"Les élèves français d'aujourd'hui font, dans leur cursus, quelques centaines d'heures de français de moins que leurs homologues des années 1960-1970." (p.13)
"Il n'est pas exagéré de dire qu'une civilisation tient à la maîtrise de sa langue." (p.15)
"Depuis trente ans, l'École a payé les pots cassés des systèmes pédagogiques les plus étranges, des convictions libérales les plus débridées, des étiquettes politiques les plus stériles. Et d'un européanisme qui a dégénéré en mépris de la France." (p.17)
"Seule une formation humaniste construit des jeunes assez cultivés et souples pour s'adapter et survivre en milieu hostile." (p.38)
"L'enseignement privé, qui monte en flèche, se repaît du cadavre de l'école. Il est plébiscité par des parents qui ont compris, bien mieux que les grands argentiers européens, que des connaissances solides, une discipline sans faille, une transmission des savoirs sont les vraies bases d'une formation heureuse." (p.38)
"Ce à quoi devrait se résumer le travail d'un enseignant, et l'ambition du système: amener chacun au plus haut de ce qu'il peut faire, et non le confiner dans un "socle commun" qui méprise les meilleurs sans véritablement aider les plus déshérités -merci le collège unique." (p.41)
"Un étudiant actuel a bien des raisons d'hésiter avant d'entrer dans la carrière. Il hésite si bien qu'il ne se présente même pas aux concours de recrutement. Et quand il s'y risque, il n'est pas forcément pris, parce que les plus compétents vont ailleurs: s'il y a carence de candidats en maths, par exemple, si les jurys sont obligés de recruter avec 4 de moyenne, c'est que les meilleurs mathématiciens font de la finance, parfois de la recherche ou des mathématiques appliquées, qu'ils passent des concours scientifiques pour se faire ingénieurs, mais que jamais [...] ils ne pensent à faire de l'enseignement, surtout dans le second degré. Bref, ceux qui tentent les concours de recrutement ne sont pas exactement l'élite des matheux. [...]
Je dis les maths, mais c'est la même chose en lettres, en anglais, en sciences, et globalement dans l'ensemble des disciplines. Il n'y a guère qu'en philosophie (peu d'autres débouchés que l'enseignement, peu de postes puisque cela ne s'enseigne qu'en terminale, on a donc encore le choix dans un vivier captif) que les jurys s'offrent encore le luxe de trier: les autres respectent comme ils le peuvent, en gonflant les notes afin de ne pas se déconsidérer totalement, les quotas qu'on leur a attribués. Quoique souvent, à la fin des oraux d'admission, ils renoncent à les combler, tant le niveau des admissibles est affligeant. Cette année (2014), sur les deux sessions du CAPES, il y eu en moyenne entre 30 et 50% de postes non attribués.
Si l'enseignement était ce que racontent les habitués du Café du Commerce, un boulot de paresseux rythmé par de longues semaines de vacances et grassement rémunéré, proportionnellement à la sueur dépensée, un tel état de fait serait incompréhensible." (p.43)
"De la maternelle à l'université, un enseignant recruté à bac +5 au moins commence à 1500 euros par mois nets. Et finit, dans le meilleur des cas, à 3500. La moitié exactement de ce que gagne son homologue luxembourgeois ou allemand. Seuls les Italiens, en Europe, gagnent un peu mois. Ni primes ni treizième mois. [...] Et en termes de pouvoir d'achat, quand on compare la condition enseignante aujourd'hui et celle des années 1970, divisez par deux. Voilà la réalité." (p.43)
"Fort imprudemment, Jean-Pierre Chevènement a demandé "80% d'une classe d'âge au niveau bac"." (p.47)
"Il serait temps de permettre à chaque formation du supérieur de trier ses étudiants."
