« Dans l’Action française le projet culturel est central. »
-Olivier Dard & Michel Leymarie, Introduction à Olivier Dard, Michel Leymarie & Neil McWilliam (eds.), Le maurrassisme et la culture. L’Action française. Culture, société, politique (III), Presses Universitaires du Septentrion, coll. Histoires et Civilisations, 2010, 370 pages, pp.13-16, p.14.
« Personnage emblématique de l’Action française, Léon Daudet (1867-1942) est un auteur prolixe. Il a écrit cent-vingt-huit ouvrages. En 1891, dès l’âge de 24 ans, il commence à publier dans La Nouvelle Revue de Juliette Adam un feuilleton qui donne lieu à son premier roman : L’Héritier. Cette frénésie d’écriture va durer un demi-siècle. C’est en 1941 que paraît son dernier ouvrage : Sauveteurs et incendiaires. […] Entre 1908, année de la fondation du quotidien L’Action française, et décembre 1941 quelques mois avant sa mort, le fils d’Alphonse Daudet aura donné au journal monarchiste un éditorial presque chaque jour. […]
Durant ces cinq décennies, la plume insatiable de Léon Daudet brosse un portrait cruel de ses contemporains. La causticité rivalise sans cesse avec la furie, ce qui rend son inscription dans la veine pamphlétaire légitime. Pourtant, l’intéressé ne la revendique guère, préférant sa définir dans Au temps de Judas, comme « un historien des mœurs » de son temps. » (p.25)
« Dans La France juive, Édouard Drumont a ouvert une brèche dans laquelle s’engouffrent les nationalistes. Léon Daudet le fréquente et apprécie cet « historien et critique génial des phénomènes sociaux ». Il participe aux campagnes de dénigrement des juifs, milite au sein de la Fédération nationale antijuive, fondée en 1903, et La Libre Parole lui ouvre ses colonnes. Le succès de son livre Le pays des Parlementeurs (1901) lui apporte une légitimité très forte au sein des milieux antisémites. » (p.28)
« Léon Daudet explore tous les recoins de l’espace politique en assénant ce qui lui apparaît comme des vérités absolues. De fait, l’auteur ne se remet jamais en cause ; jamais il ne manifeste une quelconque hésitation. » (p.31)
-Philippe Secondy, « Léon Daudet pamphlétaire », chapitre in Olivier Dard, Michel Leymarie & Neil McWilliam (eds.), Le maurrassisme et la culture. L’Action française. Culture, société, politique (III), Presses Universitaires du Septentrion, coll. Histoires et Civilisations, 2010, 370 pages, pp.25-34.
« L’entrée du jeune homme dans le monde de la critique littéraire ne surprend guère dans la mesure où celui-ci, avant de s’attacher à l’histoire et à la politique, s’intéresse beaucoup à la littérature. Son premier article, consacré à Nietzsche, est d’ailleurs publié en 1897 dans la revue L’Avenir artistique et littéraire. Cependant, dans Le Critique mort jeune, qui constitue un recueil d’articles datant des années 1902-1907 mais publié seulement en 1927, Bainville fait en préface une confidence : « Depuis longtemps, j’ai cesé d’être un critique littéraire. Je ne crois pas que telle fût ma vocation. » Pourtant, c’est effectivement le directeur de Minerva, René-Marc Ferry, qui donna sa chance à ce jeune garçon qui n’avait pas vingt-trois ans. A cette époque, celui-ci recherche les idées dans la littérature. La lecture du livre capital de Maurras Trois idées politiques : Chateaubriand, Michelet, Sainte-Beuve l’a confirmé dans cette voie. C’est d’ailleurs Maurras qui pousse Bainville vers Minerva, revue bimensuelle de critique littéraire fondée en 1902 par René-Marc Ferry et par Félix Jeantet. La date de 1902 est importante. Nous savons en effet que Bainville songeait à abandonner la carrière de critique en cette année 1902 :
« Je songe (et non par caprice) à cesser d’écrire et ne pas prendre le métier d’auteur », confie-t-il à Maurras. « Je n’ai aucune confiance en moi-même. Imagination nulle, intelligence médiocre, peu brillant au jeu des idées […]. Je me connais quelques qualités qui seront mieux employées à tout autre chose qu’à la littérature. »
Et il pense alors à sa famille portée vers l’entreprise commerciale. Mais Maurras confirme Bainville dans la carrière de critique. Dès lors, les années suivantes, il gardera toujours à l’égard de Maurras bien sûr, mais aussi de Ferry, une immense reconnaissance : on se souvient de ceux qui étaient là lors des moments de doute ou de crise. […]
Maurras […] incite […] le jeune Bainville à plus de prudence et de retenue dans ses critiques : c’est ce qui le gêne et le fait douter de ses propres capacités. » (p.36-37)
« Bainville appelait gentiment le XIXe siècle « le vieil utopiste ». C’est ici toute la retenue qui le distingue d’un Daudet qui, lui, qualifiait le siècle des révolutions comme « le stupide XIXe siècle ». Bainville utilise pour la première fois l’expression de « viel utopiste » dans sa préface de L’Histoire de Trois générations publiées en 1918 et qui constitue une critique et une analyse des rapports franco-allemands au XIXème siècle. Dans les premières pages du livre, il écrit :
« Notre cher XIXe siècle ! Il est souvent mal traité dans ce récit, le vieil utopiste ! Nous lui en voulons des douleurs et des tâches qu’il a léguées au vingtième. Mais c’est de lui que nous sortons et que nous aurons vécu. »
Le Viel utopiste est précisément le nom du troisième recueil d’articles de Bainville consacré à ses critiques littéraires d’avant-guerre ; le volume publié lui aussi en 1927, rassemble des textes de La Gazette de France des années 1901 à 1907. Dans sa préface, l’auteur se pose en fils du XIXe siècle, un XIXe siècle long dont il voit le terme dans la période de la Grande Guerre. » (p.38-39)
« Le Vieil utopiste s’ouvre par deux articles sur l’Écossais Carlyle. Il considère son œuvre comme supérieure en influence à celle de Nietzsche sur sa génération. Influence dans les idées d’ordre, de réaction, du besoin d’un pays d’être dirigé par des êtres d’exception, des hommes d’élite. » (p.39)
« Bainville […] n’a rien de l’antisémitisme maurrassien. » (p.41)
« En cette période d’avant-guerre, l’œuvre barrésienne et le culte du moi influencent encore le jeune homme qu’il est. » (p.42)
-Christophe Dickès, « Jacques Bainville, une critique culturelle éphémère ? », chapitre in Olivier Dard, Michel Leymarie & Neil McWilliam (eds.), Le maurrassisme et la culture. L’Action française. Culture, société, politique (III), Presses Universitaires du Septentrion, coll. Histoires et Civilisations, 2010, 370 pages, pp.35-44.
« Petite revue bimensuelle, de couleur bleue, lancée au printemps 1908, la Revue critique des idées et des livres (RCIL) […] Œuvre de jeunes disciples d’AF, la Revue critique connaîtra son heure de gloire à la veille du premier conflit mondial, s’imposant, dans les années 1911-1914, comme l’une des principales instances de l’école « néo-classique » et de la critique littéraire française. Ce succès viendra consacrer l’activité d’un groupe d’intellectuels prometteurs réunis par la fréquentation du salon de la très influente comtesse de Courville et soudés derrière leur directeur Jean Rivain. Nés au milieu des années 1880, Pierre Gilbert, Henri Clouard, Jean Longnon ou Eugène Marsan appartiennent à la première génération des disciples formés par Maurras, la première à le considérer comme un « Maître »… et la première à se séparer de l’Action française après l’ « excommunication » par ledit « Maître » en février 1914. » (p.45)
« En 1908-1909, les pages sont encombrées par de nombreux articles historiques […] et surtout par l’interminable et rébarbative « Enquête sur la monarchie et la classe ouvrière » de Georges Valois. […]
Il faut dire que jusqu’à la fin de 1910, Rivain se soumet aux impératifs de l’intérêt général de la propagande d’AF, et la RCIL est largement accaparée par Valois et ses amis, qui tente de faire de la revue la tribune du rapprochement entre antidémocrate de gauche et antidémocrate de droite. Dans ses souvenirs, Georges Valois note de manière lénifiante :
« Le centre de nos travaux était à la Revue critique des Idées et des Livres. […] Mais, vers 1910, il nous apparut que la Revue Critique ne pourrait demeurer le centre de nos études et de notre action, à l’intérieur de l’Action française ». La revue « devenait presque exclusivement littéraire » et c’est pour cela qu’ils durent se résoudre à quitter ses pages et à créer le cercle et les Cahiers Proudhon, afin de réaliser un « large développement à [leurs] études » ! [Valois, D’un siècle à l’autre, chronique d’une génération (1885-1920), Paris, NLN, 1921, p.252-253. On accordera aussi peu de crédit à ses propos sur ses relations avec Rivain [fondateur de la Nouvelle Librarie Nationale] et l’affaire de la NLN (ibid, p.24-257)]
A la vérité, une lutte d’influence particulièrement violente s’est engagée entre le groupe Valois et le groupe Rivain au sein de l’AF : elle oppose deux tendances, la tendance « sociale », favorable à un hypothétique rapprochement avec le monde ouvrier et syndical, à la tendance « néo-classique », qui fait l’admiration des habitués du salon de la comtesse de Courville. » (p.49)
« La RCIL n’est pas la seule revue de la Belle Époque à défendre le « classicisme », l’exigence d’ordre, de sobriété, de clarté et de pureté du style dans la littérature, la poésie et le théatre, contre les « excès » du romantisme et des écoles symbolistes et naturalistes. La NFR, par exemple, défend des orientations voisines, quoique plus ouvertes à l’innovation. Mais la RCIL incarna une position plus ferme, qui a le vent en poupe au début de ces années 1910 marquées par la prédominance des idées nationales sur la jeunesse et l’élite intellectuelles. Elle s’impose donc comme l’organe officiel du « néo-classicisme ». […] La revue fondée par Jean Rivain bénéficie d’un rayonnement considérable dans les années 1912-1914 –rayonnement qui sera brutalement brisé par la Grande Guerre. Luxueusement éditée, tirant à plus de 3000 exemplaires, la RCIL est assurément, avec la NRF et le Mercure de France, l’une des plus importantes revues littéraires de son temps. » (p.53)
« « Le traditionnalisme des néo-classiques […] n’est absolument rien s’il n’est une révolte, tout d’abord. » [Henri Clouard, « Sur le programme des néo-classiques, RCIL, n°140, 10 février 1914, o.269-281] » (p.54)
« Dans le même temps que la RCIL acquiert reconnaissance et visibilité dans le champ littéraire, les rapports entre Jean Rivain et les principaux chefs de l’AF s’aigrissent. Après l’échec de la fusion entre les deux revues d’AF, qui a mécontenté Charles Maurras, Rivain a dû céder la Nouvelle librairie nationale à Georges Valois. En février 1913, une affaire mineure est prise comme prétexte, par Vaugeois, Maurras et Montesquiou, pour exiger la démission de leur jeune camarade des Comités directeurs de l’AF ; Jean Rivain ne fait plus partie des quatorze dirigeants du mouvement. On lui reproche ses manquements à l’esprit d’entente, tandis que Rivain considère que ses amis n’ont pas vraiment fait preuve de solidarité en prenant le parti de Valois contre le sien dans l’affaire de la NLN. D’autre part, l’écho obtenu par le numéro « Stendhal » a suscité bien des agacements dans l’entourage d’un Maurras dont on connaît les réserves à l’égard de l’auteur des Chroniques italiennes : il le juge trop romantique par ses sujets choisis et déplore ses orientations politiques (bonapartistes et anticléricales). Il y a aussi les articles de Gilbert Maire, collaborateur de la RCIL favorable à Bergson, qui apparaissent comme d’autant plus scandaleux qu’au début de l’année 1914 l’AF quotidienne mène, par Daudet interposé, une campagne d’une violence inouïe contre le philosophe « de ghetto » élu à l’Académie française.
