"L’URSS n’a été qu’une variante de la société mondiale de la marchandise, elle fut une « Révolution française à l'Est » : il s’agissait selon Kurz, d’une « modernisation de rattrapage », c’est-à-dire l’introduction violente par l'Etat des mécanismes de base de la production de valeur dans un pays arriéré qui autrement n’aurait jamais pu devenir une partie autonome du marché mondial. Les méthodes du capitalisme d'Etat soviétique étaient d'ailleurs semblables à celles mises en œuvre à l'Ouest du XVIe au XIXe siècles. La modernisation de rattrapage ne doit pas être réduite à son aspect socio-technique, au sens d'une simple industrialisation de rattrapage comme pourrait le penser une critique anti-industrielle. Ce qui est en jeu, fondamentalement, c'est la mise en place tardive des formes sociales d'un nouveau système de production de marchandises, impliquant le remplacement des rapports sociaux prémodernes par la monétarisation et l'économicisation de toutes les relations sociales : la constitution d'une nouvelle communauté matérielle du capital.
L'élaboration du concept de « modernisation de rattrapage » fut un des premiers résultats prometteurs de la « révolution théorique » inaugurée par Krisis en 1987 [...] Au regard de ce nouveau concept saisissant le concret à partir de ses déterminations abstraites les plus simples, si l’URSS n’était pas « socialiste », cela n’était pas donc dû seulement à la dictature d’une couche de bureaucrates, comme l’affirmait la gauche anti-stalinienne qui en opposant à l'Etat la forme-conseil et bientôt l'« autogestion » des entreprises, laissait intacte et hors de portée l'ontologie capitaliste qu'elle ne cessait à son tour, d'affirmer positivement. La véritable raison du caractère non socialiste de l'URSS en était que les catégories centrales du capitalisme – marchandise, valeur, travail, argent – n’y étaient pas du tout abolies. On prétendait seulement les gérer « mieux », au « service des travailleurs ». Ainsi en 1989-1991, ce n’était pas une « alternative » au système capitaliste qui s’était écroulée, mais le « maillon le plus faible » de ce système même."
-Clément Homs, "Interpréter 1917 au-delà du concept de « Capitalisme d'Etat ». Lénine, Staline, l'URSS et la modernisation bourgeoise-soviétique", 22 Août 2017: http://www.palim-psao.fr/2017/08/interpreter-1917-au-dela-du-concept-de-capitalisme-d-etat-lenine-staline-l-urss-et-la-modernisation-bourgeoise-sovietique-par-clemen
L'élaboration du concept de « modernisation de rattrapage » fut un des premiers résultats prometteurs de la « révolution théorique » inaugurée par Krisis en 1987 [...] Au regard de ce nouveau concept saisissant le concret à partir de ses déterminations abstraites les plus simples, si l’URSS n’était pas « socialiste », cela n’était pas donc dû seulement à la dictature d’une couche de bureaucrates, comme l’affirmait la gauche anti-stalinienne qui en opposant à l'Etat la forme-conseil et bientôt l'« autogestion » des entreprises, laissait intacte et hors de portée l'ontologie capitaliste qu'elle ne cessait à son tour, d'affirmer positivement. La véritable raison du caractère non socialiste de l'URSS en était que les catégories centrales du capitalisme – marchandise, valeur, travail, argent – n’y étaient pas du tout abolies. On prétendait seulement les gérer « mieux », au « service des travailleurs ». Ainsi en 1989-1991, ce n’était pas une « alternative » au système capitaliste qui s’était écroulée, mais le « maillon le plus faible » de ce système même."
-Clément Homs, "Interpréter 1917 au-delà du concept de « Capitalisme d'Etat ». Lénine, Staline, l'URSS et la modernisation bourgeoise-soviétique", 22 Août 2017: http://www.palim-psao.fr/2017/08/interpreter-1917-au-dela-du-concept-de-capitalisme-d-etat-lenine-staline-l-urss-et-la-modernisation-bourgeoise-sovietique-par-clemen