"Réinstaurer le système des IPES qui dans les années 1960 garantissait (sur concours) un traitement mensuel minimum aux candidats au professorat, en fin de L1 ou de L2, en échange d'un engagement décennal à servir l'Éducation nationale." (p.61)
"Il faut augmenter les traitements de départ de 50%. [...] Mais nous n'avons pas d'argent ! Ah, oui ? C'est pour ça que vous changez le parc informatique tous les deux ans, pour rien ? C'est pour ça que vous payez les conseillers du ministre plus de 10 000 euros par mois, sans compter une foultitude d'administratifs de tout poil, qui font des rapports sur les gens qui font des rapports... Des profs et des élèves: cela suffit." (p.62)
"Redonner aux enfants le goût de l'étude, c'est parler à leurs passions, et non à leur raison, qui est encore en construction. Un pédagogue doit fasciner, ou il n'est bon à rien. Dans quelque matière que ce soit. Et il fascinera d'abord par sa maîtrise de ce qu'il enseigne. La formation des maîtres ne peut se résumer à trois recettes de pédagogie assénées par des pseudo-spécialistes en "sciences de l'éducation", qui ont imposé aux étudiants de passer sous les fourches caudines des masters "professionnels" au lieu de chercher à approfondir leurs savoirs fondamentaux: les gourous du pédagogisme croient manifestement que l'on est suffisamment bon en maths avec un petit niveau licence. Enseigner ne consiste pas à maîtriser les programmes, mais à en savoir dix fois, cent fois plus. La formation des maîtres doit procéder essentiellement d'une immense culture disciplinaire." (p.62)
"En France, nous n'avons pas de pétrole, mais nous avons une idée, et une seule: détruire ce qui fonctionne, et pour des raisons strictement idéologiques." (p.67)
"L'Histoire est en France un sujet sensible [...] L'enseignement de l'Histoire a toujours été politique." (p.107)
"L'enseignement de l'Histoire correspond à la société que nous désirons. C'est même la seule discipline qui soit chargée [...] d'une vraie fonction messianique." (p.108)
"L'Histoire est un discours avant d'être une science." (p.108)
"Au roman national a succédé le fantasme trans-national." (p.111)
"Les profs sont, comme les autres, en voie de prolétarisation. Et comme d'autres prolétaires, ils s'en souviendront dans les urnes. Et vous savez ce qu'ils votent, en ce moment, les prolétaires ? Prenez garde: le désespoir se moque des étiquettes." (p.124)
"Secret de polichinelle le mieux gardé de la rue de Grenelle: pour un enfant qui n'est pas né avec une cuiller en argent dans la bouche, l'égalitarisme tue toute chance d'accéder à une formation supérieure et à des emplois de cadre supérieur. L'égalitarisme est prôné depuis quatre décennies par les pédagogues béats qui tiennent le pouvoir réel de l'Éducation nationale." (p.136)
"Pendant ce temps, dans quelques lycées sélectionnés et probablement tous privés à terme, les vrais enfants de la bourgeoisie se gaveront de connaissances." (p.137)
"Le bon élève est l'espoir de ce pays. Il est -il devrait être- le modèle, au lieu d'être l'épouvantail. Il est de toute première urgence de le protéger, de l'encourager, d'en refaire le modèle. C'est en assez de couvrir la violence des ânes. Il faut les instruire, leur dire et leur redire qu'il n'y a d'espoir qu'en l'École, et, s'ils ne comprennent pas, s'ils choisissent encore de détruire au lieu de construire, oui, il faut les châtier." (p.142)
"Nous sommes un Etat laïque, c'est-à-dire que nous autorisons toutes les superstitions dans l'espace privé -et même dans la rue: nous sommes laïques et tolérants. Nous autorisons aussi certains responsables religieux, à proférer, en public, des énormités plus grosses qu'eux." (p.184)
"La France entière fout le camp, et l'on ne refondera pas l'École sans refonder la cité. Le PS au pouvoir, après l'incurie de la droite, accentue le délitement tout entier d'une civilisation. Soit nous réagissons, et la réaction sera nécessairement brutale, parce que nous sommes au fond et que seul un grand coup de talon nous ramènera à la surface ; soit nous basculons dans les poubelles de l'Histoire." (p.196)
"Proposer d'organiser les classes en groupes de niveau ne signifie rien si l'on ne remet pas en cause le collègue unique." (p.210)
-Jean-Paul Brighelli, Tableau noir, Éditions Hugo Doc, 2014, 230 pages.