Le 22 février 1914, dans son éditorial quotidien, Charles Maurras publie une petite note intitulée « Éclaircissement », sonnant comme une véritable excommunication de la Revue critique des idées et des libres. Trois griefs sont formulés par le « maître du nationalisme intégral » : le bergsonisme de certains rédacteurs ; un point de vue trop favorable à l’Allemagne ; l’abandon du texte-manifeste d’allégeance à l’ « empirisme organisateur » apparaissant au verso de la couverture depuis juin 1908. L’auteur de L’Enquête sur la monarchie estime que ce retrait est significatif […]
Contrairement à ce qui a souvent été dit par la suite, il y a bien eu rupture entre l’AF et la Revue critique, qui constitue la première dissidence dans l’histoire du mouvement maurrassien. Clouard et Maire démissionnent immédiatement de l’Action française et toute l’équipe de la RCIL se solidarise avec Rivain. » (p.55-56)
« Cette dynamique n’est pas annoncer la campagne contre Georges Valois engagée par Maurras au milieu de la décennie suivante à la suite du tonitruant lancement du Nouveau Siècle. » (p.58)
-Laurent Joly, « La Revue critique des idées et des livres. Première dissidence d’Action française ou première génération intellectuelle de « maurassiens » indépendants ? (avril 1908 - février 1914). », chapitre in Olivier Dard, Michel Leymarie & Neil McWilliam (eds.), Le maurrassisme et la culture. L’Action française. Culture, société, politique (III), Presses Universitaires du Septentrion, coll. Histoires et Civilisations, 2010, 370 pages, pp.45-59.
« Avec 48 numéros en moins de trois ans (Mars 1911 – Août 1913), l’Indépendance, revue de culture fondée par l’écrivain nationaliste Jean Variot pour Georges Sorel, intéresse néanmoins l’historien des idées et de la « Belle époque ». Traditionnaliste, la revue témoigne des renaissances nationaliste, catholique et classique de ces années. Elle pose aussi la question du « cas Sorel » : ces années montrent, chez l’auteur des Réflexions sur la violence (1908), un basculement du syndicalisme révolutionnaire, dont il fut l’un des théoriciens, vers une doctrine au conservatisme pugnace. » (p.61)
« Chez ce « déçu du dreyfusisme », auteur de La Révolution dreyfusienne (1909), une pensée réactionnaire aux accents parfois contre-révolutionnaires se fait jour (voir Les Illusions du Progrès, 1908). Ses intérêts évoluant alors de la question ouvrière vers des préoccupations plus morales et religieuses, le philosophe s’isole peu à peu dans le champ intellectuel : en 1908, il rompt avec le Mouvement socialiste d’Hubert Lagardelle alors que des tensions apparaissent déjà avec Péguy et le milieu des Cahiers de la Quinzaine (il n’y publiera aucun Cahier). C’est d’ailleurs dans la Boutique des Cahiers que Sorel rencontre, le premier jeudi d’octobre 1908, Jean Variot. […]
Ces évolutions intéressent en retour certains penseurs conservateurs, à commencer par Paul Bourget qui, avec sa pièce La Barricade [Chronique de 1910, Paris, Plon-Nourrit, 1910], montée au Vaudeville en 1910, propose une lecture résolument conservatrice des Réflexions sur la violence. » (p.62)
« A partir de 1908, une relation épistolaire et par articles interposés se met en place entre Sorel et l’AF. […] Le 13 août, dans l’article « La Violence », Maurras s’essaie à un éloge prudent de Sorel. La même année, Sorel répons à l’Enquête sur la Monarchie et la classe ouvrière de Georges Valois, l’un de ses disciples, devenu maurrassien, dans la tout aussi maurrassienne Revue Critique des Idées et des Livres (RCIL), fondée en avril […]
Berth rencontre les maurassiens de la RCIL Pierre Gilbert, Henri Lagrange et Gilbert Maire en mars 1910. »
« Les maurrassiens de la RCIL fonderont le Cercle Proudhon, sans Sorel. Variot propose alors à ce dernier de créer une nouvelle revue ; ce sera l’Indépendance.
L’échec de la Cité française est important car il explique à la fois la naissance de l’Indépendance (un titre qui, choisi par Sorel lui-même, prend alors tout son sens), tout comme il annonce son échec deux ans plus tard, à nouveau par l’amalgame qui sera fait entre la nouvelle revue, le philosophe et l’AF. Si Sorel manifeste un intérêt réel pour la mouvance de Maurras, il pense le faire de loin, en ne voulant surtout pas être confondu avec elle. Les premiers numéros de la revue, par les plumes y écrivant, les thèmes abordés et le comité de rédaction rassemblé témoignent de ce souci d’autonomie. Le projet éditorial cher à Sorel vise à parler d’art et de culture, avec certes une optique antimoderne mais, Sorel le précise à de nombreux correspondents, sans traiter de questions sociales ou politiques. La revue se met ainsi en place entre décembre 1910 et mars 1911, financée à parts égales par l’éditeur Marcel Rivière (éditeur de Sorel) et Jean Variot. Le recrutement des plumes et des noms pour le comité de rédaction se fait auprès des amis des deux hommes, notamment les réseaux artistiques de Variot. Le premier comité témoigne de l’objectif initial : avec Émile Baumann, René Benjamin, Paul Jamot, Ernest Laurent, Vincent d’Indy, Émile Moselly et les frères Tharaud, la revue rassemble des personnalités reconnues du monde des arts et des lettres, certes plutôt marquées à droite mais sans ostentation, surtout au regard de ce que deviendra la revue par la suite.
