuses et que ce malheur n’est que le produit des misères que leur font les natifs au carré bornés, sans doute nombreux dans les catégories populaires, et la société dans son ensemble en leur refusant l’emploi et la place qui leur reviennent." (p.284-285)
"Si les natifs au carré des catégories populaires semblent avoir disparu, c’est parce qu’ils habitent ailleurs que sous les feux des projecteurs des médias focalisés sur les problèmes de banlieue des grandes agglomérations qui paraissent concentrer toute la misère à portée de caméra ou à portée d’avion, la Seine-Saint-Denis occupant la première place.
Pourtant, si la Seine-Saint-Denis affiche le taux de pauvreté le plus élevé, y compris chez les jeunes, ce département est suivi de près par d’autres : la jeunesse du Pas-de-Calais, des Pyrénées-orientales et de l’Aude et les territoires urbanisés des Ardennes, de l’Aisne, du Nord et du Pas-de-Calais." (p.290)
"Les catégories populaires ne forment plus la cible privilégiée de la gauche. C’est un électorat perdu dont Terra Nova, un groupe de réflexion proche du PS, a proposé à la gauche de se séparer définitivement afin de se tourner vers un électorat plus composite, jugé plus ouvert au progrès, dont « les minorités » sont l’une des composantes. C’est un retournement qui a au moins le mérite de clarifier un abandon des catégories populaires qui ne date pas d’hier. C’est désormais la modernité qui sert de ligne directrice à cette nouvelle gauche, ce qui revient à accompagner les évolutions en cours." (p.294)
"La nouvelle gauche a donc réussi l’exploit de diviser les classes populaires a contrario de ce qui a longtemps constitué son ADN. Elle abandonne les natifs au carré des catégories populaires aux partis qui parlent d’eux et ont l’air de se préoccuper de leur situation. D’où les connotations très sociales et le ciblage des territoires périurbains dans la stratégie du nouveau Front national, comme l’a montré la campagne présidentielle de 2012." (p.296)
"Ces natifs au carré se sentent exclus des grandes initiatives en matière de politique sociale, d’urbanisme et plus généralement d’aménagement du territoire. D’autant que la réforme générale des politiques publiques a démuni nombre de territoires où ils vivent : fermeture de classes, de postes de
gendarmerie, d’hôpitaux, de bureaux de poste… Ce ne sont pas seulement des services publics qui désertent ces territoires, ce sont aussi les emplois qui vont avec alors même que les emplois industriels eux aussi se raréfient. Ils regardent avec envie les efforts entrepris pour rendre plus agréables les fameux « quartiers populaires ». On a ainsi dépensé, dans le cadre du plan de rénovation urbaine mis en place par Jean-Louis Borloo, 600 millions d’euros pour rénover le Plateau, quartier de Clichy-sous-Bois/Montfermeil, soit une dépense d’environ 40 000 euros par habitant. Même si l’état de délabrement de ce quartier justifiait qu’on s’en occupe, cette initiative suscite envie et sentiment d’abandon dans les territoires moins urbanisés. Les efforts éducatifs, comme celui qui a été entrepris par Sciences-Po avec la signature de conventions dans les zones d’éducation prioritaire afin de faciliter le recrutement de jeunes des « quartiers populaires », sont eux aussi probablement ressentis comme une préférence et un abandon. Le lieu d’habitat des natifs au carré des catégories populaires les place souvent en dehors des zones bénéficiant de ces politiques sociales, zones qui sont aussi intégrées dans des périphéries urbaines très dynamiques." (p.298)
"Dans les petites unités urbaines, la relative pauvreté du voisinage n’implique pas une cohabitation avec une présence musulmane importante (6 %). Les natifs au carré des catégories populaires qui y résident sécurisent leur mode de vie et leurs pratiques culturelles." (p.300)
"Le modèle d’assimilation nécessite, pour fonctionner, une certaine mixité ethnique des catégories populaires. La perspective de la mise en minorité des natifs au carré est profondément anxiogène et conduit plutôt à la séparation qu’à la mixité. Pour que l’assimilation fonctionne, les natifs au carré
doivent aussi avoir le sentiment qu’ils exercent un ascendant culturel reconnu par l’ensemble du corps social, élites comprises qui sont celles qui distribuent les bons et les mauvais points. Or leur ascendant culturel est contesté, pratiquement, dans l’expérience quotidienne de la cohabitation, mais aussi théoriquement par ces élites pour qui toutes les cultures ont un même droit de cité. La séparation devient alors la conduite rationnelle des catégories populaires pour protéger leurs propres modes de vie." (p.302)
