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    Michael Walzer, Cette gauche qui n’ose pas critiquer l’islam

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Messages : 20636
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    Michael Walzer, Cette gauche qui n’ose pas critiquer l’islam Empty Michael Walzer, Cette gauche qui n’ose pas critiquer l’islam

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 28 Jan - 14:20

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/05/08/cette-gauche-qui-n-ose-pas-critiquer-l-islam_4630280_3232.html

    "Là encore, je me trouve souvent confronté à cette gauche plus soucieuse d’éviter les accusations d’islamophobie que de condamner le fanatisme islamique. Il y a une raison à cela en Europe occidentale et sans doute aussi aux Etats-Unis, où les musulmans sont des immigrés récents, objets de discrimination, de surveillance policière, parfois de brutalité policière et d’hostilité populaire. L’islamophobie semble grandissante. Et pas seulement au sein de la droite populiste et nationaliste.

    En cause l’impérialisme occidental

    Malgré leur incapacité à comprendre le phénomène religieux, la plupart des gens de gauche n’éprouvent pas de difficulté à craindre et à combattre les nationalistes hindous, les moines bouddhistes fervents et les sionistes messianiques engagés dans la défense des colonies israéliennes (dans ce cas, dire qu’ils n’ont « pas de difficulté » à le faire est un euphémisme). Bien sûr, personne à gauche n’épouse la cause des militants islamistes. Certes moins scandaleux, mais tout de même assez grave me semble pourtant le refus d’une majorité de la gauche de reconnaître ces crimes pour tenter une analyse générale et une critique englobante du fanatisme islamique. Qu’est-ce qui fait obstacle à l’analyse et à la critique ?

    De nombreux auteurs de gauche insistent pour dire que la cause du fanatisme religieux n’est pas la religion, mais l’impérialisme occidental, l’oppression et la pauvreté. On trouve aussi des gens pour croire que le fanatisme islamique n’est pas le produit de l’impérialisme occidental, mais une forme de résistance à son égard. Quels que soient les groupes qu’il attire à lui dans les faits, il constituerait une idéologie des opprimés – une variante, quoique un peu étrange, d’une politique de gauche.

    Le philosophe slovène Slavoj Zizek soutient que le radicalisme islamique exprime « la rage des victimes de la mondialisation capitaliste ». Il faut dire que Zizek ne craint pas d’être traité d’islamophobe : il défend une critique « respectueuse et pour cette même raison pas moins impitoyable » de l’islam et de toutes les autres religions. Mais sa critique ne parviendra à rien tant qu’il continuera de croire que l’objet de la rage islamiste est le même que celui de sa propre rage.

    Il est nécessaire de distinguer le fanatisme islamique de l’islam lui-même. Nous devons insister sur la différence entre les écrits des fanatiques comme Hassan el-Banna (1906-1949), le fondateur des Frères musulmans et l’œuvre des philosophes rationalistes de l’histoire musulmane ancienne et des réformateurs libéraux plus récents.

    La philosophe américaine Judith Butler commet la même erreur quand elle explique qu’« il est extrêmement important de considérer le Hamas et le Hezbollah comme des mouvements sociaux progressistes, qui se situent à gauche et font partie d’une gauche mondiale ». Elle l’affirmait en 2006, et le répétait encore en 2012 en apportant toutefois un correctif : le Hamas et le Hezbollah appartiennent bien à la gauche parce qu’ils sont « anti-impérialistes », mais Butler ne soutient pas toutes les organisations de la gauche mondiale et surtout elle n’approuve pas l’usage de la violence dans ces deux organisations. Je lui suis reconnaissant de ce dernier ajout, mais opérer une pareille assimilation à la gauche est toujours aussi erroné.

    Dans l’analyse du fanatisme islamique, les postmodernes n’ont pas fait mieux que les anti-impérialistes. Qu’on se rappelle Michel Foucault et son apologie de la brutalité de la révolution iranienne : l’Iran n’a pas « le même régime de vérité que nous ». Cette version du relativisme culturel est devenue un lieu commun.

    La défense postmoderne la plus vigoureuse du radicalisme islamique se trouve chez le professeur de littérature Michael Hardt et le philosophe italien Antonio Negri, qui affirment que l’islamisme est en soi un projet postmoderne : « La postmodernité du fondamentalisme se reconnaît à son refus de la modernité comme arme de l’hégémonie euro-américaine – à cet égard, le fondamentalisme islamique représente bien un exemple paradigmatique ». Ou encore : « Dans la mesure où la révolution iranienne a exprimé un profond rejet du marché mondial, elle pourrait être considérée comme la première révolution postmoderne. »

    Hypocrisie occidentale

    Toutes ces réponses de gauche aux islamistes fanatiques semblent bien étranges quand on envisage le contenu de leur idéologie. L’opposition djihadiste à « l’Occident » devrait inquiéter la gauche. Boko Haram a commencé par attaquer les écoles « au style occidental » et d’autres groupes islamistes ont lancé des attaques similaires, en particulier contre les écoles de filles. Les valeurs que les fanatiques dénoncent comme étant « occidentales » – la liberté individuelle, la démocratie, l’égalité des sexes, le pluralisme religieux – sont ici au cœur du débat
    ."
    -Michael Walzer, Cette gauche qui n’ose pas critiquer l’islam, http://www.lemonde.fr, 08.05.2015.

    https://www.dissentmagazine.org/article/islamism-and-the-left

    "Critiques of Islam are inhibited not only by the fear of being called Islamophobic but also by the fear of “Orientalism.” Edward Said’s book by that name provides many examples of both scholarly and popular arguments about Islam that contemporary writers will rightly want to avoid. But his own argument about the future of Islam and the Arab world (he was writing in the late 1970s), missed the mark by a considerable distance. Said thought that, with only a few honorable exceptions, Orientalism had triumphed in the West; he also believed that it had been internalized in the East, so that Arab and other Muslim writers were now producing Orientalist—that is prejudiced and stereotyped—accounts of their own history. “The Arab world today,” Said wrote, “is an intellectual, political, and cultural satellite of the United States.” Islamic revivalism is nowhere anticipated in Said’s book. Indeed, he takes Bernard Lewis’ insistence on the “importance of religion in the current affairs of the Muslim world” to be an example of Orientalism. And a year later, in The Question of Palestine, Said calls “the return to ‘Islam’” a “chimera.” "
    -Michael Walzer, Islamism and the Left, www.dissentmagazine.org, Winter 2015.





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