http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/chercheurs/chambarlhac/vincent_chambarlhac.html
"Travailler sur la réception de Marx dans la SFIO de 1905 à 1914 impose d’emblée la rencontre avec la question de l’orthodoxie marxiste. Elle nourrit un procès paradoxal, entre recherche historique et politique de 1965 à 1981, années pendant lesquelles les interprétations les plus divergentes partagent l’évidence d’une orthodoxie marxiste permettant la discussion de la synthèse jaurésienne. Nous nous proposons de revenir brièvement sur ce procès qui trame encore les lectures contemporaines, avant d’explorer l’une des pistes proposées par le développement de l’histoire de l’édition."
"Au sein du mouvement communiste, Louis Althusser – entre autres – fustige dès 1965 la faiblesse théorique du marxisme français. Les effets de 1968, au crépuscule du gauchisme politique, déportent ensuite la critique sous des cieux plus radicaux où, paradoxalement, ce marxisme n’est pas trop pesant, mortifiant le vif du socialisme français. Pour l’un de ces pôles, le marxisme de la SFIO est introuvable, suivant l’expression de Daniel Lindenberg, alors proche d’un collectif des Révoltes logiques porté à discuter les mythes et les discours d’ordre par lesquels les partis de gauche normalisent le mouvement social. À l’opposé des gauches, dans une posture plus directement politique, Michel Rocard théorise les deux cultures politiques du Parti socialiste, et voit dans la première « l’autorité d’un marxisme capté par ceux qui n’en sont pas les héritiers » (Congrès de Nantes, 1977). Soit un marxisme ossifié depuis la Belle Époque – le guesdisme –, dont le nom vaut alors péjoration et dit une filiation – étonnante – avec le mitterrandisme."
"Le cas de Jean Longuet montre l’existence au sein de la SFIO d’un réseau au fait de la théorie marxiste qu’il semble ne pas détacher de l’action politique. Proche un temps du guesdisme, ce réseau pèse dans les problématiques d’édition des œuvres de Marx par le parti à la Belle Époque. La confrontation de ces deux approches révèle en somme deux marxismes au sein de la SFIO. L’un est celui des intellectuels, davantage porté vers une pratique universitaire – le marxisme est méthode. L’autre est guesdiste, vulgate simplifiée autour de quelques axiomes bien définis. On renoue là, l’objet se complexifiant, avec l’hypothèse d’un marxisme introuvable dans la SFIO, celle-ci s’avérant immune à celui-ci du fait d’anticorps institutionnels (Lucien Herr, l’École Normale, la sociologie durkheimienne), du fait de son immersion dans le système républicain. Il y aurait donc au mieux un surmoi marxiste, porté par la culture guesdiste ou néo-guesdiste sur le siècle. Ce surmoi fait écran au réformisme de la SFIO et rend difficile son rapport au pouvoir dès la Belle Époque."
"Au regard de sa naissance, le marxisme est dans la SFIO le langage de l’Internationale plus que celui du parti lui-même. Harvey Goldberg déduisait de ce fait le long compagnonnage de Charles Rappoport avec les guesdistes, ceux-ci se faisant l’écho de l’orthodoxie de la IIe Internationale."
"L’entreprise socialiste suppose l’éducation du militant. Propagander paraît la tâche essentielle d’un parti à la conquête des terroirs pour construire la France socialiste. L’énumération des tournées de propagande dans Le Socialiste, organe officiel de la SFIO, se borne à de courtes notations sibyllines : les conférenciers exposent la doctrine socialiste, l’incertitude demeure sur la part du marxisme dans celle-ci. Gilles Candar évoque un marxisme « adapté » aux besoins de la propagande. Aussi faut-il choisir d’autres indicateurs. Le catalogue de la Librairie du Parti offre un premier point d’observation, d’autant que la question de la publication des œuvres de Marx y fait débat lors des congrès18. L’observation est certes limitée par la présence d’autres éditeurs plus ou moins militants et le manque de connaissance sur les bibliothèques des sections."
