« Des tréteaux où ils [les grands destructeurs] se proclament les annonciateurs d’un monde nouveau, ils clignent de l’œil vers les femmes. J’ai eu la joie profonde de rappeler à quelques-uns de ces faux prophètes leur condition animale, d’appeler sur eux le mépris même qui était leur arme, et de remplacer leur joie par l’inquiétude. J’ai interrompu un chant de triomphe. » (p.VII)
« Je n’ai pas écrit pour leurs agonisants qui revoient en songe les belles heures de leur vie, j’ai écrit pour des hommes jeunes, énergiques, mais dont l’intelligence était engourdie et les muscles lassés par la volupté et qui se paraient de fleurs rêvant qu’ils voguaient vers des îles tahitiennes : Dormeurs, éveillez-vous, nous abordons aux contrées froides. » (p.VIII-IX)
« L’Homme qui vient a été pensé, écrit pendant les années qui suivirent immédiatement la dernière crise du XIXème siècle, au lendemain de la révolution dreyfusienne, devant le spectacle de la horde juive triomphante. » (p.IX)
« La houle des mers me soulevait vers les cieux où je déchiffrais les signes de l’ordre éternel. » (p.X)
« Je n’ai fait que me conformer ici aux enseignement de l’un de nos maîtres, M. Paul Bourget. » (p.XIV)
« Un amant de la vie qui se déclare rationaliste (depuis Nietzsche l’espèce en est nombreuse) ne pourra refuser de souscrire à ces conclusions sans se nier lui-même ; car s’il refuse, il devra avouer que son rationalisme ou son amour de la vie sont des impostures. » (p.XV)
« Ceux qui aiment vraiment la vie acceptent leur destinée. » (p.XVI)
« Comment a-t-on pu dire que c’était là une transformation selon l’esprit nietzschéen ? L’Homme qui vient est, dès ses premières pages, une réaction contre cet esprit. Si je m’éloigne avec Nietzsche de la petitesse, accepté-je la grandeur au prix qu’il la met ? Dans ce tumulte où grandit le surhumain, les plus utiles contraintes sont détruites. Pas à pas, je relève toutes celles que je trouve abattues. Regardé-je la vie comme un jeu ? C’est mon souci d’y voir un service. Ai-je vu deux races d’hommes, les maîtres et les esclaves ? Mon premier soin a été de montrer les esclaves semblables à leurs maîtres. Où Nietzsche (et surtout les nietzschéens) voit des différences essentielles, je découvre une identité profonde. Méprisé-je les serviteurs ? Je me place parmi eux. Et le « monstre Etat » ? Je le regarde comme un génie tutélaire. Il reste peut-être, et c’est le plus fâcheux, ds habitudes de langage et quelques manières qui rappellent une longue fréquentation. Je vous dis que j’ai lu Nietzsche et que j’y ai pris un plaisir extrême. Mais m’avez-vous vu suivre mon chemin de Damas en dansant sur la corde raide et en avalant des serpents ? » (P.XVI-XVIII)
« La confusion n’a-t-elle pas été un peu volontaire ? Juifs, modernistes et démocrates dits chrétiens en sont seuls coupables. Un Juif commence : « Jésus et l’auteur de Zarathoustra collaborant à l’établissement de la monarchie nécessaire… » (Maurice Kahn, Pages libres). Un collaborateur d’une revue pré-chétienne, Coenobium, écrivait : « Mélange de nietzschéisme et de christianisme » (Maze, Mercure de France). Un abbé démocrate, M. Calippe, dans la Revue du Clergé Français : « L’auteur essaie de trouver dans les théories de Netzsche un point d’appui pour ses opinions politiques ». Un collaborateur de M. Sangnier : « Livre directement inspiré de Nietzsche ». Un certain Vuillaud, qui imprime du mauvais français dans les Entretiens Idéalistes, me définit : « L’écrivain amené au christianisme par Nietzschee (sic) ». Ce dernier est une simple brute. Mais tout ces gens-là ignorent autant que lui l’exercice de la raison et les principes de l’honnêteté intellectuelle. M. Lugan, enfin, m’a accusé d’avoir « glorifié Nietzsche » dont « tout le monde sait » que la philosophie repose « sur