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« Le néo-paganisme n’est d’ailleurs pas intégralement marqué à l’extrême droite : une forte proportion de néo-païen se situe à l’extrême gauche comme l’a démontré l’universitaire italien Massimo Introvigne. » (p.10)
« Le néo-paganisme contemporain progresse en Europe depuis la fin des années soixante. Il se nourrit du déclin des différentes formes de christianisme. En outre, parallèlement au désintérêt pour le christianisme, notre continent a vu l’apparition et l’essor d’une nébuleuse spiritualiste, issue des contre-cultures post-soixante-huitardes. Cette période, corrélativement à la remise en cause des valeurs dominantes de l’Occident, a connu une crise métaphysique, voire mystique pour certains, qui a abouti à la découverte des spiritualités de l’Orient et à la mode des gourous. Durant cette période de recomposition, le néo-paganisme a connu, de façon générale, un essor important. Ainsi, en Islande, il est religion officielle, l’Asatru est son nom, depuis 1973 et connaît une croissance annuelle de 10 à 40% depuis sa fondation3. Tandis que la Grande-Bretagne a vu, dans les années quatre-vingt-dix, la nomination d’aumôniers païens dans ses universités, notamment à celle de Leeds. Cependant, il ne faut pas oublier que dans le même pays, le Prince de Galles est traditionnellement Grand Druide. La mode païenne a gagné le Danemark où les cultes païens des Vikings ont été reconnus religions officielles le 6 novembre 2003. Dans ce pays, un député social-démocrate a même proposé, fort sérieusement, en juin 2004, de « […] faire référence dans la constitution européenne à l’importance fondamentale du paganisme gréco-romain. » En Europe, des universitaires n’hésitent pas à affirmer leur paganisme. Dans certains pays baltes, le paganisme est reconnu comme religion officielle depuis la chute de l’U.R.S.S. et l’accession à l’indépendance de ces Etats, dont la Lituanie et l’Estonie. En Grèce certains veulent aussi revenir aux cultes antiques, lassé par une orthodoxie omniprésente. Depuis 1996, ces partisans de ces cultes se réunissent sur le Mont Olympe, siège des dieux helléniques. » (p.10-11)
« Historiquement, le néo-paganisme s’inscrit dans la filiation du romantisme et de ses extensions politiques. Par conséquent, recourir au néopaganisme implique, à l’exception notable des formes de paganisme issues des contre-cultures comme la néo-sorcellerie Wicca, un refus de la modernité. En effet, nous postulons qu’il existe une vision païenne commune fondée sur le refus de la modernité et du libéralisme qui en découle. Selon nous, le recours au paganisme peut permettre l’élaboration d’une nouvelle vision du monde radicalement différente de celles connues actuellement. Nous postulons aussi que cette « paganisation » est possible parce qu’il existe une culture alternative sensible à l’appel du paganisme. Il est déjà possible de cerner les thèmes politiques et sociétaux majeurs véhiculés par le néo-paganisme néo-droitier : l’éloge du différentialisme radical, inspiré des castes, faisant du communautarisme une solution au multiculturalisme et refusant l’ethnocide ; critique de la pensée occidentale, individualiste et uniformisatrice, vue comme synonyme simultané de modernité, d’américanisation des moeurs et manifestation de l’idéologie du progrès ; élaboration d’un nouveau populisme fondé sur le modèle démocratique antique ; conception pagano-panthéiste de l’écologie ; éloge d’un modèle impérial décentralisé et régionaliste ; défense en fin d’une sexualité sans péché originel, sacralisée et créatrice de sociabilité. » (p.12)
« Le fondateur d’Europe-Action, Dominique Venner est un militant d’extrême droite de longue date. Il fut incarcéré à la prison de la Santé de 1961 à 1962 pour son implication dans le putsch manqué du 30 janvier 1961 mais ne prendra pas part à l’O.A.S.1. C’est aussi un engagé volontaire à dix-huit ans dans les chasseurs parachutistes et il a combattu en Algérie entre 1954 et 1956. Cependant il admire le F.L.N. qui « combattait pour sa dignité. Il combattait pour conquérir une patrie, pour se donner une identité, pour édifier une nation2. » En 1956, il devint membre de Jeune Nation, un groupuscule raciste et fasciste fondé en 1958 par les frères Sidos (Pierre Sidos fondant ultérieurement, en 1968, L’oeuvre française, au discours antisémite) et qui publiait la revue éponyme, et fut par la suite le secrétaire général de ce groupuscule.
Il fonde en 1963 un mouvement politique et une revue éponyme, Europe-Action, aux aspirations déjà « métapolitiques » autour de laquelle gravitent des anciens de Jeune Europe. Il sera aidé à partir de 1965 par François d’Orcival (pseudonyme d’Amaury de Chaunac-Lanzac), Fabrice Laroche (pseudonyme d’Alain de Benoist) qui connaît Venner depuis 1962, Jean-Claude Rivière, Alain Lefebvre, Maurice Rollet et Jean Mabire, qui fonderont ensuite le G.R.E.C.E. François Duprat (1941-1978), le théoricien fasciste et cofondateur du Front national en fit partie1. Ce groupe nettement fascisant se démarque des nationalistes classiques ou des intégristes défenseurs de l’« Occident Chrétien ». Selon Jean-Yves Camus et René Monzat, « son importance théorique est fondamentale pour établir la généalogie de l’extrême droite nationale-européenne, néo-paganisante et racialiste. » De plus, cette revue fait le lien entre différentes générations d’activistes, celle de la seconde guerre mondiale et celle de l’entre-deux-guerres. L’ancien S.S. français Saint-Loup, par exemple en fit partie. » (19-20)
« Le second thème est le nationalisme révolutionnaire : progressiste et révolutionnaire, la revue entend rompre avec le conservatisme petit-bourgeois des « nationaux », éternels vaincus des combats d’arrière-garde. Elle rend hommage à l’officier communard Louis Rossel (1844-1871), au théoricien de l’anarcho-syndicalisme Georges Sorel (1847-1922) et au philosophe anarchiste Pierre Joseph Proudhon (1809-1865) et dénonce l’accaparement par les marxistes du culte aux martyrs de la Commune, exactement comme l’ont fait autrefois les francistes et les rédacteurs de Je suis partout.
Cette revue développe une conception socialisante de l’anti-communisme dans laquelle se ressent l’influence forte des oeuvres d’Ernst von Salomon (1902-1972). Elle est aussi influencée par des écrivains engagés, au sens propre du terme, à gauche, comme le André Malraux (1901-1976) des Combattants ou de La condition humaine alors proche du Parti communiste. D’ailleurs, Dominique Venner n’a jamais caché son intérêt pour le léninisme. Ainsi, en s’inscrivant dans cette filiation révolutionnaire, elle considère les communistes comme « des bourgeois qui défendent les valeurs bourgeoises. » De fait, la revue se situe dans la mouvance nationale européenne socialisante, à la fois anti-bourgeoise, anti-gauchiste et raciste de la droite radicale. Cet aspect révolutionnaire se double d’une forte tendance au nationalisme européen, influencé par son racialisme : écartant aussi bien la notion gaulliste d’Europe des patries ou des Etats, jugée désuète, que celle d’Etats Unis d’Europe des démocrates chrétiens, la revue préconise l’Europe des ethnies qui ferait disparaître les Etats-nations et unirait dans un puissant ensemble les peuples de race blanche de l’Europe, au-delà des clivages idéologiques. Union qui serait complétée par une alliance avec des Etats racistes comme la Rhodésie et l’Afrique du Sud. » (p.21-22)
« L’équipe d’Europe-Action se place donc à la fois dans la filiation de la « droite révolutionnaire » décrite par Zeev Sternhell et dans celle de la « gauche réactionnaire », analysée par Marc Crapez.
