"Que restera-t-il de cette œuvre, quel grand livre survivra au temps ? Alain de Benoist restera comme le Maurras de la deuxième partie du siècle, c'est-à-dire un doctrinaire et un organisateur de mouvements et de revues, quelqu'un qui aura pesé d'un poids non négligeable et souvent souterrain sur la vie intellectuelle de notre pays. Pour autant, sa pensée, comme celle de Maurras, prisonnière de l'hypothèque royaliste, s'est fondée sur une vision du monde qui ne repose pas tant sur l'empirisme du fait que sur le romantisme du mythe, non sur l'évaluation réelle des rapports de force historiques mais sur des appétences individuelles du culte du moi nietzschéen. Son obsession de l'origine la rend impuissante à vraiment penser le futur, sa volonté de se situer à contre-courant du mainstream l'amène à nier des évidences et à refuser de combattre frontalement la pensée qu'elle estime dominante. L'énorme problème qu'elle pose et qui fait qu’Alain de Benoist apparaît à la fin de ce livre plus comme un Oscar Wilde du nationalisme européen qu'autre chose, c'est son refus ou son impossibilité de penser les idées comme des productions historiques et de considérer leur valeur sur des critères éthiques et pragmatiques.
En effet, à la fin, comment ne pas voir les conséquences et les parcours des idées défendues par la Nouvelle Droite ? Comment ne pas voir le parcours idéologique de la pensée völkisch en relisant George Mosse plutôt qu’Armin Mohler pour constater les effets pratiques de ces idées ? Comment ne pas voir l'ineptie des recherches sur l'origine polaire des Indo-européens en relisant Bernard Sergent, le vrai héritier de Dumézil et de Benveniste ? Comment ne pas voir au final que toute cette imagerie qui se veut neutre n'a cessé d'être utilisée par tout ce que le siècle compta de théoriciens de la race et finit par mener à des conséquences dramatiques ?
Le pseudo-détachement de la Nouvelle Droite ne doit pas nous y tromper : elle est au mieux irresponsable, au pire hypocrite sur ce point. Si nous nous refusons à faire des procès d'intention, il semble évident que les successeurs de de Benoist auront à clarifier pour le moins leur discours et à répondre de cette dé-contextualisation d'idées qui pèsent d'un lourd poids historique."
-Frédéric Lowenfeld, "La Nouvelle Droite, vue de gauche : critique d'une ethno-mythologie", 30 juillet 2012: https://www.nonfiction.fr/article-6017-la_nouvelle_droite_vue_de_gauche__critique_dune_ethno_mythologie.htm