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    Victor Nguyen, Aux origines de l’Action française. Intelligence et politique à l’aube du XXe siècle

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Victor Nguyen, Aux origines de l’Action française. Intelligence et politique à l’aube du XXe siècle Empty Victor Nguyen, Aux origines de l’Action française. Intelligence et politique à l’aube du XXe siècle

    Message par Johnathan R. Razorback Ven 14 Déc - 11:42

    « Influence ou rencontre avec Nietzsche ? Sans conteste, la grande ombre du penseur foudroyé pèse sur ces années quatre-vingt-dix où Maurras consolide et étoffe sa pensée. Lorsqu’on établira, autour des années trente de ce siècle, le Dictionnaire politique et critique tiré de son œuvre, il refusera, sauf rarissime exception, tout extrait antérieur à 1893. En cela délimitait-il négativement les débuts de sa maturité. En ces débuts n’avaient pas ignoré Nietzsche, et comment l’auraient-ils pu alors qu’à défaut de traductions véritables, le nom de l’auteur commençait à circuler dans les cénacles littéraires et les petites revues ? De cette œuvre, on ne connaissait encore que des fragments, on faisait confiance à des « spécialistes », Jean Bourdeau, Teodor de Wyzema, Hugues Rebell, ces deux derniers liés avec Maurras. Bref, s’achevait la période d’un nietzschéisme sans Nietzsche, dont Romain Rolland a parlé des ses souvenirs: « Nous avons été ainsi nombre de jeunes hommes qui respirions l’atmosphère nietzschéenne, avant de savoir même que Nietzsche existât… ». De cette « promotion » qui s’était formée sans lui, et dont cependant il était le « major », Nietzsche ne fut pas toujours un révélateur de tout repos : « J’en sais même, parmi nous, qu’il a gêné, comme Suarès, qui s’est longtemps refusé à lire, par dépit de retrouver dans ses écrits ce que son propre instinct lui avait fait découvrir ». Mais au rebours paradoxal de ce raisonnement, « Nietzsche est un de ces penseurs qu’on ne fera jamais assez connaître aujourd’hui », constatait Henri Mazel, un interlocuteur [catholique] de Maurras à rebrousse-poil, dans l’Ermitage de février 1894, en s’expliquant : l’époque n’avait-elle pas besoin, à doses énergiques, d’un « principe actif » comme la « nietzschéine », « thérapeutique sociale », tour à tour redoutable et bienfaisante ? Parce que tissé de « lâcheté », notre temps l’exige ; il en serait différement, si l’ « orgueil » régnait. » (p.620-621)

    « Ce rejet de Nietzsche s’opérait pour le moins en connaissance de cause. Le 7 mars 1895, alors que s’achevait l’expérience de la Cocarde, Maurras, dressant le bilan des six mois de sa rubrique « La vie intellectuelle », constatait : « Nous avons suivi d’assez près le développement de Frédéric Nietzsche (sic) », voulant témoigner par là que le nationalisme affiché et revendiquée à son rez-de-chaussée de la Cocarde ne l’avait point empêché de prendre, au-dehors, son bien là où il le trouvait. Et par exemple, comment aurait-il ignoré, dans les colonnes mêmes de la Cocarde, la chronique de L. Bernardini sur Wagner et Frédéric Nietzsche, avec la formule de ce dernier toute faite pour le retenir, si tant est qu’il l’ignorât : « Il faut méridionaliser la musique » ? Pour preuve de l’attention maurrasienne à la réception de Nietzsche, les extraits d’un fragment de L’Antéchrist, traduit par Henri Albert, pour la revue belge la Société nouvelle, dont il jugeait que certaines « remarques d’une justesse et d’une énergie admirable » apparaissaient fâcheseument mêlées à « plus d’une bouffonnerie très inutile ». Malgré tout, il appréciait de voir la pitié, par le christianisme affublée en religion, mise en opposition avec « les affections toniques qui élèvent l’énergie du sens vital » et entravant en somme « la loi de l’évolution qui est la sélection » : « Elle contient ce qui est mûr pour la disparition, elle se défend en faveur des déshérités et des condamnés de la vie ». Et comment penser que la connaissance qu’avait de Nietzsche un autre des collaborateurs du journal, Hugues Rebell, n’ait pu, à l’occasion, être utilisée avec profit par Maurras ? Il y avait aussi Wyzema. Mais, outre les mauvais rapports personnels entre les deux hommes, son interprétation de Nietzsche, si elle insistait sur la dette de ce dernier envers la littérature française, ne faisait pas moins de son œuvre la conclusion de l’idéalisme allemand, un bréviaire de métaphysique : « …c’est l’expression la plus complète du nihilisme ou, si l’on veut, de l’anarchisme intellectuel. » En résumant : « …Wyzema n’y a rien compris. ». Maurras prenait appui sur les traductions qui commençaient à paraître et lui permettaient de constater une interprétation de la négativité de Nietzsche trop purement radicale. Il éprouva même le besoin de recopier de sa main certains textes qui lui paraissaient significatifs. » (p.648-649)

    « La fameuse question : « Faut-il méditerranéiser la culture ? », qui sous-tend Le Cas Wagner, cet « admirable petit livre », ajoute Maurras. » (p.702)
    -Victor Nguyen, Aux origines de l’Action française. Intelligence et politique à l’aube du XXe siècle, Fayard, 1991, 959 pages.



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