L'Académie nouvelle

Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
L'Académie nouvelle

Forum d'archivage politique et scientifique


    Boris Grésillon, Géographie de l’art. Ville et création artistique + Tatiana Debroux, « Boris Grésillon, Géographie de l’art. Ville et création artistique »

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
    Admin


    Messages : 20739
    Date d'inscription : 12/08/2013
    Localisation : France

    Boris Grésillon, Géographie de l’art. Ville et création artistique + Tatiana Debroux, « Boris Grésillon, Géographie de l’art. Ville et création artistique » Empty Boris Grésillon, Géographie de l’art. Ville et création artistique + Tatiana Debroux, « Boris Grésillon, Géographie de l’art. Ville et création artistique »

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 26 Juil - 18:39

    "La création artistique contemporaine, en tant qu'elle s'incarne dans des lieux, donc en tant qu'objet d'études géographique, ferait-elle peur aux géographes ? [...]
    A l'heure où les territoires se recomposent en fonction de leur degré d'attractivité culturelle et créative, les géographes peuvent-ils ignorer l'importance du paradigme de l'art ?"
    (p.5)

    "Au moment où s'affirme un "tournant culturel" voire un "tournant artistique" en sciences sociales, de nombreux créateurs développent quant à eux une approche géographique de l'art." (p.6)

    "A partir du moment où l'on envisage l'art et les œuvres d'art comme un produit social [...] on se doit d'étudier les phénomènes artistiques non pas en soi, mais en tant que gestes sociaux et politiques autant qu'artistes et esthétiques. La géographie de l'art que je pratique empruntera donc aux concepts de la géographie sociale comme à ceux de la géographie urbaine et à ceux de la géographie culturelle." (p.7)

    "Si l'on admet que la culture en général et l'art en particulier engendrent des productions humaines, et que ces productions s'incarnent dans des œuvres et dans des lieux urbains dédiés à l'art (théâtres, musées, galeries, cinémas, opéras, salles de concert, studios de danse, etc.), on comprendra, premièrement, que l'étude géographique des lieux de l'art est possible, deuxièmement, que l'art peut constituer une "entrée" parmi d'autres pour déchiffrer l'organisme urbain, troisièmement, que l'étude des phénomènes artistiques, des lieux d'art, des acteurs du monde culturel et artistique, des pratiques culturelles, des réseaux d'artistes, bref du "milieu artistique", nous renseigne de manière originale sur l'espace ou la société analysés." (p.Cool

    "On parle de la culture d'un groupe, d'une société ou d'une nation. D'une certaine manière, l'art provoque, dé-norme, dérange et créé du "dissensus" (sauf lorsqu'il s'agit d'art officiel), quand la culture rassemble et crée du consensus." (p.9)

    "La parole d'artistes et l'analyse de discours qui en découle ne sauraient constituer le seul matériau brut de recherches. La lecture de littérature "grise" telle que les rapports d'activités des établissements culturels, les divers rapports et études produits par les services culturels de la ville ou par les agences d'urbanisme représentent aussi une source à ne pas négliger, de même que les sources journalistiques. Enfin, à l'heure d'Internet, la "toile" est devenue, qu'on le veuille ou non, une source d'informations." (p.11)

    [Première partie. Positions]

    "Il existe, dans la langue française, très peu de mots aussi polysémiques et aussi difficilement appréhendables que le terme de culture." (p.15)

    [Chapitre 1 : La géographie culturelle à la croisée des chemins]

    "En Grande-Bretagne, c'est Raymond Williams qui, le premier, aborde la sphère culturelle -dans une perspective marxiste- dans les années 1960 et 1970. Ses disciples au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, James Duncan, Denis Cosgrove, Peter Jackson, Don Mitchell, vont s'inspirer des théories de R. Williams et développer des recherches dans des domaines jusqu'alors peu explorés par les géographes: géographie ethnique et religieuse, intérêt pour les minorités (étrangers, femmes, homosexuels...), analyse renouvelée du paysage, géographie dite "post-coloniale", constructions symboliques et représentations mentales [...] Ces auteurs fondent, au tournant des années 1980, une nouvelle sous-discipline intitulée "New Cultural Geography" appelée à connaître rapidement un grand succès [...]

    Sont lancées les deux principales revues de la géographie culturelle anglo-saxonne [...] Social and Cultural Geography [...] et Cultural Geographies [...] [Le nouveau courant] se veut au cœur du fameux "Cultural turn" (tournant culturel) qui traverse l'ensemble des sciences sociales dans les années 1990." (pp.20-21)

    "Un grand colloque international de l'UGI (Union géographique internationale) consacré aux "approches culturelles en géographie", co-organisé par Paul Claval pour les aspects culturels et par Denise Pumain pour les aspects urbains, se déroule en décembre 1997 à la Sorbonne." (p.23)

    "Le nombre de géographes inscrits dans la rubrique "géographie sociale" stagne alors que les géographes "culturels" sont en nette augmentation: de 65 personnes en 1989 à 150 en 2002 [...] Et Guy Di Méo (2008, p.47-66) de conclure: "les géographes culturels l'emportent désormais en nombre sur les géographes sociaux: le renversement de tendance date de la période 1998-2002". Dans les années 2000, cette tendance n'a fait que se renforcer. D'autres foyers actifs de promotion de la géographie culturelle sont apparus, à Paris (Paris-I, Paris-VII) et en province, à Bordeaux, à Grenoble, à Nîmes et à Montpellier. [...]

