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    Pierre Nicole & Antoine Arnauld, La logique, ou, L’art de penser + Essais de morale

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
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    Message par Johnathan R. Razorback Lun 5 Juil - 18:52

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Nicole

    https://fr.1lib.fr/book/2867343/cca809

    "Il n’y a rien de plus estimable que le bon sens et la justesse de l’esprit dans le discernement du vrai et du faux. Toutes les autres qualités d’esprit ont des usages bornés ; mais l’exactitude de la raison est généralement utile dans toutes les parties et dans tous les emplois de la vie. Ce n’est pas seulement dans les sciences qu’il est difficile de distinguer la vérité de l’erreur ; mais aussi dans la plupart des sujets dont les hommes parlent, et des affaires qu’ils traitent. Il y a presque partout des routes différentes, les unes vraies, les autres fausses, et c’est à la raison d’en faire le choix. Ceux qui choisissent bien sont ceux qui ont l’esprit juste ; ceux qui prennent le mauvais parti sont ceux qui ont l’esprit faux ; et c’est la première et la plus importante différence qu’on peut mettre entre les qualités de l’esprit des hommes. Ainsi, la principale application qu’on devrait avoir serait de former sou jugement et de le rendre aussi exact qu’il le peut être ; et c’est à quoi devrait tendre la plus grande partie de nos études.

    On se sert de la raison comme d’un instrument pour acquérir les sciences, et l’on devrait se servir, au contraire, des sciences comme d’un instrument pour perfectionner sa raison ; la justesse de l’esprit étant infiniment plus considérable que toutes les connaissances spéculatives auxquelles on peut arriver par le moyen des sciences les plus véritables et les plus solides : ce qui doit porter les personnes sages à ne s’y engager qu’autant qu’elles peuvent servir à cette fin, et à n’en faire que l’essai et non l’emploi des forces de leur esprit. Si Ton ne s’y applique dans ce dessein, on ne voit pas que l’étude de ces sciences spéculatives, comme de la géométrie, de l’astronomie et de la physique, soit autre chose qu’un amusement assez vain, ni qu’elles soient beaucoup plus estimables que l’ignorance de toutes ces choses, qui a au moins cet avantage, qu’elle est moins pénible, et qu’elle ne donne pas lieu à la sotte vanité que l’on tire souvent de ces connaissances stériles et infructueuses.
    " (pp.9-10)

    "Cette fausseté d’esprit n’est pas seulement cause des erreurs que l’on mêle dans les sciences, mais aussi de la plupart des fautes que l’on commet dans la vie civile, des querelles injustes, des procès mal fondés, des avis téméraires, des entreprises mal concertées. Il y en a peu qui n’aient leur source dans quelque erreur et dans quelque faute de jugement : de sorte qu’il n’y a point de défaut dont on ait plus d’intérêt de se corriger.
    Mais autant cette correction est souhaitable, autant est-il difficile d’y réussir, parce qu’elle dépend beaucoup de la mesure d’intelligence que nous apportons en naissant. Le sens commun n’est pas une qualité si commune que l’on pense. Il y a une infinité d’esprits grossiers et stupides que l’on ne peut réformer en leur donnant l’intelligence de la vérité, mais en les retenant dans les choses qui sont à leur portée, et en les empêchant de juger de ce qu’ils ne sont pas capables de connaître. Il est vrai néanmoins qu’une grande partie des faux jugements des hommes ne vient pas de ce principe, et qu’elle n’est causée que par la précipitation de l’esprit et par le défaut d’attention, qui fait que l’on juge témérairement de ce que l’on ne connaît que confusément et obscurément.
    " (p.11)

    "La vanité et la présomption contribuent encore beaucoup à ce défaut. On croit qu’il y a de la honte à douter et à ignorer; et l’on aime mieux parler et décider au hasard, que de reconnaître qu’on n’est pas assez informé des choses pour en porter jugement. Nous sommes tous pleins d'ignorance et d’erreurs ; et cependant on a toutes les peines du monde à tirer de la bouche des hommes cette confession si juste et si conforme à leur condition naturelle : je me trompe, et je n’en sais rien.

    Il s’en trouve d’autres, au contraire, qui, ayant assez de lumières pour connaître qu’il y a quantité de choses obscures et incertaines , et voulant, par une autre sorte de vanité, témoigner qu’ils ne se laissent pas aller à la crédulité populaire, mettent leur gloire à soutenir qu’il n’y a rien de certain : ils se déchargent ainsi de la peine de les examiner, et, sur ce mauvais principe, ils mettent en doute les vérités les plus constantes, et la Religion même. C’est la source du Pyrrhonisme, qui est une autre extravagance de l’esprit humain, qui, paraissant contraire à la témérité de ceux qui croient et décident tout, vient néanmoins de la même source, qui est le défaut d’attention ; car comme les uns ne veulent pas se donner la peine de discerner les erreurs, les autres ne veulent pas prendre celle d’envisager la vérité avec le soin né­cessaire pour en apercevoir l’évidence. La moindre lueur suffit aux uns pour les persuader de choses très-fausses, et elle suffit aux autres pour les faire douter des choses les plus certaines ; mais, dans les uns et dans les autres, c’est le même défaut d’application qui produit des effets si différents.