"La Librairie du parti reprend les fonds du PSF et du PsdF. Elle est administrée par le guesdiste Lucien Roland. Son fonds est essentiellement constitué de brochures qui, comme le note Frédéric Cépède, constituent souvent des syllabaires essentiels à la promotion et la construction de l’identité socialiste. Présenté par Lucien Roland au Congrès de Nancy (1907), le catalogue repère, en partie, la place des œuvres de Marx et Engels au sein des brochures. Celles-ci ne sont pas datées. Le classement par prix, s’étalonnant de cinq centimes à dix francs, vaut également indice. À partir de vingt centimes, le militant pourra se procurer Socialisme utopique et socialisme scientifique et le Manifeste du Parti Communiste. Pour trente centimes, À propos d’unité par Karl Marx. À cinquante centimes, la dimension économique de l’analyse marxiste se profile : Salaires, prix et profits. Pour deux francs et cinquante centimes, on peut se procurer Révolution et Contre-Révolution et La Commune, ouvrages de Marx indiquant un déplacement vers l’histoire du mouvement ouvrier français. Enfin, pour un franc supplémentaire, c’est-à-dire pour des bourses militantes motivées, on peut s’offrir La critique de l’économie politique, La lutte des classes en France, Le procès des communistes ainsi que deux ouvrages d’Engels, Religion et Philosophie et Les origines de la société.
Le catalogue ne donne ni le tirage des brochures, ni la pagination. Sur les 211 qu’il compte, les ouvrages de Marx et Engels représentent seulement 5 % du fonds. L’analyse quantitative doit se tempérer des brochures pédagogiques à visée vulgarisatrice de la pensée marxiste, essentiellement dues à Paul Lafargue et Gabriel Deville. De surcroît, l’échelle des prix indique, pour partie, le public visé : celui de militants plus avertis sans doute. Il faut également poser la question de la pratique. Organisé suivant le seul principe du prix, le catalogue ne hiérarchise aucune des brochures dans une visée pédagogique. Il s’agit là d’un inventaire du stock. À partir de 1908, l’initiative lancée par Lucien Roland de la « brochure mensuelle » nuance ce constat : moyennant un abonnement annuel, le militant reçoit une brochure par mois comme La Commune de Paris ou La lutte des classes en France. En fait, Marx fait partie du bagage intellectuel de « l’honnête » militant socialiste. Averti, celui-ci sait par les brochures bricoler une identité politique, pourvu qu’il ait le goût de se cultiver, et la bourse adéquate. Notons alors que les lectures proposées mettent systématiquement l’accent sur le corpus français des écrits de Marx."
"Frédéric Cépède estime que le fonds de 1906 à 1913 passa de 178 266 à 265 076 brochures."
"Le rapport au marxisme n’est pas exactement pris en charge par le parti, mais plutôt par ses marges intellectuelles au sein des revues (Revue socialiste, Le Mouvement socialiste) ou de la presse de tendance (La guerre sociale, Le socialisme). On ne voit pas alors se dessiner le projet d’une construction de l’identité socialiste par le rapport aux textes de Marx. Jouent ici toute l’ambiguïté de l’unité réalisée en 1905 et le heurt des tendances qui identifient souvent la citation marxiste et la qualité de guesdiste. S’ajoutent également l’inscription de la SFIO dans un système républicain et une tradition révolutionnaire spécifique parfois étrangère à l’analyse marxiste. Comptent enfin les pesanteurs financières. Cet état de fait correspond aux premières années du parti, lorsque l’unité est un combat. Cette situation signale également qu’il existe deux rapports à Marx au sein du parti. L’un relève de la théorie et des joutes intellectuelles aux confins du parti, où les positions de chacun s’apprécient au fil de l’Internationale, le marxisme constituant le langage commun par lequel converser, s’opposer. Rabattu par la brochure sous le seul angle du militant de base, le second usage indique alors que les écrits de Marx participent d’un bagage attendu, mais n’augure aucune doxa, même celle que les adversaires du guesdisme croient déceler dans la réitération d’axiomes stéréotypés. La situation change après le congrès de Toulouse (1908) qui, s’il fut celui de la synthèse jaurésienne, annonce surtout un équilibre plus pérenne au sein de la SFIO entre les grandes tendances."
