https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1995_num_153_1_450767
"Les nouveaux systèmes de pouvoir et l'essor économique entraînent au cours de la période suivante une série de changements fondamentaux qui, dès le XIIIe siècle, privent les clercs et les églises de leur suprématie en matière de production et de conservation des sources textuelles: il s'agit de l'explosion quantitative de la production scripturaire, de la multiplication des typologies documentaires, de la prolifération des institutions et agents capables de produire et de conserver des écrits de toute nature." (p.179)
"Seuls trois types d'établissements ecclésiastiques sont en mesure, jusqu'au XIe siècle, d'assurer la tradition des actes de la pratique: les églises cathédrales, les chapitres cathédraux, les monastères. Non pas tous, bien sûr, puisque seuls quelques-uns de ceux de ceux qui comptèrent parmi les plus riches et les plus prestigieux de leur époque ont réussi à nous transmettre une partie de leurs archives. [...] Masse des actes documentaires produits à la même époque : il s'agit pour l'essentiel d'actes notariés rédigés par un personnel spécialisé qui intervient pour sanctionner des droits en rapport avec la propriété et la gestion de biens fonciers." (p.179)
"C'est bien entendu le régime communal [et non les fiefs] [...] à qui [...] l'on doit l'essentiel des changements, quantitatifs et qualitatifs, qui déterminent la nouvelle physionomie de la documentation publique." (p.182)
"Le régime podestatal innove doublement. D'une part il encourage les notaires communaux à élaborer de nouveaux modèles documentaires, comme peuvent l'être les premiers recueils de normes statutaires ou les premiers documents de nature fiscale. D'autre part il s'efforce d'assurer une meilleure conservation de la documentation communale, qui se traduit entre autres par la rédaction des plus anciens cartulaires communaux. [...] éveil d'une véritable conscience archivistique de la part des pouvoirs publics." (p.183)
"Au milieu du XIIIe siècle [...] tout acte de l'administration communale, la moindre de ses décisions, la plus petite de ses dépenses ou la plus banale des procédures judiciaires fera l'objet d'une écriture dans l'un ou l'autre des registres tenus à cet effet par les notaires affectés à chaque office et à chaque bureau de la commune." (p.184)
-Jean-Claude Maire-Vigueur, "Révolution documentaire et révolution scripturaire : le cas de l’Italie médiévale", Bibliothèque de l'École des chartes, Année 1995, 153-1, pp. 177-185.
https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1977_act_31_1_2243
"Il est rare qu'un notaire rédigé plus d'un acte par jour. C'est une opération plus absorbante qu'il ne semblerait quand on considère les quelques lignes qui en sont souvent le résultat. C'est aussi une opération qui en elle-même, et pas seulement en fonction de la nature du négoce juridique qu'elle sanctionne, est chargée de fortes connotations sociales: les lieux et les témoins consignés dans l'acte sont, par exemple, des données qu'il est impossible de négliger." (p.135)
"Les petites gens se marient sans passer devant le notaire ; sauf exceptions très rares, les notaires instrumentent pour des couples dont la femme apporte une dot d'au moins 100 florins, que le mari est capable de garantir sur des maisons et des vignes. Les testaments sont plus nombreux que les contrats de mariage ; un grand nombre de commerçants, par exemple, règlent ainsi leur succession, même parmi les petits boutiquiers ; en revanche, il est très rare qu'un artisan, un laboureur ou une servante dicte ses dernières volontés devant notaire. Les actes notariés déforment donc notre perception de la société en éclairant infiniment mieux les classes aisées que les classes inférieures." (p.135)
"Mais ils risquent aussi de fausser notre perception des activités économiques. Quelles sont en effet les affaires traitées devant notaire ? Dans l'ordre décroissant, on trouve: les opérations de crédit et les transactions touchant des biens immeubles, même de taille très modeste ; puis les locations de biens immeubles, en particulier quand ils sont importants ; exceptionnellement les transactions touchant les biens meubles, plus rarement encore l'embauche des travailleurs, à moins que l'embauché apporte, en plus de sa force de travail, des instruments ou un petit capital d'exploitation (un attelage pour un laboureur, des bêtes de somme pour un convoyeur, etc.). C'est dire que le commerce et les activités artisanales ressortent mal de la lecture des actes notariés." (p.136)
-Jean-Claude Maire-Vigueur, "Les minutiers notariaux. Problèmes d'exploitation", Publications de l'École Française de Rome, Année 1977 31, pp. 133-137.
