http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/04022705pdf-b193.pdf
"Ainsi, le Centre d’études féminines de l’Université de Provence (CEFUP) est crée en 1972, reconnu en 1976. Plusieurs revues voient le jour, en général éphémères : Questions féminines (1977), La revue d’en face (1977), Le Bulletin d’information des études féminines (1978), Pénélope, Pour l’histoire des femmes (1979), qui cesse sa parution en 1985, après treize numéros. Surtout, en 1973-1974, Mmes Michelle Perrot, Fabienne Bock et Pauline Schmidt intitulent leur séminaire « Les femmes ont-elles une histoire ? ». Les années quatre-vingt voient, comme aux États-Unis, tout à la fois le reflux de cette histoire « militante » et le désir d’une institutionnalisation. La manifestation la plus éclatante de cette mutation, en un temps somme toute relativement court, est l’important colloque « Femmes, féminisme, recherche », soutenu par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui se tient à Toulouse en 1982. Ce très grand colloque (144 communications, 800 participantes) atteste la vigueur d’un champ en formation. Dans la foulée, Mme Yvette Roudy obtient la création de trois postes à l’Université spécialisés dans l’histoire des femmes. C’est une première. Cela peut paraître peu, mais c’est davantage qu’aujourd’hui. Dans ce domaine, comme dans d’autres touchant aux femmes, rien n’est jamais acquis et chaque progrès peut être remis en cause. Davantage que l’Université, très liée en France à l’enseignement secondaire, avec notamment la lourde charge que constitue la préparation des concours de recrutement (CAPES, Agrégations), le CNRS jouit d’une grande marge de liberté, en pouvant notamment lancer des actions thématiques programmées qui assure le financement de projets." (p.7)
"Ainsi, en 1983, une action programmée: « recherches féministes et recherche sur les femmes » est lancée, qui finance 68 programmes. Cette action marque en quelque sorte la normalisation des recherches sur le féminisme, leur institutionnalisation, alors que les grands combats qui l’ont mobilisé - pour l’essentiel celui sur la liberté de la contraception et la légalisation de l’avortement - ont été victorieux. Les travaux obéissent désormais aux normes académiques, même si l’horizon, pour les chercheuses de cette génération, reste toujours un horizon militant. À la fin des années quatre-vingt, l’État se désengage au moment où, dans d’autres pays européens, les initiatives se multiplient. Il n’existe aujourd’hui en France que deux chaires consacrées à l’histoire des femmes, même si, ça et là, des enseignant(es) chercheur(e)s - Françoise Thébaut, professeure des Universités, par exemple - ont soutenu une thèse et une habilitation à diriger des recherches consacrées à l’histoire des femmes et enseignent, parmi leurs autres cours, l’histoire des femmes ou du genre. Cette faiblesse de la place de l’histoire des femmes dans les institutions de recherche et d’enseignement supérieur contraste avec la vitalité toujours croissante de la recherche. En 1997 naît Clio, Histoire, femmes et sociétés, première revue universitaire consacrée à l’histoire des femmes.
En 2000, est créée une société internationale d’étude des femmes sous l’ancien régime. La même année est aussi créée « Mnémosyne : Association pour le développement de l’histoire des femmes et du genre » qui, en octobre 2003, a remis son premier prix en histoire des femmes à une étudiante de l’Université de Paris I, auteure d’une biographie intellectuelle d’Andrée Viollis, journaliste et grand reporter. Les premiers manuels à l’usage de l’enseignement supérieur paraissent : celui de M. Yannick Ripa, Les femmes actrices de l’histoire de France, 1789-1945 (SEDES, 1999)11 et celui de Mme Christine Bard, Les femmes dans la société française au XXe siècle (Colin, 2001)12. Les numéros spéciaux de revue se multiplient : « Les femmes et la guerre » (Guerres mondiales et conflits contemporains, juin 2000)13 ; « Sexualité et domination » (Cahiers d’histoire, 2001)14 ; « Féminin et masculin » (Mouvement social, janvier 2002)15 ; « Histoire des femmes, histoire des genres » (Vingtième siècle, automne 2002)..." (p.8 )