"Si le congrès de Toulouse entérine un nouvel équilibre autour du jauressisme comme courant majoritaire, de nouvelles tendances se font jour : l’hervéisme se renforce, la revue Le Mouvement socialiste incarne une autre variante de la gauche du Parti quand, à droite, Albert Thomas, lançant ses Cahiers du socialisme et l’École socialiste, rassemble un réseau normalien, tandis qu’Alexandre Varenne somme la SFIO de se prononcer sur les thèses de Bernstein. La question de l’identité du socialisme français se pose dans des termes renouvelés. D’une part, la SFIO va connaître sur ses marges de 1908 à 1911 toute une série d’initiatives visant à codifier ou asseoir cette identité du socialisme français. D’autre part, lors des congrès, la question de la Librairie du Parti suscite des débats. Son action est jugée trop timorée, une part des critiques souhaite que la SFIO se dote, comme ses homologues belge et allemande, d’un véritable dispositif éditorial. Cette volonté s’inscrit également dans les vœux de la IIe Internationale, souhaitant, lors de son congrès de 1909, que les textes de Marx soient publiés.
La SFIO crée une Commission à la Librairie et à l’Édition en 1909. Sa composition prouve un réel œcuménisme : Jean Longuet, Lucien Roland, Ernest Lafont, Albert Thomas, Alfred Bonnet, Marcel Sembat et Compère-Morel en font partie. Dans cette configuration nouvelle, Jean Longuet propose dans son rapport sur la Librairie d’éditer Marx intégralement, escomptant une collaboration avec les partis frères. Cette édition devrait être celle d’une science de propagande, et non une édition scientifique. Il s’agit en effet de former des militants, de parachever leur éducation socialiste en leur donnant à lire Marx, que ne publient pas (plus) les éditeurs bourgeois et militants. Le projet bénéficie de « l’héritage » par la SFIO du fonds de la maison d’édition Jacques, dont le catalogue contient nombre d’ouvrages de Marx."
"Les réseaux se recoupent et peinent à se circonscrire sous le seul angle du guesdisme : la publication par le parti des œuvres de Marx dépasse le seul segment guesdiste, car droite et gauche de la SFIO s’y associent."
-Vincent Chambarlhac, « L’orthodoxie marxiste de la SFIO : à propos d’une fausse évidence (1905-1914) », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 114 | 2011, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 06 février 2021. URL : http://journals.openedition.org/chrhc/2215 ; DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.2215
https://www.cairn.info/revue-geneses-2004-4-page-4.htm
"Travailler sur la réception de Marx dans la SFIO de 1905 à 1914 impose d’emblée la rencontre avec la question de l’orthodoxie marxiste. Elle nourrit un procès paradoxal, entre recherche historique et politique de 1965 à 1981, années pendant lesquelles les interprétations les plus divergentes partagent l’évidence d’une orthodoxie marxiste permettant la discussion de la synthèse jaurésienne. Nous nous proposons de revenir brièvement sur ce procès qui trame encore les lectures contemporaines, avant d’explorer l’une des pistes proposées par le développement de l’histoire de l’édition."
"Au sein du mouvement communiste, Louis Althusser – entre autres – fustige dès 1965 la faiblesse théorique du marxisme français. Les effets de 1968, au crépuscule du gauchisme politique, déportent ensuite la critique sous des cieux plus radicaux où, paradoxalement, ce marxisme n’est pas trop pesant, mortifiant le vif du socialisme français. Pour l’un de ces pôles, le marxisme de la SFIO est introuvable, suivant l’expression de Daniel Lindenberg, alors proche d’un collectif des Révoltes logiques porté à discuter les mythes et les discours d’ordre par lesquels les partis de gauche normalisent le mouvement social. À l’opposé des gauches, dans une posture plus directement politique, Michel Rocard théorise les deux cultures politiques du Parti socialiste, et voit dans la première « l’autorité d’un marxisme capté par ceux qui n’en sont pas les héritiers » (Congrès de Nantes, 1977). Soit un marxisme ossifié depuis la Belle Époque – le guesdisme –, dont le nom vaut alors péjoration et dit une filiation – étonnante – avec le mitterrandisme."