Europe-Action est la première à développer une critique radicale du christianisme. » (p.22)
« A la fin de 1967, les militants du Mouvement Nationaliste du Progrès (M.N.P.), fondé dans la mouvance d’Europe-Action, soutenus par le sociologue Jules Monnerot (1909-1995) et le philosophe et historien Louis Rougier (1889-1985), se dispersent après leur échec électoral de 1967. Certains, se tournant vers l’action violente, s’inscrivent au mouvement Occident. D’autres, minoritaires, comme Alain de Benoist, ayant découvert chez le philosophe marxiste Antonio Gramsci (1891-1937) l’importance du combat culturel dans la prise du pouvoir par un parti politique, abandonnent la politique immédiate pour la réflexion doctrinale et culturelle (ce qu’ils appellent, à la suite de Julius Evola (1898-1974), la « métapolitique »).
Le G.R.E.C.E. est donc né à l’automne 1967, créé par des militants de la Fédération des Etudiants Nationalistes (F.E.N.), elle-même fondée en 1960. Un secrétariat, provisoire, installé à Nice est actif dès le 15 janvier 1968. Parmi les fondateurs nous trouvons Alain de Benoist (sous le pseudonyme de Fabrice Laroche), Dominique Venner (sous le pseudonyme de Julien Lebel), Jean-Jacques Mourreau, Jean-Claude Valla… dont certains furent d’anciens partisans de l’Algérie française mais aussi d’anciens engagés et/ou de personnes étant passées par des écoles militaires. La revue Nouvelle Ecole paraît en mars 1968, puis en janvier suivant sont déposés les statuts du G.R.E.C.E., qui tient ses premières assises à Nice, où le groupe a été fondé, et constitue rapidement plusieurs groupes régionaux. » (p.23)
« Il faut reconnaître que la Nouvelle Droite dans son ensemble n’adopte pas de théorie « réductionniste ». Pour elle, les facteurs culturels sont à long terme plus importants que les facteurs biologiques. En effet, la Nouvelle Droite s’est aperçue que l’hérédité ne détermine pas la culture mais conditionne la capacité à adopter telle ou telle culture, ouvrant la voie à l’évolution différentialiste du G.R.E.C.E. . A la suite d’Armin Mohler (1920-2003), elle a reconnu qu’il n’y a pas d’homme en soi, de culture idéale : tout est relatif; seul l’homme –parmi toutes les espèces animales- est, par sa volonté créateur de sens. C’est lui qui donne un sens à l’histoire et au monde. Il est, comme dit Jünger, « Le seigneur des formes ». » (p.28)
« Certains néodroitiers ont été membres de partis conventionnels : ainsi Christian Bouchet, est un ancien membre du R.P.R. puis est passé par les C.A.R. (Comités d’Actions Républicaines fondés en 1982), une organisation satellite du R.P.R. avant de rejoindre le G.R.E.C.E.. Yvan Blot a été le chef de cabinet d’Alain Devaquet, alors secrétaire général du R.P.R.2 et Jean-Yves Le Gallou est un ancien du Parti républicain. Ces derniers sont passés au Front national vers 1986 avant de suivre Bruno Mégret lors de la création du M.N.R. De fait, la Nouvelle Droite, incarnée par le Club de l’Horloge et le G.R.E.C.E., tenta d’influencer, dans des années soixante-dix, le R.P.R. et l’U.D.F. Cependant, elle influença surtout quelques hommes politiques importants de droite tel Michel Poniatowski (1922-2002). » (p.33)
« Le Club de l’Horloge joua un rôle important dans ce travail d’influence. Il a été fondé en 1974 par Yvan Blot et Jean-Yves Le Gallou (anciens animateurs du Cercle Pareto à l’I.E.P. de Paris). Pierre Milza remarque que des liens ambigus ont été noués dans les années soixante-dix entre les Nouvelles Droites, Club de l’Horloge et G.R.E.C.E., et les partis de la droite parlementaire. « Peuplé d’anciens élèves de l’ENA, de l’X ou de la rue d’Ulm, écrit Pierre Milza, le Club de l’Horloge, est ainsi devenu à la fin de la décennie 1970 la cellule pensante non pas de la Nouvelle Droite, au sens restreint du terme, mais des ‘‘nouvelles droites’’ surgies au sein même de la coalition majoritaire, en même temps qu’un relais sur la route des cabinets ministériels de l’ère giscardienne, de la haute administration et des états-majors des grandes formations politiques de la droite. » Le Club de l’Horloge s’éloignera du G.R.E.C.E. lorsque celui-ci développera, à partir de la seconde moitié des années soixante-dix, sa critique de l’Occident et de l’américanisation de l’Europe tandis que le Club promouvra l’ultralibéralisme et le « reageano-thatcherisme ».
Selon Anne-Marie Duranton-Crabol, des contacts avaient été noués entre ces partis et le G.R.E.C.E. « dès la présidence de Georges Pompidou ». Ceux-ci se multiplieront à partir de la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. […]
En outre, il est notoirement connu que le maire de Nice, Jacques Médecin (1928-1998), fut un parrain de la Nouvelle Droite et qu’il la soutint jusqu’en 1976 au moins. Anne-Marie Duranton-Crabol soupçonne même, l’économiste Jean Fourastié d’avoir été proche de celle-ci. Cependant, il semblerait que les relations entre les néo-droitiers et les giscardiens furent complexes, certains de ceux-ci, comme Bernard Stasi, s’opposant aux idées du G.R.E.C.E. et du Club de l’Horloge. La presse Hersant s’éloignera du G.R.E.C.E. après la campagne médiatique de 1979 à la fois à cause de cette campagne mais aussi du fait de l’évolution de celui-ci, l’anti-américanisme et l’anti-occidentalisme allant à l’encontre des lecteurs du Figaro. » (p.32-33)
« Les idées de la Neue Rechte sont influencées par les théories de la Révolution Conservatrice, en particulier par les idées de « socialisme allemand » et par le discours écologique des mouvements de réforme de la vie. Ainsi, dès les années soixante-dix, ces groupes ont défendu un Wertkonservatismus (« conservatisme spirituel ») prônant un environnement sain, intact, l’enracinement, une alimentation saine, la protection de la nature… » (p.38)
« A partir de la seconde moitié des années soixante-dix, la Nouvelle Droite est devenue holiste, a affirmé son paganisme et son anti-occidentalisme, l’Occident incarnant l’acculturation et l’américanisation des moeurs, défendant une démocratie organique, et prônant le différentialisme. Hostile au matérialisme, au capitalisme et à la mondialisation, le G.R.E.C.E., a alors pour ennemis la société de consommation et les Etats-Unis. Selon Arnaud Imatz, c’est à cette époque qu’Alain de Benoist, « après qu’il eut intégré dans son argumentaire les oeuvres de Nietzsche, Dumézil et Heidegger, mais aussi une partie de celle d’Evola, […] a expressément rejeté le nominalisme et l’individualisme modernes, pour en arriver à une vision holiste, inspirée des sociétés traditionnelles, et à l’abandon de la critique par trop systématique de l’égalitarisme, qui présente le risque de déboucher sur un darwinisme social justifiant au fond le capitalisme libéral, l’axiomatique de l’intérêt, la concurrence comme sélection. » Alain de Benoist s’éloigne alors de la pensée de Friedrich Nietzsche au profit de celle de Martin Heidegger. En outre, au début des années quatre-vingt, le projet de rénovation du discours de la droite a cédé le pas à la promotion du néo-paganisme, voire d’une forme de traditionalisme.