Dès le départ cependant, l’Indépendant affiche une teinte résolument traditionaliste. Il s’agit en effet d’une revue combattant une modernité jugée décadente. Les vertus qu’elle exalte sont celles du travail, de la famille, de la terre et du sang. Son nationalisme, le plus souvent militariste, est également teinté de régionalisme. Catholique, la revue dénonce tant les anticléricaux que le modernisme. Dans le domaine des arts et des lettres, contre le romantisme, le symbolisme ou le naturalisme, elle développe un discours classique et une conception nationaliste et religieuse de l’art. Son antidémocratisme en fait une revue antiparlementaire, opposée à la république radicale et développant une conception élitiste mêlant, nous le verrons, libéralisme conservateur et monarchisme. Son anti-intellectualisme se traduit par des attaques violentes contre la Sorbonne et ses professeurs, et un anti-rationalisme virulent exaltant en retour des figures telles que Pascal ou Bergson. Enfin, son idéologie réactionnaire en fait une revue violemment antisémite, xénophobe, anti-protestante et anti-maçonnique. Mais est-elle maurrassienne pour autant ? […] la revue de Variot et Sorel n’accueille au départ aucun maurrassien […] L’Indépendance naît sans Maurras. Mais, en s’inscrivant dans cet univers intellectuel particulier, lui est-il possible d’éviter non seulement la contamination de ce discours prétendument indépendant par les idées de l’AF, mais aussi de se prémunir de tout amalgame ? » (p.64-65)
« L’Indépendance voit son discours se radicaliser vers toujours plus de nationalisme, prêtant ainsi le flanc aux critiques et confusions avec les discours de l’AF. L’évolution des comités de rédaction et confusions avec les discours de l’AF. L’évolution des comités de rédaction témoigne de ces changements. Le 1er septembre 1911 (n°13), Elémir Bourges et René-Marc Ferry, fondateur au début du siècle de la revue Minerva (qui publia notamment Maurras et Barrès) remplacent Ernest Laurent et Paul Jamot, deux artistes par ailleurs amis. On peut supposer que Jamot comprend assez tôt que la ligne éditoriale de la revue ne correspond pas à celle annoncée, montrant un visage beaucoup plus politique et idéologique, pour ne pas dire polémique, qui a pu déplaire au conservateur du Louvre. Mais c’est le 10 octobre 1912 (n°36/37/38) que le changement le plus important s’opère. Aux côtés des anciens membres du comité, qu’Émile Moselly abandonne, sans doute par fidèlité à Péguy, les trois académiciens Maurice Barrès, Paul Bourget et Maurice Donnay prêtent leurs noms à l’Indépendance. Avec eux, deux autres hommes de lettres font leur entrée : Henri Chouard, jeune critique littéraire au maurrassisme notoire, et Francis Jammes, écrivain proche des milieux catholiques et réactionnaires. Au numéro suivant, le 15 novembre 1912(n°39/40), Jacques Gouverné, ami de Variot, occupe le poste de secrétaire de rédaction et entre au comité avec Jean Thogorma, autre proche de Variot, en février suivant (n°43). En termes de lisibilité, la revue se pose donc de plus en plus en organe, non pas artistique et culturel, mais traditionaliste.
Tout tourne ici autour de Jean Variot qui, principal recruteur pour la revue, démarche certes auprès des milieux artistiques, mais aussi dans les cercles catholiques et, surtout, nationalistes. Via le jeune lorrain, diverses teintes du nationalisme français arrivent à l’Indépendance : les militaires, les barrésiens, et, finalement, des maurrassiens. La revue pourrait cependant être qualifiée de barrésienne plus aisément que de maurrassienne. Variot, en effet, est proche à la fois de la famille de Barrès et des milieux barrésiens. Dès janvier 1912, la revue publie des écrits posthumes de Charles Demange, neveu de Barrès, et Variot est très proche du fils de ce dernier, Philippe. Barrès lui-même finit d’ailleurs par entrer au comité de rédaction de la revue. La revue est en outre proche des Marches de l’Est, revue barrésienne animée par Georges Ducrocq.
Quant aux royalistes, c’est toute une cohorte bigarrée qui arrive dans les colonnes de la revue, entre les vieux royalistes –Émile Baumann, Elémir Bourges- et les jeunes maurrassiens, pour la plupart venus du barrésisme : Henri Clouard donc, secrétaire de la RCIL, Jean Thogorma (pseudonyme d’Edouard Guerber), Jacques Gouverné, André Fernet, Robert Launay, un jeune historien nationaliste et royaliste, également collaborateur à la RCIL, René Benjamin ou encore Jean Longnon, de la RCIL, futur bibliothécaire de l’Institut d’Action française. […] Variot […] attire à l’Indépendance toute une série de « jeunes loups » dont Sorel aura par la suite à se plaindre. Ces jeunes critiques et écrivains subissent en ces années d’avant-guerre l’attraction littéraire, puis politique, du maurassisme, à partir d’un barrésisme originel. Le schéma est assez classique et rend compte de nombreuses trajectoires intellectuelles à l’époque. D’abord fascinés par Barrès, « professeur d’énergie », tous ces jeunes nationalistes ont ensuite trouvé chez Maurras les directions canalisant cette fougue. C’est d’ailleurs du bureau de l’Indépendance que ceux-ci (Variot, Gouverné, Clouard et Thogorma) écrivent à l’époque à Maurras pour le féliciter de son succès au procès contre Worms, juif attaqué par l’AF. Variot est ainsi proche des milieux maurassiens. […] Variot sera très proche de Maurras après la Guerre, avec notamment la Société de Littérature Française qu’il gérera et qui éditera de nombreux ouvrages de Maurras. Mais cette relation n’est qu’embryonnaire dans les années 1910. […]
D’autres noms prêtent leur plume à l’Indépendance tout en étant proche de la nébuleuse maurrassienne. Paul Acker, ami de Péguy et barrésien, est à l’époque également maurrassien. […] René Benjamin, jeune essayiste à la plume vive qui, passée la Guerre, sera l’un des proches de Maurras, doit déjà éprouver, comme beaucoup de jeunes écrivains de sa génération, l’attirance de l’AF en ces années où débute sa carrière. Enfin, personnalité forte des rangs maurrassiens, Dom Besse, démarcheurs de l’AF dans les milieux catholiques, donne un article à l’Indépendance. Nous ignorons dans quelles circonstances Besse est contacté mais à la même époque, Variot entame une collaboration à l’Univers. Or, l’Univers, le vieux journal de Louis Veuillot, vient d’être annexé en 1912 par les catholiques d’AF. » (p.65-68)
« C’est en libéraux que des hommes comme Sorel, Daniel Halévy, Georges Platon ou Gustave Le Bon criquent dans les pages de la revue l’ordre en place. En la matière, ils se distinguent bien de la critique maurrassienne et royaliste du même régime. Ces hommes sont des bourgeois libéraux, hommes d’élite attachés au droit et aux libertés fondamentales, mais chez qui l’ordre social et politique ne saurait être confié ni aux masses, ni à des professionnels de la politique. Le modèle parlementaire de ces hommes est la Rome patricienne et sénatoriale, l’Angleterre victorienne ou les Monarchies censitaires du début du XIXe siècle en France. Mais bien que ce libéralisme conservateur appartienne au discours social et politique de l’Indépendance, il n’est qu’un son de cloche dans la polyphonie traditionaliste de la revue. De même que les rédacteurs de l’Indépendance expriment des nuances distinctes d’un catholicisme tantôt social, tantôt mystique, de même que diverses conceptions du classicisme artistique et littéraire s’y rencontrent, on peut affirmer que, sur le plan politique, autour d’un commun credo antidémocratique et antiparlementaire, plusieurs approches sont exposées, au point d’apparaître finalement comme inconciliables. Car quand Sorel et ses amis critiquent l’ordre en place en exprimant le regret d’un ordre ancien, Variot et les siens évoluent de plus en plus vers l’espoir du retour d’un autre ordre social et économique, en la personne du roi. » (p.68-69)
« L’anti-intellectualisme sorélien, l’admiration du philosophe pour Bergson, ne peuvent qu’éloigner Maurras de la revue animée alors par le philosophe. » (p.70)
« Sorel reproche à […] Variot de faire, dans l’Indépendance, du journalisme nationaliste. […] Ses premières inquiétudes apparaissent à l’automne 1912 ; six mois plus tard, il quitte définitivement la revue. » (p.71)
« Ce départ est enfin lié à l’insuccès de l’entreprise. L’Indépendance, bénéficiant d’une réputation au sein du microcosme intellectuel et littéraire parisien, se vend cependant très peu, n’a que quelques abonnés (49 à sa fondation, 69 en 1912) et constitue un naufrage financier. […] L’Indépendance, non seulement peine à trouver sa place dans un champ intellectuel déjà saturé et fortement marqué idéologiquement, mais se trouve aussi en position de concurrence forte avec de nombreuses autres revues d’idées : la NRF et la RCIL dans le domaine du classicisme, la RCIL encore et l’Action française dans celui de l’anti-démocratisme et du nationalisme, et les nombreuses revues catholiques pour ce qui est de la religion. […] Elle s’éteint en août 1913. » (p.72)
-Thomas Roman, « L’Indépendance : avec ou sans Maurras ? », chapitre in Olivier Dard, Michel Leymarie & Neil McWilliam (eds.), Le maurrassisme et la culture. L’Action française. Culture, société, politique (III), Presses Universitaires du Septentrion, coll. Histoires et Civilisations, 2010, 370 pages, pp.61-72.