http://www.lepoint.fr/invites-du-point/jean-paul-brighelli/brighelli-qui-a-vraiment-ecrit-les-programmes-du-college-27-04-2015-1924414_1886.php
"Il n'est pas exagéré de dire qu'une civilisation tient à la maîtrise de sa langue." (p.15)
"Depuis trente ans, l'École a payé les pots cassés des systèmes pédagogiques les plus étranges, des convictions libérales les plus débridées, des étiquettes politiques les plus stériles. Et d'un européanisme qui a dégénéré en mépris de la France." (p.17)
"Seule une formation humaniste construit des jeunes assez cultivés et souples pour s'adapter et survivre en milieu hostile." (p.38)
"L'enseignement privé, qui monte en flèche, se repaît du cadavre de l'école. Il est plébiscité par des parents qui ont compris, bien mieux que les grands argentiers européens, que des connaissances solides, une discipline sans faille, une transmission des savoirs sont les vraies bases d'une formation heureuse." (p.38)
"Ce à quoi devrait se résumer le travail d'un enseignant, et l'ambition du système: amener chacun au plus haut de ce qu'il peut faire, et non le confiner dans un "socle commun" qui méprise les meilleurs sans véritablement aider les plus déshérités -merci le collège unique." (p.41)
"Un étudiant actuel a bien des raisons d'hésiter avant d'entrer dans la carrière. Il hésite si bien qu'il ne se présente même pas aux concours de recrutement. Et quand il s'y risque, il n'est pas forcément pris, parce que les plus compétents vont ailleurs: s'il y a carence de candidats en maths, par exemple, si les jurys sont obligés de recruter avec 4 de moyenne, c'est que les meilleurs mathématiciens font de la finance, parfois de la recherche ou des mathématiques appliquées, qu'ils passent des concours scientifiques pour se faire ingénieurs, mais que jamais [...] ils ne pensent à faire de l'enseignement, surtout dans le second degré. Bref, ceux qui tentent les concours de recrutement ne sont pas exactement l'élite des matheux. [...]
Je dis les maths, mais c'est la même chose en lettres, en anglais, en sciences, et globalement dans l'ensemble des disciplines. Il n'y a guère qu'en philosophie (peu d'autres débouchés que l'enseignement, peu de postes puisque cela ne s'enseigne qu'en terminale, on a donc encore le choix dans un vivier captif) que les jurys s'offrent encore le luxe de trier: les autres respectent comme ils le peuvent, en gonflant les notes afin de ne pas se déconsidérer totalement, les quotas qu'on leur a attribués. Quoique souvent, à la fin des oraux d'admission, ils renoncent à les combler, tant le niveau des admissibles est affligeant. Cette année (2014), sur les deux sessions du CAPES, il y eu en moyenne entre 30 et 50% de postes non attribués.
Si l'enseignement était ce que racontent les habitués du Café du Commerce, un boulot de paresseux rythmé par de longues semaines de vacances et grassement rémunéré, proportionnellement à la sueur dépensée, un tel état de fait serait incompréhensible." (p.43)
"De la maternelle à l'université, un enseignant recruté à bac +5 au moins commence à 1500 euros par mois nets. Et finit, dans le meilleur des cas, à 3500. La moitié exactement de ce que gagne son homologue luxembourgeois ou allemand. Seuls les Italiens, en Europe, gagnent un peu mois. Ni primes ni treizième mois. [...] Et en termes de pouvoir d'achat, quand on compare la condition enseignante aujourd'hui et celle des années 1970, divisez par deux. Voilà la réalité." (p.43)
"Fort imprudemment, Jean-Pierre Chevènement a demandé "80% d'une classe d'âge au niveau bac"." (p.47)
"Il serait temps de permettre à chaque formation du supérieur de trier ses étudiants."
