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    Evelyne Ritaine, Les stratèges de la culture

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Evelyne Ritaine, Les stratèges de la culture Empty Evelyne Ritaine, Les stratèges de la culture

    Message par Johnathan R. Razorback Ven 18 Juin - 11:49

    http://www.reseau-terra.eu/auteur558.html

    "D'où tenons-nous, en effet, la légitimité absolue d'une démocratisation de la culture, la nécessité d'une prise en charge par l'Etat d'un service public culturel ? D'où nous vient cette évidence qu'il est juste de faire accéder chacun (chaque citoyen) à la culture (la culture commune) ?" (p.11)

    "Qu'advient-il, dans cette vision, des cultures régionales et des pratiques ouvrières, des traditions populaires et de l'agit-prop, de tous les "changez la vie" et de chacune des différences ?" (p.12)

    "Les intellectuels dreyfusards, qui rassemblent de "robustes auditoires" dans les universités populaires, ont le même geste et la même angoisse que l'animateur contemporain. Cependant, les uns vont au peuple pour le révéler à lui-même et parfaire ainsi la démocratie, l'autre tente de distribuer de l'âme à un peuple qui n'est plus que public..." (p.14)

    "Les groupes sociaux intermédiaires ont toujours des prises de position incertaines, diversifiés qu'ils sont par des conditions sociales hétérogènes." (p.31)

    "La plupart des membres des universités populaires ne veulent pas se plier au principe de la neutralité politique: les confrontations, exacerbées encore par l'anticléricalisme, se multiplient. Les intellectuels se lassent des difficultés quotidiennes, cependant que l'anti-intellectualisme ouvrier réapparaît. [...] Comme le note amèrement J. Jaurès en 1909, "la part de pensée qui s'exprime par les formes de l'art ne comprend plus ou presque plus la forme de pensée qui se traduit par l'action politique et sociale". En fait, comme dans toute alliance politique, il y a eu quiproquo: quiproquo sur la question sociale notamment. Cet idéal coopératif que partagent toutes les expériences d'université populaire est susceptible de biens des interprétations politiques." (p.34)

    "Après une période d'expectative où l'Affaire Dreyfus est analysée comme une affaire entre bourgeois, les milieux anarchistes se sont joints aux troupes dreyfusardes, sous l'impact de la campagne de presse lancée par Le Libertaire en 1898 en faveur de la défense républicaine. La collaboration est même étroite un temps avec la Ligue des droits de l'homme. Ainsi s'explique que militants et sympathisants des divers mouvements révolutionnaires participent aux conférences populaires, que les journaux anarchistes diffusent les programmes, que les bourses du travail soient accueillantes." (p.38)

    "Le syndicalisme révolutionnaire est autant une pédagogie qu'un activisme: la formation des hommes se fait dans et par l'action. Cette action culturelle-là est bien une action de séparation socio-politique et de différenciation culturelle. Autant dire qu'elle fut peu entendue...
    "Instruire pour révolter". Pour F. Pelloutier, la priorité de l'éducation est la priorité du développement de la capacité politique, révolutionnaire, de la classe ouvrière
    ." (p.39)

    "L'école publique ne permet pas, aux yeux des syndicalistes révolutionnaires, d'interpréter le monde capitaliste. Elle n'ouvre qu'une porte étroite aux enfants d'ouvriers, quand elle ne forme pas des traîtres à la classe ouvrière. Elle a surtout, pour ce mouvement foncièrement antiétatique, une fonction politique qui, loin d'être celle de la libération par les lumières, est celle d'une reproduction socio-politique. [...] Monde de la production: cours et bibliothèques sont consacrés à la technologie, aux sciences physiques, à l'économie politique. Monde de la lutte révolutionnaire: les références y sont les grands textes de la critique révolutionnaire, les ouvrages de sociologie, les œuvres de littérature rationaliste." (p.40)