Selon Pierre-André Taguieff, Julien Freund (1921-1993), gaulliste et chrétien, a joué un rôle important dans l’évolution de la Nouvelle Droite. En effet, celui-ci n’hésita pas à débattre avec le G.R.E.C.E. lors de colloques ou en donnant des articles aux revues grécistes. » (p.47)
« Durant la seconde moitié des années quatre-vingt, l’ennemi de la Nouvelle Droite a changé : longtemps incarné par l’égalitarisme judéo-chrétien, il est remplacé par l’utilitarisme libéral. » (p.49)
« Le différentialisme peut donc être défini comme étant à la fois le droit à la différence et par conséquent défense des identités et des cultures des peuples, y compris des immigrés sur le sol européen et comme la manifestation de l’enracinement. Le différentialisme s’oppose donc à l’assimilationnisme mais peut évoluer vers un système d’apartheid, tout mélange/contact entraînant une perte de la différence voire vers une politique anti-immigrationniste : les immigrés, extra-européens, devant retourner « chez eux » pour retrouver « leurs racines. » Ce discours différentialiste non-universaliste est, paradoxalement, de portée universelle, celui-ci pouvant être considéré comme un refus universel de l’acculturation insidieuse véhiculée par la globalisation. Il se pose en garant du respect de la diversité des cultures et donc des traditions. Il peut cacher un racisme radical et culturel, de type ségrégationniste.
Le premier, au sein du G.R.E.C.E., à évoluer vers le différentialisme a été Alain de Benoist. En effet, dès 1974, il écrit un article intitulé « Contre le racisme » dans lequel il reconnaît paradoxalement d’une part, l’existence des races4 et d’autre part, l’absurdité du discours raciste. Il y condamne le racisme biologique qui réduit l’individu à sa dimension biologique qu’est la xénophobie qui est « un refus d’admettre l’Autre comme différent de soi ». Il affirme, d’ailleurs que la « xénophobie [lui est] odieuse » et propose de « […] lutter contre la xénophobie, génératrice de préjugés, de discriminations, de haines, et qui déshonore tous ceux qu’elle atteint. » Depuis cette époque, il n’a cessé d’affirmer et d’affiner son refus du racisme. » (p.51)
« Le G.R.E.C.E. condamne alors le colonialisme, l’immigration, le nationalisme, le cosmopolitisme et le mondialisme, fait l’éloge de la différence, du régionalisme et prône la création d’un nouveau Saint Empire Romain qui ne serait pas germanique mais européen, vante les bienfaits de l’enracinement dans un particularisme culturel et pousse si loin l’amour de la diversité qu’elle tient pour un danger redoutable le métissage biologique ou culturel -ce qui peut s’apparenter à du racisme différentialiste. En effet, le retour des immigrés non européens est prôné au nom du droit à la différence et des identités culturelles. » (p.51)
« Ce tournant hétérophile, pour reprendre l’expression de Pierre-André Taguieff, provoque au sein du G.R.E.CE. des débats houleux qui aboutiront à des départs. Ainsi, Pierre Vial explique les raisons de son départ par ce débat : « J’étais en effet convaincu, en 1984, qu’il y avait nécessité de renouveler, d’actualiser le discours du GRECE par une ouverture vers des problématiques nouvelles, et essentiellement la question de l’identité et celle de l’immigration, les deux étant totalement liées. Or il y avait là une source de divergences d’analyse entre moi et d’autres responsables du GRECE, en particulier Alain de Benoist, qui prenait ses distances avec ce que j’appellerai, pour simplifier, l’affirmation ethnique1. » Pierre-André Taguieff date de cette évolution la possibilité de dialoguer avec la Nouvelle Droite. » (p.53)
« Le Front national a bénéficié, à partir de la seconde moitié des années quatre-vingt, du ralliement de plusieurs cadres néo-droitiers, venant du G.R.E.C.E. comme Pierre Vial et Jean Mabire, ou du Club de l’Horloge, comme Jean-Yves Le Gallou ou Yvan Blot. Selon Xavier Crettiez et Isabelle Sommier, le courant néo-droitier, en particulier le Club de l’Horloge, est celui qui a apporté le plus sur le plan idéologique. Cela fait dire à Guillaume Faye que le G.R.E.C.E., plutôt que de s’opposer au Front national3, aurait dû faire de l’entrisme au sein du F.N. » (p.55)
« Le germaniste Belge Robert Steuckers qui avait remplacé Guillaume Faye, après le départ de celui-ci en 1986, comme théoricien de la tendance nationale-révolutionnaire, quitte le G.R.E.C.E. en 1993 pour créer le groupuscule Nouvelles Synergies Européennes où il défend les thèses d’un nationalisme anticapitaliste paneuropéen.