« Né dans la tempête de l’affaire Dreyfus, le mouvement fait sa percée nationale surtout à partir de 1906, lors des événements qui suivent la loi de décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat. » (p.83)
« [Maurras] ne peut ignorer la questions des fondements philosophiques de sa doctrine. Assurer catholiques et athées nationalistes qu’au fond ils partagent –ou presque- le même telos, c’est là sans doute un défi pour Maurras. Mais au fur et à mesure que la présence catholique se renforce au sein de l’Action, ce défi devient une véritable gageure. » (p.85)
« L’évolution de l’Action française dans les années 1906-1907 ne reflète pas seulement la volonté de s’opposer à la République sur le plan de la politique religieuse, mais elle traduit aussi le souci de rendre le mouvement plus attractif pour les catholiques y compris dans les domaines philosophiques et théologiques. L’Institut d’Action française, espèce d’université de la contre-révolution, est inauguré au mois de février 1906. Le positivisme est bien représenté au sein du corps de conférenciers qui donnent leurs cours à l’Hôtel des Sociétés savantes, rue Serpente. Ainsi la chaire « Auguste Comte » est-elle confiée à Léon de Montesquiou tandis que Maurras lui-même assume la responsabilité de la chaire « Empirisme organisateur », c’est-à-dire de l’enseignement de la politique selon une formule qui réunit le réalisme politique et une forme de pragmatisme dictée par l’idée de la synthèse subjective. Du côté catholique, le conférencier le plus distingué est sans doute l’historien de l’art Louis Dimier, également secrétaire général de l’Institut. Cet agrégé de philosophie, qui soutient en 1900 son doctorat ès lettres en histoire de l’art, est nommé sur la chaire « Rivarol » pour enseigner l’histoire des idées d’un point de vue contre-révolutionnaire. A côté de la chaire « Rivarol », est créée celle du « Syllabus », confiée à un ecclésiastique pour qu’y soient enseignés les principes de la doctrine sociale de l’Eglise et de toute politique catholique. Ce geste hautement symbolique rappelle le respect dû au grand acte d’intransigeance catholique : le Syllabus errorum de 1864 qui, attaché à l’encyclique Quanta cura de Pie IX, inventorie et dénonce les erreurs du monde moderne, surtout ceux issus du libéralisme. […]
Au-delà des activités de l’Institut de l’Action française, l’affichage par le mouvement maurrassien d’une certaine hyper-orthodoxie catholique romaine est à son comble en 1907. On s’intéresse maintenant à la philosophie catholique et à la théologie, pas seulement à la politique religieuse. Au mois de septembre Pascendi, l’encyclique de Pie X dénonçant des doctrines modernistes en matière religieuse, est promulguée. Trois semaines plus tard, la revue L’Action française est assortie d’un supplément qui en donne le texte intégral. C’est l’occasion pour Maurras et l’Action française de s’enthousiasmer encore plus pour le pontificat de ce pape qui veut extirper le libéralisme du sein de l’Église catholique.
Cependant, la logique de la démarche choisie par Maurras va vite se révéler boiteuse. Prôner en parallèle le positivisme comtien adapté à l’usage maurrassien et le catholicisme intransigeant –qu’on peut identifier en France à partir de 1905 à l’esprit combatif de Pie X- comme deux remèdes, également valables, aux malaises contemporains, paraît extrêmement risqué. Cette réforme intellectuelle et morale à deux vitesses laisse planer des doutes quand à la cohérence de la démarche. Qui plus est, au cours de la première décennie du vingtième siècle l’étoile d’Auguste Comte ne brille plus guère dans les milieux intellectuels, surtout parisiens. Déjà, vers 1890, quand Maurras avait fait sa propre lecture des écrits de Comte pour y chercher quelque lumière, ce n’était pas le grand prêtre de l’Humanité mais plutôt Ernest Renan et Hippolyte Taine qui incarnaient alors l’esprit vivant du positivisme aux yeux du grand public cultivé. Du côté de l’École normale supérieure et de la Sorbonne, le positivisme faisait depuis longtemps piètre figure devant le renouveau spiritualiste représenté notamment par Jules Lachelier et Émile Boutroux et, plus largement, devant le kantisme ambiant de l’Université. La nouvelle Revue métaphysique et morale, fondée en 1893, était d’ailleurs aux antipodes du positivisme. […] De toute façon, sauf Montesquiou, Maurras n’aura jamais réussi à convaincre ses disciples des mérites de la philosophie comtienne et du bien-fondé de l’idée d’une alliance politico-religieuse telle qu’elle avait été conçue par le fondateur du positivisme. Il est frappant de constater que Montesquiou ne fit de cours sur Auguste Comte à l’Institut d’Action française que durant ses deux premières sessions, en 1906 et en 1907. » (p.86-88)
« Dimier, parmi les catholiques de l’Action française, s’est toujours montré récalcitrant devant l’idée comtienne d’une alliance politico-religieuse. En outre, la chaire « Syllabus » à l’Institut d’Action française pose un problème. Gaudeau, le deuxième titulaire de cette chaire, se détourne vite du mouvement pour fonder en 1908 La Foi catholique, revue mensuelle qui se proclame anti-kantisme ; en 1913 les batteries de cette revue intransigeante seront dirigées contre « le relativisme agnostique professé par quelques incroyants de l’Action française et notamment par M. Maurras ». » (p.88)
« [Gilbert] Maire est royaliste ; il est également catholique ; mais à l’opposé d’Édouard Le Roy, grand disciple de Bergon et successeur de celui-ci au Collège de France, il n’est nullement tenté par le modernisme en matière religieuse. A l’époque de la Revue critique, c’est en défendant un Bergson rationaliste que le jeune Maire s’efforce de réconcilier le bergsonisme et le classicisme cher à Maurras et à l’Action française. C’est peine perdue. Au mois de janvier 1914 Maire se rend à l’évidence : comme il faut choisir entre ses deux maîtres, il démissionne de l’Action française. » (p.91)
« Plus tard, c’est Lasserre [agrégé de philosophie] qui combat vigoureusement la philosophie de Bergson : en août et en septembre 1910 il consacre toute une série d’articles dans le journal L’Action française à « La philosophie de M. Bergson », et en janvier 1911 il revient sur le sujet à l’Institut d’Action française. Pour l’auteur de la thèse retentissante Le Romantisme français (1907), la pensée du professeur du Collège de France est contaminée par un penchant excessif à la sensibilité et au confus. Cependant, comme note avec pertinence François Azouvi, la critique de Lasserre n’est pas unilatérale. Ainsi Bergson est-il crédité de son rejet, depuis le temps des Données immédiates de la conscience, de l’intellectualisme néo-kantien. Mais, d’autre part, Bergson est jugé incapable de se hisser au niveau d’un Aristote, d’un Leibniz ou d’un Auguste Comte, tout simplement parce qu’il est juif ; on voit là toute la prégnance de l’antisémitisme maurrassien. » (p.92)
« En 1911, Jacques Maritain s’abonne à L’Action française ; le jeune philosophe, naguère le disciple le plus prometteur de Bergson, converti au catholicisme depuis 1906, suit ainsi la consigne de son confesseur, le dominicain, Humbert Clérissac qui l’a initié au thomisme en 1909. S’il est difficile de dire si Maritain devient alors « maurrassien », il est en revanche établi que ce transfuge du bergsonisme entre dans la mouvance de l’Action française pour y rester jusqu’en 1927. » (p.93)
« En 1912, Jaurès fait remarquer à Barrès que le philosophe d’Aix s’est épuisé et qu’il ne produit plus rien. La remarque paraît à peine exagérée : on attend toujours alors la publication d’un travail philosophique qui ferait suite à L’Action, la grande thèse de 1893, dont il refuse la réédition.
[…] C’est le long débat suscité par le manifeste pour un « Parti de l’Intelligence, rédigé par Massis et publié dans Le Figaro en juillet 1919, que Blondel s’en prend e nouveau eux idées du maître de l’Action française. » (p.95)
« L’Action française de l’immédiat après-guerre est transformée ; Vaugeois est mort, Lasserre n’est plus au journal et Dimier claque la porte en 1920. Massis commence à laisser son empreinte intellectuelle sur le mouvement. Sur le plan national, le rapport des forces politiques est modifié : la République sort fortifié de la guerre et le choix entre la République ou le Roi s’éloigne encore plus. Pourtant, Maurras et l’Action française, devenue un mouvement conservateur, paraissent toujours sur une pente ascendante. En avril 1920 le principe d’une alliance entre catholiques et nationalistes sur la base des idées empruntées soit à saint Thomas soit à Auguste Comte est effectivement cautionné par le lancement de La Revue universelle ; Jacques Bainville en est le directeur, Massis le rédacteur en chef ; la rubrique « Philosophie » y est tenue par Maritain. En 1925, celui-ci publie, dans le sillage de ses Réflexions sur l’Intelligence, le livre Trois réformateurs : Luther, Descartes, Rousseau, de tonalité maurrassienne. Le prestige de Maritain rejaillit sur l’Action française. Mais, autant sa coopération avec Massis se révèle fructueuse, autant la condamnation romaine de décembre 1926 est catastrophique. Quand il publie Primauté du spirituel en août 1927, le thomisme de celui qui fut un des premiers disciples de Bergson n’est désormais plus au service de Maurras et de l’Action française. » (p.96-97)
-Michael Sutton, « Le maurrassisme face aux philosophies bergsonienne et blondélienne », chapitre in Olivier Dard, Michel Leymarie & Neil McWilliam (eds.), Le maurrassisme et la culture. L’Action française. Culture, société, politique (III), Presses Universitaires du Septentrion, coll. Histoires et Civilisations, 2010, 370 pages, pp.83-97.
« C’est la guerre et les débats qu’elle suscite en France qui lui confèrent une crédibilité et une réputation de prescience intellectuelle dont le mouvement ne jouissait pas avant 1914. […] La guerre a rendu la nation française à la fois plus soupçonneuse envers les influences étrangères et plus réceptives aux injonctions de « retour à la culture française » (pour emprunter le titre d’un des plus débattus et des plus importants essais des années de guerre [René Doumic, « Le Retour à la culture française », Revue des Deux Mondes, t.24, 15 novembre 1914, p.317-328]). » (p.121)
« Jusqu’au début des années vingt, le cosmopolitisme intellectuel caractérise la Sorbonne d’avant-guerre et l’Action française déplore profondément ce fait ; il n’a pas complètement disparu de la scène publique mais il ne détient certainement plus une autorité absolue au sein ou à l’extérieur de la communauté académique française. […] Le « nationalisme intellectuel » […] se propose d’emblée de répudier comme non patriotique –voire comme un acte de trahison- l’adoption de la philosophie allemande, si indéniablement si présente dans la communauté académique française après la guerre franco-prusienne. […] L’attitude anti-kantienne et le néoclassicisme sont eux aussi chéris par la critique culturelle de l’Action française à partir de 1914. » (p.121-122)
-Olivier Dard & Michel Leymarie, Introduction à Olivier Dard, Michel Leymarie & Neil McWilliam (eds.), Le maurrassisme et la culture. L’Action française. Culture, société, politique (III), Presses Universitaires du Septentrion, coll. Histoires et Civilisations, 2010, 370 pages, pp.13-16, p.14.
