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    William Morris, Nouvelles de nulle part + série des livres sur Morris

    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 5 Oct - 16:22

    http://www.laltiplano.fr/nouvelles-de-nulle-part.pdf

    « William Morris est né le 24 mars 1834 à Essex, en Angleterre. Issu d’une famille aisée, il étudie à Oxford avant d’embrasser une carrière artistique. Étudiant en architecture, puis en peinture, poète à ses heures perdues, il rencontre Dante Gabriel Rossetti et les artistes de la « Confrérie préraphaélite » en 1856, ce qui le pousse à consacrer sa vie aux arts décoratifs. Cependant, sa nouvelle passion le place dans une position de tension permanente entre des aspirations socialistes utopiques et la création d’objets de luxe destinés irrémédiablement à la haute bourgeoisie. Il se fera néanmoins connaître comme l’un des plus brillants décorateurs britanniques.

    Morris débute son activité politique dans le camp libéral, mais, en 1883, il rejoint le mouvement ouvrier en adhérant à la Social Democratic Federation marxiste, dirigée par nouvelles de nulle part Henry Hyndman. En décembre 1884, voyant l’orientation réformiste de la SDF, Morris rompt avec Hyndman, tout comme Friedrich Engels, et participe à la fondation de la Socialist League avec notamment Eleanor Marx, la fille benjamine de Marx. Le manifeste fondateur rédigé en grande partie par Morris prône l’internationalisme révolutionnaire. William Morris prend part à l’agitation politique et aux grèves des années 1886-1889, notamment à la manifestation des chômeurs à Trafalgar Square le 8 février 1886 (Black Monday – Lundi Noir), aux grèves des mineurs en 1887 ou encore à la manifestation du 13 novembre 1887 à Trafalgar Square (Bloody Sunday – Dimanche de Sang.) Il tente de préserver depuis sa création l’unité de la Socialist League en servant de médiateur entre les tendances marxistes et anarchistes du groupe. Cependant, non satisfait de l’évolution de la Socialist League vers l’anarchisme, il la quitte également en 1890 pour fonder la Hammersmith Socialist Society. Il meurt en 1896 dans le quartier d’Hammersmith, à Londres. » (pp.505-506)
    -William Morris, Nouvelles de nulle part, ou Une ère de repos, L’Altiplano, 2009 (1890 pour la première édition britannique), 506 pages.





    Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Lun 16 Aoû - 15:51, édité 1 fois


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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".

