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    Jean-Michel Berthelot, Epistémologie des sciences sociales

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Jean-Michel Berthelot, Epistémologie des sciences sociales Empty Jean-Michel Berthelot, Epistémologie des sciences sociales

    Message par Johnathan R. Razorback Dim 21 Mar - 12:25

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Michel_Berthelot

    https://fr.1lib.fr/book/2855673/24a12a?dsource=recommend

    "La psychologie interfère avec les sciences sociales par l’intermédiaire de la psychologie sociale. Mais son noyau dur est fondamentalement orienté vers les fondements organiques des états mentaux."

    "Chacun sait que, indépendamment de toute science du social, les humains ont une connaissance de leur environnement social. Celle-ci a été diversement thématisée au cours de l’histoire des disciplines. Grosso modo, elle a oscillé entre trois statuts : celui d’obstacle épistémologique – ce que nous croyons savoir du social n’est qu’un ensemble de préjugés ou de « prénotions » ; celui d’objet d’étude – ce que les individus pensent de leur monde, à une époque donnée, dans une culture donnée, doit être étudié avec autant de minutie que les diverses traces objectives disponibles ; celui de fondement – la connaissance « ordinaire » est ce sur quoi s’enracine toute possibilité de compréhension du monde social. C’est cette dernière voie qui aujourd’hui semble bien l’emporter."

    "Le vocabulaire des sciences sociales est fortement marqué par des théories à prétention transdisciplinaire, dont le cadre conceptuel tend à s’imposer comme cadre de référence : théorie marxiste, psychanalyse, sémiologie structurale à une époque ; pragmatique, modèle du choix rationnel, cognitivisme aujourd’hui."
    -Jean-Michel Berthelot, Introduction, in Jean-Michel Berthelot (dir.), Epistémologie des sciences sociales, PUF, Quadrige, 2012, 606 pages.

    [Première partie. Les grands territoires et leurs paradigmes]

    "Marrou définissait, avec beaucoup d’autres, l’histoire comme « la connaissance du passé humain » (Marrou, 1975, p. 29). Mais deux auteurs qu’aucun présupposé essentiel ne sépare de lui, ont souligné l’insuffisance d’une telle formulation pourtant commune. Antoine Prost observe que « le caractère passé ne suffit pas à désigner un fait ou un objet de connaissance ; tous les faits passés ont d’abord été des faits présents. Entre les uns et les autres, aucune différence de nature » (Prost, 1996, p. 67). (Il peut ne pas être inutile de rappeler ici qu’Hérodote et Thucydide, les pères fondateurs de la discipline dans sa généalogie occidentale, ont été des historiens de faits dont ils étaient contemporains ou presque : les guerres médiques pour le premier, qui en écrit l’histoire une génération plus tard ; la guerre du Péloponnèse pour le second.) Raymond Aron s’interroge lui aussi sur l’« unité disciplinaire du passé humain » et suggère « un point de départ plus modeste et immédiatement donné : nous tous, hommes d’une société actuellement existante, nous conservons autour de nous des traces de ce qui a été ; nous conservons ce que nous appelons des documents ou des monuments à partir desquels reconstruire ce qu’ont vécu ceux qui nous ont précédé. En ce sens, la connaissance historique, ou l’histoire en tant que connaissance, est reconstruction ou reconstitution de ce qui a été à partir de ce qui est » (Aron, 1989, p. 88, 91-92). Ces deux commentaires, que l’on a choisi de retenir parmi bien d’autres possibles, introduisent une double distance critique. Ils soulignent, en premier lieu, le caractère relatif du fait historique, ou plutôt de l’historicité d’un fait qui est déterminée par la position de l’observateur par rapport à lui."

    "Pour Thucydide, c’est le fait d’avoir été présent à l’événement qu’il rapporte qui garantit l’information de l’historien et il récuse en conséquence la possibilité d’une histoire du passé."

    "Le plus souvent, elle posait sans le dire une relation d’extériorité entre les faits et les opérations de connaissance qui les visent. C’est bien cette conception qui a fait l’immense fortune de la maxime de Ranke que l’on a citée plus haut en un moment où l’on se plaisait à concevoir l’histoire comme une science d’observation, indirecte certes, mais qui était susceptible de se conformer à la méthode expérimentale exposée par Claude Bernard (Langlois et Seignobos, 1898).

    Qu’est-ce qu’un fait historique ? La question a fait couler beaucoup d’encre il y a un siècle, et elle a provoqué des réponses plus nuancées qu’il n’y paraît. C’est Seignobos après tout qui énonçait qu’« il n’y a pas de faits historiques par leur nature ; il n’y a de faits historiques que par position. Est historique tout fait qu’on ne peut pas observer directement parce qu’il a cessé d’exister. Il n’y a pas de caractère historique inhérents aux faits, il n’y a d’historique que la façon de les connaître ». Il situait donc clairement la qualification du fait historique du côté de ce qu’il nommait « un procédé de connaissance », mais il le faisait en déplaçant la factualité vers le document qui est supposé conserver les traces du fait et qui le délivrera « par une série de raisonnements compliqués » (Seignobos, 1901, p. 3-5). Dans une telle optique, la tâche essentielle de l’historien consisterait, au-delà de la mise en œuvre de son travail critique, à ordonner les faits."