l’immoralisme le plus outrancier » (l’Action Française et l’Idée Chrétienne, pp.104-105). Je n’ai pas écrit l’Homme qui vient pour the happy few ; mais je ne saurais me plaindre des marques d’inintelligence que donne le premier venu. Je ne relève cette sottise que pour avoir l’occasion de marquer qu’elle s’alliait à beaucoup de mauvaise foi. Ce Lugan n’a-t-il pas imaginé de mettre à la charge de l’Action Française, dans le livre par lequel il l’attaque, vingt pages de l’Homme qui vient, c’est-à-dire d’un ouvrage qui a été présenté comme une œuvre rigoureusement personnelle et qui a été conçu, écrit plusieurs années après la formation des doctrines de l’Action Française, par un homme qui ne possédait alors aucune information sur ces doctrines. » (note 1 p.XVII)
« Le salut public exige la restauration d’un pouvoir d’Etat dictatorial et la renaissance d’institutions proprement aristocratiques. » (p.XX)
« « Ce langage est dur ». Et parce qu’il est tel, et parce qu’il fait ainsi penser à la « dureté » que recommandait Nietzsche, plusieurs personnes, à qui j’ai communiqué le manuscrit de cet ouvrage, ont eu l’impression, et m’en ont fait part, qu’il s’en dégageait, au moins dans les premiers chapitres, une odeur nietzschéenne : de la durté, une admiration de l’énergie qui peut paraître excessive, un mépris parfait pour celui qui est inapte à vivre, une sorte d’immoralisme césarien, ce sont là, en effet, quelques caractères nietzschéens. L’esprit de ce livre est pourtant bien éloigné de l’esprit nietzschéen ; mais cela ne veut pas dire que Nietzsche n’est pour rien dans l’effort qui m’a conduit aux pieds du Christ. Il faut rendre à Nietzsche ce qui lui appartient. Je tient à bien marquer ce qui est à lui dans cet ouvrage, parce que c’est un devoir de reconnaissance, et parce que cela permet d’apporter quelque éclaircissement dans un problème intellectuel de ce temps.
Je dois à Nietzsche ma libération. A l’époque où nous pataugions dans le marécage démocratique et humanitaire, où nous avaient plongés nos bons maîtres de la petite science et où nous gaspillions notre énergie à résoudre d’ineptes problèmes, tels que celui-ci, dont Carlyle donna la formule : « Étant donné un monde de fripons, tirer une honnêteté de leur action unie » -unie librement, selon l’esprit du temps,- ou bien encore : « Remplacer la Foi par quelque chose qui sera tout ce qu’on voudra sauf une foi »,- à cette époque nous avons reçu de Nietzsche un coup de fouet qui nous ramena à considérer avec sincérité les vraies réalités. Nietzsche, avec une certaine brutalité, interrompit nos bêlements, nous dépouilla de notre misérable défroque humanitaire, et nous contraignit à nous regarder nous-mêmes sans itié : c’est par lui que nous vîmes pour la première ce qu’est cet amour de l’humanité que l’on nous avait enseigné : un faux amour, en vérité, -une ruse inventée par les impuissants pour désarmer les concurrents, leur enlever tout désir d’élévation, et affaiblir leur concurrence. Nous étions précisément parmi ceux qui avaient été désarmés, et dont la vraie force, l’énergie, était enchaînée par l’œuvre des pédagogues de tout ordre de la Troisième République. –C’est pourquoi nous reconnûmes Nietzsche comme un libérateur ; lorsque nos maîtres de la petite science nous répétèrent : « C’est par la raison et la liberté que l’humanité s’élève », nous leur répondîmes : « Non point : c’est par la force et la contrainte ». Et nous connûmes enfin un nouvel amour pour l’humanité, un amour que l’on peut dire impitoyable, -cet amour que j’ai retrouvé plus tard dans l’Évangile, et dont la parabole des talents donne, me semble-t-il, l’essence. Voilà ce que nous devons à Nietzsche : à la fin du XIXe siècle, il a été le libérateur de notre énergie ; de quoi nous lui gardons beaucoup de reconnaissance.