Les critiques exprimées par les ex-grécistes, Robert Steuckers et Guillaume Faye par exemple, sont souvent sévères et montrent une certaine rancoeur, surtout à l’encontre d’Alain de Benoist. » (p.58)
« La scène europaïenne est apparue au milieu des années quatre-vingt. Cette musique est aussi souvent appelée « dark folk » (« folk sombre »), les deux expressions étant souvent synonymes. Mais nous préférons l’appeler, afin d’éviter toute ambiguïté, « musique europaïenne » car le terme « europaïen » transcrit très bien ce que cette musique veut faire transparaître : l’éloge d’un paganisme ethnique européen révolutionnaire-conservateur. D’ailleurs, cette expression a été vulgarisée par une publication proche de Nouvelle Résistance, groupuscule national-bolchevique, Napalm Rock. En outre, tous les groupes europaïens ne sont pas de folk ou même de néo-folk et tous les groupes de « dark folk » n’ont pas forcément cette orientation idéologique ni un attrait pour l’ésotérisme. En effet, cette scène se caractérise surtout par un esprit, un discours commun plus que par un registre musical. » (p.65)
« Il existe en Europe et aux Etats-Unis une certaine droite radicale ayant de profonds liens avec les mouvements écologistes, en particulier celle qui reconnaît parmi ses ancêtres les mouvements de réforme de la vie et les premiers alternatifs allemands de la fin du XIXème siècle. Ces premiers mouvements se sont présentés comme une alternative au monde moderne et industriel qui émergeait. » (p.87)
« Une partie du discours néo-droitier peut paraître être une résurgence de celui-ci : élitisme, biologisme, racialisme et référence aux Indo-Européens. Cela d’autant plus facilement que le G.R.E.C.E. a en son sein des membres qui ont été des néo-nazis ou ont été, voire le sont encore, proches des positions nazies : Mabire, Vial, Venner… Fait aggravant, certains anciens S.S. français, Saint-Loup (Marc Augier 1908-1990), Robert Dun (Maurice Martin ?-2004), Henri Fenet (1919-2002), Yves Jeanne ( ?- ?), Pierre Bousquet (1919-1991) notamment, ont participé aux publications et aux activités de la Nouvelle Droite. Un ancien S.S. allemand figure même dans la liste du comité de patronage de Nouvelle Ecole (il y est entré en 1975). En effet, l’historien Franz Altheim (1898-1981)3 fut un collaborateur de Heinrich Himmler (1900-1945) et un membre de l’Ahnenerbe4. Ont aussi figuré au comité de patronage de Nouvelle Ecole Ilse Schwidetzky (1907-1997), une raciologue nazie, et H. Reinerth ( ?- ?), lui aussi ancien nazi. » (p.91)
« Saint-Loup fut surtout celui qui transmit l’héritage païen de la S.S. aux régionalistes de l’après-guerre et notamment aux animateurs du G.R.E.C.E. » (p.94)
« Durant les années quatre-vingt, le rapport vis-à-vis du nazisme évolua : l’ambiguïté existant dans les années soixante-dix disparaît à la fin de la décennie suivante, notamment au sein du G.R.E.C.E et chez Alain de Benoist5. Toutefois, certains garderont ces liens. » (p.96)
« La Nouvelle Droite ne se présente donc pas comme un avatar du nazisme, elle s’inscrirait plutôt dans la filiation de la Révolution Conservatrice allemande. Cette filiation est d’ailleurs ouvertement revendiquée : Ernst Jünger, Oswald Spengler, Carl Schmitt, pour ne citer que les plus importants font partie de leurs références. En effet, parmi les membres historiques de la Nouvelle Droite il y a un certain nombre de spécialistes de la Révolution conservatrice dont Dominique Venner1, Alain de Benoist2 et Robert Steuckers. » (p.98)
« Nietzsche, un précurseur de la Révolution Conservatrice. » (p.98)
« Si la « Révolution Conservatrice » domina manifestement le climat culturel de la droite allemande entre 1918 et 1933, elle fut cependant beaucoup trop divisée en chapelles opposées, en dissidences permanentes, en une multitude de formations comprenant trois membres et une table et publiant leur propre journal (dans lequel elles appellent bien sûr toutes à l’union), pour avoir une quelconque influence sur le terrain politique. En effet, elle fut un entrelacs de personnalités, un ensemble de réseaux, partis, cercles, ligues, journaux, etc. où les liens personnels l’emportaient sur tous les autres sans pour autant cesser d’appartenir à la mouvance. Armin Mohler recensait dans une liste non exhaustive plus de 430 groupes, ligues… » (p.102)
« Ernst Jünger est un représentant typique de la pensée nationaliste révolutionnaire et surtout un de ses plus brillants polémistes. Cet auteur, alors connu pour ses récits sur la Grande Guerre (Orages d’acier, publié à compte d’auteur en 1920) a dans les années vingt et jusqu’en 1930, une forte activité politique. Durant cette période il écrit plus de 130 articles dont beaucoup traitent de polémique et de néo-nationalisme, publiés en particulier dans la revue Die Standarte (L’Etendard) qui dépend du Stahlhelm (Le Casque d’Acier), une association conservatrice d’anciens combattants, et dans la revue Widerstand (Résistance), organe de la grande figure du national-bolchevisme allemand Ernst Niekisch, à laquelle il collabore plus ou moins régulièrement.
Ses positions sont à cette époque radicales : il se prononce pour une politique sociale novatrice et pour un esprit révolutionnaire (il s’oppose à la bourgeoisie et au capitalisme) et milite pour une jeune élite intellectuelle, issue des tranchées, tout en défendant une position nationaliste. Jünger est durant cette période, fasciné par le modèle soviétique/marxiste mais il montre une indifférence à l’économie. Surtout, contrairement à une majorité d’auteurs de cette tendance, il ne fait aucune preuve de racisme. En outre, Ernst Jünger a développé dans certains textes, par exemple Héliopolis, une vision du monde païenne et a eu recours aux symboles véhiculés par les runes. C’est aussi un auteur optimiste, ce qui est une chose rare pour un doctrinaire de la Révolution Conservatrice. Cependant, pour cet auteur, selon l’excellente expression de Louis Dupeux, il s’agit d’« utiliser le nationalisme comme un explosif et non d’en faire un absolu ». Après la disparition de Die Standarte en 1926, il participe à plusieurs revues de cette tendance. Puis, à partir de 1930, il s’éloigne du milieu de la politique : c’est la fin de son engagement, pour se consacrer à la littérature et à l’entomologie. » (p.105-106)
« La période agitée de l’après Grande Guerre fut propice au renouveau des sociétés völkisch : la défaite et la proclamation de république confirmant les thèses du déclin. En outre, l’instabilité politique (l’ambiance de guerre civile avec les agitations Spartakistes et celle des corps francs) et économique (l’inflation galopante) créèrent un excellent terreau pour les mouvements alternatifs et pour l’irrationalisme. Berlin, alors, grouilla de sectes. » (p.108)
« La « Révolution Conservatrice » fut souvent assimilée au nazisme, avec lequel elle partage d’ailleurs, un héritage intellectuel commun important. Pourtant son univers bigarré ne se confond nullement avec le national-socialisme malgré des parcours personnels amenant à une collaboration avec les nazis comme ont pu le faire des intellectuels de premier plan tels Martin Heidegger et Carl Schmitt. D’autres se sont soit opposés au nazisme (Rudolf Pechel (1882-1961), Karl Otto Paetel (1906-1975)1 et Friedrich Hielscher), soit se sont exilés (Mann), soit se sont enfermés dans un exil intérieur (Jünger). Même si la « Révolution Conservatrice » a préparé la société allemande, par son anti-démocratisme et par son pré-fascisme, à l’arrivée du nazisme, ce courant de pensée fut « mis au pas » par le national-socialisme comme le reste de la société. Ainsi Ernst Niekish a été déporté, le régime n’ayant pas apprécié ses critiques du national-socialisme. Le domicile d’Ernst Jünger fut fouillé plusieurs fois par la Gestapo. Le sort de Edgard Julius Jung est plus tragique : le secrétaire du Chancelier von Papen a été assassiné le 30 juin 1934, lors de la Nuit des Longs Couteaux. Cela dit, la pensée nationalesocialiste s’est abreuvée aussi à ce courant de pensée, tout en dévoyant l’essence. Ces deux idéologies ne sont pas soeurs jumelles mais se ressemblent comme des cousines peu éloignées qui auraient évolué différemment. » (p.109)
« Dans les années 1880, les rixes xénophobes furent fréquentes et sanglantes : en 1881 à Marseille, Aigues-Mortes en 1893, Lyon en 1894… Parmi ces manifestants se trouvaient également des commerçants, des employés et des artisans. « Leur principale revendication est l’exclusion ou la limitation de la main d’oeuvre étrangère. » Dès la fin des années 1890, cette xénophobie a gagné le reste de la population. Ces thèmes furent diffusés dans la presse populaire et notamment dans le journal de l’ancien socialiste et nationaliste Henri Rochefort (1831-1913), L’intransigeant mais aussi dans des journaux socialistes. Jules Guesde (1845-1922) fit même l’écho de ces revendications dans le Cri du peuple de Jules Vallès (1832-1885). De fait, ce socialisme est un socialisme du ressentiment et défensif, c’est-à-dire replié sur l’ethnie. » (p.112)
-Stéphane François, Les paganismes de la Nouvelle Droite (1980-2004), Political science. Université du Droit et de la Santée - Lille II, 2005. French, 482 pages.
