http://books.google.fr/books?id=aPyS4kPx6poC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
"L'invention de l'état de nature dans sa version anthropologique apparaît comme la condition préalable au déploiement d'une pensée de l'individualité politique et de la construction de "l'idéal-type" (pour reprendre le concept du sociologue Max Weber) que représente la nature humaine qui se dit comme liberté. Etre dans l'état de nature, c'est pour l'homme être confronté à sa propre individualité par différence à la totalité naturelle. La consécration de cette individualité s'effectue dans l'auto-affirmation du vouloir que suppose la loi." (p.9)
"Suàrez va à l'encontre de la thèse défendue par Gilles de Rome dans son ouvrage Sur le pouvoir de l'Église, selon laquelle le pouvoir royal n'est qu'un instrument de la volonté divine, l'ordre politique ne manifestant qu'un ordre inférieur soumis à l'ordre de l'univers régi par Dieu. Tout pouvoir vient par conséquent de Dieu, et le Souverain Pontife représente le seul pouvoir légitime et peut par là même faire l'économie de la cause seconde que constitue le pouvoir royal.
Suàrez s'écarte de la théologie politique pontificale proposée par Gilles de Rome tout en prenant ses distances par rapport à l'héritage de Marsile de Padoue dans Le défenseur de la paix. Pour ce dernier, la finalité de toute communauté civile réside dans la paix et la tranquillité. La fonction de toute communauté politique est de permettre à l'homme d'atteindre le bonheur ici-bas et la félicité dans l'au-delà. Pour ce faire, le Prince exerce un pouvoir souverain qui n'épargne pas l'Eglise, cette dernière ne constituant qu'une partie de la communauté. Même si l'on doit reconnaître que le pouvoir du Prince est aussi d'origine divine, il n'en demeure pas moins que lui seul a la charge de faire observer les lois. Par conséquent, on ne peut pour Marsile de Padoue attribuer à l'Eglise un quelconque pouvoir juridictionnel puisque tout pouvoir législatif est séculier.
Suàrez, dans l'esprit de la Contre-Réforme et à la suite de Vitoria, défend la thèse du pouvoir pontifical indirect selon laquelle le pape est en mesure d'exercer indirectement son autorité sur les princes afin d'accomplir les fins spirituelles de l'Eglise ; le pouvoir spirituel peut par conséquent devenir momentanément temporel (la possibilité d'une punition temporelle ou d'une dépossession du royaume) et préserve toujours, ainsi que le montre la Défense de la foi catholique et apostolique un droit du pouvoir spirituel à faire valoir son pouvoir temporel afin de sauvegarder les âmes des fidèles." (p.12-13)
"La justice de la loi divine a pour fondement la volonté du législateur suprême qui est identique à sa raison. Le fondement de l'obligation dans la loi humaine ne peut par contre résider dans la seule volonté du législateur car la légitimité requiert son utilité pour l'Etat et son adéquation à l'ensemble du système législatif." (p.45)
"Dans la mesure où les individus particuliers se constituent comme les membres d'un organisme dont la cohésion est la condition même de leur existence, ils sont placés sous la dépendance de ce pouvoir souverain dont ils ne peuvent se séparer sous peine de nier leur liberté et leur humanité. Il apparaît que le corpus politicum mysticum se développe et agit comme un seul individu entraînant avec lui l'ensemble des étants raisonnables et libres qu'il unifie dans son indivisible volonté et sa fin propre." (p.57)
"La cité ne fait donc que poursuivre la préservation du bien selon une modalité spécifique déjà invoquée par Thomas d'Aquin et à laquelle adhérera Suàrez, l'accomplissement du bien commun. Le principe ontologique présidant à l'être du vivant et à l'être du politique réside dans la priorité du tout par rapport aux parties." (p.58)
"Le droit naturel oblige indépendamment de toute référence à un législateur humain car c'est par la raison naturelle elle-même qu'il s'impose aux hommes." (p.77)
"Les préceptes du droit civil [qui diverge dans chaque Etat] sont fondés sur des lois écrites, alors que ceux du droit des gens reposent sur la coutume propre à la "quasi-totalité des nations"." (p.78)
-Jean-Paul Coujou, Introduction à Francisco Suárez, Des lois et du Dieu Législateur , éditions Dalloz, 2003, 688 pages.