« Personnage emblématique de l’Action française, Léon Daudet (1867-1942) est un auteur prolixe. Il a écrit cent-vingt-huit ouvrages. En 1891, dès l’âge de 24 ans, il commence à publier dans La Nouvelle Revue de Juliette Adam un feuilleton qui donne lieu à son premier roman : L’Héritier. Cette frénésie d’écriture va durer un demi-siècle. C’est en 1941 que paraît son dernier ouvrage : Sauveteurs et incendiaires. […] Entre 1908, année de la fondation du quotidien L’Action française, et décembre 1941 quelques mois avant sa mort, le fils d’Alphonse Daudet aura donné au journal monarchiste un éditorial presque chaque jour. […]
Durant ces cinq décennies, la plume insatiable de Léon Daudet brosse un portrait cruel de ses contemporains. La causticité rivalise sans cesse avec la furie, ce qui rend son inscription dans la veine pamphlétaire légitime. Pourtant, l’intéressé ne la revendique guère, préférant sa définir dans Au temps de Judas, comme « un historien des mœurs » de son temps. » (p.25)
« Dans La France juive, Édouard Drumont a ouvert une brèche dans laquelle s’engouffrent les nationalistes. Léon Daudet le fréquente et apprécie cet « historien et critique génial des phénomènes sociaux ». Il participe aux campagnes de dénigrement des juifs, milite au sein de la Fédération nationale antijuive, fondée en 1903, et La Libre Parole lui ouvre ses colonnes. Le succès de son livre Le pays des Parlementeurs (1901) lui apporte une légitimité très forte au sein des milieux antisémites. » (p.28)
« Léon Daudet explore tous les recoins de l’espace politique en assénant ce qui lui apparaît comme des vérités absolues. De fait, l’auteur ne se remet jamais en cause ; jamais il ne manifeste une quelconque hésitation. » (p.31)
-Philippe Secondy, « Léon Daudet pamphlétaire », chapitre in Olivier Dard, Michel Leymarie & Neil McWilliam (eds.), Le maurrassisme et la culture. L’Action française. Culture, société, politique (III), Presses Universitaires du Septentrion, coll. Histoires et Civilisations, 2010, 370 pages, pp.25-34.
« L’entrée du jeune homme dans le monde de la critique littéraire ne surprend guère dans la mesure où celui-ci, avant de s’attacher à l’histoire et à la politique, s’intéresse beaucoup à la littérature. Son premier article, consacré à Nietzsche, est d’ailleurs publié en 1897 dans la revue L’Avenir artistique et littéraire. Cependant, dans Le Critique mort jeune, qui constitue un recueil d’articles datant des années 1902-1907 mais publié seulement en 1927, Bainville fait en préface une confidence : « Depuis longtemps, j’ai cesé d’être un critique littéraire. Je ne crois pas que telle fût ma vocation. » Pourtant, c’est effectivement le directeur de Minerva, René-Marc Ferry, qui donna sa chance à ce jeune garçon qui n’avait pas vingt-trois ans. A cette époque, celui-ci recherche les idées dans la littérature. La lecture du livre capital de Maurras Trois idées politiques : Chateaubriand, Michelet, Sainte-Beuve l’a confirmé dans cette voie. C’est d’ailleurs Maurras qui pousse Bainville vers Minerva, revue bimensuelle de critique littéraire fondée en 1902 par René-Marc Ferry et par Félix Jeantet. La date de 1902 est importante. Nous savons en effet que Bainville songeait à abandonner la carrière de critique en cette année 1902 :
« Je songe (et non par caprice) à cesser d’écrire et ne pas prendre le métier d’auteur », confie-t-il à Maurras. « Je n’ai aucune confiance en moi-même. Imagination nulle, intelligence médiocre, peu brillant au jeu des idées […]. Je me connais quelques qualités qui seront mieux employées à tout autre chose qu’à la littérature. »
Et il pense alors à sa famille portée vers l’entreprise commerciale. Mais Maurras confirme Bainville dans la carrière de critique. Dès lors, les années suivantes, il gardera toujours à l’égard de Maurras bien sûr, mais aussi de Ferry, une immense reconnaissance : on se souvient de ceux qui étaient là lors des moments de doute ou de crise. […]
Maurras […] incite […] le jeune Bainville à plus de prudence et de retenue dans ses critiques : c’est ce qui le gêne et le fait douter de ses propres capacités. » (p.36-37)
« Bainville appelait gentiment le XIXe siècle « le vieil utopiste ». C’est ici toute la retenue qui le distingue d’un Daudet qui, lui, qualifiait le siècle des révolutions comme « le stupide XIXe siècle ». Bainville utilise pour la première fois l’expression de « viel utopiste » dans sa préface de L’Histoire de Trois générations publiées en 1918 et qui constitue une critique et une analyse des rapports franco-allemands au XIXème siècle. Dans les premières pages du livre, il écrit :
« Notre cher XIXe siècle ! Il est souvent mal traité dans ce récit, le vieil utopiste ! Nous lui en voulons des douleurs et des tâches qu’il a léguées au vingtième. Mais c’est de lui que nous sortons et que nous aurons vécu. »
Le Viel utopiste est précisément le nom du troisième recueil d’articles de Bainville consacré à ses critiques littéraires d’avant-guerre ; le volume publié lui aussi en 1927, rassemble des textes de La Gazette de France des années 1901 à 1907. Dans sa préface, l’auteur se pose en fils du XIXe siècle, un XIXe siècle long dont il voit le terme dans la période de la Grande Guerre. » (p.38-39)
« Le Vieil utopiste s’ouvre par deux articles sur l’Écossais Carlyle. Il considère son œuvre comme supérieure en influence à celle de Nietzsche sur sa génération. Influence dans les idées d’ordre, de réaction, du besoin d’un pays d’être dirigé par des êtres d’exception, des hommes d’élite. » (p.39)
« Bainville […] n’a rien de l’antisémitisme maurrassien. » (p.41)
« En cette période d’avant-guerre, l’œuvre barrésienne et le culte du moi influencent encore le jeune homme qu’il est. » (p.42)
-Christophe Dickès, « Jacques Bainville, une critique culturelle éphémère ? », chapitre in Olivier Dard, Michel Leymarie & Neil McWilliam (eds.), Le maurrassisme et la culture. L’Action française. Culture, société, politique (III), Presses Universitaires du Septentrion, coll. Histoires et Civilisations, 2010, 370 pages, pp.35-44.
« Petite revue bimensuelle, de couleur bleue, lancée au printemps 1908, la Revue critique des idées et des livres (RCIL) […] Œuvre de jeunes disciples d’AF, la Revue critique connaîtra son heure de gloire à la veille du premier conflit mondial, s’imposant, dans les années 1911-1914, comme l’une des principales instances de l’école « néo-classique » et de la critique littéraire française. Ce succès viendra consacrer l’activité d’un groupe d’intellectuels prometteurs réunis par la fréquentation du salon de la très influente comtesse de Courville et soudés derrière leur directeur Jean Rivain. Nés au milieu des années 1880, Pierre Gilbert, Henri Clouard, Jean Longnon ou Eugène Marsan appartiennent à la première génération des disciples formés par Maurras, la première à le considérer comme un « Maître »… et la première à se séparer de l’Action française après l’ « excommunication » par ledit « Maître » en février 1914. » (p.45)
« En 1908-1909, les pages sont encombrées par de nombreux articles historiques […] et surtout par l’interminable et rébarbative « Enquête sur la monarchie et la classe ouvrière » de Georges Valois. […]
Il faut dire que jusqu’à la fin de 1910, Rivain se soumet aux impératifs de l’intérêt général de la propagande d’AF, et la RCIL est largement accaparée par Valois et ses amis, qui tente de faire de la revue la tribune du rapprochement entre antidémocrate de gauche et antidémocrate de droite. Dans ses souvenirs, Georges Valois note de manière lénifiante :
« Le centre de nos travaux était à la Revue critique des Idées et des Livres. […] Mais, vers 1910, il nous apparut que la Revue Critique ne pourrait demeurer le centre de nos études et de notre action, à l’intérieur de l’Action française ». La revue « devenait presque exclusivement littéraire » et c’est pour cela qu’ils durent se résoudre à quitter ses pages et à créer le cercle et les Cahiers Proudhon, afin de réaliser un « large développement à [leurs] études » ! [Valois, D’un siècle à l’autre, chronique d’une génération (1885-1920), Paris, NLN, 1921, p.252-253. On accordera aussi peu de crédit à ses propos sur ses relations avec Rivain [fondateur de la Nouvelle Librarie Nationale] et l’affaire de la NLN (ibid, p.24-257)]
A la vérité, une lutte d’influence particulièrement violente s’est engagée entre le groupe Valois et le groupe Rivain au sein de l’AF : elle oppose deux tendances, la tendance « sociale », favorable à un hypothétique rapprochement avec le monde ouvrier et syndical, à la tendance « néo-classique », qui fait l’admiration des habitués du salon de la comtesse de Courville. » (p.49)
« La RCIL n’est pas la seule revue de la Belle Époque à défendre le « classicisme », l’exigence d’ordre, de sobriété, de clarté et de pureté du style dans la littérature, la poésie et le théatre, contre les « excès » du romantisme et des écoles symbolistes et naturalistes. La NFR, par exemple, défend des orientations voisines, quoique plus ouvertes à l’innovation. Mais la RCIL incarna une position plus ferme, qui a le vent en poupe au début de ces années 1910 marquées par la prédominance des idées nationales sur la jeunesse et l’élite intellectuelles. Elle s’impose donc comme l’organe officiel du « néo-classicisme ». […] La revue fondée par Jean Rivain bénéficie d’un rayonnement considérable dans les années 1912-1914 –rayonnement qui sera brutalement brisé par la Grande Guerre. Luxueusement éditée, tirant à plus de 3000 exemplaires, la RCIL est assurément, avec la NRF et le Mercure de France, l’une des plus importantes revues littéraires de son temps. » (p.53)
« « Le traditionnalisme des néo-classiques […] n’est absolument rien s’il n’est une révolte, tout d’abord. » [Henri Clouard, « Sur le programme des néo-classiques, RCIL, n°140, 10 février 1914, o.269-281] » (p.54)
« Dans le même temps que la RCIL acquiert reconnaissance et visibilité dans le champ littéraire, les rapports entre Jean Rivain et les principaux chefs de l’AF s’aigrissent. Après l’échec de la fusion entre les deux revues d’AF, qui a mécontenté Charles Maurras, Rivain a dû céder la Nouvelle librairie nationale à Georges Valois. En février 1913, une affaire mineure est prise comme prétexte, par Vaugeois, Maurras et Montesquiou, pour exiger la démission de leur jeune camarade des Comités directeurs de l’AF ; Jean Rivain ne fait plus partie des quatorze dirigeants du mouvement. On lui reproche ses manquements à l’esprit d’entente, tandis que Rivain considère que ses amis n’ont pas vraiment fait preuve de solidarité en prenant le parti de Valois contre le sien dans l’affaire de la NLN. D’autre part, l’écho obtenu par le numéro « Stendhal » a suscité bien des agacements dans l’entourage d’un Maurras dont on connaît les réserves à l’égard de l’auteur des Chroniques italiennes : il le juge trop romantique par ses sujets choisis et déplore ses orientations politiques (bonapartistes et anticléricales). Il y a aussi les articles de Gilbert Maire, collaborateur de la RCIL favorable à Bergson, qui apparaissent comme d’autant plus scandaleux qu’au début de l’année 1914 l’AF quotidienne mène, par Daudet interposé, une campagne d’une violence inouïe contre le philosophe « de ghetto » élu à l’Académie française.