"Réinstaurer le système des IPES qui dans les années 1960 garantissait (sur concours) un traitement mensuel minimum aux candidats au professorat, en fin de L1 ou de L2, en échange d'un engagement décennal à servir l'Éducation nationale." (p.61)
"Il faut augmenter les traitements de départ de 50%. [...] Mais nous n'avons pas d'argent ! Ah, oui ? C'est pour ça que vous changez le parc informatique tous les deux ans, pour rien ? C'est pour ça que vous payez les conseillers du ministre plus de 10 000 euros par mois, sans compter une foultitude d'administratifs de tout poil, qui font des rapports sur les gens qui font des rapports... Des profs et des élèves: cela suffit." (p.62)
"Redonner aux enfants le goût de l'étude, c'est parler à leurs passions, et non à leur raison, qui est encore en construction. Un pédagogue doit fasciner, ou il n'est bon à rien. Dans quelque matière que ce soit. Et il fascinera d'abord par sa maîtrise de ce qu'il enseigne. La formation des maîtres ne peut se résumer à trois recettes de pédagogie assénées par des pseudo-spécialistes en "sciences de l'éducation", qui ont imposé aux étudiants de passer sous les fourches caudines des masters "professionnels" au lieu de chercher à approfondir leurs savoirs fondamentaux: les gourous du pédagogisme croient manifestement que l'on est suffisamment bon en maths avec un petit niveau licence. Enseigner ne consiste pas à maîtriser les programmes, mais à en savoir dix fois, cent fois plus. La formation des maîtres doit procéder essentiellement d'une immense culture disciplinaire." (p.62)
"En France, nous n'avons pas de pétrole, mais nous avons une idée, et une seule: détruire ce qui fonctionne, et pour des raisons strictement idéologiques." (p.67)
"L'Histoire est en France un sujet sensible [...] L'enseignement de l'Histoire a toujours été politique." (p.107)
"L'enseignement de l'Histoire correspond à la société que nous désirons. C'est même la seule discipline qui soit chargée [...] d'une vraie fonction messianique." (p.108)
"L'Histoire est un discours avant d'être une science." (p.108)
"Au roman national a succédé le fantasme trans-national." (p.111)
"Les profs sont, comme les autres, en voie de prolétarisation. Et comme d'autres prolétaires, ils s'en souviendront dans les urnes. Et vous savez ce qu'ils votent, en ce moment, les prolétaires ? Prenez garde: le désespoir se moque des étiquettes." (p.124)
"Secret de polichinelle le mieux gardé de la rue de Grenelle: pour un enfant qui n'est pas né avec une cuiller en argent dans la bouche, l'égalitarisme tue toute chance d'accéder à une formation supérieure et à des emplois de cadre supérieur. L'égalitarisme est prôné depuis quatre décennies par les pédagogues béats qui tiennent le pouvoir réel de l'Éducation nationale." (p.136)
"Pendant ce temps, dans quelques lycées sélectionnés et probablement tous privés à terme, les vrais enfants de la bourgeoisie se gaveront de connaissances." (p.137)
"Le bon élève est l'espoir de ce pays. Il est -il devrait être- le modèle, au lieu d'être l'épouvantail. Il est de toute première urgence de le protéger, de l'encourager, d'en refaire le modèle. C'est en assez de couvrir la violence des ânes. Il faut les instruire, leur dire et leur redire qu'il n'y a d'espoir qu'en l'École, et, s'ils ne comprennent pas, s'ils choisissent encore de détruire au lieu de construire, oui, il faut les châtier." (p.142)
"Nous sommes un Etat laïque, c'est-à-dire que nous autorisons toutes les superstitions dans l'espace privé -et même dans la rue: nous sommes laïques et tolérants. Nous autorisons aussi certains responsables religieux, à proférer, en public, des énormités plus grosses qu'eux." (p.184)
"La France entière fout le camp, et l'on ne refondera pas l'École sans refonder la cité. Le PS au pouvoir, après l'incurie de la droite, accentue le délitement tout entier d'une civilisation. Soit nous réagissons, et la réaction sera nécessairement brutale, parce que nous sommes au fond et que seul un grand coup de talon nous ramènera à la surface ; soit nous basculons dans les poubelles de l'Histoire." (p.196)
"Proposer d'organiser les classes en groupes de niveau ne signifie rien si l'on ne remet pas en cause le collègue unique." (p.210)
-Jean-Paul Brighelli, Tableau noir, Éditions Hugo Doc, 2014, 230 pages.
http://www.lepoint.fr/invites-du-point/jean-paul-brighelli/brighelli-qui-a-vraiment-ecrit-les-programmes-du-college-27-04-2015-1924414_1886.php