    "Après avoir été marginalisée par l'humanisme laïque, [la conception culturelle du syndicalisme révolutionnaire] sera définitivement étouffée, d'abord par la bolchevisation du mouvement ouvrier, ensuite par l'unanimisme politique du Front populaire..." (p.42)

    "Passé l'urgence de la crise et la nécessité politique du rassemblement, la France radicale, apparemment stabilisée, ne se soucie plus guère d'éduquer le peuple. L'évidence des affrontements de classe ruine en silence l'image d'un peuple unanime, puis celui d'une culture laïque et républicaine. Viennent trois décennies de violence, où le dernier des soucis est bien le problème de l'action par la culture." (p.44)

    "L'essence du discours politique du Front populaire [...] est une stratégie de rassemblement où il s'agit de faire tenir ensemble la classe ouvrière et les classes moyennes. [...] Désormais, tous les partis politiques de quelque importance s'inscrivent dans le jeu de la démocratie nationale." (p.46)

    "Défense du patrimoine national, tel que l'a formé la tradition laïque, avec une tendance nette à un classicisme à toute épreuve, à l'épreuve du goût [...] des classes moyennes. Comme si les acteurs politiques avaient l'intuition du principe sociologique selon lequel la petite bourgeoisie est définie culturellement par une disposition à reconnaître anxieusement la culture légitime, consacrée -les valeurs sûres..." (p.48)

    "La première Maison de la culture, créée à Paris en 1934 par l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR), d'obédience communiste, s'assigne le but suivant:
    "Faire revivre, pour que l'ensemble du pays en jouisse, les glorieuses traditions de la France dans l'art et la littérature nées des grands hommes de notre pays et du génie populaire des foules. Travailler à l'élaboration de la culture de demain par l'union des plus grands écrivains et artistes français avec les travailleurs"." (pp.48-49)

    "[L']humanisme culturel, unanimiste et progressiste, est une des plus profondes caractéristiques du discours de l'action par la culture, en 1936. Il inspire, en effet, les voix officielles de J. Zay pour l'Education nationale et de L. Lagrange pour la politique des loisirs." (p.50)

    "Pesanteur idéologique [...] L'analyse de la critique littéraire socialiste et communiste [...] montre un univers culturel classique, celui des humanités littéraires, tout au plus réinterprété dans le sens du combat populaire: Rabelais, Voltaire, Zola... et Marx pour les communistes. Comment serait-il possible de sortir de l'héritage quand celui-ci est l'héritage des Lumières ?" (pp.51-52)

    "En 1934, il ne peut plus être question de laisser s'exprimer les hérésies culturelles et les prises de position trop révolutionnaires. Le mouvement communiste écarte de lui-même bien des minorités qui vivaient dans son sillage et qui perdent ainsi tout espoir d'alternative et tout soutien institutionnel. Il les condamne à la marginalité et à l'oubli. Derniers éclats de la recherche d'une culture ouvrière, derniers éclats de l'engagement politique des avant-gardes créatrices." (p.53)

    "Des premiers jours de la Libération au début des années 1950, perdure, malgré les aléas politiques, l'espoir d'un changement socio-politique décisif." (p.57)
    (p.57)

    "De l'expérience de la Résistance, nombreux sont ceux qui ont gardé une nostalgie de la communauté." (p.58)

    "Direction de l'éducation populaire créée en 1945 au ministère de l'Education nationale, par une figure exemplaire: J. Guéhenno, fils d'ouvrier, enseignant et écrivain, chantre du Front populaire." (p.59)