"Or, le résultat de ces travaux de haute qualité ne trouve pratiquement pas de traduction dans l’enseignement supérieur. La quasi totalité des étudiant(e)s d’histoire suivent un cursus dans lequel l’histoire des femmes ou l’histoire du genre n’est jamais évoqué. Ces étudiant(e)s deviendront pourtant, pour une partie d’entre eux, des enseignant(e)s. Parmi les raisons qui expliquent la difficile entrée de l’histoire des femmes et du genre dans l’enseignement supérieur, peut-il, faut-il insister sur l’image négative qui lui est parfois associée, et qui tient partiellement aux conditions de son émergence ? L’histoire des femmes et du genre est parfois confondue avec le féminisme radical qui a contribué à son émergence, et dont elle s’est pourtant très largement détachée pour devenir un champ de recherche autonome et pertinent en lui-même. Pour certains et certaines, faire l’histoire des femmes et l’enseigner serait synonyme, nous y avons déjà fait allusion, de « communautarisme », mot connoté péjorativement dans notre pays. C’est oublier que les sociétés, les « communautés » parfois revendiquées, sont toutes, sans exception aucune, composées d’hommes et de femmes, que les rapports hommes/femmes traversent toutes les sociétés et toutes les époques, et qu’une histoire sans les femmes n’est que l’histoire de la moitié de l’humanité." (p.9)
"Pour les historien(ne)s, y compris ceux des Annales, à quelques exceptions près (Georges Duby notamment) les femmes étaient invisibles."(p.13)
"En revanche, malgré une forte présence dans l’espace public des questions liées à l’égalité des droits et des chances, malgré un dynamisme certain de la recherche en histoire des femmes, dont témoigne un grand nombre de publications, les évolutions restent beaucoup plus mesurées en ce qui concerne la place des femmes dans les manuels : Mme Michelle Perrot constate ainsi justement « l’extrême faiblesse de la place des femmes dans une histoire qui est énoncée au masculin ». Dans son ouvrage paru en 1999, Mme Denise Guillaume, inspectrice honoraire de l’Education nationale, montre que cette absence des femmes de l’histoire enseignée est manifeste dès la fondation de l’école républicaine de Jules Ferry. Pour poser ce constat, elle s’appuie notamment sur l’ouvrage LeTour de la France par deux enfants, qui a façonné les mentalités de générations d’écoliers depuis sa parution, en 1877. (Pierre Nora a fait de ce « petit livre rouge de la République », sous la plume de Jacques et Mona Ozouf, un des lieux de mémoire de la République).Or, si l’auteurest une femme, comme on le saura en 1910, Augustine Fouillée, qui écrit sous le pseudonyme de G. Bruno, les femmes sont absentes d’un ouvrage qui s’est vendu à plus de 6 millions d’exemplaires de 1877 à 1901. Ce qui montre bien que le genre de l’histoire ne dépend pas fondamentalement de celui de l’historien(ne) qui l’écrit. André et Julien, les deux orphelins lorrains qui, à l’automne 1871, après l’annexion, franchissent clandestinement la frontière, rencontrent, dans leur tour de l’Hexagone, les statues des grands hommes érigées dans chaque ville de France. Aucune femme, si ce n’est Jeanne d’Arc, - « écrit Darc, sans apostrophe, pour rendre plus roturier le nom de Jeanne », (comme le constate Mme Michelle Perrot), définie comme « une noble fille du peuple de France » - et la mère aubergiste chez qui les enfants, quand ils sont fatigués, viennent se reposer. Ce livre a fait l’objet d’études approfondies, notamment par Daniel Halévy qui en recensa, en 1937, les silences. Mais celui sur les femmes ne figure pas parmi eux. L’histoire française enseignée affectionne les « grands hommes », dont on retrouve quelques galeries de portraits dans certains manuels que nous évoquerons plus loin. En cela, elle reflète aussi un intérêt des chercheur(e)s et du public. Après une éclipse, la biographie est (re)devenue un genre à la mode. Il conviendrait de se demander, si l’on souhaite conserver, pour l’enseignement, ce cadre conceptuel de grandes figures qui ont modelé l’histoire, ce que serait une « grande femme ». Dans son ouvrage, et pour la période actuelle, Mme Denise Guillaume remarque que les noms de femmes sont d’une extrême rareté dans les manuels du primaire, à l’exception permanente de Jeanne d’Arc, dont la représentation (bien des études ont été écrites sur ce thème) est erratique, avec toutefois, permanents, les traits qui caractérisent son identité féminine : elle n’a pu être grande qu’en étant pucelle ; elle s’efface devant sa mission, le service du roi et de la patrie ; elle ne recherche pour elle-même aucun pouvoir ; elle est victime. « Elle réconcilie en sa personne le service de la France et l’identité féminine » écrit Mme Michelle Perrot. L’exception est ainsi coulée dans le moule d’un éternel modèle féminin." (p.16-17)
"Michelet, par exemple, voit en Catherine de Médicis (1519-1589) le symbole du « pôle noir » de la féminité : la femme politique. Le pôle blanc est la maternité. Jamais, pourtant, n’est évoquéela loi salique, qui interdit aux femmes d’accéder de plein droit à l’exercice du pouvoir royal. Auparavant, sous les Mérovingiens, par exemple (481-750), certaines reines, à l’image de Clotilde, femme de Clovis, ou de Brunehaut, avaient pourtant de vrais pouvoirs, et cela ne nuit pas pour autant à leur image ; La reine n’est désormais plus que la femme ou la mère du roi. Cette oblitération de la loi salique et de ses conséquences est regrettable pour l’image des femmes." (p.17)