"On ne doit pas être surpris qu'un théologien se consacre à une dispute sur les lois. [...] Le fait de parler des lois appartient au domaine de la théologie, de telle sorte que le théologien ne pourra épuiser le fond même de ce sujet, s'il ne s'arrête à l'examen des lois. En effet, l'un des nombreux aspects que le théologien doit examiner en Dieu, est celui par lequel Il constitue la fin ultime vers laquelle tendent les créatures rationnelles qui y participent, et c'est en Lui que réside uniquement leur félicité.
Il en découle que la doctrine sacrée prend en considération cette fin dernière et enseigne le chemin pour y parvenir. Car Dieu n'est pas seulement la fin ni, pour le formuler ainsi, le but vers lequel tendent les créatures douées d'intellect, mais Il est également la cause qui le leur procure. Il dirige ses créatures et les amène jusqu'à Lui par la voie qu'Il nous a montrée ; Il les réfrène par des signes afin qu'elles ne s'écartent pas du droit chemin, et lorsqu'elles s'en détournent, Il les rappelle et Il les attire au moyen de sa providence ineffable, en les éclairant par ses enseignements, en les retenant par ses conseils, en les contraignant par ses lois et, essentiellement, en les assistant au moyen de sa grâce, de telle sorte qu'Ésaïe (33, 2) proclame justement: "Le Seigneur est notre législateur, le Seigneur est notre Roi, c'est Lui qui nous sauve."
Puisque chaque fois que ce chemin vers le salut réside dans les actions libres et dans la rectitude des mœurs, cette dernière dépend en grande partie de la loi comme règle de l'action humaine, il en découle que l'étude des lois touche dans une grande mesure à la théologie et que cette dernière, en se consacrant aux lois, ne fait pas autre chose que de contempler Dieu Lui-même en tant que législateur." (p.83)
"Toute législation, de même que toute paternité, procèdent de Dieu [...] nous devons faire découler de Lui, en dernière instance, l'autorité de l'ensemble des lois. Car si la loi est divine, elle émane directement de Lui ; si elle est humaine, l'homme l'établit certainement, mais en tant que ministre et représentant de Dieu, ainsi que l'atteste l'Apôtre dans l'Épitre aux romains." (p.84)
"En second lieu, il appartient à la théologie d'être attentive aux consciences de ceux qui passent en ce monde ; ainsi, la rectitude de la conscience consiste en l'observation des lois, et sa dépravation en leur violation, alors que n'importe quelle loi, si l'on s'y conforme comme il convient, est la règle pour accéder au salut éternel, et si on la transgresse, pour ne pas y parvenir. Par là, l'examen de la loi en tant que lien de conscience, sera du ressort du théologien.
Enfin, la foi catholique ne nous montre pas seulement que nous devons obéir à Dieu, en tant qu'il prescrit de façon surnaturelle, mais également à ce que la nature interdit, ordonne ou autorise et le degré d'obéissance qui est le nôtre vis-à-vis des puissances supérieures, ainsi que l'a dit saint Paul. Elle nous fait voir également jusqu'à quel point nous devons obéir tant aux lois ecclésiastiques qu'aux lois laïques. En conséquence, il appartient au théologien de déduire de ces fondements de la foi ce qu'il faut rassembler sous tel ou tel genre de lois." (p.84)
"Les philosophes moralistes disputent longuement à propos des lois. En effet, Platon a écrit sur ces dernières douze livres que Cicéron a presque réduits à trois. Aristote, quand à lui, bien qu'il n'ait pas laissé un traité sur les lois à proprement parler, nous a néanmoins légué un grand nombre de références aux lois dispersées dans ses livres de morale, ainsi que Sénèque, Plutarque, et bien d'autres. Cependant, ces philosophes ont uniquement donné, semble-t-il, quelques principes de jurisprudence. Car ils ont traité presque exclusivement les lois humaines nécessaires au maintien de la paix et de la justice de l'Etat, ainsi que de la société civile, et, surtout, ils ont examiné ce qui dans le droit naturel peut être démontré par la raison humaine, et ce qui en lui oriente l'honnêteté des vertus acquises.