« Le néo-paganisme n’est d’ailleurs pas intégralement marqué à l’extrême droite : une forte proportion de néo-païen se situe à l’extrême gauche comme l’a démontré l’universitaire italien Massimo Introvigne. » (p.10)
« Le néo-paganisme contemporain progresse en Europe depuis la fin des années soixante. Il se nourrit du déclin des différentes formes de christianisme. En outre, parallèlement au désintérêt pour le christianisme, notre continent a vu l’apparition et l’essor d’une nébuleuse spiritualiste, issue des contre-cultures post-soixante-huitardes. Cette période, corrélativement à la remise en cause des valeurs dominantes de l’Occident, a connu une crise métaphysique, voire mystique pour certains, qui a abouti à la découverte des spiritualités de l’Orient et à la mode des gourous. Durant cette période de recomposition, le néo-paganisme a connu, de façon générale, un essor important. Ainsi, en Islande, il est religion officielle, l’Asatru est son nom, depuis 1973 et connaît une croissance annuelle de 10 à 40% depuis sa fondation3. Tandis que la Grande-Bretagne a vu, dans les années quatre-vingt-dix, la nomination d’aumôniers païens dans ses universités, notamment à celle de Leeds. Cependant, il ne faut pas oublier que dans le même pays, le Prince de Galles est traditionnellement Grand Druide. La mode païenne a gagné le Danemark où les cultes païens des Vikings ont été reconnus religions officielles le 6 novembre 2003. Dans ce pays, un député social-démocrate a même proposé, fort sérieusement, en juin 2004, de « […] faire référence dans la constitution européenne à l’importance fondamentale du paganisme gréco-romain. » En Europe, des universitaires n’hésitent pas à affirmer leur paganisme. Dans certains pays baltes, le paganisme est reconnu comme religion officielle depuis la chute de l’U.R.S.S. et l’accession à l’indépendance de ces Etats, dont la Lituanie et l’Estonie. En Grèce certains veulent aussi revenir aux cultes antiques, lassé par une orthodoxie omniprésente. Depuis 1996, ces partisans de ces cultes se réunissent sur le Mont Olympe, siège des dieux helléniques. » (p.10-11)
« Historiquement, le néo-paganisme s’inscrit dans la filiation du romantisme et de ses extensions politiques. Par conséquent, recourir au néopaganisme implique, à l’exception notable des formes de paganisme issues des contre-cultures comme la néo-sorcellerie Wicca, un refus de la modernité. En effet, nous postulons qu’il existe une vision païenne commune fondée sur le refus de la modernité et du libéralisme qui en découle. Selon nous, le recours au paganisme peut permettre l’élaboration d’une nouvelle vision du monde radicalement différente de celles connues actuellement. Nous postulons aussi que cette « paganisation » est possible parce qu’il existe une culture alternative sensible à l’appel du paganisme. Il est déjà possible de cerner les thèmes politiques et sociétaux majeurs véhiculés par le néo-paganisme néo-droitier : l’éloge du différentialisme radical, inspiré des castes, faisant du communautarisme une solution au multiculturalisme et refusant l’ethnocide ; critique de la pensée occidentale, individualiste et uniformisatrice, vue comme synonyme simultané de modernité, d’américanisation des moeurs et manifestation de l’idéologie du progrès ; élaboration d’un nouveau populisme fondé sur le modèle démocratique antique ; conception pagano-panthéiste de l’écologie ; éloge d’un modèle impérial décentralisé et régionaliste ; défense en fin d’une sexualité sans péché originel, sacralisée et créatrice de sociabilité. » (p.12)
« Le fondateur d’Europe-Action, Dominique Venner est un militant d’extrême droite de longue date. Il fut incarcéré à la prison de la Santé de 1961 à 1962 pour son implication dans le putsch manqué du 30 janvier 1961 mais ne prendra pas part à l’O.A.S.1. C’est aussi un engagé volontaire à dix-huit ans dans les chasseurs parachutistes et il a combattu en Algérie entre 1954 et 1956. Cependant il admire le F.L.N. qui « combattait pour sa dignité. Il combattait pour conquérir une patrie, pour se donner une identité, pour édifier une nation2. » En 1956, il devint membre de Jeune Nation, un groupuscule raciste et fasciste fondé en 1958 par les frères Sidos (Pierre Sidos fondant ultérieurement, en 1968, L’oeuvre française, au discours antisémite) et qui publiait la revue éponyme, et fut par la suite le secrétaire général de ce groupuscule.
Il fonde en 1963 un mouvement politique et une revue éponyme, Europe-Action, aux aspirations déjà « métapolitiques » autour de laquelle gravitent des anciens de Jeune Europe. Il sera aidé à partir de 1965 par François d’Orcival (pseudonyme d’Amaury de Chaunac-Lanzac), Fabrice Laroche (pseudonyme d’Alain de Benoist) qui connaît Venner depuis 1962, Jean-Claude Rivière, Alain Lefebvre, Maurice Rollet et Jean Mabire, qui fonderont ensuite le G.R.E.C.E. François Duprat (1941-1978), le théoricien fasciste et cofondateur du Front national en fit partie1. Ce groupe nettement fascisant se démarque des nationalistes classiques ou des intégristes défenseurs de l’« Occident Chrétien ». Selon Jean-Yves Camus et René Monzat, « son importance théorique est fondamentale pour établir la généalogie de l’extrême droite nationale-européenne, néo-paganisante et racialiste. » De plus, cette revue fait le lien entre différentes générations d’activistes, celle de la seconde guerre mondiale et celle de l’entre-deux-guerres. L’ancien S.S. français Saint-Loup, par exemple en fit partie. » (19-20)
« Le second thème est le nationalisme révolutionnaire : progressiste et révolutionnaire, la revue entend rompre avec le conservatisme petit-bourgeois des « nationaux », éternels vaincus des combats d’arrière-garde. Elle rend hommage à l’officier communard Louis Rossel (1844-1871), au théoricien de l’anarcho-syndicalisme Georges Sorel (1847-1922) et au philosophe anarchiste Pierre Joseph Proudhon (1809-1865) et dénonce l’accaparement par les marxistes du culte aux martyrs de la Commune, exactement comme l’ont fait autrefois les francistes et les rédacteurs de Je suis partout.
Cette revue développe une conception socialisante de l’anti-communisme dans laquelle se ressent l’influence forte des oeuvres d’Ernst von Salomon (1902-1972). Elle est aussi influencée par des écrivains engagés, au sens propre du terme, à gauche, comme le André Malraux (1901-1976) des Combattants ou de La condition humaine alors proche du Parti communiste. D’ailleurs, Dominique Venner n’a jamais caché son intérêt pour le léninisme. Ainsi, en s’inscrivant dans cette filiation révolutionnaire, elle considère les communistes comme « des bourgeois qui défendent les valeurs bourgeoises. » De fait, la revue se situe dans la mouvance nationale européenne socialisante, à la fois anti-bourgeoise, anti-gauchiste et raciste de la droite radicale. Cet aspect révolutionnaire se double d’une forte tendance au nationalisme européen, influencé par son racialisme : écartant aussi bien la notion gaulliste d’Europe des patries ou des Etats, jugée désuète, que celle d’Etats Unis d’Europe des démocrates chrétiens, la revue préconise l’Europe des ethnies qui ferait disparaître les Etats-nations et unirait dans un puissant ensemble les peuples de race blanche de l’Europe, au-delà des clivages idéologiques. Union qui serait complétée par une alliance avec des Etats racistes comme la Rhodésie et l’Afrique du Sud. » (p.21-22)
« L’équipe d’Europe-Action se place donc à la fois dans la filiation de la « droite révolutionnaire » décrite par Zeev Sternhell et dans celle de la « gauche réactionnaire », analysée par Marc Crapez.