Le 22 février 1914, dans son éditorial quotidien, Charles Maurras publie une petite note intitulée « Éclaircissement », sonnant comme une véritable excommunication de la Revue critique des idées et des libres. Trois griefs sont formulés par le « maître du nationalisme intégral » : le bergsonisme de certains rédacteurs ; un point de vue trop favorable à l’Allemagne ; l’abandon du texte-manifeste d’allégeance à l’ « empirisme organisateur » apparaissant au verso de la couverture depuis juin 1908. L’auteur de L’Enquête sur la monarchie estime que ce retrait est significatif […]
Contrairement à ce qui a souvent été dit par la suite, il y a bien eu rupture entre l’AF et la Revue critique, qui constitue la première dissidence dans l’histoire du mouvement maurrassien. Clouard et Maire démissionnent immédiatement de l’Action française et toute l’équipe de la RCIL se solidarise avec Rivain. » (p.55-56)
« Cette dynamique n’est pas annoncer la campagne contre Georges Valois engagée par Maurras au milieu de la décennie suivante à la suite du tonitruant lancement du Nouveau Siècle. » (p.58)
-Laurent Joly, « La Revue critique des idées et des livres. Première dissidence d’Action française ou première génération intellectuelle de « maurassiens » indépendants ? (avril 1908 - février 1914). », chapitre in Olivier Dard, Michel Leymarie & Neil McWilliam (eds.), Le maurrassisme et la culture. L’Action française. Culture, société, politique (III), Presses Universitaires du Septentrion, coll. Histoires et Civilisations, 2010, 370 pages, pp.45-59.
« Avec 48 numéros en moins de trois ans (Mars 1911 – Août 1913), l’Indépendance, revue de culture fondée par l’écrivain nationaliste Jean Variot pour Georges Sorel, intéresse néanmoins l’historien des idées et de la « Belle époque ». Traditionnaliste, la revue témoigne des renaissances nationaliste, catholique et classique de ces années. Elle pose aussi la question du « cas Sorel » : ces années montrent, chez l’auteur des Réflexions sur la violence (1908), un basculement du syndicalisme révolutionnaire, dont il fut l’un des théoriciens, vers une doctrine au conservatisme pugnace. » (p.61)
« Chez ce « déçu du dreyfusisme », auteur de La Révolution dreyfusienne (1909), une pensée réactionnaire aux accents parfois contre-révolutionnaires se fait jour (voir Les Illusions du Progrès, 1908). Ses intérêts évoluant alors de la question ouvrière vers des préoccupations plus morales et religieuses, le philosophe s’isole peu à peu dans le champ intellectuel : en 1908, il rompt avec le Mouvement socialiste d’Hubert Lagardelle alors que des tensions apparaissent déjà avec Péguy et le milieu des Cahiers de la Quinzaine (il n’y publiera aucun Cahier). C’est d’ailleurs dans la Boutique des Cahiers que Sorel rencontre, le premier jeudi d’octobre 1908, Jean Variot. […]
Ces évolutions intéressent en retour certains penseurs conservateurs, à commencer par Paul Bourget qui, avec sa pièce La Barricade [Chronique de 1910, Paris, Plon-Nourrit, 1910], montée au Vaudeville en 1910, propose une lecture résolument conservatrice des Réflexions sur la violence. » (p.62)
« A partir de 1908, une relation épistolaire et par articles interposés se met en place entre Sorel et l’AF. […] Le 13 août, dans l’article « La Violence », Maurras s’essaie à un éloge prudent de Sorel. La même année, Sorel répons à l’Enquête sur la Monarchie et la classe ouvrière de Georges Valois, l’un de ses disciples, devenu maurrassien, dans la tout aussi maurrassienne Revue Critique des Idées et des Livres (RCIL), fondée en avril […]
Berth rencontre les maurassiens de la RCIL Pierre Gilbert, Henri Lagrange et Gilbert Maire en mars 1910. »
« Les maurrassiens de la RCIL fonderont le Cercle Proudhon, sans Sorel. Variot propose alors à ce dernier de créer une nouvelle revue ; ce sera l’Indépendance.
L’échec de la Cité française est important car il explique à la fois la naissance de l’Indépendance (un titre qui, choisi par Sorel lui-même, prend alors tout son sens), tout comme il annonce son échec deux ans plus tard, à nouveau par l’amalgame qui sera fait entre la nouvelle revue, le philosophe et l’AF. Si Sorel manifeste un intérêt réel pour la mouvance de Maurras, il pense le faire de loin, en ne voulant surtout pas être confondu avec elle. Les premiers numéros de la revue, par les plumes y écrivant, les thèmes abordés et le comité de rédaction rassemblé témoignent de ce souci d’autonomie. Le projet éditorial cher à Sorel vise à parler d’art et de culture, avec certes une optique antimoderne mais, Sorel le précise à de nombreux correspondents, sans traiter de questions sociales ou politiques. La revue se met ainsi en place entre décembre 1910 et mars 1911, financée à parts égales par l’éditeur Marcel Rivière (éditeur de Sorel) et Jean Variot. Le recrutement des plumes et des noms pour le comité de rédaction se fait auprès des amis des deux hommes, notamment les réseaux artistiques de Variot. Le premier comité témoigne de l’objectif initial : avec Émile Baumann, René Benjamin, Paul Jamot, Ernest Laurent, Vincent d’Indy, Émile Moselly et les frères Tharaud, la revue rassemble des personnalités reconnues du monde des arts et des lettres, certes plutôt marquées à droite mais sans ostentation, surtout au regard de ce que deviendra la revue par la suite.