Les empereurs, ainsi que les autres législateurs civils ont maintenu peu ou prou le même raisonnement dans la constitution des lois, car ils se sont servi de la philosophie comme fondement et en ont déduit les lois civiles conformes à la raison. A partir de là, Cicéron, dans le premier livre de son ouvrage Les lois, se consacre tout particulièrement à établir que la jurisprudence doit être tirée de la philosophie comme fondement, et cela est en accord avec cette phrase d'Ulpien (De la justice et du droit): Nous cherchons à atteindre une philosophie authentique et non fictive. Il en découle que la jurisprudence civile n'est pas autre chose qu'une application extensive de la philosophie morale à la direction et au gouvernement politique des mœurs de l'Etat. Pour cette raison, afin qu'elle soit en mesure de s'apparenter à une véritable science rationnelle, il est nécessaire qu'elle soit unie ou subordonnée à la philosophie. Or, l'ensemble de cette considération concernant les lois ne transcende pas la fin naturelle ; au contraire, elle ne l'atteint pas totalement, mais en tant qu'elle est nécessaire à la défense de la justice extérieure et de la paix de l'Etat." (p.85-6)
-Francisco Suárez, Des lois et du Dieu Législateur , Livre I, éditions Dalloz, 2003, 688 pages.
"L'homme est naturellement libre, et il n'est soumis à personne, excepté son créateur. Par conséquent, la domination d'un homme sur un autre homme est opposé à l'ordre naturel et implique la tyrannie."
-Francisco Suárez, Des lois et du Dieu Législateur (Tractatus de legibus ac Deo Legislatore), Livre III, chapitre 1, 1612.
"[L]e pouvoir de la souveraineté n'est pas donné dans une personne déterminé, il doit nécessairement résider dans la totalité de la communauté."
-Francisco Suárez, Des lois et du Dieu Législateur (Tractatus de legibus ac Deo Legislatore), Livre III, chapitre 2, 1612.
"Si nous nous référons à la défense de la communauté elle-même, cette dernière n'a lieu d'être que dans les cas où le roi agresse en acte le pays avec l'intention injuste de le détruire et de tuer ses citoyens, ou de créer une situation similaire. Selon cette éventualité, il serait assurément légitime de résister au souverain, même en le tuant, s'il n'existait pas d'autre possibilité de se défendre."
-Francisco Suárez, Des lois et du Dieu Législateur (Tractatus de legibus ac Deo Legislatore), Livre IV, chapitre 6, 1612.
"La communauté humaine est comme un organisme qui ne peut subsister sans divers ministres et catégories de personnes qui existent à la manière de membres divers."
-Francisco Suárez, Principatus politicus, III, 1, 5.
"L'invention de l'état de nature dans sa version anthropologique apparaît comme la condition préalable au déploiement d'une pensée de l'individualité politique et de la construction de "l'idéal-type" (pour reprendre le concept du sociologue Max Weber) que représente la nature humaine qui se dit comme liberté. Etre dans l'état de nature, c'est pour l'homme être confronté à sa propre individualité par différence à la totalité naturelle. La consécration de cette individualité s'effectue dans l'auto-affirmation du vouloir que suppose la loi." (p.9)
"Suàrez va à l'encontre de la thèse défendue par Gilles de Rome dans son ouvrage Sur le pouvoir de l'Église, selon laquelle le pouvoir royal n'est qu'un instrument de la volonté divine, l'ordre politique ne manifestant qu'un ordre inférieur soumis à l'ordre de l'univers régi par Dieu. Tout pouvoir vient par conséquent de Dieu, et le Souverain Pontife représente le seul pouvoir légitime et peut par là même faire l'économie de la cause seconde que constitue le pouvoir royal.
Suàrez s'écarte de la théologie politique pontificale proposée par Gilles de Rome tout en prenant ses distances par rapport à l'héritage de Marsile de Padoue dans Le défenseur de la paix. Pour ce dernier, la finalité de toute communauté civile réside dans la paix et la tranquillité. La fonction de toute communauté politique est de permettre à l'homme d'atteindre le bonheur ici-bas et la félicité dans l'au-delà. Pour ce faire, le Prince exerce un pouvoir souverain qui n'épargne pas l'Eglise, cette dernière ne constituant qu'une partie de la communauté. Même si l'on doit reconnaître que le pouvoir du Prince est aussi d'origine divine, il n'en demeure pas moins que lui seul a la charge de faire observer les lois. Par conséquent, on ne peut pour Marsile de Padoue attribuer à l'Eglise un quelconque pouvoir juridictionnel puisque tout pouvoir législatif est séculier.