"L’unification relative du royaume de France, à partir de la fin du Moyen-Âge, favorise la recherche d’unions avec des princesses étrangères. De ce fait, la figure de la femme dans l’histoire apparaît sous le double signe négatif de la Régente (qui n’est donc pas le souverain légitime) et de l’étrangère." (p.18)
"En ce qui concerne l’enseignement secondaire, Mme Catherine Marand-Fouquet s’est notamment penchée sur la représentation dépréciée des femmes lors de la Révolution française. La frivolité de Marie-Antoinette est, pour les révolutionnaires, une justification supplémentaire pour exclure les femmes du droit de vote. Charlotte Corday est violente et présentée sur arrière plan de «tricoteuses », archétypes des mégères. Quant à Joséphine de Beauharnais, Bonaparte la répudie ; elle est, comme Marie-Antoinette, non seulement frivole, mais surtout stérile. Olympe de Gouges, auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, texte connu du féminisme du monde entier, et qui, déplorant que les femmes ne soient pas considérées comme de véritables citoyens, déclarait en septembre 1793 : « la femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune », n’est évoquée que dans un seul manuel récent." (p.18)
-Quelle place pour les femmes dans l'Histoire enseignée ? Etude du Conseil économique et social présentée par Mme Annette Wieviorka au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre hommes et femmes, 2004.
"Ainsi, le Centre d’études féminines de l’Université de Provence (CEFUP) est crée en 1972, reconnu en 1976. Plusieurs revues voient le jour, en général éphémères : Questions féminines (1977), La revue d’en face (1977), Le Bulletin d’information des études féminines (1978), Pénélope, Pour l’histoire des femmes (1979), qui cesse sa parution en 1985, après treize numéros. Surtout, en 1973-1974, Mmes Michelle Perrot, Fabienne Bock et Pauline Schmidt intitulent leur séminaire « Les femmes ont-elles une histoire ? ». Les années quatre-vingt voient, comme aux États-Unis, tout à la fois le reflux de cette histoire « militante » et le désir d’une institutionnalisation. La manifestation la plus éclatante de cette mutation, en un temps somme toute relativement court, est l’important colloque « Femmes, féminisme, recherche », soutenu par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui se tient à Toulouse en 1982. Ce très grand colloque (144 communications, 800 participantes) atteste la vigueur d’un champ en formation. Dans la foulée, Mme Yvette Roudy obtient la création de trois postes à l’Université spécialisés dans l’histoire des femmes. C’est une première. Cela peut paraître peu, mais c’est davantage qu’aujourd’hui. Dans ce domaine, comme dans d’autres touchant aux femmes, rien n’est jamais acquis et chaque progrès peut être remis en cause. Davantage que l’Université, très liée en France à l’enseignement secondaire, avec notamment la lourde charge que constitue la préparation des concours de recrutement (CAPES, Agrégations), le CNRS jouit d’une grande marge de liberté, en pouvant notamment lancer des actions thématiques programmées qui assure le financement de projets." (p.7)
"Ainsi, en 1983, une action programmée: « recherches féministes et recherche sur les femmes » est lancée, qui finance 68 programmes. Cette action marque en quelque sorte la normalisation des recherches sur le féminisme, leur institutionnalisation, alors que les grands combats qui l’ont mobilisé - pour l’essentiel celui sur la liberté de la contraception et la légalisation de l’avortement - ont été victorieux. Les travaux obéissent désormais aux normes académiques, même si l’horizon, pour les chercheuses de cette génération, reste toujours un horizon militant. À la fin des années quatre-vingt, l’État se désengage au moment où, dans d’autres pays européens, les initiatives se multiplient. Il n’existe aujourd’hui en France que deux chaires consacrées à l’histoire des femmes, même si, ça et là, des enseignant(es) chercheur(e)s - Françoise Thébaut, professeure des Universités, par exemple - ont soutenu une thèse et une habilitation à diriger des recherches consacrées à l’histoire des femmes et enseignent, parmi leurs autres cours, l’histoire des femmes ou du genre. Cette faiblesse de la place de l’histoire des femmes dans les institutions de recherche et d’enseignement supérieur contraste avec la vitalité toujours croissante de la recherche. En 1997 naît Clio, Histoire, femmes et sociétés, première revue universitaire consacrée à l’histoire des femmes.
