"En 190, les légions, commandées par les Scipions, passent pour la première fois en Asie, et Antiochos III le Séleucide est battu à Magnésie du Sipyle. [...] Désormais, ce n'est plus une région, ce sont tous les Grecs (ceux d'Égypte exceptés) qui sont affctés par les interventions romaines." (p.7)
"La défaite n'est pas nécessairement la sanction d'une civilisation en déclin. Et, même quand elle apporte les pires malheurs, elle n'entraîne pas nécessairement le déclin pour les vaincus. [...] Quelques cités ont disparu, mais les Grecs continuent, en Grèce et en Asie, à vivre dans le cadre de la cité, la polis, pour eux communauté d'appartenance, cadre d'activité et d'existence. Ils préservent et développent leur culture et leur éducation particulière, leur paideia ; leur rayonnement culturel est aussi puissant que précédemment. Mieux encore, en Asie, l'hellénisation des indigènes progresse de faon considérable: si l'espace sur lequel les Grecs ont une maîtrise se rétrécit, celui où l'on vit à la grecque s'accroît. Des régions entières deviennent provinces romaines mais ne cessent pas pour autant d'être grecques." (p.8 )
"La défaite des Étoliens aux Termopyles en 191 et celle d'Antiochos III à Magnésie en décembre 190 n'ont pas eu les mêmes effets. La victoire romaine des Thermopyles, survenant peu d'années après celle de Cynoscéphales, a totalement déstabilisé la Grèce continentale, sauf pour quelques zones privilégiées. Si les difficultés des Étoliens se comprennent aisément, des peuples qui avaient choisi le bon côté connaissent le désarroi eux aussi. La désagrégation s'accentue encore après la défaite du roi de Macédoine Persée à Pydna en 168. C'est donc après un demi-siècle de fort malaise que la Macédoine et l'Archaïe sont, en 146, provinces romaines. Les peuples privilégiés sont la cité d'Athènes, prospère et brillante pendant tout le IIe siècle, et la Confédération thessalienne. Pendant ce demi-siècle et au-delà, les Grecs d'Asie, eux, sont heureux et dynamiques. Certes, du point de vue géopolitique, Magnésie, avec la sanction du traité d'Apamée en 188, est un désastre: trop affaiblis, les Séleucides sont, quelques décennies après, incapables de résister à l'avance parthe, et la Babylonie est à jamais soustraite de l'espace gréco-romain. Mais, libres ou annexés par le royaume de Pergame, les Grecs d'Asie prospèrent: on construit beaucoup en Asie, à un moment où l'on ne bâtit plus rien en Grèce continentale. Le don par Attale III de son royaume à Rome en 133 et la création de la province d'Asie n'ont pas d'effets immédiats sur les cités côtières, toutes libres ou presque. Une fois les provinces créées, les peuples d'Europe et d'Asie soumis à l'administration directe doivent trouver un nouvel équilibre, alors que les exigences matérielles de la puissance dominante se font lourdement sentir, surtout en Asie." (p.9)
"Avec la guerre de Mithridate et sa défaite commence, tant pour Athènes que pour les Grecs d'Asie, une longue période de misère. Seuls échappent à ce sort les quelques peuples libres restés fidèles à Rome, la Confédération thessalienne et, en Asie, les cités de Carie et de Lycie, libérées en 167 par Rome de la tutelle rhodienne. Ces contrastes rendent impossibles les généralisations. On ne retrouve pas partout les mêmes césures: si 146 a une signification pour la plupart des Grecs d'Europe, en Asie et à Athènes 88 est la date où tout bascule. De plus, il arrive souvent que l'événement le plus important de l'histoire d'une cité lui soit particulier: pour Rhodes, plus encore que les désagréments crées par Rome en 167, le tournant historique est, en 42, la prise de la ville par Cassius, le meurtrier de César, qui s'empare de plus de 8000 talents, ruinant la cité pour longtemps." (p.10)
"Notre documentation épigraphique est inégale suivant les lieux et les moments, car graver sur pierre est coûteux et les textes inscrits se raréfient avec les difficultés financières. Athènes, si riches en documents au IIe siècle, devient fort pauvre après la guerre de Mithridate." (p.12)
"La Macédoine (à laquelle était rattachée l'Illyrie) est devenue province en 146 ; à cette date la province d'Achaïe a été confiée au gouverneur de Macédoine. La province d'Asie a été créée en 133 ; sauf les territoires des cités libres, elle englobait la Troade, la Mysie, l'Éolide, l'Ionie, la Lydie, ainsi que la partie sud-ouest de la Phrygie ; elle s'est accrue en 116 du reste de la Phrygie et, un peu plus tard, de la Lycaonie." (p.15)
"En Asie Mineure, l'hellénisation est un lent processus qui a commencé dès l'âge classique. Elle n'a pas été imposée par un maître. Elle s'est faite peu à peu sous l'effet des relations commerciales et culturelles. Le processus est parvenu à son terme dans plusieurs régions à la basse époque hellénistique.