Europe-Action est la première à développer une critique radicale du christianisme. » (p.22)
« A la fin de 1967, les militants du Mouvement Nationaliste du Progrès (M.N.P.), fondé dans la mouvance d’Europe-Action, soutenus par le sociologue Jules Monnerot (1909-1995) et le philosophe et historien Louis Rougier (1889-1985), se dispersent après leur échec électoral de 1967. Certains, se tournant vers l’action violente, s’inscrivent au mouvement Occident. D’autres, minoritaires, comme Alain de Benoist, ayant découvert chez le philosophe marxiste Antonio Gramsci (1891-1937) l’importance du combat culturel dans la prise du pouvoir par un parti politique, abandonnent la politique immédiate pour la réflexion doctrinale et culturelle (ce qu’ils appellent, à la suite de Julius Evola (1898-1974), la « métapolitique »).
Le G.R.E.C.E. est donc né à l’automne 1967, créé par des militants de la Fédération des Etudiants Nationalistes (F.E.N.), elle-même fondée en 1960. Un secrétariat, provisoire, installé à Nice est actif dès le 15 janvier 1968. Parmi les fondateurs nous trouvons Alain de Benoist (sous le pseudonyme de Fabrice Laroche), Dominique Venner (sous le pseudonyme de Julien Lebel), Jean-Jacques Mourreau, Jean-Claude Valla… dont certains furent d’anciens partisans de l’Algérie française mais aussi d’anciens engagés et/ou de personnes étant passées par des écoles militaires. La revue Nouvelle Ecole paraît en mars 1968, puis en janvier suivant sont déposés les statuts du G.R.E.C.E., qui tient ses premières assises à Nice, où le groupe a été fondé, et constitue rapidement plusieurs groupes régionaux. » (p.23)
« Il faut reconnaître que la Nouvelle Droite dans son ensemble n’adopte pas de théorie « réductionniste ». Pour elle, les facteurs culturels sont à long terme plus importants que les facteurs biologiques. En effet, la Nouvelle Droite s’est aperçue que l’hérédité ne détermine pas la culture mais conditionne la capacité à adopter telle ou telle culture, ouvrant la voie à l’évolution différentialiste du G.R.E.C.E. . A la suite d’Armin Mohler (1920-2003), elle a reconnu qu’il n’y a pas d’homme en soi, de culture idéale : tout est relatif; seul l’homme –parmi toutes les espèces animales- est, par sa volonté créateur de sens. C’est lui qui donne un sens à l’histoire et au monde. Il est, comme dit Jünger, « Le seigneur des formes ». » (p.28)
« Certains néodroitiers ont été membres de partis conventionnels : ainsi Christian Bouchet, est un ancien membre du R.P.R. puis est passé par les C.A.R. (Comités d’Actions Républicaines fondés en 1982), une organisation satellite du R.P.R. avant de rejoindre le G.R.E.C.E.. Yvan Blot a été le chef de cabinet d’Alain Devaquet, alors secrétaire général du R.P.R.2 et Jean-Yves Le Gallou est un ancien du Parti républicain. Ces derniers sont passés au Front national vers 1986 avant de suivre Bruno Mégret lors de la création du M.N.R. De fait, la Nouvelle Droite, incarnée par le Club de l’Horloge et le G.R.E.C.E., tenta d’influencer, dans des années soixante-dix, le R.P.R. et l’U.D.F. Cependant, elle influença surtout quelques hommes politiques importants de droite tel Michel Poniatowski (1922-2002). » (p.33)
« Le Club de l’Horloge joua un rôle important dans ce travail d’influence. Il a été fondé en 1974 par Yvan Blot et Jean-Yves Le Gallou (anciens animateurs du Cercle Pareto à l’I.E.P. de Paris). Pierre Milza remarque que des liens ambigus ont été noués dans les années soixante-dix entre les Nouvelles Droites, Club de l’Horloge et G.R.E.C.E., et les partis de la droite parlementaire. « Peuplé d’anciens élèves de l’ENA, de l’X ou de la rue d’Ulm, écrit Pierre Milza, le Club de l’Horloge, est ainsi devenu à la fin de la décennie 1970 la cellule pensante non pas de la Nouvelle Droite, au sens restreint du terme, mais des ‘‘nouvelles droites’’ surgies au sein même de la coalition majoritaire, en même temps qu’un relais sur la route des cabinets ministériels de l’ère giscardienne, de la haute administration et des états-majors des grandes formations politiques de la droite. » Le Club de l’Horloge s’éloignera du G.R.E.C.E. lorsque celui-ci développera, à partir de la seconde moitié des années soixante-dix, sa critique de l’Occident et de l’américanisation de l’Europe tandis que le Club promouvra l’ultralibéralisme et le « reageano-thatcherisme ».
Selon Anne-Marie Duranton-Crabol, des contacts avaient été noués entre ces partis et le G.R.E.C.E. « dès la présidence de Georges Pompidou ». Ceux-ci se multiplieront à partir de la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. […]
En outre, il est notoirement connu que le maire de Nice, Jacques Médecin (1928-1998), fut un parrain de la Nouvelle Droite et qu’il la soutint jusqu’en 1976 au moins. Anne-Marie Duranton-Crabol soupçonne même, l’économiste Jean Fourastié d’avoir été proche de celle-ci. Cependant, il semblerait que les relations entre les néo-droitiers et les giscardiens furent complexes, certains de ceux-ci, comme Bernard Stasi, s’opposant aux idées du G.R.E.C.E. et du Club de l’Horloge. La presse Hersant s’éloignera du G.R.E.C.E. après la campagne médiatique de 1979 à la fois à cause de cette campagne mais aussi du fait de l’évolution de celui-ci, l’anti-américanisme et l’anti-occidentalisme allant à l’encontre des lecteurs du Figaro. » (p.32-33)
« Les idées de la Neue Rechte sont influencées par les théories de la Révolution Conservatrice, en particulier par les idées de « socialisme allemand » et par le discours écologique des mouvements de réforme de la vie. Ainsi, dès les années soixante-dix, ces groupes ont défendu un Wertkonservatismus (« conservatisme spirituel ») prônant un environnement sain, intact, l’enracinement, une alimentation saine, la protection de la nature… » (p.38)
« A partir de la seconde moitié des années soixante-dix, la Nouvelle Droite est devenue holiste, a affirmé son paganisme et son anti-occidentalisme, l’Occident incarnant l’acculturation et l’américanisation des moeurs, défendant une démocratie organique, et prônant le différentialisme. Hostile au matérialisme, au capitalisme et à la mondialisation, le G.R.E.C.E., a alors pour ennemis la société de consommation et les Etats-Unis. Selon Arnaud Imatz, c’est à cette époque qu’Alain de Benoist, « après qu’il eut intégré dans son argumentaire les oeuvres de Nietzsche, Dumézil et Heidegger, mais aussi une partie de celle d’Evola, […] a expressément rejeté le nominalisme et l’individualisme modernes, pour en arriver à une vision holiste, inspirée des sociétés traditionnelles, et à l’abandon de la critique par trop systématique de l’égalitarisme, qui présente le risque de déboucher sur un darwinisme social justifiant au fond le capitalisme libéral, l’axiomatique de l’intérêt, la concurrence comme sélection. » Alain de Benoist s’éloigne alors de la pensée de Friedrich Nietzsche au profit de celle de Martin Heidegger. En outre, au début des années quatre-vingt, le projet de rénovation du discours de la droite a cédé le pas à la promotion du néo-paganisme, voire d’une forme de traditionalisme.
