http://fr.wikisource.org/wiki/Th%C3%A9odore_de_Banville
http://www.mta.ca/banville/
« Beethoven a commencé à remuer les mondes de mélancolie & de désespoir incurable amassés comme des nuages dans le ciel intérieur de l’homme. Maturin dans le roman, Byron dans la poésie & Poë dans le roman analytique, ont admirablement exprimé la partie blasphématoire de la passion : ils ont projeté des rayons splendides, éblouissants, sur le Lucifer latent qui est installé dans tout cœur humain. Je veux dire que l’art moderne a une tendance essentiellement démoniaque. Et il semble que cette part infernale de l’homme, que l’homme prend plaisir à s’appliquer à lui-même, augmente journellement, comme si le diable s’amusait à la grossir par des procédés artificiels, à l’instar des engraisseurs, empâtant patiemment le genre humain dans ses basses-cours, pour se préparer une nourriture plus succulente. —Mais Théodore de Banville refuse de se pencher sur ces marécages de sang, sur ces abîmes de boue. Comme l’art antique, il n’exprime que ce qui est beau, joyeux, noble, grand ; rythmique. Aussi, dans ses œuvres vous n’entendrez pas les dissonances, les discordances des musiques du sabbat, non plus que les glapissements de l’ironie, cette vengeance du vaincu. Dans ses vers, tout a un air de fête et d’innocence, même de volupté. Sa poésie n’est pas seulement un regret, une nostalgie ; elle est même un retour très-volontaire vers l’état paradisiaque. A ce point de vue nous pouvons donc le considérer comme un original de la nature la plus courageuse. En pleine atmosphère satanique, ou romantique, au milieu d’un concert d’imprécations, il a l’audace de chanter la bonté des Dieux, & d’être un parfait classique. Je veux que ce mot soit entendu dans le sens le plus noble, dans le sens vraiment historique. »
-Charles Baudelaire.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k205238f
http://www.mta.ca/banville/
« Beethoven a commencé à remuer les mondes de mélancolie & de désespoir incurable amassés comme des nuages dans le ciel intérieur de l’homme. Maturin dans le roman, Byron dans la poésie & Poë dans le roman analytique, ont admirablement exprimé la partie blasphématoire de la passion : ils ont projeté des rayons splendides, éblouissants, sur le Lucifer latent qui est installé dans tout cœur humain. Je veux dire que l’art moderne a une tendance essentiellement démoniaque. Et il semble que cette part infernale de l’homme, que l’homme prend plaisir à s’appliquer à lui-même, augmente journellement, comme si le diable s’amusait à la grossir par des procédés artificiels, à l’instar des engraisseurs, empâtant patiemment le genre humain dans ses basses-cours, pour se préparer une nourriture plus succulente. —Mais Théodore de Banville refuse de se pencher sur ces marécages de sang, sur ces abîmes de boue. Comme l’art antique, il n’exprime que ce qui est beau, joyeux, noble, grand ; rythmique. Aussi, dans ses œuvres vous n’entendrez pas les dissonances, les discordances des musiques du sabbat, non plus que les glapissements de l’ironie, cette vengeance du vaincu. Dans ses vers, tout a un air de fête et d’innocence, même de volupté. Sa poésie n’est pas seulement un regret, une nostalgie ; elle est même un retour très-volontaire vers l’état paradisiaque. A ce point de vue nous pouvons donc le considérer comme un original de la nature la plus courageuse. En pleine atmosphère satanique, ou romantique, au milieu d’un concert d’imprécations, il a l’audace de chanter la bonté des Dieux, & d’être un parfait classique. Je veux que ce mot soit entendu dans le sens le plus noble, dans le sens vraiment historique. »
-Charles Baudelaire.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k205238f