Pendant les deux derniers siècles avant notre ère, les cités de Carie sont totalement hellénisées dans leurs institutions, dans leur culture et même dans leur anthroponymie. [...] Il en est de même pour les cités de Lycie." (p.17)
"La Syrie du Nord, quand à elle, est grecque. Les cités qui y ont été implantées dès le début de la dynastie séleucide ont eu un grand impact sur le pays." (p.19)
"Les cités d'Asie, il est vrai, avaient toujours été assujetties à une puissance dominante, qu'il s'agisse des rois de Perse, d'Athènes ou des divers rois hellénistiques. En 188, le traité d'Apamée reconnaît la liberté à de nombreuses cités côtières. D'autres cités sont attribuées au roi de Pergame, ce qui ne les afflige guère, puisqu'elles avaient toujours été soumises à un roi. Les cités de Carie et de Lycie sont, elles, attribuées à Rhodes, et certaines d'entre elles revendiquent par les armes leur liberté." (p.33)
"Il y eut des guerres entre cités d'Asie jusqu'à l'intervention de Mithridate." (p.35)
"L'histoire des cités d'Asie, du moins telle qu'elles la vivent, n'a guère de relation avec les événements qui se déroulent de l'autre côté de l'Égée. Alors que l'Achaïe est réduite en province et Corinthe détruite en 146, les monnayages civiques en Asie sont à leur apogée entre 150 et 140. Des cités frappent encore des tétradrachmes à leur type propre au début des années 130, comme Myrina [...] signe d'une certaine prospérité." (p.38)
"Lorsqu'une cité grecque est prospère, qu'elle est fière de son état présent et regarde l'avenir avec optimisme, d'ordinaire elle bâtit des monuments pour honorer ses dieux et servir la communauté. Les cités libres d'Asie Mineure ont, dans leur ensemble, beaucoup bâti, depuis les dernières années du IIIe siècle jusqu'à la guerre de Mithridate.
De la Troade à la Lycie, la floraison de grands temples ioniques, bâtis en un siècle environ, est remarquable. [...] Temple de Dionysos à Téos, d'Artémis Leucophryéné à Magnésie du Méandre, de Zeus Sosipolis dans la même cité, d'Apollon Smintheus à Alexandrie de Troade, de Létô à Xanthos, d'Apollon à Alabanda, d'Hécate à Lagina." (p.39)
"Grande cité, Milet possédait un port très actif et un sanctuaire renommée, le sanctuaire oraculaire d'Apollon à Didymes [...] Entre 188 et 168, Eumène a offert à Milet 160 000 médimnes de blé dont la vente devait servir à la construction d'un gymnase." (p.44)
"Même si elles ne souhaitent pas voir le roi agir comme arbitre ou médiateur entre elles, les cités libres d'Asie sont dans les faits les obligées du roi de Pergame: il les protège contre les Galates et leur fait des dons précieux." (p.45)
"En 133, lorsque Attale III donne par testament son royaume à Rome, les cités libres [...] soutiennent fermement Rome contre Eumène III." (p.47)
"En 167, Athènes reçut de Rome, outre le territoire d'Haliarte, ses anciennes possessions traditionnelles: Délos, Imbros, Lemnos et Skyros. [...]
Athènes doit une part notable de sa prospérité entre 150 et 100 à Délos. Elle lui doit aussi une dépendance à l'égard de Rome, dont elle l'obligée à la suite de ses dons. L'autorité du Sénat prime sur la sienne en ce lieu que Rome lui a attribué." (p.102-103)
"Loi sur les poids et mesures votée vers 112 environ. [...]