En 2000, est créée une société internationale d’étude des femmes sous l’ancien régime. La même année est aussi créée « Mnémosyne : Association pour le développement de l’histoire des femmes et du genre » qui, en octobre 2003, a remis son premier prix en histoire des femmes à une étudiante de l’Université de Paris I, auteure d’une biographie intellectuelle d’Andrée Viollis, journaliste et grand reporter. Les premiers manuels à l’usage de l’enseignement supérieur paraissent : celui de M. Yannick Ripa, Les femmes actrices de l’histoire de France, 1789-1945 (SEDES, 1999)11 et celui de Mme Christine Bard, Les femmes dans la société française au XXe siècle (Colin, 2001)12. Les numéros spéciaux de revue se multiplient : « Les femmes et la guerre » (Guerres mondiales et conflits contemporains, juin 2000)13 ; « Sexualité et domination » (Cahiers d’histoire, 2001)14 ; « Féminin et masculin » (Mouvement social, janvier 2002)15 ; « Histoire des femmes, histoire des genres » (Vingtième siècle, automne 2002)..." (p.8 )
"Or, le résultat de ces travaux de haute qualité ne trouve pratiquement pas de traduction dans l’enseignement supérieur. La quasi totalité des étudiant(e)s d’histoire suivent un cursus dans lequel l’histoire des femmes ou l’histoire du genre n’est jamais évoqué. Ces étudiant(e)s deviendront pourtant, pour une partie d’entre eux, des enseignant(e)s. Parmi les raisons qui expliquent la difficile entrée de l’histoire des femmes et du genre dans l’enseignement supérieur, peut-il, faut-il insister sur l’image négative qui lui est parfois associée, et qui tient partiellement aux conditions de son émergence ? L’histoire des femmes et du genre est parfois confondue avec le féminisme radical qui a contribué à son émergence, et dont elle s’est pourtant très largement détachée pour devenir un champ de recherche autonome et pertinent en lui-même. Pour certains et certaines, faire l’histoire des femmes et l’enseigner serait synonyme, nous y avons déjà fait allusion, de « communautarisme », mot connoté péjorativement dans notre pays. C’est oublier que les sociétés, les « communautés » parfois revendiquées, sont toutes, sans exception aucune, composées d’hommes et de femmes, que les rapports hommes/femmes traversent toutes les sociétés et toutes les époques, et qu’une histoire sans les femmes n’est que l’histoire de la moitié de l’humanité." (p.9)
"Pour les historien(ne)s, y compris ceux des Annales, à quelques exceptions près (Georges Duby notamment) les femmes étaient invisibles."(p.13)
"En revanche, malgré une forte présence dans l’espace public des questions liées à l’égalité des droits et des chances, malgré un dynamisme certain de la recherche en histoire des femmes, dont témoigne un grand nombre de publications, les évolutions restent beaucoup plus mesurées en ce qui concerne la place des femmes dans les manuels : Mme Michelle Perrot constate ainsi justement « l’extrême faiblesse de la place des femmes dans une histoire qui est énoncée au masculin ». Dans son ouvrage paru en 1999, Mme Denise Guillaume, inspectrice honoraire de l’Education nationale, montre que cette absence des femmes de l’histoire enseignée est manifeste dès la fondation de l’école républicaine de Jules Ferry. Pour poser ce constat, elle s’appuie notamment sur l’ouvrage LeTour de la France par deux enfants, qui a façonné les mentalités de générations d’écoliers depuis sa parution, en 1877. (Pierre Nora a fait de ce « petit livre rouge de la République », sous la plume de Jacques et Mona Ozouf, un des lieux de mémoire de la République).Or, si l’auteurest une femme, comme on le saura en 1910, Augustine Fouillée, qui écrit sous le pseudonyme de G. Bruno, les femmes sont absentes d’un ouvrage qui s’est vendu à plus de 6 millions d’exemplaires de 1877 à 1901. Ce qui montre bien que le genre de l’histoire ne dépend pas fondamentalement de celui de l’historien(ne) qui l’écrit. André et Julien, les deux orphelins lorrains qui, à l’automne 1871, après