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    Jean-Claude Caron, « MALCOLM CHASE, Le chartisme. Aux origines du mouvement ouvrier britannique, 1838-1858

    Johnathan R. Razorback
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    Jean-Claude Caron, « MALCOLM CHASE, Le chartisme. Aux origines du mouvement ouvrier britannique, 1838-1858 Empty Jean-Claude Caron, « MALCOLM CHASE, Le chartisme. Aux origines du mouvement ouvrier britannique, 1838-1858

    Message par Johnathan R. Razorback Jeu 25 Fév - 16:37

    "Là où Blanqui et les promoteurs de l’action clandestine entendent ne mobiliser que des militants « professionnels », soumis à une stricte discipline dans les structures pyramidales très hiérarchisées des sociétés secrètes, le chartisme rassemble des foules impressionnantes, tant dans ses meetings ou ses manifestations de rue qu’au bas de ses pétitions.

    Pour autant, les formes d’action violente ne furent pas, loin de là, rejetées par le chartisme. « Par la paix s’il se peut, par la force s’il le faut » : ce slogan est en soi assez clair. L’un des grands apports de cette étude est d’insister sur la progressive radicalisation d’un mouvement qui prône le recours aux armes de manière ouverte. Il y a bien, à plusieurs reprises, un climat insurrectionnel qui règne sur une partie au moins des militants chartistes. Le mouvement le plus grave, l’insurrection de Newport (Pays de Galles) en novembre 1839, entraîne la mort de 22 personnes au moins. M. Chase décrit les formes les plus intéressantes de cette culture chartiste de l’insurrection : réunion préparatoire dans les tavernes ; achat ou fabrication d’armes ; élaboration de tactiques d’affrontement avec les forces de l’ordre ; publication par Francis Macerone des Defensive Instructions for the People qui ne sont pas sans rappeler les Instructions pour une prise d’armes de Blanqui. Pourtant, et ce point mériterait d’être davantage analysé, le bilan humain (nombre de morts ou de blessés) apparaît globalement très faible. Les affrontements entre chartistes en armes et forces de l’ordre sont très bien décrits dans leur déroulement : mais autant on saisit bien les stratégies mises en œuvre de chaque côté, autant on peine à comprendre comment et pourquoi jamais, en définitive, la guerre des rues ne prit en Grande-Bretagne une ampleur comparable à celle qu’elle eut dans d’autres pays européens – et pas seulement en France. Un sentiment s’impose : la description de certaines des prises d’armes évoquées (ainsi à Halifax en 1842) renvoie à la jacquerie d’Ancien Régime davantage qu’aux insurrections du XIXe siècle. Effet de source ou réalité ? De plus, on a parfois le sentiment que la National Charter Association accompagne le mouvement plus qu’elle ne le dirige.

    Certes, M. Chase donne à voir un faisceau de motifs qui peuvent, au total, fournir un cadre d’explication. Le premier est la continuelle rivalité et les dissensions internes régnant parmi les leaders chartistes : pas un chapitre ne fait l’économie de l’exposé de faits relatifs à ces dissensions qui ne cessent d’affaiblir le mouvement. O’Connor, Lovett et les autres dirigeants sont ainsi présentés avec toutes leurs contradictions – l’auteur n’hésitant pas, de surcroît, à porter des jugements de valeur sur leurs qualités comme sur leurs défauts. Malgré les six points qui, constituant le programme du mouvement chartiste, fédèrent ses adhérents, on comprend que les buts à atteindre ne sont pas nécessairement les mêmes suivant les régions et les groupes sociaux. L’un des points les plus « exotiques » du chartisme pour un connaisseur des mouvements sociaux français est la place accordée aux revendications agraires. Tant le républicanisme radical que le socialisme naissant dans la France des années 1830-1840 ne prêtent guère d’attention à cette question dont s’emparent plutôt les réformateurs sociaux de type fouriériste ou icarien. Un autre point intéressant est la relation entre le chartisme et le non-conformisme. La phraséologie chartiste paraît marquée par des emprunts bibliques importants, en Écosse notamment. Mais à terme, les Églises de toutes obédiences ne constituent-elles pas un frein plus qu’un élément moteur ? Il en est de même de la relation difficile entre chartisme et mouvement anti-corn law : le second n’entend pas être inféodé au premier, qui aimerait bien en capter une partie des militants. Reste le rôle de l’État qui a su prendre la mesure du chartisme et agit en conséquence : interdictions, arrestations, jugements, emprisonnements, déportations vers l’Australie ou la Tasmanie, plus rarement condamnations à mort – jamais suivies d’exécution."

    "Confronté à de multiples accusations émanant d’un pouvoir dénonçant les influences étrangères au sein du mouvement chartiste, ce dernier ne s’intéresse guère à ce qui se passe en Europe continentale – ajoutons : même en 1848, avec quelques exceptions en termes d’impact de la révolution française de février 1848, à Londres et à Glasgow pour l’essentiel. M. Chase tend de fait à relativiser l’impact de l’année 1848 en Grande-Bretagne, malgré le « meeting-monstre » de Kennington Common et la dernière pétition portée au Parlement. Il semble par ailleurs que les affaires irlandaises aient alors eu un effet anesthésiant même si, officiellement, le chartisme est hostile au moins depuis 1842 à l’acte d’Union. À bien des égards, 1848 apparaît comme un baroud d’honneur du chartisme qui, dans les années suivantes, ne connaît pas une mort brutale, mais un lent dépérissement accompagné d’un réinvestissement de certains acteurs dans d’autres lieux (comme le pouvoir municipal)."
    -Jean-Claude Caron, « MALCOLM CHASE, Le chartisme. Aux origines du mouvement ouvrier britannique, 1838-1858 [2007], Paris, Publications de la Sorbonne, 2013, 486 p., ISBN 978-2-85944-743-4 », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 2018/1 (n° 65-1), p. 201-205. DOI : 10.3917/rhmc.651.0201. URL : https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2018-1-page-201.htm



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