"La science économique aborde des réalités observables avec une attention particulière pour la richesse, définie comme l’ensemble des biens et services dont on peut disposer. D’où vient la richesse ? Comment est-elle produite et quelle-est sa répartition ? Ce sont là les questions primordiales auxquelles s’intéresse l’économiste."
"Un modèle qui n’est pas capable de se vérifier dans la réalité est un modèle à rejeter. C’est le cas selon moi, de la loi de l’offre et de la demande, une loi qui imprègne les cerveaux de tous les étudiants en économie et qui paradoxalement, n’est jamais capable d’expliquer les variations de prix sur les marchés réels de manière pertinente. Avec cette vérité en tête, on ne peut que partager l’avis de Dani Rodrik invitant les économistes à se montrer plus humbles. Et plus d’humilité pour un scientifique, cela commence par interroger les vérités qui semblent indiscutables dans son microcosme.
Mr.M : Cette loi de l’offre et de la demande, pourriez-vous nous la présenter et nous en souligner les failles ?
D.C : Comme je le disais plus tôt, cette loi – élégante d’un point de vue formel – n’est pas le fruit d’une expérience empirique, mais le résultat d’un compromis entre économistes. Que contient cette loi ? Et bien pour commencer, quand on épluche son contenu, on constate qu’il n’y a pas une, mais trois lois.
Premièrement, il y a la loi de la demande qui dit la chose suivante : lorsque les prix augmentent, la demande baisse et inversement ; lorsque les prix baissent, la demande augmente. Deuxièmement, il y a la loi de l’offre qui montre une relation inverse, à savoir que : lorsque les prix augmentent l’offre augmente et inversement. Autrement dit l’offre est fonction croissante des prix, tandis que la demande est fonction décroissante des prix. Enfin, nous trouvons la loi dite « de l’offre et de la demande » qui énonce que les variations de prix sont les conséquences des déséquilibres entre l’offre et la demande. Elle s’attache donc, non pas à expliquer l’évolution de l’offre ou de la demande, mais les variations de prix de la manière suivante : lorsque la demande est supérieure à l’offre, les prix augmentent ; lorsque la demande est inférieure à l’offre, les prix diminuent.
On a affaire à un triptyque visant à expliquer à la fois les variations de l’offre, les variations de demande et enfin les variations de prix. L’idée derrière tout cela, c’est que, dans un marché de concurrence parfaite, les variations entre l’offre et la demande doivent mener à un prix d’équilibre, lesquels permettent à toute la demande d’être pourvue en offre.
Ce que je reproche à ces lois, c’est d’abord leur côté circulaire. Quand on y regarde de plus près, on se rend compte que les deux premières lois affirment que les quantités sont fonction des prix, tandis que la troisième loi nous explique l’inverse, que les prix varient en fonction des quantités. Le problème avec les lois circulaires, c’est que l’on arrive à des résultats insensés. Si je constate par exemple que le prix et la demande d’abricot ont tous deux augmenté, je vais faire un lien de cause à effet en disant que c’est parce que la demande a augmenté que le prix a augmenté à son tour. Ici, la demande a déterminé le prix. Si je prends une situation radicalement opposée, mettons que la demande d’abricots baisse alors que le prix augmente, je vais conclure que c’est parce que le prix a augmenté que la demande a baissé ; cette fois, c’est le prix qui a déterminé la demande. Vous comprenez où je veux en venir ? Peu importe dans quel contexte et dans quel sens les prix varient, la loi de l’offre et de la demande trouve toujours une solution pour l’expliquer. Une loi qui permet d’expliquer deux phénomènes contraires, c’est une loi qui n’est pas scientifique, car elle n’explique rien. Et pourtant, elle fait autorité dans les études économiques."
-David Cayla, l’économiste iconoclaste qui chamboule les certitudes (Interview), 16 octobre 2018: https://mrmondialisation.org/david-cayla-leconomiste-iconoclaste-qui-chamboule-les-certitudes/
"Un modèle qui n’est pas capable de se vérifier dans la réalité est un modèle à rejeter. C’est le cas selon moi, de la loi de l’offre et de la demande, une loi qui imprègne les cerveaux de tous les étudiants en économie et qui paradoxalement, n’est jamais capable d’expliquer les variations de prix sur les marchés réels de manière pertinente. Avec cette vérité en tête, on ne peut que partager l’avis de Dani Rodrik invitant les économistes à se montrer plus humbles. Et plus d’humilité pour un scientifique, cela commence par interroger les vérités qui semblent indiscutables dans son microcosme.
Mr.M : Cette loi de l’offre et de la demande, pourriez-vous nous la présenter et nous en souligner les failles ?
D.C : Comme je le disais plus tôt, cette loi – élégante d’un point de vue formel – n’est pas le fruit d’une expérience empirique, mais le résultat d’un compromis entre économistes. Que contient cette loi ? Et bien pour commencer, quand on épluche son contenu, on constate qu’il n’y a pas une, mais trois lois.
Premièrement, il y a la loi de la demande qui dit la chose suivante : lorsque les prix augmentent, la demande baisse et inversement ; lorsque les prix baissent, la demande augmente. Deuxièmement, il y a la loi de l’offre qui montre une relation inverse, à savoir que : lorsque les prix augmentent l’offre augmente et inversement. Autrement dit l’offre est fonction croissante des prix, tandis que la demande est fonction décroissante des prix. Enfin, nous trouvons la loi dite « de l’offre et de la demande » qui énonce que les variations de prix sont les conséquences des déséquilibres entre l’offre et la demande. Elle s’attache donc, non pas à expliquer l’évolution de l’offre ou de la demande, mais les variations de prix de la manière suivante : lorsque la demande est supérieure à l’offre, les prix augmentent ; lorsque la demande est inférieure à l’offre, les prix diminuent.
On a affaire à un triptyque visant à expliquer à la fois les variations de l’offre, les variations de demande et enfin les variations de prix. L’idée derrière tout cela, c’est que, dans un marché de concurrence parfaite, les variations entre l’offre et la demande doivent mener à un prix d’équilibre, lesquels permettent à toute la demande d’être pourvue en offre.
Ce que je reproche à ces lois, c’est d’abord leur côté circulaire. Quand on y regarde de plus près, on se rend compte que les deux premières lois affirment que les quantités sont fonction des prix, tandis que la troisième loi nous explique l’inverse, que les prix varient en fonction des quantités. Le problème avec les lois circulaires, c’est que l’on arrive à des résultats insensés. Si je constate par exemple que le prix et la demande d’abricot ont tous deux augmenté, je vais faire un lien de cause à effet en disant que c’est parce que la demande a augmenté que le prix a augmenté à son tour. Ici, la demande a déterminé le prix. Si je prends une situation radicalement opposée, mettons que la demande d’abricots baisse alors que le prix augmente, je vais conclure que c’est parce que le prix a augmenté que la demande a baissé ; cette fois, c’est le prix qui a déterminé la demande. Vous comprenez où je veux en venir ? Peu importe dans quel contexte et dans quel sens les prix varient, la loi de l’offre et de la demande trouve toujours une solution pour l’expliquer. Une loi qui permet d’expliquer deux phénomènes contraires, c’est une loi qui n’est pas scientifique, car elle n’explique rien. Et pourtant, elle fait autorité dans les études économiques."
-David Cayla, l’économiste iconoclaste qui chamboule les certitudes (Interview), 16 octobre 2018: https://mrmondialisation.org/david-cayla-leconomiste-iconoclaste-qui-chamboule-les-certitudes/