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    Pierre Bühler, Puissance et géographie au XXIe siècle

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Pierre Bühler, Puissance et géographie au XXIe siècle Empty Pierre Bühler, Puissance et géographie au XXIe siècle

    Message par Johnathan R. Razorback Mer 23 Juin - 13:55

    "Pour autant dans l’équation qui détermine la distribution et les modalités de la puissance, la ressource constituée par le territoire se déprécie inexorablement. D’abord parce que les activités à haute valeur ajoutée, qui sont le soubassement de la puissance, sont mobiles et peu tributaires du territoire. Ensuite parce que la valeur stratégique du territoire ne cesse de s’amoindrir : dans l’ordre qui régit un système international fondé sur des États formés sur des territoires et par des peuples, les changements se font par la désagrégation ou par la sécession plutôt que par la conquête, rendue illégitime et coûteuse par le principe de souveraineté et sa sanctuarisation dans la charte des Nations unies. Enfin, parce qu’apparaissent dans l’arène de la politique internationale des acteurs qui défient les États en échappant largement à une définition territoriale. Ce sont les entreprises transnationales, les banques, les ONG, et notamment ces ONG d’un genre particulier que sont les internationales terroristes."

    "Dans le Grand échiquier, Zbigniew Brzezinski se réfère explicitement aux thèses de Mackinder et Spykman : le « pivot », explique-t-il, est aujourd’hui ce grand échiquier de forme ovale sur lequel se mène le « jeu » de l’hégémonie mondiale. Un jeu dans lequel les États-Unis occupent, par leur présence politique et militaire sur toute la périphérie de l’Eurasie, une position déterminante, à l’Ouest – en Europe – au Sud – au Moyen-Orient – et à l’Est – avec la Corée et le Japon. Toute la géostratégie – c’est-à-dire la « gestion stratégique des intérêts géopolitiques » – américaine doit tendre à préserver ces positions et à conjurer tout risque d’éviction de l’Amérique, synonyme d’une marginalisation catastrophique.

    Brzezinski n’est plus aux affaires depuis trois décennies, mais conserve une incontestable aura intellectuelle. Il a surtout le mérite d’énoncer publiquement des idées que partage une bonne partie de l’establishment de la politique étrangère. Des idées qui, sur un mode subliminal, inspirent à nouveau, après l’écart constitué par l’intervention en Irak et le ressac de la vogue des « néo-conservateurs », la politique américaine, qu’il s’agisse du rapprochement ostensible avec l’Inde, du désenclavement du bassin caspien, ou des déploiements de forces en Asie centrale.
    "

    "Un mobile identique amène Roosevelt à s’arrêter, sur le chemin du retour de Yalta, en février 1945, en Mer Rouge pour rencontrer le roi d’Arabie Ibn Seoud et sceller une alliance stratégique avec le chef d’un royaume dont le sous-sol recèle les plus vastes gisements pétroliers de la planète. Le contrôle des ressources pétrolières sera un des enjeux majeurs de la Guerre froide, face à une Union soviétique qui en dispose en abondance : le dispositif de containment vise, sur le flanc sud, à contrer toute prétention de Moscou à étendre son influence dans cette région stratégique.

    Sommations, intimidation, alliances bilatérales ou multilatérales, coups d’État fomentés et interventions militaires ont été tour à tour employés à cette fin, formant un corps de doctrine implicite jusqu’à ce que le président Carter y associe son nom en l’énonçant :
    « toute tentative d’une force extérieure de prendre le contrôle du Golfe Persique sera considérée comme une attaque contre les intérêts vitaux des États-Unis, qui sera repoussée par tous les moyens nécessaires, y compris le recours à la force », avait-il martelé en janvier 1980 à l’adresse de Moscou, quelques semaines après l’invasion de l’Afghanistan. La « doctrine Carter » allait même s’appliquer par extension, une décennie plus tard, avec la guerre contre l’Irak en 1991, pour contrer l’apparition d’une puissance hégémonique régionale pourtant beaucoup moins menaçante que l’URSS."
    -Pierre Bühler, « Puissance et géographie au XXIe siècle », Géoéconomie, 2013/1 (n° 64), p. 143-162. DOI : 10.3917/geoec.064.0143. URL : https://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2013-1-page-143.htm




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