    "Simiand dans la très vigoureuse polémique qu’il a déclenchée contre les historiens, contre Seignobos en particulier, au nom des règles de la méthode sociologique qu’il leur proposait en modèle prescriptif (1903, in Simiand, 1987). Si elle veut se fonder comme discipline scientifique, l’histoire doit renoncer à se penser comme une restitution factuelle du passé : « Elle n’est à aucun degré une reproduction intégrale, un enregistrement automatique, non seulement de tous les faits qui se sont passés, mais même de tous les faits que les documents subsistants nous permettent de connaître. » Il lui appartient au contraire de rallier les sciences sociales « dans un travail un et inséparable de recherche et d’élaboration, d’analyse et de construction, d’information et de mise en œuvre inductive et systématique ». Cette mise en demeure globale est spécifiée sur trois points, qui sont liés. Le premier touche à la définition de l’objectivité scientifique dont le sociologue rappelle que, contrairement à ce que croient les historiens empiristes, elle « n’est pas une propriété inhérente aux choses » mais le produit d’une élaboration raisonnée. Le second réfute l’opposition avancée entre le fait historique concret et l’abstraction qui serait la marque des sciences sociales. La troisième critique, la plus déterminante peut-être, porte sur les réalités que les historiens choisissent d’étudier de façon privilégiée et qui, précisément, ne se prêtent pas à un projet de connaissance scientifique à la fois parce qu’elles sont des figures de l’individuel et parce qu’elles ne peuvent pas faire l’objet de procédures d’abstraction. Simiand somme donc les historiens de renoncer aux « idoles » de leur tribu, idole politique, idole individuelle, idole chronologique, parce qu’il n’est possible de connaître qu’à travers la comparaison entre des types ou à l’intérieur d’une série. Toute la démonstration, qui a exercé un rôle déterminant sur le développement de l’historiographie française au xxe siècle, repose en fait sur une critique du fait social dont le sociologue rappelle qu’il n’a de sens que construit en fonction d’une hypothèse explicitée, de l’élaboration de données en fonction de cette hypothèse, destinée à être soumise à des procédures de validation empirique. La démarche qu’il propose rompt donc brutalement avec les manières de faire accoutumées des historiens. Elle est constructiviste et elle est expérimentale."

    "Weber ne se contente pas en effet de récuser l’extériorité du fait historique par rapport aux opérations de connaissance, qui relève selon lui d’une conception inappropriée de l’objectivité. Il caractérise les contraintes épistémologiques qui pèsent sur le raisonnement historique et qui lui interdisent tout savoir nomologique à prétention universelle fondé sur les hypothèses réfutables dans des conditions constantes. Du monde historique, il ne peut exister en effet d’appréhension définitive puisque celle-ci est elle-même inscrite dans une histoire. C’est la position que J.-C. Passeron a reprise à son compte dans la proposition : « Il n’existe pas et il ne peut exister de langage protocolaire unifié de la description empirique du monde historique » puisque de telles descriptions « s’entendent implicitement à contexte historique constant et doivent en conséquence être reformulées en changeant de contexte » (Passeron, 1991, p. 363-364). Le travail de l’historien porte sur des objets historiques et il est lui-même pris dans l’historicité. La description du monde historique, la sélection et la construction des faits (et, bien sûr, l’interprétation qu’il en donne) relèvent donc de procédures spécifiques, d’une interaction qui doit être explicitée et qui appelle une autre définition, procédurale, de l’objectivité, qui est requise de s’affranchir à la fois du modèle nomologique et du relativisme empiriste et qui ne saurait s’énoncer sur le mode du constat positif."

    "Simiand plaide au nom d’une conception des sciences sociales qui veut expliquer par les causes comme le font les sciences de la nature et qui est de stricte orthodoxie durkheimienne. C’est la même exigence que défend, quarante ans plus tard, le philosophe Carl G. Hempel et il le fait au nom d’une épistémologie unifiée. Selon le modèle déductif nomologique qui est identifié à sa proposition, il doit aller de soi que « les lois générales ont des fonctions tout à fait analogues en histoire et dans les sciences de la nature ». Les seuls événements (events) pertinents sont ceux qui, comme les événements du monde naturel, sont susceptibles de relever d’une hypothèse de régularité qui se prête à une vérification empirique."
    -Jacques Revel, "Les sciences historiques", chapitre 1 in Jean-Michel Berthelot (dir.), Epistémologie des sciences sociales, PUF, Quadrige, 2012, 606 pages.



    _________________
    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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