Suàrez, dans l'esprit de la Contre-Réforme et à la suite de Vitoria, défend la thèse du pouvoir pontifical indirect selon laquelle le pape est en mesure d'exercer indirectement son autorité sur les princes afin d'accomplir les fins spirituelles de l'Eglise ; le pouvoir spirituel peut par conséquent devenir momentanément temporel (la possibilité d'une punition temporelle ou d'une dépossession du royaume) et préserve toujours, ainsi que le montre la Défense de la foi catholique et apostolique un droit du pouvoir spirituel à faire valoir son pouvoir temporel afin de sauvegarder les âmes des fidèles." (p.12-13)
"La justice de la loi divine a pour fondement la volonté du législateur suprême qui est identique à sa raison. Le fondement de l'obligation dans la loi humaine ne peut par contre résider dans la seule volonté du législateur car la légitimité requiert son utilité pour l'Etat et son adéquation à l'ensemble du système législatif." (p.45)
"Dans la mesure où les individus particuliers se constituent comme les membres d'un organisme dont la cohésion est la condition même de leur existence, ils sont placés sous la dépendance de ce pouvoir souverain dont ils ne peuvent se séparer sous peine de nier leur liberté et leur humanité. Il apparaît que le corpus politicum mysticum se développe et agit comme un seul individu entraînant avec lui l'ensemble des étants raisonnables et libres qu'il unifie dans son indivisible volonté et sa fin propre." (p.57)
"La cité ne fait donc que poursuivre la préservation du bien selon une modalité spécifique déjà invoquée par Thomas d'Aquin et à laquelle adhérera Suàrez, l'accomplissement du bien commun. Le principe ontologique présidant à l'être du vivant et à l'être du politique réside dans la priorité du tout par rapport aux parties." (p.58)
"Le droit naturel oblige indépendamment de toute référence à un législateur humain car c'est par la raison naturelle elle-même qu'il s'impose aux hommes." (p.77)
"Les préceptes du droit civil [qui diverge dans chaque Etat] sont fondés sur des lois écrites, alors que ceux du droit des gens reposent sur la coutume propre à la "quasi-totalité des nations"." (p.78)
-Jean-Paul Coujou, Introduction à Francisco Suárez, Des lois et du Dieu Législateur , éditions Dalloz, 2003, 688 pages.
"On ne doit pas être surpris qu'un théologien se consacre à une dispute sur les lois. [...] Le fait de parler des lois appartient au domaine de la théologie, de telle sorte que le théologien ne pourra épuiser le fond même de ce sujet, s'il ne s'arrête à l'examen des lois. En effet, l'un des nombreux aspects que le théologien doit examiner en Dieu, est celui par lequel Il constitue la fin ultime vers laquelle tendent les créatures rationnelles qui y participent, et c'est en Lui que réside uniquement leur félicité.
Il en découle que la doctrine sacrée prend en considération cette fin dernière et enseigne le chemin pour y parvenir. Car Dieu n'est pas seulement la fin ni, pour le formuler ainsi, le but vers lequel tendent les créatures douées d'intellect, mais Il est également la cause qui le leur procure. Il dirige ses créatures et les amène jusqu'à Lui par la voie qu'Il nous a montrée ; Il les réfrène par des signes afin qu'elles ne s'écartent pas du droit chemin, et lorsqu'elles s'en détournent, Il les rappelle et Il les attire au moyen de sa providence ineffable, en les éclairant par ses enseignements, en les retenant par ses conseils, en les contraignant par ses lois et, essentiellement, en les assistant au moyen de sa grâce, de telle sorte qu'Ésaïe (33, 2) proclame justement: "Le Seigneur est notre législateur, le Seigneur est notre Roi, c'est Lui qui nous sauve."
Puisque chaque fois que ce chemin vers le salut réside dans les actions libres et dans la rectitude des mœurs, cette dernière dépend en grande partie de la loi comme règle de l'action humaine, il en découle que l'étude des lois touche dans une grande mesure à la théologie et que cette dernière, en se consacrant aux lois, ne fait pas autre chose que de contempler Dieu Lui-même en tant que législateur." (p.83)
"Toute législation, de même que toute paternité, procèdent de Dieu [...] nous devons faire découler de Lui, en dernière instance, l'autorité de l'ensemble des lois. Car si la loi est divine, elle émane directement de Lui ; si elle est humaine, l'homme l'établit certainement, mais en tant que ministre et représentant de Dieu, ainsi que l'atteste l'Apôtre dans l'Épitre aux romains." (p.84)
"En second lieu, il appartient à la théologie d'être attentive aux consciences de ceux qui passent en ce monde ; ainsi, la rectitude de la conscience consiste en l'observation des lois, et sa dépravation en leur violation, alors que n'importe quelle loi, si l'on s'y conforme comme il convient, est la règle pour accéder au salut éternel, et si on la transgresse, pour ne pas y parvenir. Par là, l'examen de la loi en tant que lien de conscience, sera du ressort du théologien.