Selon Pierre-André Taguieff, Julien Freund (1921-1993), gaulliste et chrétien, a joué un rôle important dans l’évolution de la Nouvelle Droite. En effet, celui-ci n’hésita pas à débattre avec le G.R.E.C.E. lors de colloques ou en donnant des articles aux revues grécistes. » (p.47)
« Durant la seconde moitié des années quatre-vingt, l’ennemi de la Nouvelle Droite a changé : longtemps incarné par l’égalitarisme judéo-chrétien, il est remplacé par l’utilitarisme libéral. » (p.49)
« Le différentialisme peut donc être défini comme étant à la fois le droit à la différence et par conséquent défense des identités et des cultures des peuples, y compris des immigrés sur le sol européen et comme la manifestation de l’enracinement. Le différentialisme s’oppose donc à l’assimilationnisme mais peut évoluer vers un système d’apartheid, tout mélange/contact entraînant une perte de la différence voire vers une politique anti-immigrationniste : les immigrés, extra-européens, devant retourner « chez eux » pour retrouver « leurs racines. » Ce discours différentialiste non-universaliste est, paradoxalement, de portée universelle, celui-ci pouvant être considéré comme un refus universel de l’acculturation insidieuse véhiculée par la globalisation. Il se pose en garant du respect de la diversité des cultures et donc des traditions. Il peut cacher un racisme radical et culturel, de type ségrégationniste.
Le premier, au sein du G.R.E.C.E., à évoluer vers le différentialisme a été Alain de Benoist. En effet, dès 1974, il écrit un article intitulé « Contre le racisme » dans lequel il reconnaît paradoxalement d’une part, l’existence des races4 et d’autre part, l’absurdité du discours raciste. Il y condamne le racisme biologique qui réduit l’individu à sa dimension biologique qu’est la xénophobie qui est « un refus d’admettre l’Autre comme différent de soi ». Il affirme, d’ailleurs que la « xénophobie [lui est] odieuse » et propose de « […] lutter contre la xénophobie, génératrice de préjugés, de discriminations, de haines, et qui déshonore tous ceux qu’elle atteint. » Depuis cette époque, il n’a cessé d’affirmer et d’affiner son refus du racisme. » (p.51)
« Le G.R.E.C.E. condamne alors le colonialisme, l’immigration, le nationalisme, le cosmopolitisme et le mondialisme, fait l’éloge de la différence, du régionalisme et prône la création d’un nouveau Saint Empire Romain qui ne serait pas germanique mais européen, vante les bienfaits de l’enracinement dans un particularisme culturel et pousse si loin l’amour de la diversité qu’elle tient pour un danger redoutable le métissage biologique ou culturel -ce qui peut s’apparenter à du racisme différentialiste. En effet, le retour des immigrés non européens est prôné au nom du droit à la différence et des identités culturelles. » (p.51)
« Ce tournant hétérophile, pour reprendre l’expression de Pierre-André Taguieff, provoque au sein du G.R.E.CE. des débats houleux qui aboutiront à des départs. Ainsi, Pierre Vial explique les raisons de son départ par ce débat : « J’étais en effet convaincu, en 1984, qu’il y avait nécessité de renouveler, d’actualiser le discours du GRECE par une ouverture vers des problématiques nouvelles, et essentiellement la question de l’identité et celle de l’immigration, les deux étant totalement liées. Or il y avait là une source de divergences d’analyse entre moi et d’autres responsables du GRECE, en particulier Alain de Benoist, qui prenait ses distances avec ce que j’appellerai, pour simplifier, l’affirmation ethnique1. » Pierre-André Taguieff date de cette évolution la possibilité de dialoguer avec la Nouvelle Droite. » (p.53)
« Le Front national a bénéficié, à partir de la seconde moitié des années quatre-vingt, du ralliement de plusieurs cadres néo-droitiers, venant du G.R.E.C.E. comme Pierre Vial et Jean Mabire, ou du Club de l’Horloge, comme Jean-Yves Le Gallou ou Yvan Blot. Selon Xavier Crettiez et Isabelle Sommier, le courant néo-droitier, en particulier le Club de l’Horloge, est celui qui a apporté le plus sur le plan idéologique. Cela fait dire à Guillaume Faye que le G.R.E.C.E., plutôt que de s’opposer au Front national3, aurait dû faire de l’entrisme au sein du F.N. » (p.55)
« Le germaniste Belge Robert Steuckers qui avait remplacé Guillaume Faye, après le départ de celui-ci en 1986, comme théoricien de la tendance nationale-révolutionnaire, quitte le G.R.E.C.E. en 1993 pour créer le groupuscule Nouvelles Synergies Européennes où il défend les thèses d’un nationalisme anticapitaliste paneuropéen.
Les critiques exprimées par les ex-grécistes, Robert Steuckers et Guillaume Faye par exemple, sont souvent sévères et montrent une certaine rancoeur, surtout à l’encontre d’Alain de Benoist. » (p.58)
« La scène europaïenne est apparue au milieu des années quatre-vingt. Cette musique est aussi souvent appelée « dark folk » (« folk sombre »), les deux expressions étant souvent synonymes. Mais nous préférons l’appeler, afin d’éviter toute ambiguïté, « musique europaïenne » car le terme « europaïen » transcrit très bien ce que cette musique veut faire transparaître : l’éloge d’un paganisme ethnique européen révolutionnaire-conservateur. D’ailleurs, cette expression a été vulgarisée par une publication proche de Nouvelle Résistance, groupuscule national-bolchevique, Napalm Rock. En outre, tous les groupes europaïens ne sont pas de folk ou même de néo-folk et tous les groupes de « dark folk » n’ont pas forcément cette orientation idéologique ni un attrait pour l’ésotérisme. En effet, cette scène se caractérise surtout par un esprit, un discours commun plus que par un registre musical. » (p.65)
« Il existe en Europe et aux Etats-Unis une certaine droite radicale ayant de profonds liens avec les mouvements écologistes, en particulier celle qui reconnaît parmi ses ancêtres les mouvements de réforme de la vie et les premiers alternatifs allemands de la fin du XIXème siècle. Ces premiers mouvements se sont présentés comme une alternative au monde moderne et industriel qui émergeait. » (p.87)
« Une partie du discours néo-droitier peut paraître être une résurgence de celui-ci : élitisme, biologisme, racialisme et référence aux Indo-Européens. Cela d’autant plus facilement que le G.R.E.C.E. a en son sein des membres qui ont été des néo-nazis ou ont été, voire le sont encore, proches des positions nazies : Mabire, Vial, Venner… Fait aggravant, certains anciens S.S. français, Saint-Loup (Marc Augier 1908-1990), Robert Dun (Maurice Martin ?-2004), Henri Fenet (1919-2002), Yves Jeanne ( ?- ?), Pierre Bousquet (1919-1991) notamment, ont participé aux publications et aux activités de la Nouvelle Droite. Un ancien S.S. allemand figure même dans la liste du comité de patronage de Nouvelle Ecole (il y est entré en 1975). En effet, l’historien Franz Altheim (1898-1981)3 fut un collaborateur de Heinrich Himmler (1900-1945) et un membre de l’Ahnenerbe4. Ont aussi figuré au comité de patronage de Nouvelle Ecole Ilse Schwidetzky (1907-1997), une raciologue nazie, et H. Reinerth ( ?- ?), lui aussi ancien nazi. » (p.91)