Dès le départ cependant, l’Indépendant affiche une teinte résolument traditionaliste. Il s’agit en effet d’une revue combattant une modernité jugée décadente. Les vertus qu’elle exalte sont celles du travail, de la famille, de la terre et du sang. Son nationalisme, le plus souvent militariste, est également teinté de régionalisme. Catholique, la revue dénonce tant les anticléricaux que le modernisme. Dans le domaine des arts et des lettres, contre le romantisme, le symbolisme ou le naturalisme, elle développe un discours classique et une conception nationaliste et religieuse de l’art. Son antidémocratisme en fait une revue antiparlementaire, opposée à la république radicale et développant une conception élitiste mêlant, nous le verrons, libéralisme conservateur et monarchisme. Son anti-intellectualisme se traduit par des attaques violentes contre la Sorbonne et ses professeurs, et un anti-rationalisme virulent exaltant en retour des figures telles que Pascal ou Bergson. Enfin, son idéologie réactionnaire en fait une revue violemment antisémite, xénophobe, anti-protestante et anti-maçonnique. Mais est-elle maurrassienne pour autant ? […] la revue de Variot et Sorel n’accueille au départ aucun maurrassien […] L’Indépendance naît sans Maurras. Mais, en s’inscrivant dans cet univers intellectuel particulier, lui est-il possible d’éviter non seulement la contamination de ce discours prétendument indépendant par les idées de l’AF, mais aussi de se prémunir de tout amalgame ? » (p.64-65)
« L’Indépendance voit son discours se radicaliser vers toujours plus de nationalisme, prêtant ainsi le flanc aux critiques et confusions avec les discours de l’AF. L’évolution des comités de rédaction et confusions avec les discours de l’AF. L’évolution des comités de rédaction témoigne de ces changements. Le 1er septembre 1911 (n°13), Elémir Bourges et René-Marc Ferry, fondateur au début du siècle de la revue Minerva (qui publia notamment Maurras et Barrès) remplacent Ernest Laurent et Paul Jamot, deux artistes par ailleurs amis. On peut supposer que Jamot comprend assez tôt que la ligne éditoriale de la revue ne correspond pas à celle annoncée, montrant un visage beaucoup plus politique et idéologique, pour ne pas dire polémique, qui a pu déplaire au conservateur du Louvre. Mais c’est le 10 octobre 1912 (n°36/37/38) que le changement le plus important s’opère. Aux côtés des anciens membres du comité, qu’Émile Moselly abandonne, sans doute par fidèlité à Péguy, les trois académiciens Maurice Barrès, Paul Bourget et Maurice Donnay prêtent leurs noms à l’Indépendance. Avec eux, deux autres hommes de lettres font leur entrée : Henri Chouard, jeune critique littéraire au maurrassisme notoire, et Francis Jammes, écrivain proche des milieux catholiques et réactionnaires. Au numéro suivant, le 15 novembre 1912(n°39/40), Jacques Gouverné, ami de Variot, occupe le poste de secrétaire de rédaction et entre au comité avec Jean Thogorma, autre proche de Variot, en février suivant (n°43). En termes de lisibilité, la revue se pose donc de plus en plus en organe, non pas artistique et culturel, mais traditionaliste.
Tout tourne ici autour de Jean Variot qui, principal recruteur pour la revue, démarche certes auprès des milieux artistiques, mais aussi dans les cercles catholiques et, surtout, nationalistes. Via le jeune lorrain, diverses teintes du nationalisme français arrivent à l’Indépendance : les militaires, les barrésiens, et, finalement, des maurrassiens. La revue pourrait cependant être qualifiée de barrésienne plus aisément que de maurrassienne. Variot, en effet, est proche à la fois de la famille de Barrès et des milieux barrésiens. Dès janvier 1912, la revue publie des écrits posthumes de Charles Demange, neveu de Barrès, et Variot est très proche du fils de ce dernier, Philippe. Barrès lui-même finit d’ailleurs par entrer au comité de rédaction de la revue. La revue est en outre proche des Marches de l’Est, revue barrésienne animée par Georges Ducrocq.
Quant aux royalistes, c’est toute une cohorte bigarrée qui arrive dans les colonnes de la revue, entre les vieux royalistes –Émile Baumann, Elémir Bourges- et les jeunes maurrassiens, pour la plupart venus du barrésisme : Henri Clouard donc, secrétaire de la RCIL, Jean Thogorma (pseudonyme d’Edouard Guerber), Jacques Gouverné, André Fernet, Robert Launay, un jeune historien nationaliste et royaliste, également collaborateur à la RCIL, René Benjamin ou encore Jean Longnon, de la RCIL, futur bibliothécaire de l’Institut d’Action française. […] Variot […] attire à l’Indépendance toute une série de « jeunes loups » dont Sorel aura par la suite à se plaindre. Ces jeunes critiques et écrivains subissent en ces années d’avant-guerre l’attraction littéraire, puis politique, du maurassisme, à partir d’un barrésisme originel. Le schéma est assez classique et rend compte de nombreuses trajectoires intellectuelles à l’époque. D’abord fascinés par Barrès, « professeur d’énergie », tous ces jeunes nationalistes ont ensuite trouvé chez Maurras les directions canalisant cette fougue. C’est d’ailleurs du bureau de l’Indépendance que ceux-ci (Variot, Gouverné, Clouard et Thogorma) écrivent à l’époque à Maurras pour le féliciter de son succès au procès contre Worms, juif attaqué par l’AF. Variot est ainsi proche des milieux maurassiens. […] Variot sera très proche de Maurras après la Guerre, avec notamment la Société de Littérature Française qu’il gérera et qui éditera de nombreux ouvrages de Maurras. Mais cette relation n’est qu’embryonnaire dans les années 1910. […]
D’autres noms prêtent leur plume à l’Indépendance tout en étant proche de la nébuleuse maurrassienne. Paul Acker, ami de Péguy et barrésien, est à l’époque également maurrassien. […] René Benjamin, jeune essayiste à la plume vive qui, passée la Guerre, sera l’un des proches de Maurras, doit déjà éprouver, comme beaucoup de jeunes écrivains de sa génération, l’attirance de l’AF en ces années où débute sa carrière. Enfin, personnalité forte des rangs maurrassiens, Dom Besse, démarcheurs de l’AF dans les milieux catholiques, donne un article à l’Indépendance. Nous ignorons dans quelles circonstances Besse est contacté mais à la même époque, Variot entame une collaboration à l’Univers. Or, l’Univers, le vieux journal de Louis Veuillot, vient d’être annexé en 1912 par les catholiques d’AF. » (p.65-68)
« C’est en libéraux que des hommes comme Sorel, Daniel Halévy, Georges Platon ou Gustave Le Bon criquent dans les pages de la revue l’ordre en place. En la matière, ils se distinguent bien de la critique maurrassienne et royaliste du même régime. Ces hommes sont des bourgeois libéraux, hommes d’élite attachés au droit et aux libertés fondamentales, mais chez qui l’ordre social et politique ne saurait être confié ni aux masses, ni à des professionnels de la politique. Le modèle parlementaire de ces hommes est la Rome patricienne et sénatoriale, l’Angleterre victorienne ou les Monarchies censitaires du début du XIXe siècle en France. Mais bien que ce libéralisme conservateur appartienne au discours social et politique de l’Indépendance, il n’est qu’un son de cloche dans la polyphonie traditionaliste de la revue. De même que les rédacteurs de l’Indépendance expriment des nuances distinctes d’un catholicisme tantôt social, tantôt mystique, de même que diverses conceptions du classicisme artistique et littéraire s’y rencontrent, on peut affirmer que, sur le plan politique, autour d’un commun credo antidémocratique et antiparlementaire, plusieurs approches sont exposées, au point d’apparaître finalement comme inconciliables. Car quand Sorel et ses amis critiquent l’ordre en place en exprimant le regret d’un ordre ancien, Variot et les siens évoluent de plus en plus vers l’espoir du retour d’un autre ordre social et économique, en la personne du roi. » (p.68-69)
« L’anti-intellectualisme sorélien, l’admiration du philosophe pour Bergson, ne peuvent qu’éloigner Maurras de la revue animée alors par le philosophe. » (p.70)
« Sorel reproche à […] Variot de faire, dans l’Indépendance, du journalisme nationaliste. […] Ses premières inquiétudes apparaissent à l’automne 1912 ; six mois plus tard, il quitte définitivement la revue. » (p.71)
« Ce départ est enfin lié à l’insuccès de l’entreprise. L’Indépendance, bénéficiant d’une réputation au sein du microcosme intellectuel et littéraire parisien, se vend cependant très peu, n’a que quelques abonnés (49 à sa fondation, 69 en 1912) et constitue un naufrage financier. […] L’Indépendance, non seulement peine à trouver sa place dans un champ intellectuel déjà saturé et fortement marqué idéologiquement, mais se trouve aussi en position de concurrence forte avec de nombreuses autres revues d’idées : la NRF et la RCIL dans le domaine du classicisme, la RCIL encore et l’Action française dans celui de l’anti-démocratisme et du nationalisme, et les nombreuses revues catholiques pour ce qui est de la religion. […] Elle s’éteint en août 1913. » (p.72)
-Thomas Roman, « L’Indépendance : avec ou sans Maurras ? », chapitre in Olivier Dard, Michel Leymarie & Neil McWilliam (eds.), Le maurrassisme et la culture. L’Action française. Culture, société, politique (III), Presses Universitaires du Septentrion, coll. Histoires et Civilisations, 2010, 370 pages, pp.61-72.
« Né dans la tempête de l’affaire Dreyfus, le mouvement fait sa percée nationale surtout à partir de 1906, lors des événements qui suivent la loi de décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat. » (p.83)
« [Maurras] ne peut ignorer la questions des fondements philosophiques de sa doctrine. Assurer catholiques et athées nationalistes qu’au fond ils partagent –ou presque- le même telos, c’est là sans doute un défi pour Maurras. Mais au fur et à mesure que la présence catholique se renforce au sein de l’Action, ce défi devient une véritable gageure. » (p.85)
« L’évolution de l’Action française dans les années 1906-1907 ne reflète pas seulement la volonté de s’opposer à la République sur le plan de la politique religieuse, mais elle traduit aussi le souci de rendre le mouvement plus attractif pour les catholiques y compris dans les domaines philosophiques et théologiques. L’Institut d’Action française, espèce d’université de la contre-révolution, est inauguré au mois de février 1906. Le positivisme est bien représenté au sein du corps de conférenciers qui donnent leurs cours à l’Hôtel des Sociétés savantes, rue Serpente. Ainsi la chaire « Auguste Comte » est-elle confiée à Léon de Montesquiou tandis que Maurras lui-même assume la responsabilité de la chaire « Empirisme organisateur », c’est-à-dire de l’enseignement de la politique selon une formule qui réunit le réalisme politique et une forme de pragmatisme dictée par l’idée de la synthèse subjective. Du côté catholique, le conférencier le plus distingué est sans doute l’historien de l’art Louis Dimier, également secrétaire général de l’Institut. Cet agrégé de philosophie, qui soutient en 1900 son doctorat ès lettres en histoire de l’art, est nommé sur la chaire « Rivarol » pour enseigner l’histoire des idées d’un point de vue contre-révolutionnaire. A côté de la chaire « Rivarol », est créée celle du « Syllabus », confiée à un ecclésiastique pour qu’y soient enseignés les principes de la doctrine sociale de l’Eglise et de toute politique catholique. Ce geste hautement symbolique rappelle le respect dû au grand acte d’intransigeance catholique : le Syllabus errorum de 1864 qui, attaché à l’encyclique Quanta cura de Pie IX, inventorie et dénonce les erreurs du monde moderne, surtout ceux issus du libéralisme. […]
Au-delà des activités de l’Institut de l’Action française, l’affichage par le mouvement maurrassien d’une certaine hyper-orthodoxie catholique romaine est à son comble en 1907. On s’intéresse maintenant à la philosophie catholique et à la théologie, pas seulement à la politique religieuse. Au mois de septembre Pascendi, l’encyclique de Pie X dénonçant des doctrines modernistes en matière religieuse, est promulguée. Trois semaines plus tard, la revue L’Action française est assortie d’un supplément qui en donne le texte intégral. C’est l’occasion pour Maurras et l’Action française de s’enthousiasmer encore plus pour le pontificat de ce pape qui veut extirper le libéralisme du sein de l’Église catholique.