"Le cas de Jean Longuet montre l’existence au sein de la SFIO d’un réseau au fait de la théorie marxiste qu’il semble ne pas détacher de l’action politique. Proche un temps du guesdisme, ce réseau pèse dans les problématiques d’édition des œuvres de Marx par le parti à la Belle Époque. La confrontation de ces deux approches révèle en somme deux marxismes au sein de la SFIO. L’un est celui des intellectuels, davantage porté vers une pratique universitaire – le marxisme est méthode. L’autre est guesdiste, vulgate simplifiée autour de quelques axiomes bien définis. On renoue là, l’objet se complexifiant, avec l’hypothèse d’un marxisme introuvable dans la SFIO, celle-ci s’avérant immune à celui-ci du fait d’anticorps institutionnels (Lucien Herr, l’École Normale, la sociologie durkheimienne), du fait de son immersion dans le système républicain. Il y aurait donc au mieux un surmoi marxiste, porté par la culture guesdiste ou néo-guesdiste sur le siècle. Ce surmoi fait écran au réformisme de la SFIO et rend difficile son rapport au pouvoir dès la Belle Époque."
"Au regard de sa naissance, le marxisme est dans la SFIO le langage de l’Internationale plus que celui du parti lui-même. Harvey Goldberg déduisait de ce fait le long compagnonnage de Charles Rappoport avec les guesdistes, ceux-ci se faisant l’écho de l’orthodoxie de la IIe Internationale."
"L’entreprise socialiste suppose l’éducation du militant. Propagander paraît la tâche essentielle d’un parti à la conquête des terroirs pour construire la France socialiste. L’énumération des tournées de propagande dans Le Socialiste, organe officiel de la SFIO, se borne à de courtes notations sibyllines : les conférenciers exposent la doctrine socialiste, l’incertitude demeure sur la part du marxisme dans celle-ci. Gilles Candar évoque un marxisme « adapté » aux besoins de la propagande. Aussi faut-il choisir d’autres indicateurs. Le catalogue de la Librairie du Parti offre un premier point d’observation, d’autant que la question de la publication des œuvres de Marx y fait débat lors des congrès18. L’observation est certes limitée par la présence d’autres éditeurs plus ou moins militants et le manque de connaissance sur les bibliothèques des sections."
"La Librairie du parti reprend les fonds du PSF et du PsdF. Elle est administrée par le guesdiste Lucien Roland. Son fonds est essentiellement constitué de brochures qui, comme le note Frédéric Cépède, constituent souvent des syllabaires essentiels à la promotion et la construction de l’identité socialiste. Présenté par Lucien Roland au Congrès de Nancy (1907), le catalogue repère, en partie, la place des œuvres de Marx et Engels au sein des brochures. Celles-ci ne sont pas datées. Le classement par prix, s’étalonnant de cinq centimes à dix francs, vaut également indice. À partir de vingt centimes, le militant pourra se procurer Socialisme utopique et socialisme scientifique et le Manifeste du Parti Communiste. Pour trente centimes, À propos d’unité par Karl Marx. À cinquante centimes, la dimension économique de l’analyse marxiste se profile : Salaires, prix et profits. Pour deux francs et cinquante centimes, on peut se procurer Révolution et Contre-Révolution et La Commune, ouvrages de Marx indiquant un déplacement vers l’histoire du mouvement ouvrier français. Enfin, pour un franc supplémentaire, c’est-à-dire pour des bourses militantes motivées, on peut s’offrir La critique de l’économie politique, La lutte des classes en France, Le procès des communistes ainsi que deux ouvrages d’Engels, Religion et Philosophie et Les origines de la société.
Le catalogue ne donne ni le tirage des brochures, ni la pagination. Sur les 211 qu’il compte, les ouvrages de Marx et Engels représentent seulement 5 % du fonds. L’analyse quantitative doit se tempérer des brochures pédagogiques à visée vulgarisatrice de la pensée marxiste, essentiellement dues à Paul Lafargue et Gabriel Deville. De surcroît, l’échelle des prix indique, pour partie, le public visé : celui de militants plus avertis sans doute. Il faut également poser la question de la pratique. Organisé suivant le seul principe du prix, le catalogue ne hiérarchise aucune des brochures dans une visée pédagogique. Il s’agit là d’un inventaire du stock. À partir de 1908, l’initiative lancée par Lucien Roland de la « brochure mensuelle » nuance ce constat : moyennant un abonnement annuel, le militant reçoit une brochure par mois comme La Commune de Paris ou La lutte des classes en France. En fait, Marx fait partie du bagage intellectuel de « l’honnête » militant socialiste. Averti, celui-ci sait par les brochures bricoler une identité politique, pourvu qu’il ait le goût de se cultiver, et la bourse adéquate. Notons alors que les lectures proposées mettent systématiquement l’accent sur le corpus français des écrits de Marx."