Un des objectifs de la loi était de faciliter la conversion des poids et mesures d'Athènes avec ceux de Rome. Les Athéniens voulaient simplifier les transactions pour développer le trafic de l'emporion. Le port du Pirée était très actif dans cette période pour l'importation et l'exportation et surtout pour le transit." (p.106)
"[En 91-90] se produisit une grave irrégularité: Médeios fils de Médeios du dème du Pirée, qui avait été archonte en 101/100, fut archonte de nouveau. La réitération de sa charge n'était pas la seule atteinte à la règle constitutionnelle: Médeios a certainement obtenu son deuxième archontat grâce à une élection alors que depuis des siècles la désignation par tirage au sort était de règle pour cette charge. Médeios fut reconduit dans cette fonction en 90/89 et 89/88. Ce bouleversement institutionnel répond sans aucun doute à une situation de crise." (p.114)
"Deux phénomènes de grande ampleur [...] ont dû avoir de graves répercussions en Égée. L'un est l'appauvrissement produit par les ponctions romaines sur la richesse de la Grèce continentale (province depuis 146) et de l'ancien royaume de Pergame (province depuis 129 et pressuré à partir de 123) ; à ces ponctions s'ajoutait la mauvaise santé des royaumes de Syrie et d'Égypte. Le trafic de transit a dû en être gravement affecté non seulement à Délos mais aussi au Pirée. Un second phénomène est la recrudescence des incursions de pirates en Méditerranée orientale: les puissances maritimes capables de lutter contre eux n'existaient plus. Rome envoya, à partir de 102, certes, plusieurs commandants lutter contre eux, notamment près de la côte de Cilicie: M. Antonius en 102, Sylla en 96 (qui ne fit rien). Le problème n'était pas résolu et nuisait évidemment au trafic. De plus, les efforts romains n'étaient pas payés par Rome. Une loi datant de 100 confia la lutte à un préteur en appelant toutes les puissances libres à l'aider, qu'il s'agisse des rois alliés ou des cités. C'est ainsi que Ténos, l'une des Cyclades, "se chargea de dettes de façon extraordinaire" lors de la "guerre commune" contre les pirates. Rien d'étonnant que l'ensemble des Etats égéens, y compris Athènes, aient vu leurs revenus baisser dans les dernières années du IIe siècle et les premières années du Ier siècle." (p.116)
"Rome a certainement apprécié l'arrivée au pouvoir de Médeios, qui était un de ses amis fidèles, mais ce sont les Athéniens qui l'y avaient porté. [...] Descendant de Lycurgue, l'homme d'Etat nationaliste de l'époque d'Alexandre, il était comme lui prêtre de Poséidon-Érechthée, une des plus importantes fonctions religieuses d'Athènes. Il avait été archonte éponyme en 101/100, directeur de la banque publique de Délos en 100/99, stratège des hoplites en 99/98 et épimélète de Délos en 98-97. [...] En 89/88, alors que Médeios était dans sa troisième année d'archontats extraordinaires, le peuple a désigné par élection [...] Athéniôn comme ambassadeur auprès de Mithridate, alors en guerre ouverte avec Rome. Le peuple conservait donc ses pouvoirs en matière de politiques étrangères." (p.117)
"Athéniôn n'avait-il pas, au cours de son absence, envoyé des lettres disant qu'avec l'aide de Mithridate les Athéniens seraient délivrés des dettes et que le roi leur ferait des dons à titre public et à titre privé ?" (p.119)
"Mécontents d'une crise dont ils ne voyaient pas la fin, les Athéniens imputèrent aux Romains leurs difficultés, comme les souffrances des autres Grecs, et virent dans le roi Mithridate VI Eupator un sauveur. En choisissant ce camp, ils transformèrent une situation peu brillante en désastre." (p.119)
"La période de 88 à Auguste sera très malheureuse pour Athènes. La Thessalie, elle, toujours organisée en Confédération, gardera son indépendance (dans l'amitié romaine) jusqu'à Actium." (p.120)
"Agissant en évergète, Pompée, après sa victoire sur Mithridate, offrit 50 talents pour la restauration de la ville. Elle avait subi d'importantes destructions lorsque Sylla s'en était emparé, et les Athéniens manquaient d'argent pour entreprendre les réparations et les reconstructions les plus nécessaires. Malgré le don de Pompée, la ville était toujours en triste état à la veille des guerres civiles. L'Académie, le gymnase où avait enseigné Platon et où étaient passés tant de grands hommes, suscitait la commisération émue de Cicéron." (p.185)
"Le rayonnement culturel de Rhodes, très vif dès cette époque surtout auprès des cités d'Asie, allait au Ier siècle égaler ou presque celui d'Athènes." (p.248)
-Claude Vial, Les Grecs. De la paix d'Apamée à la bataille d'Actium (188-31), Nouvelle Histoire de l'Antiquité, tome 5, Éditions du Seuil, coll. Points, 1995, 299 pages.