https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1984_act_82_1_2832
"Luttes qui oppose alors, dans la commune de Viterbe comme dans toutes les communes de l'Italie centrale à cette époque, deux catégories de la population citadine, les milites et les pedites." (p.480)
"En matière judiciaire, c'est une sorte de droit d'appel qui est reconnu au capitaine ; avec les droits et biens communaux, en revanche, c'est tout un immense secteur des prérogatives communales qui passe sous la responsabilité directe du capitaine même si le podestat reste chargé de la gestion courante du contado et des propriétés collectives." (pp.482-483)
"Nous avons conserver pour Viterbe des statuts contemporains des épisodes les plus vifs de la lutte entre les deux camps: soit une version partielle des statuts de 1237-38 et une autre, complète, des statuts de 1251-52. De l'un à l'autre texte, on suit aisément la progression du Popolo et sa présence grandissante dans les organes de gouvernement [...] Les mêmes statuts font ressortir d'une manière flagrante que les terrains sur lesquels les deux forces politiques se sont affrontées correspondent aux domaines dans lesquels le pouvoir communal a fait, sous la pressions des revendications "populaires", ses premières expériences étatiques, les domaines je veux dire dans lesquels est apparu un nouveau mode de gestion, caractérisé par un embryon de centralisation et de bureaucratisation et, plus fondamentalement encore, par l'émergence de la notion d'intérêt public [...] Le Popolo se montre [...] incapable, tout au long du XIIIe siècle [...] d'innover d'une manière radicale [dans le domaine de la justice] ; sans doute élabore-t-il des normes de plus en plus précises visant à réprimer les usages et comportements caractéristiques du style de vie aristocratique et guerrier des milites mais les tribunaux dont il obtient la création viennent se juxtaposer à l'appareil ancien, dont ils corrigent tout au plus certain abus sans aboutir à une profonde reformatio du système judiciaire ; échec qui se mesure du reste à l'hostilité longtemps nourrie par la catégorie socio-professionnelle des juges à l'égard des régimes populaires. C'est certainement dans le domaine de la fiscalité et de la gestion des biens communaux que les victoires politiques du Popolo débouchent le plus vite sur des structures nouvelles, accompagnées de pratiques radicalement neuves, telles que l'administration centralisée des biens communaux, l'inventaire systématique des patrimoines, la prise en charge par la collectivité de l'indemnisation des milites, etc." (pp.483-484)
"L'étude de l'idéologie ne peut se dispenser d'un détour par la pratique qui consiste [...] à recherche les rapports qu'entretiennent la lutte politique et l'ensemble des représentations et des énoncés que la formation sociale considérée est alors capable de formuler et d'élaborer. Je crois en effet avec beaucoup d'autres que l'idéologie n'est pas qu'un tissu d'opinions et de représentations plus ou moins consciemment formulées ; elle comporte aussi une part d'implicite et de non-dit d'autant plus essentielle qu'elle constitue en fait l'amarture invisible de l'ensemble des représentations et dont il convient de rechercher les traces ou l'expression dans la pratique."