    "La Fédération des maisons des jeunes et de la culture reçoit l'appui des pouvoirs publics dès 1948. J. Laurent (sous-direction des spectacles et de la musique au ministère de l'Education nationale) met en place, entre 1946 et 1952, l'essentiel de la décentralisation théâtrale: le Théâtre national populaire (1951) et le festival d'Avignon (1947), confiés à J. Vilar, et les cinq premiers centres dramatiques installés en province. Pourtant, si rabattement il y a eu sur la notion de service public, celui-ci est encore considérée comme trop réformiste par la craintive Quatrième République. Dès 1950, les éducateurs populaires trop politisés voient leurs activités réprimées, les conflits se multiplient avec les membres de la CGT qui siègent dans les conseils d'administration des MJC, et J. Laurent est évincée, sur l'intervention de parlementaires qui jugent son action trop militante. Jusqu'à l'apparition d'A. Malraux, il ne sera plus guère question d'action par la culture dans la sphère étatique." (p.61)

    "Le discours sur la triade Nation-Héritage-Démocratie, qui s'est imposé en 1936, est et demeure central. Mais cette nouvelle conjoncture y ajoute une nuance, où les termes deviennent insidieusement Communauté-Culture-Personne(s). [...] Le métissage du discours à la Libération, entre tradition socialiste et personnalisme, rend possible l'oubli progressif des origines les plus revendicatrices, les plus inspirées par la représentation d'une lutte sociale et politique. Il n'y a ni refoulement autoritaire, ni entrée en scène du Léviathan. [...] "Dé-réalisation" des rapports de domination, qui seule permet l'expression d'un intérêt général [...] on agit en faveur de tous [...] également." (pp.64-65)

    "L'action par la culture est devenue, en 1959, une affaire d'Etat ! [...] Après l'inertie du régime précédent, sous lequel l'engagement culturel ne connaît guère qu'aléas et conflits, l'un des premiers gestes de la République gaullienne est d'assumer la mise en place, par l'Etat, d'une politique culturelle qui permette la concrétisation du droit à la culture.
    Avec l'intérêt général culturel, le discours sur la démocratisation culturelle est abouti et achevé, à tous le sens du terme: étrange destinée que celle d'une revendication lorsque l'Etat s'en mêle.
    " (p.65)

    "[La culture reçoit] une fonction somptuaire, cérémonielle [...] Aboutissement jacobin: il n'y a plus ni Peuple à éduquer, ni Peuple de travailleurs à combler culturellement ; il n'y a plus qu'un Etat démiurge qui se mire dans le patrimoine national." (p.68)

    "Les fractions des classes moyennes, qui se caractérisent par la détention d'un capital culturel comme capital unique, sont mobilisées autour de ces institutions. Un seul chiffre suffit à mesurer l'ampleur du phénomène: les catégories socio-professionnelles non manuelles caractérisées par leur niveau d'instruction (secondaire ou supérieur) représentent 6.6% de la population active en 1950 et 20% en 1975 ; ou 10.2% des salariés en 1950 et 24.1% en 1975. Dans ce contexte, la petite bourgeoisie que l'on dit "nouvelle" trouve dans les pratiques d'action culturelle une des formes de sa distinction sociale. [...] Ces groupes vont laisser glisser le discours sur la culture sur une de ses pentes naturelles, celle de la thérapie sociale." (pp.68-69)

    "La production d'un discours par des intellectuels est d'abord la résultante de leurs positions ; elle est ensuite une ressource dans le réseau des relations entre intellectuels ; elle est aussi une ressource des intellectuels par rapport au champ politique ; elle est, enfin, une ressource stratégique dans les luttes politiques." (p.83)

    "Les "sciences du social" sont aussi un creuset du dreyfusisme. En ces lieux où s'interpénètrent la science économique, l'ethnologie et la sociologie, les dreyfusards ont pour nom: C. Gide, F. Simiand (ENS, 1893), M. Halbwachs (ENS 1898), L. Lévy-Bruhl, M. Mauss, E. Durkheim (ENS 1879), C. Bouglé (ENS 1890)..." (p.91)
    -Evelyne Ritaine, Les stratèges de la culture, Paris, Presses de la FNSP, 1983, 189 pages.

    influence de Bourdieu et Foucault



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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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