"La défaite n'est pas nécessairement la sanction d'une civilisation en déclin. Et, même quand elle apporte les pires malheurs, elle n'entraîne pas nécessairement le déclin pour les vaincus. [...] Quelques cités ont disparu, mais les Grecs continuent, en Grèce et en Asie, à vivre dans le cadre de la cité, la polis, pour eux communauté d'appartenance, cadre d'activité et d'existence. Ils préservent et développent leur culture et leur éducation particulière, leur paideia ; leur rayonnement culturel est aussi puissant que précédemment. Mieux encore, en Asie, l'hellénisation des indigènes progresse de faon considérable: si l'espace sur lequel les Grecs ont une maîtrise se rétrécit, celui où l'on vit à la grecque s'accroît. Des régions entières deviennent provinces romaines mais ne cessent pas pour autant d'être grecques." (p.8 )
"La défaite des Étoliens aux Termopyles en 191 et celle d'Antiochos III à Magnésie en décembre 190 n'ont pas eu les mêmes effets. La victoire romaine des Thermopyles, survenant peu d'années après celle de Cynoscéphales, a totalement déstabilisé la Grèce continentale, sauf pour quelques zones privilégiées. Si les difficultés des Étoliens se comprennent aisément, des peuples qui avaient choisi le bon côté connaissent le désarroi eux aussi. La désagrégation s'accentue encore après la défaite du roi de Macédoine Persée à Pydna en 168. C'est donc après un demi-siècle de fort malaise que la Macédoine et l'Archaïe sont, en 146, provinces romaines. Les peuples privilégiés sont la cité d'Athènes, prospère et brillante pendant tout le IIe siècle, et la Confédération thessalienne. Pendant ce demi-siècle et au-delà, les Grecs d'Asie, eux, sont heureux et dynamiques. Certes, du point de vue géopolitique, Magnésie, avec la sanction du traité d'Apamée en 188, est un désastre: trop affaiblis, les Séleucides sont, quelques décennies après, incapables de résister à l'avance parthe, et la Babylonie est à jamais soustraite de l'espace gréco-romain. Mais, libres ou annexés par le royaume de Pergame, les Grecs d'Asie prospèrent: on construit beaucoup en Asie, à un moment où l'on ne bâtit plus rien en Grèce continentale. Le don par Attale III de son royaume à Rome en 133 et la création de la province d'Asie n'ont pas d'effets immédiats sur les cités côtières, toutes libres ou presque. Une fois les provinces créées, les peuples d'Europe et d'Asie soumis à l'administration directe doivent trouver un nouvel équilibre, alors que les exigences matérielles de la puissance dominante se font lourdement sentir, surtout en Asie." (p.9)
"Avec la guerre de Mithridate et sa défaite commence, tant pour Athènes que pour les Grecs d'Asie, une longue période de misère. Seuls échappent à ce sort les quelques peuples libres restés fidèles à Rome, la Confédération thessalienne et, en Asie, les cités de Carie et de Lycie, libérées en 167 par Rome de la tutelle rhodienne. Ces contrastes rendent impossibles les généralisations. On ne retrouve pas partout les mêmes césures: si 146 a une signification pour la plupart des Grecs d'Europe, en Asie et à Athènes 88 est la date où tout bascule. De plus, il arrive souvent que l'événement le plus important de l'histoire d'une cité lui soit particulier: pour Rhodes, plus encore que les désagréments crées par Rome en 167, le tournant historique est, en 42, la prise de la ville par Cassius, le meurtrier de César, qui s'empare de plus de 8000 talents, ruinant la cité pour longtemps." (p.10)
"Notre documentation épigraphique est inégale suivant les lieux et les moments, car graver sur pierre est coûteux et les textes inscrits se raréfient avec les difficultés financières. Athènes, si riches en documents au IIe siècle, devient fort pauvre après la guerre de Mithridate." (p.12)
"La Macédoine (à laquelle était rattachée l'Illyrie) est devenue province en 146 ; à cette date la province d'Achaïe a été confiée au gouverneur de Macédoine. La province d'Asie a été créée en 133 ; sauf les territoires des cités libres, elle englobait la Troade, la Mysie, l'Éolide, l'Ionie, la Lydie, ainsi que la partie sud-ouest de la Phrygie ; elle s'est accrue en 116 du reste de la Phrygie et, un peu plus tard, de la Lycaonie." (p.15)
"En Asie Mineure, l'hellénisation est un lent processus qui a commencé dès l'âge classique. Elle n'a pas été imposée par un maître. Elle s'est faite peu à peu sous l'effet des relations commerciales et culturelles. Le processus est parvenu à son terme dans plusieurs régions à la basse époque hellénistique.