    La vraie raison place toutes choses dans le rang qui leur convient; elle fait douter de celles qui sont douteuses, rejeter celles qui sont fausses, et reconnaître de bonne foi celles qui sont évidentes, sans s’arrêter aux vaines raisons des Pyrrhoniens, qui ne détruisent pas l’assurance raisonnable que l’on a des choses cer­taines, non pas même dans l’esprit de ceux qui les proposent. Personne ne douta jamais sérieusement qu’il y a une terre, un soleil et une lune, ni si le tout est plus grand que sa partie. Ou peut bien faire dire extérieurement à sa bouche qu’on en doute, parce que l’on peut mentir ; mais on ne peut pas le faire dire à son esprit. Ainsi le Pyrrhonisme n’est pas une secte de gens qui soient persuadés de ce qu’ils disent, mais c’est une secte de menteurs. Aussi se contredisent-ils souvent en parlant de leur opinion, leur cœur ne pouvant s’accorder avec leur langue, comme on peut le voir dans Montaigne, qui a tâché de le renouveler au dernier siècle
    ." (p.12)

    "Quoique l’on ne puisse pas dire que ces règles soient inutiles, puisqu’elles servent quelquefois à découvrir le défaut de certains arguments embarrassés, et à disposer ses pensées d’une manière plus convaincante, néanmoins on ne doit pas aussi croire que cette utilité s’étende bien loin, la plupart des erreurs des hommes ne consistant pas à se laisser tromper par de mauvaises conséquences, mais à se laisser aller à de faux jugements dont on tire de mauvaises conséquences. C’est à quoi ceux qui jusqu’ici ont traité de la Logique ont peu cherché de remèdes, et ce qui fait le principal sujet des nouvelles réflexions qu’on trouvera partout dans ce livre.

    On est obligé néanmoins de reconnaître que ces réflexions, qu’on appelle nouvelles, parce qu’on ne les voit pas dans les Logiques communes, ne sont pas toutes de celui qui a travaillé à cet ouvrage, et qu’il en a emprunté quelques-unes des livres d’un célèbre philosophe (a) de ce siècle, qui a autant de netteté d’esprit qu’on trouve de confusion dans les autres s. On en a aussi tiré quelques autres d’un petit écrit non imprimé, qui avait été fait par feu M. Pascal, et qu’il avait intitulé :
    De l'Esprit géométrique ; et c’est ce qui est dit, dans le chapitre XII de la première partie, de la différence des définitions de noms et des définitions de choses, et les cinq règles qui sont expliquées dans la quatrième partie, que l’on y a beaucoup plus étendues qu’elles ne le sont dans cet écrit." (p.15)

    "Il s’est trouvé des personnes qui ont été choquées du titre d'art de penser, au lieu duquel ils voulaient qu’on mît l’art de bien raisonner ; mais on les prie de considérer que la logique ayant pour but de donner des règles pour toutes les actions de l’esprit, et aussi bien pour les idées simples, que pour les jugements et pour les raisonnements, il n’y avait guère d’autre mot qui enfermât toutes ces différentes actions ; et certainement celui de pensée les comprend toutes; car les simples idées sont des pensées, les jugements sont des pensées, et les raisonnements sont des pensées. Il est vrai que l’on eût pu dire, l’art de bien penser ; mais cette addition n’était pas nécessaire, étant assez marquée par le mot d’art qui signifie de soi-même une méthode de bien faire quelque chose, comme Aristote même le remarque; et c’est pourquoi on se contente de dire, l’art de peindre, l’art de conter, parce qu’on suppose qu’il ne faut point d’art pour mal peindre ni pour mal conter." (p.21)

    "Ceux qui raisonnent de cette sorte n’ont pas assez considéré qu’un livre ne saurait guère avoir de plus grand défaut que de n’être pas lu, puisqu’il ne sert qu’à ceux qui le lisent ; et qu’ainsi tout ce qui contribue à faire lire un livre, contribue aussi à le rendre utile. Or, il est certain que, si on avait suivi leur pensée, et que l’on eût fait une Logique toute sèche, avec les exemples ordinaires d’animal et de cheval, quelque exacte et quelque mé­thodique qu’elle eût pu être, elle n’eût fait qu’augmenter le nombre de tant d'autres, dont le monde est plein, et qui ne se lisent point. Au lieu que c’est justement cet amas de différentes choses qui a donné quelque cours à celle-ci, et qui la fait lire avec un peu moins de chagrin qu'on ne fait les autres." (pp.21-22)

    "Rien ne peut porter plus puissamment à éviter une faute que de faire voir qu’un si grand esprit y est tombé ; et [l]a philosophie [d'Aristote] est devenue si célèbre par le grand nombre de personnes de mérite qui l’ont embrassée, que c’est une nécessité de savoir même ce qu’il pourrait y avoir de défectueux. Ainsi, comme l’on jugeait très utile que ceux qui liraient ce livre apprissent, en passant, divers points de cette philosophie, et que néanmoins il n’est jamais utile de se tromper, on les a rapportés pour les faire connaître, et l’on a marqué en passant le défaut qu’on y trouvait, pour empêcher qu’on ne s’y trompât.