« Saint-Loup fut surtout celui qui transmit l’héritage païen de la S.S. aux régionalistes de l’après-guerre et notamment aux animateurs du G.R.E.C.E. » (p.94)
« Durant les années quatre-vingt, le rapport vis-à-vis du nazisme évolua : l’ambiguïté existant dans les années soixante-dix disparaît à la fin de la décennie suivante, notamment au sein du G.R.E.C.E et chez Alain de Benoist5. Toutefois, certains garderont ces liens. » (p.96)
« La Nouvelle Droite ne se présente donc pas comme un avatar du nazisme, elle s’inscrirait plutôt dans la filiation de la Révolution Conservatrice allemande. Cette filiation est d’ailleurs ouvertement revendiquée : Ernst Jünger, Oswald Spengler, Carl Schmitt, pour ne citer que les plus importants font partie de leurs références. En effet, parmi les membres historiques de la Nouvelle Droite il y a un certain nombre de spécialistes de la Révolution conservatrice dont Dominique Venner1, Alain de Benoist2 et Robert Steuckers. » (p.98)
« Nietzsche, un précurseur de la Révolution Conservatrice. » (p.98)
« Si la « Révolution Conservatrice » domina manifestement le climat culturel de la droite allemande entre 1918 et 1933, elle fut cependant beaucoup trop divisée en chapelles opposées, en dissidences permanentes, en une multitude de formations comprenant trois membres et une table et publiant leur propre journal (dans lequel elles appellent bien sûr toutes à l’union), pour avoir une quelconque influence sur le terrain politique. En effet, elle fut un entrelacs de personnalités, un ensemble de réseaux, partis, cercles, ligues, journaux, etc. où les liens personnels l’emportaient sur tous les autres sans pour autant cesser d’appartenir à la mouvance. Armin Mohler recensait dans une liste non exhaustive plus de 430 groupes, ligues… » (p.102)
« Ernst Jünger est un représentant typique de la pensée nationaliste révolutionnaire et surtout un de ses plus brillants polémistes. Cet auteur, alors connu pour ses récits sur la Grande Guerre (Orages d’acier, publié à compte d’auteur en 1920) a dans les années vingt et jusqu’en 1930, une forte activité politique. Durant cette période il écrit plus de 130 articles dont beaucoup traitent de polémique et de néo-nationalisme, publiés en particulier dans la revue Die Standarte (L’Etendard) qui dépend du Stahlhelm (Le Casque d’Acier), une association conservatrice d’anciens combattants, et dans la revue Widerstand (Résistance), organe de la grande figure du national-bolchevisme allemand Ernst Niekisch, à laquelle il collabore plus ou moins régulièrement.
Ses positions sont à cette époque radicales : il se prononce pour une politique sociale novatrice et pour un esprit révolutionnaire (il s’oppose à la bourgeoisie et au capitalisme) et milite pour une jeune élite intellectuelle, issue des tranchées, tout en défendant une position nationaliste. Jünger est durant cette période, fasciné par le modèle soviétique/marxiste mais il montre une indifférence à l’économie. Surtout, contrairement à une majorité d’auteurs de cette tendance, il ne fait aucune preuve de racisme. En outre, Ernst Jünger a développé dans certains textes, par exemple Héliopolis, une vision du monde païenne et a eu recours aux symboles véhiculés par les runes. C’est aussi un auteur optimiste, ce qui est une chose rare pour un doctrinaire de la Révolution Conservatrice. Cependant, pour cet auteur, selon l’excellente expression de Louis Dupeux, il s’agit d’« utiliser le nationalisme comme un explosif et non d’en faire un absolu ». Après la disparition de Die Standarte en 1926, il participe à plusieurs revues de cette tendance. Puis, à partir de 1930, il s’éloigne du milieu de la politique : c’est la fin de son engagement, pour se consacrer à la littérature et à l’entomologie. » (p.105-106)
« La période agitée de l’après Grande Guerre fut propice au renouveau des sociétés völkisch : la défaite et la proclamation de république confirmant les thèses du déclin. En outre, l’instabilité politique (l’ambiance de guerre civile avec les agitations Spartakistes et celle des corps francs) et économique (l’inflation galopante) créèrent un excellent terreau pour les mouvements alternatifs et pour l’irrationalisme. Berlin, alors, grouilla de sectes. » (p.108)
« La « Révolution Conservatrice » fut souvent assimilée au nazisme, avec lequel elle partage d’ailleurs, un héritage intellectuel commun important. Pourtant son univers bigarré ne se confond nullement avec le national-socialisme malgré des parcours personnels amenant à une collaboration avec les nazis comme ont pu le faire des intellectuels de premier plan tels Martin Heidegger et Carl Schmitt. D’autres se sont soit opposés au nazisme (Rudolf Pechel (1882-1961), Karl Otto Paetel (1906-1975)1 et Friedrich Hielscher), soit se sont exilés (Mann), soit se sont enfermés dans un exil intérieur (Jünger). Même si la « Révolution Conservatrice » a préparé la société allemande, par son anti-démocratisme et par son pré-fascisme, à l’arrivée du nazisme, ce courant de pensée fut « mis au pas » par le national-socialisme comme le reste de la société. Ainsi Ernst Niekish a été déporté, le régime n’ayant pas apprécié ses critiques du national-socialisme. Le domicile d’Ernst Jünger fut fouillé plusieurs fois par la Gestapo. Le sort de Edgard Julius Jung est plus tragique : le secrétaire du Chancelier von Papen a été assassiné le 30 juin 1934, lors de la Nuit des Longs Couteaux. Cela dit, la pensée nationalesocialiste s’est abreuvée aussi à ce courant de pensée, tout en dévoyant l’essence. Ces deux idéologies ne sont pas soeurs jumelles mais se ressemblent comme des cousines peu éloignées qui auraient évolué différemment. » (p.109)
« Dans les années 1880, les rixes xénophobes furent fréquentes et sanglantes : en 1881 à Marseille, Aigues-Mortes en 1893, Lyon en 1894… Parmi ces manifestants se trouvaient également des commerçants, des employés et des artisans. « Leur principale revendication est l’exclusion ou la limitation de la main d’oeuvre étrangère. » Dès la fin des années 1890, cette xénophobie a gagné le reste de la population. Ces thèmes furent diffusés dans la presse populaire et notamment dans le journal de l’ancien socialiste et nationaliste Henri Rochefort (1831-1913), L’intransigeant mais aussi dans des journaux socialistes. Jules Guesde (1845-1922) fit même l’écho de ces revendications dans le Cri du peuple de Jules Vallès (1832-1885). De fait, ce socialisme est un socialisme du ressentiment et défensif, c’est-à-dire replié sur l’ethnie. » (p.112)
-Stéphane François, Les paganismes de la Nouvelle Droite (1980-2004), Political science. Université du Droit et de la Santée - Lille II, 2005. French, 482 pages.
Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Sam 26 Jan - 23:39, édité 1 fois