    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Mar 15 Déc - 14:28

    « L'ouvrier de nos jours peut être tenté de penser que l'art n'est pas une chose qui lui concerne beaucoup. A parler crûment, il n'est pas assez riche pour prendre sa part de l'art (il y en a plutôt peu, pour tout dire) tel qu'il se pratique dans les pays civilisés. Son salaire est précaire, son domicile l'est aussi, et par-dessus le marché il est presque toujours reculé dans les coins les plus malpropres de nos malpropres rues, si bien qu'au risque d'offenser les braves gens qui mettent leurs faibles efforts à gratifier leurs « frères pauvres » de quelques bribes d'art, il faut dire que la maison de l'ouvrier est nécessairement dénuée d'art ; en vérité, tenter de mettre de la beauté dans de pareilles demeures serait une tâche à lasser le plus patient des artistes de l'Europe. Ce misérable cadeau de miettes tombées de la table des enfants est un don que l'on doit forcément reprendre, et les ouvriers ne peuvent acheter que ce qui est à bon marché. D'autre par, si l'ouvrier se met en tête d'aller un jour ou l'autre dans des musées d'art, pour essayer de comprendre les transports d'enthousiasme qu'excitent chez nous autres artistes les oeuvres des âges passés, comment se tirera-t-il de son entreprise éducative ? Qu'est-ce qu'il va trouver ? – La porte fermée à son nez le seul jour de la semaine où il pourrait mettre à exécution sa tentative d'apprendre quelque chose en étudiant ce qui est sa propriété, – disons, par exemple, la National Gallery. Voilà ce qui est capable de faire réellement comprendre à un artiste toute la force de la stupide plaisanterie commise par les défenseurs de la religion contre le sens commun et la commune honnêteté.
    Il faudrait excéder les limites d'un article de journal pour montrer à quel point l'ouvrier est éloigné d'avoir une part quelconque, si petite qu'elle soit, dans l'art, quand il est au travail ; mais ceux qui aiment les ouvriers, du moins, savent tout ce qui en est ; car ceux-là mêmes qui sont occupés à fabriquer les denrées que, dans le damné argot de ce qui prétend être une civilisation, on appelle des « objets d'art », doivent travailler toujours comme des machines ou comme des esclaves des machines. Et les « organisateurs du travail » prennent bien soin que ni la qualité ni la quantité d'art contenue dans ces « objets d'art » ne soit trop grande. C'est d'ailleurs une vérité très bien sentie de nous autres artistes, que ceux qui produisent la richesse de la société civilisée n'ont point de part à l'art. Ils en sont tellement séparés que beaucoup ou la plupart d'entre eux, cela est à craindre, ne se doutent même pas de ce qui leur manque à cet égard. Et cependant, je dois assurer ici et partout que l'art est nécessaire à l'homme sous peine de tomber plus bas que les brutes. C'est la domination de la bourgeoisie, de la classe moyenne, qui nous a amenés à ce point dernier que tout ce qui reste d'art (quel qu'en puisse être le mérite) est considéré comme une amusette pour la riche, tandis que pour l'ouvrier, il n'y a point d'art, ni dans son travail ni dans sa demeure ; c'est-à-dire que les ouvriers sont condamnés par le capitalisme à vivre sans le plaisir nécessaire à l'humanité.
    Oui, la domination de la classe moyenne ! Car les choses étaient très différentes tout le temps du Moyen-Age, du XII° à la fin du XVII° siècle, alors que la classe moyenne se formait des serfs affranchis, des paysans et des artisans des corporations (guildes). Durant cette période, au moins, tout objet manufacturé, tout ce qui est susceptible d'ornement, était fait plus ou moins beau ; et la beauté n'y était pas ajoutée comme un article séparé ; tous les artisans, en effet, étaient plus ou moins artistes, et ne pouvaient s'empêcher de mettre de la beauté aux choses qu'ils faisaient. Il est facile de voir que cela n'aurait pu se produire s'ils avaient travaillé pour le bénéfice d'un maître. Ils travaillaient, au contraire, dans de telles conditions qu'ils étaient eux-mêmes les maîtres de leur temps, de leurs outils et de leurs matériaux, et, pour la plus grande partie, leurs produits étaient échangés par le simple procédé du client achetant au producteur. Dans ces circonstances, il était naturel, qu'un homme, étant maître de son travail, préférât se le rendre plus agréable en exerçant à son propos cet amour de la beauté qui est commun à tous les hommes, tant qu'il n'est pas détruit chez eux par cette amère lutte pour la vie qu'on appelle « concurrence pour les salaires », et par l'assujettissement à un maître luttant lui-même en vue de profit contre d'autres concurrents.
    Le système de l'homme travaillant pour lui-même à son aise et à son loisir était infiniment meilleur, en ce qui concerne tant l'ouvrier que l'oeuvre, que ce système de division du travail qui lui a substitué la soif de profit du commercialisme grandissant. Mais, bien entendu, il est impossible de revenir à ce système simple, quand même il n'impliquerait pas – comme il le fait – un retour à tout l'état de société hiérarchique ou féodal. D'autre part, il est aussi nécessaire à l'existence d'un art qu'à d'autres égards au bien-être des hommes, que l'ouvrier ait de nouveau la direction de ses matières premières, de ses outils et de son temps : seulement cette direction ne doit plus être celle de l'ouvrier individuel, comme au Moyen-Age, mais celle de tout l'ensemble des ouvriers. Quand les travailleurs organiseront le travail au profit des travailleurs, c'est-à-dire, de tout le monde, ils sauront de nouveau ce que c'est que l'art. Si cette révolution sociale ne se faisait pas (même elle se fera nécessairement), l'art serait assuré de périr, et il n'y en aurait pas plus finalement pour le riche que pour le pauvre.
    Il est donc très important pour les ouvriers de noter comment le capitalisme les a privé d'art. Car ce mot signifie réellement le plaisir de la vie, rien de moins. Je les conjure de ne pas considérer comme une chose d'importance légère, mais comme un mal des plus graves, le fait que leur travail est dénué d'attrait et leurs foyers dénués de beauté. Et je les assure que ce mal n'est pas un accident, n'est pas un résultat de l'insouciance et des tracas de la vie moderne, qu'un homme de la bourgeoisie un peu bien pensant pourrait corriger. Ce n'est pas un mal accidentel, guérissable par des remèdes palliatifs et temporaires ; c'est la résultante de la sujétion du pauvre au riche, et en même temps, c'est le symbole le plus évident de cette sujétion. Une seule chose peut le guérir : l'aboutissement de cette lutte de classe qui est heureusement en progrès à l'heure qu'il est, et qui se terminera par l'abolition de toutes les classes. »
    -William Morris, La vie ou la mort de l'art, 1884.






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