    Ce n’est donc pas pour rabaisser Aristote, mais, au contraire, pour l’honorer autant que l’on peut en des choses où l’on n’est pas de son sentiment, que l’on a tiré ces exemples de ses livres; et il est visible, d’ailleurs, que les points où on l'a repris sont de très peu d’importance, et ne touchent point le fond de sa philosophie, que l’on n’a eu nulle intention d’attaquer.
    " (p.27)

    "Qui peut douter enfin de ces autres principes métaphysiques, que tout dépend de la forme; que la matière seule ne fait rien ; qu’il y a un lieu, des mouvements, des qualités, des facultés ? Mais après qu’on a appris toutes ces choses, il ne semble pas qu’on ait appris rien de nouveau, ni qu’on soit plus en état de rendre raison d’aucun des effets de la nature." (p.27)

    "L’on écrit tous les jours librement en France, en Flandre, en Angleterre, en Allemagne, en Hollande, pour et contre la philosophie d’Aristote : les conférences de Paris sont partagées aussi bien que les livres, et personne ne s’offense qu’on s’y déclare contre lui. Les plus célèbres professeurs ne s’obligent plus à cette servitude de recevoir aveuglément tout ce qu’ils trouvent dans ses livres, et il y a même de ses opinions qui sont généralement bannies; car qui est le médecin qui voulût soutenir maintenant que les nerfs viennent du cœur, comme Aristote l’a cru, puisque l’anatomie fait voir clairement qu’ils tirent leur origine du cerveau." (p.28)

    "La logique est l'art de bien conduire sa raison dans la connaissance des choses, tant pour s'instruire soi-même que pour en instruire les autres. Cet art consiste dans les réflexions que les hommes ont faites sur les quatre principales opérations de leur esprit, concevoir, juger, raisonner et ordonner.

    On appelle concevoir, la simple vue que nous avons des choses qui se présentent à notre esprit, comme lorsque nous nous représentons un soleil, une terre, un arbre, un rond, un carré, la pensée, l'être, sans en former aucun jugement exprès ; et la forme par laquelle nous nous représentons ces choses s'appelle idée.

    On appelle juger l'action de notre esprit par laquelle, joignant ensemble diverses idées, il affirme de l'une qu’elle est l'autre, ou nie de l'une qu’elle soit l'autre, comme lorsqu'ayant l'idée de là terre et l’idée du rond, j’affirme de la terre qu’elle est ronde, ou je nie qu’elle soit ronde.

    On appelle raisonner, l’action de notre esprit par laquelle il forme un jugement de plusieurs autres; comme lorsqu’ayant jugé que la véritable vertu doit être rapportée à Dieu, et que la vertu des païens ne lui était pas rapportée, il en conclut que la vertu des païens n'était pas une véritable vertu.

    On appelle ici ordonner, l'action de l'esprit par laquelle, ayant sur un même sujet, comme sur le corps humain, diverses idées, divers jugements et divers raisonnements, il les dispose en la manière la plus propre pour faire connaître ce sujet. C’est ce qu’on appelle encore méthode
    ." (p.30)

    "PREMIÈRE PARTIE. CONTENANT LES REFLEXIONS SUR LES IDEES, OU SUR LA PREMIERE ACTION DE L’ESPRIT, QUI S’APPELLE CONCEVOIR.

    Comme nous ne pouvons avoir aucune connaissance de ce qui est hors de nous, que par l’entremise des idées qui sont en nous, les réflexions que l’on peut faire sur nos idées sont peut-être ce qu’il y a de plus important dans la logique, parce que c’est le fondement de tout le reste.

    On peut réduire ces réflexions à cinq chefs, selon les cinq manières dont nous considérons les idées :

    La première, selon leur nature et leur origine ;
    La deuxième, selon la principale différence des objets qu’elles représentent ;
    La troisième, selon leur simplicité ou composition, où nous traiterons des abstractions et précisions d’esprit ;
    La quatrième, selon leur étendue ou restriction, c’est-à-dire leur universalité, particularité, singularité;
    La cinquième, selon leur clarté et obscurité, ou distinction et confusion
    ." (p.34)
    -Pierre Nicole & Antoine Arnauld, La logique, ou, L’art de penser, Gallimard, coll. Tel, 1992 (1662 pour la première édition française), 404 pages.

    https://fr.1lib.fr/book/816265/cf0c64




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    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


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