https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Marc_Schiappa
"Quatorze juillet mil sept cent quatre-vingt neuf.
En Picardie, un homme qui n'a pas encore trente ans et qui est déjà gagné à l'idée communiste a cherché à rallier les assemblées électorales des Etats généraux à ses convictions démocratiques. Spécialiste du droit féodal, ses chicanes avec les familles nobles l'ont conduit au bord de la faillite. Il s'appelle François-Noël-Babeuf ; par la suite, il se baptisera Camille, puis Gracchus.
Dans la foule des parisiens qui se ruent à l'assaut de la Bastille, à la fois prison et symbole exécré de l'Ancien Régime, un étudiant en droit originaire du Pas-de-Calais. Il s'appelle Augustin Darthé, il a vingt ans. Il sera blessé dans l'émeute et obtiendra le titre envié de "Vainqueur de la Bastille".
Dans la foule, il y a aussi de nombreuses femmes comme les dames de la halle, qui depuis plusieurs semaines, chantent à l'attention des nobles:
"Vous qui nous traitez de racaille
Si poliment
Comme nous, vous paierez la taille
Bien noblement."
L'auteur de cette chanson est un poète bègue et timide qui rêve d'un idéal campagnard communiste. Il a pour nom Sylvain Maréchal.
Mais l'aventure qui commence ne se limite pas à la France.
En Italie, en ce moment, un étudiant en droit d'origine noble suit avec passion les récits venant de France. Bientôt, Filipo Buanarroti (tel est son nom) quittera tout, laissant les honneurs, et partira en Corse rejoindre la Révolution.
Sur un autre continent, au même moment, en Amérique du Nord, vit un jeune homme, Robert François Debon. Après avoir vécu en Normandie, il a quitté la France pour l'Angleterre puis pour Saint-Domingue, avec en tête l'idée de partir à la recherche de "l'homme de la Nature". Il remonte le Mississipi à la rencontre des Indiens, chez qui il séjournera et dont il gardera le meilleur souvenir.
Ces hommes ne se connaissent pas ; pas plus qu'ils ne connaissent le marquis d'Antonelle, un épicurien, capitaine de l'armée qu'il avait quittée quand il pouvait prétendre à une carrière tranquille, avec croix de Saint-Louis et pension ; ils ne connaissent pas plus Félix Lepeletier, lui aussi de famille noble, et qui rompra très vite avec sa caste. Ces hommes ne pouvaient pas se connaître en 1789: comme des dizaines de milliers et de milliers d'autres, ils sont en passe de devenir d'ardents révolutionnaires. Ils paieront cher cet engagement.
Sept ans plus tard, et au nom de cette Révolution, Babeuf et Darthé seront guillotinés, Buonarroti condamné à la déportation, Antonelle jeté sur le banc des accusés, Debon et S. Maréchal proscrits.
Lepeletier inscrit sur la liste des émigrés, lui, le pur révolutionnaire, aussi pur que ses amis !
En 1796, ces hommes -et c'était là leur seul crime- avaient dirigé en plein reflux de la Révolution la première tentative communiste, la Conjuration pour l'Égalité, ce qui est à la fois le "spasme suprême" (J. Jaurès) de la Révolution et aussi, le début d'une autre épopée humaine, non achevée à ce jour: la lutte pour l'Égalité." (pp.7-9)
-Jean-Marc Schiappa, Gracchus Babeuf avec les Égaux, Paris, Éditions ouvrières, 1991, 264 pages.
"Quatorze juillet mil sept cent quatre-vingt neuf.
En Picardie, un homme qui n'a pas encore trente ans et qui est déjà gagné à l'idée communiste a cherché à rallier les assemblées électorales des Etats généraux à ses convictions démocratiques. Spécialiste du droit féodal, ses chicanes avec les familles nobles l'ont conduit au bord de la faillite. Il s'appelle François-Noël-Babeuf ; par la suite, il se baptisera Camille, puis Gracchus.
Dans la foule des parisiens qui se ruent à l'assaut de la Bastille, à la fois prison et symbole exécré de l'Ancien Régime, un étudiant en droit originaire du Pas-de-Calais. Il s'appelle Augustin Darthé, il a vingt ans. Il sera blessé dans l'émeute et obtiendra le titre envié de "Vainqueur de la Bastille".
Dans la foule, il y a aussi de nombreuses femmes comme les dames de la halle, qui depuis plusieurs semaines, chantent à l'attention des nobles:
"Vous qui nous traitez de racaille
Si poliment
Comme nous, vous paierez la taille
Bien noblement."
L'auteur de cette chanson est un poète bègue et timide qui rêve d'un idéal campagnard communiste. Il a pour nom Sylvain Maréchal.
Mais l'aventure qui commence ne se limite pas à la France.
En Italie, en ce moment, un étudiant en droit d'origine noble suit avec passion les récits venant de France. Bientôt, Filipo Buanarroti (tel est son nom) quittera tout, laissant les honneurs, et partira en Corse rejoindre la Révolution.
Sur un autre continent, au même moment, en Amérique du Nord, vit un jeune homme, Robert François Debon. Après avoir vécu en Normandie, il a quitté la France pour l'Angleterre puis pour Saint-Domingue, avec en tête l'idée de partir à la recherche de "l'homme de la Nature". Il remonte le Mississipi à la rencontre des Indiens, chez qui il séjournera et dont il gardera le meilleur souvenir.
Ces hommes ne se connaissent pas ; pas plus qu'ils ne connaissent le marquis d'Antonelle, un épicurien, capitaine de l'armée qu'il avait quittée quand il pouvait prétendre à une carrière tranquille, avec croix de Saint-Louis et pension ; ils ne connaissent pas plus Félix Lepeletier, lui aussi de famille noble, et qui rompra très vite avec sa caste. Ces hommes ne pouvaient pas se connaître en 1789: comme des dizaines de milliers et de milliers d'autres, ils sont en passe de devenir d'ardents révolutionnaires. Ils paieront cher cet engagement.
Sept ans plus tard, et au nom de cette Révolution, Babeuf et Darthé seront guillotinés, Buonarroti condamné à la déportation, Antonelle jeté sur le banc des accusés, Debon et S. Maréchal proscrits.
Lepeletier inscrit sur la liste des émigrés, lui, le pur révolutionnaire, aussi pur que ses amis !
En 1796, ces hommes -et c'était là leur seul crime- avaient dirigé en plein reflux de la Révolution la première tentative communiste, la Conjuration pour l'Égalité, ce qui est à la fois le "spasme suprême" (J. Jaurès) de la Révolution et aussi, le début d'une autre épopée humaine, non achevée à ce jour: la lutte pour l'Égalité." (pp.7-9)
-Jean-Marc Schiappa, Gracchus Babeuf avec les Égaux, Paris, Éditions ouvrières, 1991, 264 pages.