"Frédéric Cépède estime que le fonds de 1906 à 1913 passa de 178 266 à 265 076 brochures."
"Le rapport au marxisme n’est pas exactement pris en charge par le parti, mais plutôt par ses marges intellectuelles au sein des revues (Revue socialiste, Le Mouvement socialiste) ou de la presse de tendance (La guerre sociale, Le socialisme). On ne voit pas alors se dessiner le projet d’une construction de l’identité socialiste par le rapport aux textes de Marx. Jouent ici toute l’ambiguïté de l’unité réalisée en 1905 et le heurt des tendances qui identifient souvent la citation marxiste et la qualité de guesdiste. S’ajoutent également l’inscription de la SFIO dans un système républicain et une tradition révolutionnaire spécifique parfois étrangère à l’analyse marxiste. Comptent enfin les pesanteurs financières. Cet état de fait correspond aux premières années du parti, lorsque l’unité est un combat. Cette situation signale également qu’il existe deux rapports à Marx au sein du parti. L’un relève de la théorie et des joutes intellectuelles aux confins du parti, où les positions de chacun s’apprécient au fil de l’Internationale, le marxisme constituant le langage commun par lequel converser, s’opposer. Rabattu par la brochure sous le seul angle du militant de base, le second usage indique alors que les écrits de Marx participent d’un bagage attendu, mais n’augure aucune doxa, même celle que les adversaires du guesdisme croient déceler dans la réitération d’axiomes stéréotypés. La situation change après le congrès de Toulouse (1908) qui, s’il fut celui de la synthèse jaurésienne, annonce surtout un équilibre plus pérenne au sein de la SFIO entre les grandes tendances."
"Si le congrès de Toulouse entérine un nouvel équilibre autour du jauressisme comme courant majoritaire, de nouvelles tendances se font jour : l’hervéisme se renforce, la revue Le Mouvement socialiste incarne une autre variante de la gauche du Parti quand, à droite, Albert Thomas, lançant ses Cahiers du socialisme et l’École socialiste, rassemble un réseau normalien, tandis qu’Alexandre Varenne somme la SFIO de se prononcer sur les thèses de Bernstein. La question de l’identité du socialisme français se pose dans des termes renouvelés. D’une part, la SFIO va connaître sur ses marges de 1908 à 1911 toute une série d’initiatives visant à codifier ou asseoir cette identité du socialisme français. D’autre part, lors des congrès, la question de la Librairie du Parti suscite des débats. Son action est jugée trop timorée, une part des critiques souhaite que la SFIO se dote, comme ses homologues belge et allemande, d’un véritable dispositif éditorial. Cette volonté s’inscrit également dans les vœux de la IIe Internationale, souhaitant, lors de son congrès de 1909, que les textes de Marx soient publiés.
La SFIO crée une Commission à la Librairie et à l’Édition en 1909. Sa composition prouve un réel œcuménisme : Jean Longuet, Lucien Roland, Ernest Lafont, Albert Thomas, Alfred Bonnet, Marcel Sembat et Compère-Morel en font partie. Dans cette configuration nouvelle, Jean Longuet propose dans son rapport sur la Librairie d’éditer Marx intégralement, escomptant une collaboration avec les partis frères. Cette édition devrait être celle d’une science de propagande, et non une édition scientifique. Il s’agit en effet de former des militants, de parachever leur éducation socialiste en leur donnant à lire Marx, que ne publient pas (plus) les éditeurs bourgeois et militants. Le projet bénéficie de « l’héritage » par la SFIO du fonds de la maison d’édition Jacques, dont le catalogue contient nombre d’ouvrages de Marx."
"Les réseaux se recoupent et peinent à se circonscrire sous le seul angle du guesdisme : la publication par le parti des œuvres de Marx dépasse le seul segment guesdiste, car droite et gauche de la SFIO s’y associent."
-Vincent Chambarlhac, « L’orthodoxie marxiste de la SFIO : à propos d’une fausse évidence (1905-1914) », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 114 | 2011, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 06 février 2021. URL : http://journals.openedition.org/chrhc/2215 ; DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.2215
https://www.cairn.info/revue-geneses-2004-4-page-4.htm