"Sur les près de 1,5 million d’expériences racistes que les personnes âgées de 18-50 ans déclarent avoir subi en 2008 en France métropolitaine, un peu plus de 900 000 concernent des natifs au carré de métropole. Heureusement, si l’on peut dire, les associations ont généralement décidé que ce racisme-là
n’existait pas, ce qui leur facilite la tâche et leur évite des confits moraux." (p.306)
"Les États de l’UE ont opté pour un modèle d’intégration qui n’a rien à voir avec celui de l’assimilation. D’après le premier principe, « l’intégration est un processus dynamique à double sens d’acceptation mutuelle de la part de tous les immigrants et résidents des États membres ». Au contraire, l’assimilation suppose une asymétrie entre la société d’accueil qui sert de référent culturel et les nouveaux venus, lesquels ont à fournir l’essentiel des efforts d’adaptation. Les nouveaux venus sont guidés par la pression sociale qui ne laisse aucune ambiguïté sur le sens dans lequel les ajustements doivent intervenir. Placer sur le même plan les immigrants et les « résidents » (on retrouve, à l’échelon européen, la difficulté de nommer ; l’emploi du terme résident ne résout rien puisque les immigrants eux-mêmes sont aussi des résidents), c’est nier l’existence de cette asymétrie entre la nation qui accueille et ceux qui s’y installent." (p.321)
"L’UE ne nous dit pas vers quoi mène ce processus « à double sens », contrairement à l’assimilation dont on sait qu’elle est un processus de convergence, de rapprochement des comportements et modes de vie vers ceux de la population « autochtone ». Même si, au fond, cette dernière se voit elle aussi transformée, mais sans avoir perdu le sentiment de continuité avec son histoire.
Ce ne peut être le cas dans la définition de l’intégration adoptée par l’UE puisqu’on ne sait pas quel en sera le résultat. C’est la surprise." (p.324)
"Nous avons donc changé de politique, alors même que le code de la nationalité française fait toujours référence à la nécessité de l’assimilation pour devenir français. Défaut de cohérence qui finira bien par être corrigé lorsque nos politiques auront le courage d’expliquer aux Français le tournant politique qu’ils ont pris sans eux en toute connaissance de cause en matière d’intégration." (p.335)
"Les instances européennes voient dans l’immigration en provenance de pays tiers un facteur essentiel à la survie de l’UE et à la leur. Peu importe de quels peuples l’UE sera formée pourvu qu’elle perdure. On pourrait même dire que plus son peuplement se sera diversifié, moins les adhérences aux anciennes nations seront fortes et plus l’ingénierie sociale dont elle a le secret sera nécessaire pour faire advenir respect et tolérance. Valeurs qu’elle prône d’ores et déjà dans la politique d’intégration qu’elle a su imposer aux États européens alors même que l’intégration n’est pas encore une compétence européenne. La persistance des nations est plus une gêne qu’une facilité pour l’UE, car elles ont tendance à freiner ses velléités d’extension ou d’approfondissement. La définition de l’intégration européenne, qui revient à s’accommoder de la diversité croissante sans accorder de privilège aux héritiers des nations européennes, est parfaitement cohérente avec le projet post-national qui la sous-tend." (p.345)
"Nous avons péché par excès d’optimisme en imaginant avoir résolu une fois pour toutes la question des prétentions religieuses sur la vie politique." (p.347)
"L’assimilation, peut-être de manière contre-intuitive, n’est pas une conception culturaliste de l’intégration. Elle ne considère pas que l’autre soit incapable de modifier ses comportements. C’est même tout le contraire. Elle n’implique pas non plus une valorisation excessive de la culture nationale mais impose simplement son ascendant sur les cultures venues d’ailleurs afin que les « autochtones » n’aient pas l’impression de vivre en touristes dans leur propre pays et qu’ils éprouvent un sentiment de continuité avec leur propre histoire. La cohésion sociale ne nécessite pas seulement un dialogue entre les présents, mais aussi avec ceux qui les ont précédés." (p.350)
-Michèle Tribalat, Assimilation - la fin du modèle français, Paris, Éditions du Toucan, 2013, 391 pages.