Enfin, la foi catholique ne nous montre pas seulement que nous devons obéir à Dieu, en tant qu'il prescrit de façon surnaturelle, mais également à ce que la nature interdit, ordonne ou autorise et le degré d'obéissance qui est le nôtre vis-à-vis des puissances supérieures, ainsi que l'a dit saint Paul. Elle nous fait voir également jusqu'à quel point nous devons obéir tant aux lois ecclésiastiques qu'aux lois laïques. En conséquence, il appartient au théologien de déduire de ces fondements de la foi ce qu'il faut rassembler sous tel ou tel genre de lois." (p.84)
"Les philosophes moralistes disputent longuement à propos des lois. En effet, Platon a écrit sur ces dernières douze livres que Cicéron a presque réduits à trois. Aristote, quand à lui, bien qu'il n'ait pas laissé un traité sur les lois à proprement parler, nous a néanmoins légué un grand nombre de références aux lois dispersées dans ses livres de morale, ainsi que Sénèque, Plutarque, et bien d'autres. Cependant, ces philosophes ont uniquement donné, semble-t-il, quelques principes de jurisprudence. Car ils ont traité presque exclusivement les lois humaines nécessaires au maintien de la paix et de la justice de l'Etat, ainsi que de la société civile, et, surtout, ils ont examiné ce qui dans le droit naturel peut être démontré par la raison humaine, et ce qui en lui oriente l'honnêteté des vertus acquises.
Les empereurs, ainsi que les autres législateurs civils ont maintenu peu ou prou le même raisonnement dans la constitution des lois, car ils se sont servi de la philosophie comme fondement et en ont déduit les lois civiles conformes à la raison. A partir de là, Cicéron, dans le premier livre de son ouvrage Les lois, se consacre tout particulièrement à établir que la jurisprudence doit être tirée de la philosophie comme fondement, et cela est en accord avec cette phrase d'Ulpien (De la justice et du droit): Nous cherchons à atteindre une philosophie authentique et non fictive. Il en découle que la jurisprudence civile n'est pas autre chose qu'une application extensive de la philosophie morale à la direction et au gouvernement politique des mœurs de l'Etat. Pour cette raison, afin qu'elle soit en mesure de s'apparenter à une véritable science rationnelle, il est nécessaire qu'elle soit unie ou subordonnée à la philosophie. Or, l'ensemble de cette considération concernant les lois ne transcende pas la fin naturelle ; au contraire, elle ne l'atteint pas totalement, mais en tant qu'elle est nécessaire à la défense de la justice extérieure et de la paix de l'Etat." (p.85-6)
-Francisco Suárez, Des lois et du Dieu Législateur , Livre I, éditions Dalloz, 2003, 688 pages.
"L'homme est naturellement libre, et il n'est soumis à personne, excepté son créateur. Par conséquent, la domination d'un homme sur un autre homme est opposé à l'ordre naturel et implique la tyrannie."
-Francisco Suárez, Des lois et du Dieu Législateur (Tractatus de legibus ac Deo Legislatore), Livre III, chapitre 1, 1612.
"[L]e pouvoir de la souveraineté n'est pas donné dans une personne déterminé, il doit nécessairement résider dans la totalité de la communauté."
-Francisco Suárez, Des lois et du Dieu Législateur (Tractatus de legibus ac Deo Legislatore), Livre III, chapitre 2, 1612.
"Si nous nous référons à la défense de la communauté elle-même, cette dernière n'a lieu d'être que dans les cas où le roi agresse en acte le pays avec l'intention injuste de le détruire et de tuer ses citoyens, ou de créer une situation similaire. Selon cette éventualité, il serait assurément légitime de résister au souverain, même en le tuant, s'il n'existait pas d'autre possibilité de se défendre."
-Francisco Suárez, Des lois et du Dieu Législateur (Tractatus de legibus ac Deo Legislatore), Livre IV, chapitre 6, 1612.
"La communauté humaine est comme un organisme qui ne peut subsister sans divers ministres et catégories de personnes qui existent à la manière de membres divers."
-Francisco Suárez, Principatus politicus, III, 1, 5.