"En France, selon l’Insee, en prenant en compte la composition des ménages, les 10 % les plus riches ont un niveau de vie, avant redistribution, 22,5 fois supérieur aux 10 % les plus pauvres. Après impôts directs, cet écart passe à 18. Après versement des prestations monétaires (familiales, logement, minima sociaux…), il passe à 5,6. Et la consommation de services publics (éducation et santé) intervient aussi massivement, comme le montrent les études sur le sujet. Que la réduction des inégalités passe d’abord par la dépense publique vaut pour la France mais aussi pour les autres pays, comme le souligne l’OCDE. Ce fait massif n’apparaît pas dans l’ouvrage et cela n’est pas sans incidence. «Mes conceptions initiales […] étaient plus libérales et moins socialistes qu’elles ne le sont devenues» (p. 1 196), indique Piketty. D’où son plaidoyer en faveur d’une redistribution du capital et d’un partage du pouvoir au sein des entreprises. Mais d’une certaine tradition socialiste, il retient aussi une profonde aversion pour la nation. Il fustige ainsi l’incapacité de la gauche à penser le «dépassement des Etats-nations». Entre 1914 et 1980, les inégalités ont été fortement réduites, se félicite-t-il. Mais il omet de mentionner que cette période est celle de la fin des empires, de l’affirmation des Etats-nations. Le tournant néolibéral des années 80 ne s’est-il pas appuyé a contrario sur la finance libéralisée et le libre-échange ? L’auteur dénonce la «mondialisation hypercapitaliste» (p. 15). Mais c’est pour lui opposer une autre mondialisation, avec comme horizon un «Etat social et fiscal à l’échelle postnationale» (p. 645), une «démocratie transnationale» conduisant «à la généralisation de la libre circulation, et de facto à une quasi-disparition des frontières» (p. 1 186)."
"La nation est avec l’Etat l’un des trous noirs d’une certaine pensée critique. Face aux régressions racistes - de l’extrême droite aux indigénistes - n’y a-t-il pas urgence à porter une conception progressiste, citoyenne, de la nation ?"
-Christophe Ramaux, "Les travailleurs n’ont pas de patrie selon Piketty… Vraiment ?", 25 novembre 2019: https://www.liberation.fr/debats/2019/11/25/les-travailleurs-n-ont-pas-de-patrie-selon-piketty-vraiment_1765499
"La nation est avec l’Etat l’un des trous noirs d’une certaine pensée critique. Face aux régressions racistes - de l’extrême droite aux indigénistes - n’y a-t-il pas urgence à porter une conception progressiste, citoyenne, de la nation ?"
-Christophe Ramaux, "Les travailleurs n’ont pas de patrie selon Piketty… Vraiment ?", 25 novembre 2019: https://www.liberation.fr/debats/2019/11/25/les-travailleurs-n-ont-pas-de-patrie-selon-piketty-vraiment_1765499