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    Tristan Garcia, La vie intense : Une obsession moderne

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Tristan Garcia, La vie intense : Une obsession moderne Empty Tristan Garcia, La vie intense : Une obsession moderne

    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 18 Fév - 15:44

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Tristan_Garcia#Philosophie_et_essais

    "Les ennemis idéologiques qui s’affrontent sur la scène de notre époque ont au moins cet idéal en commun : la recherche d’une intensité existentielle. Libéraux, hédonistes, révolutionnaires, fondamentalistes ne s’opposent peut-être que sur le sens de cette intensité dont notre existence a besoin. La société de consommation et la culture hédoniste vendent des intensités de vie, mais les plus radicaux qui s’y opposent promettent aussi de l’intensité, une intensité inquantifiable cette fois et qui ne se marchande pas, un supplément d’âme que la société des biens matériels ne serait plus en mesure de fournir aux individus. L’héroïsme révolutionnaire qui s’est régulièrement opposé à l’univers marchand a reposé sur la défense de la « vraie vie » intense, contre le calcul égoïste des corps et des esprits. La poésie, la chanson, les voix de la révolte, les discours critiques qui ont cherché à promouvoir d’autres formes de vie ont toujours reproché à la civilisation capitaliste, cette civilisation du calcul universel, son incapacité à susciter une expérience de soi suffisamment intense pour être désirable et partageable. Aux promesses illusoires d’expériences fortes mais monnayables, d’autres « vibrations » (les vibes hippies et rastas) ou d’autres « feux changeants » poétiques sont sans cesse opposés. La critique de la vie normale occidentale à basse intensité existentielle est courante, de Rimbaud au surréalisme, de Thoreau au mouvement hippie, d’Ivan Illich à L’Insurrection qui vient. Régulièrement, on explique même l’apparition de comportements violents et « déviants », que ce soient l’amok ou le terrorisme, par un mystérieux défaut d’âme dans la société consumériste, incapable de procurer à sa jeunesse une intensité de vie suffisamment stimulante. On imagine que les jeunes gens partis faire le jihad ont tourné le dos à une société morne et sans relief, qui n’avait plus guère de fulgurance existentielle à leur proposer. Ainsi l’idéal d’intensité n’est-il pas seulement celui du monde libéral, mais aussi celui de ses ennemis.

    L’intensité comme valeur supérieure de l’existence est encore ce qu’il y a parmi nous de mieux partagé : c’est notre condition ; c’est la condition humaine héritée, peut-être, de la modernité. Une fois seulement posée cette situation commune, ceux qui s’expriment pour et ceux qui se prononcent contre la société libérale issue de la modernité se disputent sur ce qui devrait être intense : la satisfaction de mes besoins ou bien mon engagement inconditionnel pour une idée." (pp.13-14)

    "Alors que la modernité signifiait la rationalisation des connaissances, des productions et des échanges, la mathématisation du réel, l’établissement d’un plan d’équivalence entre toutes les choses échangeables sur un marché, l’intensité en est venue à désigner, comme par compensation, la valeur éthique suprême de ce qui résiste à cette rationalisation : l’intensité n’est pas strictement irrationnelle, mais elle ne se laisse pas réduire à ces figures de la rationalité que sont l’objectivité, l’identification, la division dans l’espace, le nombre, la quantité." (p.15)

    "Ainsi l’« intensité esthétique » a-t-elle lentement éclipsé le canon classique de la beauté. En grande partie fantasmé par ceux qui le regrettent aujourd’hui, ce canon supposait la correspondance d’une représentation à un idéal préexistant. Cet idéal se trouvait régi par des lois de symétrie, d’harmonie et d’agrément." (pp.16-17)

    "L’Occident a appris ou réappris avec le romantisme à apprécier la chose vulgaire aussi bien que la belle chose. Le difforme peut se renverser en gracieux, le grotesque en sublime. Il n’y a pas de critère absolu de la valeur d’une œuvre d’art qui tienne à son contenu." (p.18)
    -Tristan Garcia, La vie intense : Une obsession moderne, Paris, Éditions Autrement, coll. « Les grands mots », 2016, 203 pages.



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

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