Pendant les deux derniers siècles avant notre ère, les cités de Carie sont totalement hellénisées dans leurs institutions, dans leur culture et même dans leur anthroponymie. [...] Il en est de même pour les cités de Lycie." (p.17)
"La Syrie du Nord, quand à elle, est grecque. Les cités qui y ont été implantées dès le début de la dynastie séleucide ont eu un grand impact sur le pays." (p.19)
"Les cités d'Asie, il est vrai, avaient toujours été assujetties à une puissance dominante, qu'il s'agisse des rois de Perse, d'Athènes ou des divers rois hellénistiques. En 188, le traité d'Apamée reconnaît la liberté à de nombreuses cités côtières. D'autres cités sont attribuées au roi de Pergame, ce qui ne les afflige guère, puisqu'elles avaient toujours été soumises à un roi. Les cités de Carie et de Lycie sont, elles, attribuées à Rhodes, et certaines d'entre elles revendiquent par les armes leur liberté." (p.33)
"Il y eut des guerres entre cités d'Asie jusqu'à l'intervention de Mithridate." (p.35)
"L'histoire des cités d'Asie, du moins telle qu'elles la vivent, n'a guère de relation avec les événements qui se déroulent de l'autre côté de l'Égée. Alors que l'Achaïe est réduite en province et Corinthe détruite en 146, les monnayages civiques en Asie sont à leur apogée entre 150 et 140. Des cités frappent encore des tétradrachmes à leur type propre au début des années 130, comme Myrina [...] signe d'une certaine prospérité." (p.38)
"Lorsqu'une cité grecque est prospère, qu'elle est fière de son état présent et regarde l'avenir avec optimisme, d'ordinaire elle bâtit des monuments pour honorer ses dieux et servir la communauté. Les cités libres d'Asie Mineure ont, dans leur ensemble, beaucoup bâti, depuis les dernières années du IIIe siècle jusqu'à la guerre de Mithridate.
De la Troade à la Lycie, la floraison de grands temples ioniques, bâtis en un siècle environ, est remarquable. [...] Temple de Dionysos à Téos, d'Artémis Leucophryéné à Magnésie du Méandre, de Zeus Sosipolis dans la même cité, d'Apollon Smintheus à Alexandrie de Troade, de Létô à Xanthos, d'Apollon à Alabanda, d'Hécate à Lagina." (p.39)
"Grande cité, Milet possédait un port très actif et un sanctuaire renommée, le sanctuaire oraculaire d'Apollon à Didymes [...] Entre 188 et 168, Eumène a offert à Milet 160 000 médimnes de blé dont la vente devait servir à la construction d'un gymnase." (p.44)
"Même si elles ne souhaitent pas voir le roi agir comme arbitre ou médiateur entre elles, les cités libres d'Asie sont dans les faits les obligées du roi de Pergame: il les protège contre les Galates et leur fait des dons précieux." (p.45)
"En 133, lorsque Attale III donne par testament son royaume à Rome, les cités libres [...] soutiennent fermement Rome contre Eumène III." (p.47)
"En 167, Athènes reçut de Rome, outre le territoire d'Haliarte, ses anciennes possessions traditionnelles: Délos, Imbros, Lemnos et Skyros. [...]
Athènes doit une part notable de sa prospérité entre 150 et 100 à Délos. Elle lui doit aussi une dépendance à l'égard de Rome, dont elle l'obligée à la suite de ses dons. L'autorité du Sénat prime sur la sienne en ce lieu que Rome lui a attribué." (p.102-103)
"Loi sur les poids et mesures votée vers 112 environ. [...]