-Jean-Claude Maire Vigueur, "Représentation et expression des pouvoirs dans les communes d'Italie centrale (XIIIe-XIVe siècles)", Publications de l'École Française de Rome, Année 1985, 82, pp. 479-489.
https://www.persee.fr/doc/efr_0223-5099_1995_ant_204_1_5563
https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1986_num_130_2_14380
"Les nouveaux systèmes de pouvoir et l'essor économique entraînent au cours de la période suivante une série de changements fondamentaux qui, dès le XIIIe siècle, privent les clercs et les églises de leur suprématie en matière de production et de conservation des sources textuelles: il s'agit de l'explosion quantitative de la production scripturaire, de la multiplication des typologies documentaires, de la prolifération des institutions et agents capables de produire et de conserver des écrits de toute nature." (p.179)
"Seuls trois types d'établissements ecclésiastiques sont en mesure, jusqu'au XIe siècle, d'assurer la tradition des actes de la pratique: les églises cathédrales, les chapitres cathédraux, les monastères. Non pas tous, bien sûr, puisque seuls quelques-uns de ceux de ceux qui comptèrent parmi les plus riches et les plus prestigieux de leur époque ont réussi à nous transmettre une partie de leurs archives. [...] Masse des actes documentaires produits à la même époque : il s'agit pour l'essentiel d'actes notariés rédigés par un personnel spécialisé qui intervient pour sanctionner des droits en rapport avec la propriété et la gestion de biens fonciers." (p.179)
"C'est bien entendu le régime communal [et non les fiefs] [...] à qui [...] l'on doit l'essentiel des changements, quantitatifs et qualitatifs, qui déterminent la nouvelle physionomie de la documentation publique." (p.182)
"Le régime podestatal innove doublement. D'une part il encourage les notaires communaux à élaborer de nouveaux modèles documentaires, comme peuvent l'être les premiers recueils de normes statutaires ou les premiers documents de nature fiscale. D'autre part il s'efforce d'assurer une meilleure conservation de la documentation communale, qui se traduit entre autres par la rédaction des plus anciens cartulaires communaux. [...] éveil d'une véritable conscience archivistique de la part des pouvoirs publics." (p.183)
"Au milieu du XIIIe siècle [...] tout acte de l'administration communale, la moindre de ses décisions, la plus petite de ses dépenses ou la plus banale des procédures judiciaires fera l'objet d'une écriture dans l'un ou l'autre des registres tenus à cet effet par les notaires affectés à chaque office et à chaque bureau de la commune." (p.184)
-Jean-Claude Maire-Vigueur, "Révolution documentaire et révolution scripturaire : le cas de l’Italie médiévale", Bibliothèque de l'École des chartes, Année 1995, 153-1, pp. 177-185.
https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1977_act_31_1_2243
"Il est rare qu'un notaire rédigé plus d'un acte par jour. C'est une opération plus absorbante qu'il ne semblerait quand on considère les quelques lignes qui en sont souvent le résultat. C'est aussi une opération qui en elle-même, et pas seulement en fonction de la nature du négoce juridique qu'elle sanctionne, est chargée de fortes connotations sociales: les lieux et les témoins consignés dans l'acte sont, par exemple, des données qu'il est impossible de négliger." (p.135)
"Les petites gens se marient sans passer devant le notaire ; sauf exceptions très rares, les notaires instrumentent pour des couples dont la femme apporte une dot d'au moins 100 florins, que le mari est capable de garantir sur des maisons et des vignes. Les testaments sont plus nombreux que les contrats de mariage ; un grand nombre de commerçants, par exemple, règlent ainsi leur succession, même parmi les petits boutiquiers ; en revanche, il est très rare qu'un artisan, un laboureur ou une servante dicte ses dernières volontés devant notaire. Les actes notariés déforment donc notre perception de la société en éclairant infiniment mieux les classes aisées que les classes inférieures." (p.135)
"Mais ils risquent aussi de fausser notre perception des activités économiques. Quelles sont en effet les affaires traitées devant notaire ? Dans l'ordre décroissant, on trouve: les opérations de crédit et les transactions touchant des biens immeubles, même de taille très modeste ; puis les locations de biens immeubles, en particulier quand ils sont importants ; exceptionnellement les transactions touchant les biens meubles, plus rarement encore l'embauche des travailleurs, à moins que l'embauché apporte, en plus de sa force de travail, des instruments ou un petit capital d'exploitation (un attelage pour un laboureur, des bêtes de somme pour un convoyeur, etc.). C'est dire que le commerce et les activités artisanales ressortent mal de la lecture des actes notariés." (p.136)
-Jean-Claude Maire-Vigueur, "Les minutiers notariaux. Problèmes d'exploitation", Publications de l'École Française de Rome, Année 1977 31, pp. 133-137.