Cependant, la logique de la démarche choisie par Maurras va vite se révéler boiteuse. Prôner en parallèle le positivisme comtien adapté à l’usage maurrassien et le catholicisme intransigeant –qu’on peut identifier en France à partir de 1905 à l’esprit combatif de Pie X- comme deux remèdes, également valables, aux malaises contemporains, paraît extrêmement risqué. Cette réforme intellectuelle et morale à deux vitesses laisse planer des doutes quand à la cohérence de la démarche. Qui plus est, au cours de la première décennie du vingtième siècle l’étoile d’Auguste Comte ne brille plus guère dans les milieux intellectuels, surtout parisiens. Déjà, vers 1890, quand Maurras avait fait sa propre lecture des écrits de Comte pour y chercher quelque lumière, ce n’était pas le grand prêtre de l’Humanité mais plutôt Ernest Renan et Hippolyte Taine qui incarnaient alors l’esprit vivant du positivisme aux yeux du grand public cultivé. Du côté de l’École normale supérieure et de la Sorbonne, le positivisme faisait depuis longtemps piètre figure devant le renouveau spiritualiste représenté notamment par Jules Lachelier et Émile Boutroux et, plus largement, devant le kantisme ambiant de l’Université. La nouvelle Revue métaphysique et morale, fondée en 1893, était d’ailleurs aux antipodes du positivisme. […] De toute façon, sauf Montesquiou, Maurras n’aura jamais réussi à convaincre ses disciples des mérites de la philosophie comtienne et du bien-fondé de l’idée d’une alliance politico-religieuse telle qu’elle avait été conçue par le fondateur du positivisme. Il est frappant de constater que Montesquiou ne fit de cours sur Auguste Comte à l’Institut d’Action française que durant ses deux premières sessions, en 1906 et en 1907. » (p.86-88)
« Dimier, parmi les catholiques de l’Action française, s’est toujours montré récalcitrant devant l’idée comtienne d’une alliance politico-religieuse. En outre, la chaire « Syllabus » à l’Institut d’Action française pose un problème. Gaudeau, le deuxième titulaire de cette chaire, se détourne vite du mouvement pour fonder en 1908 La Foi catholique, revue mensuelle qui se proclame anti-kantisme ; en 1913 les batteries de cette revue intransigeante seront dirigées contre « le relativisme agnostique professé par quelques incroyants de l’Action française et notamment par M. Maurras ». » (p.88)
« [Gilbert] Maire est royaliste ; il est également catholique ; mais à l’opposé d’Édouard Le Roy, grand disciple de Bergon et successeur de celui-ci au Collège de France, il n’est nullement tenté par le modernisme en matière religieuse. A l’époque de la Revue critique, c’est en défendant un Bergson rationaliste que le jeune Maire s’efforce de réconcilier le bergsonisme et le classicisme cher à Maurras et à l’Action française. C’est peine perdue. Au mois de janvier 1914 Maire se rend à l’évidence : comme il faut choisir entre ses deux maîtres, il démissionne de l’Action française. » (p.91)
« Plus tard, c’est Lasserre [agrégé de philosophie] qui combat vigoureusement la philosophie de Bergson : en août et en septembre 1910 il consacre toute une série d’articles dans le journal L’Action française à « La philosophie de M. Bergson », et en janvier 1911 il revient sur le sujet à l’Institut d’Action française. Pour l’auteur de la thèse retentissante Le Romantisme français (1907), la pensée du professeur du Collège de France est contaminée par un penchant excessif à la sensibilité et au confus. Cependant, comme note avec pertinence François Azouvi, la critique de Lasserre n’est pas unilatérale. Ainsi Bergson est-il crédité de son rejet, depuis le temps des Données immédiates de la conscience, de l’intellectualisme néo-kantien. Mais, d’autre part, Bergson est jugé incapable de se hisser au niveau d’un Aristote, d’un Leibniz ou d’un Auguste Comte, tout simplement parce qu’il est juif ; on voit là toute la prégnance de l’antisémitisme maurrassien. » (p.92)
« En 1911, Jacques Maritain s’abonne à L’Action française ; le jeune philosophe, naguère le disciple le plus prometteur de Bergson, converti au catholicisme depuis 1906, suit ainsi la consigne de son confesseur, le dominicain, Humbert Clérissac qui l’a initié au thomisme en 1909. S’il est difficile de dire si Maritain devient alors « maurrassien », il est en revanche établi que ce transfuge du bergsonisme entre dans la mouvance de l’Action française pour y rester jusqu’en 1927. » (p.93)
« En 1912, Jaurès fait remarquer à Barrès que le philosophe d’Aix s’est épuisé et qu’il ne produit plus rien. La remarque paraît à peine exagérée : on attend toujours alors la publication d’un travail philosophique qui ferait suite à L’Action, la grande thèse de 1893, dont il refuse la réédition.
[…] C’est le long débat suscité par le manifeste pour un « Parti de l’Intelligence, rédigé par Massis et publié dans Le Figaro en juillet 1919, que Blondel s’en prend e nouveau eux idées du maître de l’Action française. » (p.95)
« L’Action française de l’immédiat après-guerre est transformée ; Vaugeois est mort, Lasserre n’est plus au journal et Dimier claque la porte en 1920. Massis commence à laisser son empreinte intellectuelle sur le mouvement. Sur le plan national, le rapport des forces politiques est modifié : la République sort fortifié de la guerre et le choix entre la République ou le Roi s’éloigne encore plus. Pourtant, Maurras et l’Action française, devenue un mouvement conservateur, paraissent toujours sur une pente ascendante. En avril 1920 le principe d’une alliance entre catholiques et nationalistes sur la base des idées empruntées soit à saint Thomas soit à Auguste Comte est effectivement cautionné par le lancement de La Revue universelle ; Jacques Bainville en est le directeur, Massis le rédacteur en chef ; la rubrique « Philosophie » y est tenue par Maritain. En 1925, celui-ci publie, dans le sillage de ses Réflexions sur l’Intelligence, le livre Trois réformateurs : Luther, Descartes, Rousseau, de tonalité maurrassienne. Le prestige de Maritain rejaillit sur l’Action française. Mais, autant sa coopération avec Massis se révèle fructueuse, autant la condamnation romaine de décembre 1926 est catastrophique. Quand il publie Primauté du spirituel en août 1927, le thomisme de celui qui fut un des premiers disciples de Bergson n’est désormais plus au service de Maurras et de l’Action française. » (p.96-97)
-Michael Sutton, « Le maurrassisme face aux philosophies bergsonienne et blondélienne », chapitre in Olivier Dard, Michel Leymarie & Neil McWilliam (eds.), Le maurrassisme et la culture. L’Action française. Culture, société, politique (III), Presses Universitaires du Septentrion, coll. Histoires et Civilisations, 2010, 370 pages, pp.83-97.
« C’est la guerre et les débats qu’elle suscite en France qui lui confèrent une crédibilité et une réputation de prescience intellectuelle dont le mouvement ne jouissait pas avant 1914. […] La guerre a rendu la nation française à la fois plus soupçonneuse envers les influences étrangères et plus réceptives aux injonctions de « retour à la culture française » (pour emprunter le titre d’un des plus débattus et des plus importants essais des années de guerre [René Doumic, « Le Retour à la culture française », Revue des Deux Mondes, t.24, 15 novembre 1914, p.317-328]). » (p.121)
« Jusqu’au début des années vingt, le cosmopolitisme intellectuel caractérise la Sorbonne d’avant-guerre et l’Action française déplore profondément ce fait ; il n’a pas complètement disparu de la scène publique mais il ne détient certainement plus une autorité absolue au sein ou à l’extérieur de la communauté académique française. […] Le « nationalisme intellectuel » […] se propose d’emblée de répudier comme non patriotique –voire comme un acte de trahison- l’adoption de la philosophie allemande, si indéniablement si présente dans la communauté académique française après la guerre franco-prusienne. […] L’attitude anti-kantienne et le néoclassicisme sont eux aussi chéris par la critique culturelle de l’Action française à partir de 1914. » (p.121-122)
Dernière édition par Johnathan R. Razorback le Jeu 16 Mai - 15:49, édité 1 fois