Un des objectifs de la loi était de faciliter la conversion des poids et mesures d'Athènes avec ceux de Rome. Les Athéniens voulaient simplifier les transactions pour développer le trafic de l'emporion. Le port du Pirée était très actif dans cette période pour l'importation et l'exportation et surtout pour le transit." (p.106)
"[En 91-90] se produisit une grave irrégularité: Médeios fils de Médeios du dème du Pirée, qui avait été archonte en 101/100, fut archonte de nouveau. La réitération de sa charge n'était pas la seule atteinte à la règle constitutionnelle: Médeios a certainement obtenu son deuxième archontat grâce à une élection alors que depuis des siècles la désignation par tirage au sort était de règle pour cette charge. Médeios fut reconduit dans cette fonction en 90/89 et 89/88. Ce bouleversement institutionnel répond sans aucun doute à une situation de crise." (p.114)
"Deux phénomènes de grande ampleur [...] ont dû avoir de graves répercussions en Égée. L'un est l'appauvrissement produit par les ponctions romaines sur la richesse de la Grèce continentale (province depuis 146) et de l'ancien royaume de Pergame (province depuis 129 et pressuré à partir de 123) ; à ces ponctions s'ajoutait la mauvaise santé des royaumes de Syrie et d'Égypte. Le trafic de transit a dû en être gravement affecté non seulement à Délos mais aussi au Pirée. Un second phénomène est la recrudescence des incursions de pirates en Méditerranée orientale: les puissances maritimes capables de lutter contre eux n'existaient plus. Rome envoya, à partir de 102, certes, plusieurs commandants lutter contre eux, notamment près de la côte de Cilicie: M. Antonius en 102, Sylla en 96 (qui ne fit rien). Le problème n'était pas résolu et nuisait évidemment au trafic. De plus, les efforts romains n'étaient pas payés par Rome. Une loi datant de 100 confia la lutte à un préteur en appelant toutes les puissances libres à l'aider, qu'il s'agisse des rois alliés ou des cités. C'est ainsi que Ténos, l'une des Cyclades, "se chargea de dettes de façon extraordinaire" lors de la "guerre commune" contre les pirates. Rien d'étonnant que l'ensemble des Etats égéens, y compris Athènes, aient vu leurs revenus baisser dans les dernières années du IIe siècle et les premières années du Ier siècle." (p.116)
"Rome a certainement apprécié l'arrivée au pouvoir de Médeios, qui était un de ses amis fidèles, mais ce sont les Athéniens qui l'y avaient porté. [...] Descendant de Lycurgue, l'homme d'Etat nationaliste de l'époque d'Alexandre, il était comme lui prêtre de Poséidon-Érechthée, une des plus importantes fonctions religieuses d'Athènes. Il avait été archonte éponyme en 101/100, directeur de la banque publique de Délos en 100/99, stratège des hoplites en 99/98 et épimélète de Délos en 98-97. [...] En 89/88, alors que Médeios était dans sa troisième année d'archontats extraordinaires, le peuple a désigné par élection [...] Athéniôn comme ambassadeur auprès de Mithridate, alors en guerre ouverte avec Rome. Le peuple conservait donc ses pouvoirs en matière de politiques étrangères." (p.117)
"Athéniôn n'avait-il pas, au cours de son absence, envoyé des lettres disant qu'avec l'aide de Mithridate les Athéniens seraient délivrés des dettes et que le roi leur ferait des dons à titre public et à titre privé ?" (p.119)
"Mécontents d'une crise dont ils ne voyaient pas la fin, les Athéniens imputèrent aux Romains leurs difficultés, comme les souffrances des autres Grecs, et virent dans le roi Mithridate VI Eupator un sauveur. En choisissant ce camp, ils transformèrent une situation peu brillante en désastre." (p.119)
"La période de 88 à Auguste sera très malheureuse pour Athènes. La Thessalie, elle, toujours organisée en Confédération, gardera son indépendance (dans l'amitié romaine) jusqu'à Actium." (p.120)
"Agissant en évergète, Pompée, après sa victoire sur Mithridate, offrit 50 talents pour la restauration de la ville. Elle avait subi d'importantes destructions lorsque Sylla s'en était emparé, et les Athéniens manquaient d'argent pour entreprendre les réparations et les reconstructions les plus nécessaires. Malgré le don de Pompée, la ville était toujours en triste état à la veille des guerres civiles. L'Académie, le gymnase où avait enseigné Platon et où étaient passés tant de grands hommes, suscitait la commisération émue de Cicéron." (p.185)
"Le rayonnement culturel de Rhodes, très vif dès cette époque surtout auprès des cités d'Asie, allait au Ier siècle égaler ou presque celui d'Athènes." (p.248)
-Claude Vial, Les Grecs. De la paix d'Apamée à la bataille d'Actium (188-31), Nouvelle Histoire de l'Antiquité, tome 5, Éditions du Seuil, coll. Points, 1995, 299 pages.