https://journals.openedition.org/rgi/506
"1908 est une année marquante. L’affaire Dreyfus se clôt symboliquement sur le transfert, le 4 juin, des cendres de Zola au Panthéon. Les mois qui précèdent cette suprême consécration de la victoire dreyfusarde sont idéologiquement chargés. L’Action française, qui connaît un grand essor depuis près de dix ans, a inauguré le 21 mars le premier numéro de son nouveau quotidien. La nouvelle Action française et d’autres journaux de droite, tels que La Libre Parole, La Patrie, L’Echo de Paris, ne cessent dans leurs colonnes de fustiger la panthéonisation de Zola. C’est le dernier cri des vaincus avant que le rideau ne se baisse sur la marche victorieuse des forces du « bien »."
"Juliette Adam, ancienne gambettiste de renom, également passée à l’Action française, pour qui le voyage des étudiants représente rien de moins que la « glorification de l’oubli » de 71, une « abdication coupable », une « trahison criminelle », en somme un « crime national »."
"Dans deux éditoriaux de La Dépêche de Toulouse, le sociologue et ancien dreyfusard Célestin Bouglé défend Andler contre les attaques de L’Action française. Il se place sur le même plan que les nationalistes — la défense de la culture française, de la patrie française. Contrairement à ce qu’affirment « les revenants » qui font une « cynique utilisation du patriotisme » et ont une notion surannée du nationalisme, le voyage d’Andler vise justement à défendre l’intégrité de ces valeurs nationales. La culture française n’est pas homogène, selon Bouglé, sa littérature s’est enrichie aux cours des siècles grâce à des emprunts faits à des pays voisins. C’est donc dans « l’intérêt même de notre culture française » que les rencontres avec les étrangers doivent se multiplier.
Par ailleurs, d’après Bouglé, les contacts entre la France et l’Allemagne sont encore plus importants pendant cette période rendue particulièrement tendue par les intérêts conflictuels des deux pays au Maroc. De tels « rapprochements de groupe à groupe » peuvent aider les deux peuples à résister à leur « ennemi commun » qu’est l’ambition coloniale, à savoir « l’esprit impérialiste ». A travers son voyage, Andler n’a fait que poursuivre, « à travers la réalité concrète, l’œuvre de transmission scientifique à laquelle il s’est voué ». En bref, il a ainsi rempli sa mission de professeur, celle « d’intermédiaire intellectuel » entre les deux pays."
"Fait ironique, après avoir été la « bête noire » des nationalistes français en 1908, Andler deviendra, en 1912-1913, celle du Parti socialiste pour avoir déclaré publiquement sa méfiance à l’égard de la social-démocratie allemande."
"En 1912-1913, la polémique publique qu’Andler engagera avec le Parti socialiste français attestera à nouveau qu’il n’est pas homme à éviter des confrontations pénibles."
-Antoinette Blum, « Charles Andler en 1908 : un Germaniste pris entre la France et l'Allemagne », Revue germanique internationale [En ligne], 4 | 1995, mis en ligne le 05 juillet 2011, consulté le 12 novembre 2018.
"1908 est une année marquante. L’affaire Dreyfus se clôt symboliquement sur le transfert, le 4 juin, des cendres de Zola au Panthéon. Les mois qui précèdent cette suprême consécration de la victoire dreyfusarde sont idéologiquement chargés. L’Action française, qui connaît un grand essor depuis près de dix ans, a inauguré le 21 mars le premier numéro de son nouveau quotidien. La nouvelle Action française et d’autres journaux de droite, tels que La Libre Parole, La Patrie, L’Echo de Paris, ne cessent dans leurs colonnes de fustiger la panthéonisation de Zola. C’est le dernier cri des vaincus avant que le rideau ne se baisse sur la marche victorieuse des forces du « bien »."
"Juliette Adam, ancienne gambettiste de renom, également passée à l’Action française, pour qui le voyage des étudiants représente rien de moins que la « glorification de l’oubli » de 71, une « abdication coupable », une « trahison criminelle », en somme un « crime national »."
"Dans deux éditoriaux de La Dépêche de Toulouse, le sociologue et ancien dreyfusard Célestin Bouglé défend Andler contre les attaques de L’Action française. Il se place sur le même plan que les nationalistes — la défense de la culture française, de la patrie française. Contrairement à ce qu’affirment « les revenants » qui font une « cynique utilisation du patriotisme » et ont une notion surannée du nationalisme, le voyage d’Andler vise justement à défendre l’intégrité de ces valeurs nationales. La culture française n’est pas homogène, selon Bouglé, sa littérature s’est enrichie aux cours des siècles grâce à des emprunts faits à des pays voisins. C’est donc dans « l’intérêt même de notre culture française » que les rencontres avec les étrangers doivent se multiplier.
Par ailleurs, d’après Bouglé, les contacts entre la France et l’Allemagne sont encore plus importants pendant cette période rendue particulièrement tendue par les intérêts conflictuels des deux pays au Maroc. De tels « rapprochements de groupe à groupe » peuvent aider les deux peuples à résister à leur « ennemi commun » qu’est l’ambition coloniale, à savoir « l’esprit impérialiste ». A travers son voyage, Andler n’a fait que poursuivre, « à travers la réalité concrète, l’œuvre de transmission scientifique à laquelle il s’est voué ». En bref, il a ainsi rempli sa mission de professeur, celle « d’intermédiaire intellectuel » entre les deux pays."
"Fait ironique, après avoir été la « bête noire » des nationalistes français en 1908, Andler deviendra, en 1912-1913, celle du Parti socialiste pour avoir déclaré publiquement sa méfiance à l’égard de la social-démocratie allemande."
"En 1912-1913, la polémique publique qu’Andler engagera avec le Parti socialiste français attestera à nouveau qu’il n’est pas homme à éviter des confrontations pénibles."
-Antoinette Blum, « Charles Andler en 1908 : un Germaniste pris entre la France et l'Allemagne », Revue germanique internationale [En ligne], 4 | 1995, mis en ligne le 05 juillet 2011, consulté le 12 novembre 2018.