l’annexion, franchissent clandestinement la frontière, rencontrent, dans leur tour de l’Hexagone, les statues des grands hommes érigées dans chaque ville de France. Aucune femme, si ce n’est Jeanne d’Arc, - « écrit Darc, sans apostrophe, pour rendre plus roturier le nom de Jeanne », (comme le constate Mme Michelle Perrot), définie comme « une noble fille du peuple de France » - et la mère aubergiste chez qui les enfants, quand ils sont fatigués, viennent se reposer. Ce livre a fait l’objet d’études approfondies, notamment par Daniel Halévy qui en recensa, en 1937, les silences. Mais celui sur les femmes ne figure pas parmi eux. L’histoire française enseignée affectionne les « grands hommes », dont on retrouve quelques galeries de portraits dans certains manuels que nous évoquerons plus loin. En cela, elle reflète aussi un intérêt des chercheur(e)s et du public. Après une éclipse, la biographie est (re)devenue un genre à la mode. Il conviendrait de se demander, si l’on souhaite conserver, pour l’enseignement, ce cadre conceptuel de grandes figures qui ont modelé l’histoire, ce que serait une « grande femme ». Dans son ouvrage, et pour la période actuelle, Mme Denise Guillaume remarque que les noms de femmes sont d’une extrême rareté dans les manuels du primaire, à l’exception permanente de Jeanne d’Arc, dont la représentation (bien des études ont été écrites sur ce thème) est erratique, avec toutefois, permanents, les traits qui caractérisent son identité féminine : elle n’a pu être grande qu’en étant pucelle ; elle s’efface devant sa mission, le service du roi et de la patrie ; elle ne recherche pour elle-même aucun pouvoir ; elle est victime. « Elle réconcilie en sa personne le service de la France et l’identité féminine » écrit Mme Michelle Perrot. L’exception est ainsi coulée dans le moule d’un éternel modèle féminin." (p.16-17)
"Michelet, par exemple, voit en Catherine de Médicis (1519-1589) le symbole du « pôle noir » de la féminité : la femme politique. Le pôle blanc est la maternité. Jamais, pourtant, n’est évoquéela loi salique, qui interdit aux femmes d’accéder de plein droit à l’exercice du pouvoir royal. Auparavant, sous les Mérovingiens, par exemple (481-750), certaines reines, à l’image de Clotilde, femme de Clovis, ou de Brunehaut, avaient pourtant de vrais pouvoirs, et cela ne nuit pas pour autant à leur image ; La reine n’est désormais plus que la femme ou la mère du roi. Cette oblitération de la loi salique et de ses conséquences est regrettable pour l’image des femmes." (p.17)
"L’unification relative du royaume de France, à partir de la fin du Moyen-Âge, favorise la recherche d’unions avec des princesses étrangères. De ce fait, la figure de la femme dans l’histoire apparaît sous le double signe négatif de la Régente (qui n’est donc pas le souverain légitime) et de l’étrangère." (p.18)
"En ce qui concerne l’enseignement secondaire, Mme Catherine Marand-Fouquet s’est notamment penchée sur la représentation dépréciée des femmes lors de la Révolution française. La frivolité de Marie-Antoinette est, pour les révolutionnaires, une justification supplémentaire pour exclure les femmes du droit de vote. Charlotte Corday est violente et présentée sur arrière plan de «tricoteuses », archétypes des mégères. Quant à Joséphine de Beauharnais, Bonaparte la répudie ; elle est, comme Marie-Antoinette, non seulement frivole, mais surtout stérile. Olympe de Gouges, auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, texte connu du féminisme du monde entier, et qui, déplorant que les femmes ne soient pas considérées comme de véritables citoyens, déclarait en septembre 1793 : « la femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune », n’est évoquée que dans un seul manuel récent." (p.18)
-Quelle place pour les femmes dans l'Histoire enseignée ? Etude du Conseil économique et social présentée par Mme Annette Wieviorka au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre hommes et femmes, 2004.