https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1984_act_82_1_2832
"Luttes qui oppose alors, dans la commune de Viterbe comme dans toutes les communes de l'Italie centrale à cette époque, deux catégories de la population citadine, les milites et les pedites." (p.480)
"En matière judiciaire, c'est une sorte de droit d'appel qui est reconnu au capitaine ; avec les droits et biens communaux, en revanche, c'est tout un immense secteur des prérogatives communales qui passe sous la responsabilité directe du capitaine même si le podestat reste chargé de la gestion courante du contado et des propriétés collectives." (pp.482-483)
"Nous avons conserver pour Viterbe des statuts contemporains des épisodes les plus vifs de la lutte entre les deux camps: soit une version partielle des statuts de 1237-38 et une autre, complète, des statuts de 1251-52. De l'un à l'autre texte, on suit aisément la progression du Popolo et sa présence grandissante dans les organes de gouvernement [...] Les mêmes statuts font ressortir d'une manière flagrante que les terrains sur lesquels les deux forces politiques se sont affrontées correspondent aux domaines dans lesquels le pouvoir communal a fait, sous la pressions des revendications "populaires", ses premières expériences étatiques, les domaines je veux dire dans lesquels est apparu un nouveau mode de gestion, caractérisé par un embryon de centralisation et de bureaucratisation et, plus fondamentalement encore, par l'émergence de la notion d'intérêt public [...] Le Popolo se montre [...] incapable, tout au long du XIIIe siècle [...] d'innover d'une manière radicale [dans le domaine de la justice] ; sans doute élabore-t-il des normes de plus en plus précises visant à réprimer les usages et comportements caractéristiques du style de vie aristocratique et guerrier des milites mais les tribunaux dont il obtient la création viennent se juxtaposer à l'appareil ancien, dont ils corrigent tout au plus certain abus sans aboutir à une profonde reformatio du système judiciaire ; échec qui se mesure du reste à l'hostilité longtemps nourrie par la catégorie socio-professionnelle des juges à l'égard des régimes populaires. C'est certainement dans le domaine de la fiscalité et de la gestion des biens communaux que les victoires politiques du Popolo débouchent le plus vite sur des structures nouvelles, accompagnées de pratiques radicalement neuves, telles que l'administration centralisée des biens communaux, l'inventaire systématique des patrimoines, la prise en charge par la collectivité de l'indemnisation des milites, etc." (pp.483-484)
"L'étude de l'idéologie ne peut se dispenser d'un détour par la pratique qui consiste [...] à recherche les rapports qu'entretiennent la lutte politique et l'ensemble des représentations et des énoncés que la formation sociale considérée est alors capable de formuler et d'élaborer. Je crois en effet avec beaucoup d'autres que l'idéologie n'est pas qu'un tissu d'opinions et de représentations plus ou moins consciemment formulées ; elle comporte aussi une part d'implicite et de non-dit d'autant plus essentielle qu'elle constitue en fait l'amarture invisible de l'ensemble des représentations et dont il convient de rechercher les traces ou l'expression dans la pratique."
-Jean-Claude Maire Vigueur, "Représentation et expression des pouvoirs dans les communes d'Italie centrale (XIIIe-XIVe siècles)", Publications de l'École Française de Rome, Année 1985, 82, pp. 479-489.
https://www.persee.fr/doc/efr_0223-5099_1995_ant_204_1_5563
https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1986_num_130_2_14380