Il peut paraître étrange que nous, Français, nous ayons eu besoin des enseignements de cet étranger brutal pour revenir à la vraie vie : des esprits qui n’ont pas connu le désordre intellectuel s’en étonnent, et citent les noms des nôtres, dont l’esprit fut certes mieux équilibré que celui de Nietzsche, et dont la fréquentation nous eût été aussi profitable. Il y a Bonald, et Maistre, et Comte, et Taine, et, tout près de nous, quelques autres. C’est vrai. Mais il faut savoir ceci : que pour nous, par l’œuvre de nos éducateurs rusés, ces vrais maîtres étaient tarés. – Réactionnaires, nous avait-on dit. […]
Au contraire, on ne nous avait pas appris à nous défier des étrangers, et l’on n’eut point le temps de nous voiler Nietzsche ; il entra chez nous avant tant de brusquerie et de brutalité que l’on n’eut pas le temps de le reconnaître et que l’on n’osa pas ensuite le masquer : c’est pourquoi son action put s’exercer sur nous, si prompte et décisive. » (p.XXIII-XXVII)
« Après Nietzsche, nous vîmes, au terme de l’Évolution, le Surhumain. Et nous conservions toujours quelque dédain pour les fervents du passé, les empêcheurs de progrès, les conservateurs. » (p.XXIX-XXX)
« Le meilleur devenir n’est plus qu’un mot ; le mieux est réalisé depuis les origines, et c’est à le maintenir, contre des forces qui tendent à le détruire, que nous devons travailler. Ce n’est pas la recherche de notre bonheur qui importe ; il n’y a point pour noous, sur cette terre, d’autre but que celui-ci : travailler à augmenter les protections de la vie. » (p.XXXIII)
« La voie du Surhumain nous est indiquée : c’est le travail. » (p.XXXVI)
« Le maître, l’aristocrate, le prince, la colonne de l’autorité, c’est l’organe par lequel l’espèce contraint les individus à suivre la loi du travail qui est son salut. » (pXXXVIII)
« La démocratie […] c’est un fait de décomposition. » (p.XL)
« [La Révolution (française)] Ce n’est pas une rupture de la tradition, c’est le retour aux origines de la tradition. Il faut à la tête du monde non pas des désabusés, des hommes trop rassassiés, des dédaigneux, des sceptiques, mais des enthousiastes, des hommes pleins d’appétits, avides des jouissances du commandement, et des croyants. […]
Ils ne sont pas la négation de la noblesse, ils sont la nouvelle noblesse. » (p.20-21)
« La paresse de l’homme est bien plus puissante que sa loyauté. » (p.29)
« Le socialisme, qui veut abolir toute contrainte, est le Retour à la Bête. » (p.31)
« Tandis que le vrai chef entraîne les hommes à l’effort, excite leurs énergies, leur fait donner plus que ce qu’ils donneraient s’ils étaient abandonnés à eux-mêmes, le démagogue les entraîne à la diminution de l’effort. » (p.37)
« L’homme ne vaut que par la capacité qu’il a de faire de l’argent, c’est-à-dire de tirer du sol les choses nécessaires à la vie. » (p.77)
« Bénie soit la pauvreté […] Elle exige de l’homme son plus grand effort. […] Elle est le crible de l’espèce. […] [Elle] débarasse […] le monde d’être inutiles et encombrants. » (p.88)
« Le socialiste est l’homme paresseux, jaloux, envieux, ingrat, orgueilleux. » (p.102-103)
« Toute force créative vient de l’instinct, unique source de mouvement, seule puissance d’élévation. C’est pourquoi le maître de la vie, l’Aristocrate, ne sera jamais l’Intellectuel, mais l’Énergique, celui dont l’instinct de vie possède la plus grande puissance. » (p.155)
« Tout ce que nous appelons les bienfaits pacifiques de la civilisation sont les créations de la guerre […] La guerre demeure la noblesse des nations, car c’est par leur puissance de guerre qu’elles empêchent l’homme de retourner à la Bête. » (p.169)
« Puisque nous raison nous amène à reconnaître la nécessité de la foi et la nécessité du prêtre pour conserver la foi, notre raison même nous indique que, si nous voulons vivre et réaliser notre plus grande vie, nous devons nous soumettre à l’autorité de l’Église, hors de laquelle il n’est que dangers pour notre foi et par conséquent pour notre énergie. » (p.243)
-Georges Valois, L’Homme qui vient. Philosophie de l’Autorité, Paris, Nouvelle Librairie Nationale, 2ème édition, 1909 (1906 pour la première édition), 269 pages.