    Lancement d'une revue de vulgarisation, dont le titre, La GéoGraphie, masque en fait un magazine de géographie culturelle superbement illustré." (p.24-25)

    "Dans les universités germaniques, le poids des géo-physiciens est plus important qu'en France. [...] La géographie allemande [...] est nettement moins influencée par les autres sciences sociales que la geography anglo-saxonne, américaine notamment." (p.26)

    "2003 le premier manuel de géographie culturelle moderne en langue allemande." (p.28)

    "Si l'économie fordiste et le monde "moderne" des années 1960 avaient donné des arguments au développement d'une géographie économique orthodoxe, d'une géographie quantitative et de l'analyse spatiale, l'économie post-fordiste et le monde "post-moderne" des années 1980-1990 offrent aux sciences sociales un nouveau cadre de référence [...]

    La fin des années 1980 et le début des années 1990 sont marqués par un triple bouleversement majeur: l'effondrement du bloc soviétique et la chute du Mur de Berlin ; l'avènement, dans l'Amérique de Ronald Reagan et l'Angleterre de Margaret Thatcher, du système libéral s'opposant à l'Etat providence ; l'essor de l'économie immatérielle et des technologies de l'information. Autrement dit, le socle politique, social et économique des sociétés issues des Trente Glorieuses vacille, et avec lui les clés de lecture du monde contemporain. Est-il encore possible, dans les années 1990, de lire la "nouvelle économie" avec les seules lunettes marxistes ? [...]

    Puisque l'économique et le social ont échoué non seulement à comprendre le monde mais a fortiori à le changer, puisque les idéologies politiques radicales du XXe siècle ont débouché sur des impasses ou des dictatures, que nous reste-t-il comme clé de compréhension du monde contemporain, si ce n'est la culture ? Telle est l'orientation, parfois implicite, que prennent nombre de sociologues, d'anthropologues, de philosophes, d'historiens et de géographes dans les années 1990." (pp.31-32)

    "En France, en Italie, en Allemagne, il ne faisait pas bon se revendiquer ouvertement "géographe culturel" jusqu'à la fin des années 1980." (p.33)

    "Penser le monde comme représentation et non pas comme une structure ou un objet rationnel doté de règles universelles." (p.33)

    "Jusqu'à la fin des années 1980, la géographie humaine française était politiquement clivée entre, d'un côté, les géographes de gauche de Paris-I, Paris-X et des universités de l'Ouest [Caen, Rennes, Rouen...], et de l'autre les géographes réputés de droite de la Sorbonne et de quelques autres facultés de province. Les premiers représentaient la géographie sociale, urbaine et économique, les seconds une géographie humaine et humaniste qui n'osait pas encore se dire "culturelle". La chute du Rideau de fer et l'échec avéré de l'idéologie communiste confèrent à ces derniers, sans qu'ils le disent ouvertement, un sentiment de revanche [...] qu'on perçoit entre les lignes dans l'ouvrage de P. Claval [1993] [...] C'est dans ce contexte de dépolitisation progressive des sciences sociales que va naître et s'épanouir l'école française de géographie culturelle. Loin des théories, elle met en lumière les pratiques ; en phase avec son époque, elle met l'accent sur l'individu." (pp.33-34)

    "Pour le courant post-moderne, il n'y a plus de vérité universelle. Tout discours est celui d'un sujet et, partant, toute théorie soi-disant générale est suspectée de subjectivité." (p.37)

    "Dans une tradition positiviste bien française, l'école de géographie culturelle a préféré se cantonner dans une perspective peu problématisante, peu théorique et très descriptive. [...]
    Je ne comprends pas que toutes ces acceptions du mot culture, pourtant riches et diversifiées, occultent la dimension artistique du terme. L'art n'est-il pas consubstantiel à la culture ?" (pp.49-50)

    "C'est justement cette trop grande autonomisation du champ culturel par rapport à la sphère sociale et politique que reprochent des auteurs comme Chris Philo ou Christine Chivallon à la nouvelle géographie culturelle telle qu'elle s'est affirmée depuis vingt ans." (p.54)

    "Guy Di Méo plaide pour "affirmer la consubstantialité absolue du social et du culturel en géographie". Il regrette le fait qu'aussi peu de géographes (14% selon l'Annuaire des Géographes Français) se revendiquent à la fois géographes sociaux et géographes culturels, et il cite en exemple les pays anglo-saxons, qui depuis longtemps se sont affranchis de ce genre de cloisonnement artificiel." (p.56)

    " "Mettre en rapport le matériel avec l'idéel", ou encore les réalités sociales et matérielles avec le monde des idées, des valeurs et des représentations." (p.59)

    " [Chapitre 2 : Pour une Géographie de l'Art: Propositions]

    "Il ne s'agit pas de décréter que tel objet d'analyse est culturel et que tel autre ne l'est pas [...] Mais donner à la géographie culturelle un squelette théorique, conceptuel, notionnel et sémantique eût été bienvenue." (pp.62-63)

    "La géographie culturelle, dans certaines de ses dérives, a eu tendance à trop emprunter, à faire des collages et à plaquer de manière inappropriée des théories philosophiques sur des objets spatiaux." (p.64)

    "La culture, au sens propre, premier du terme, c'est de l'art, c'est de la musique, du théâtre, de la danse, de la peinture, du cinéma, des livres ou de l'architecture. Bref, ce sont des œuvres nées de l'esprit et de l'imagination d'artistes." (p.64)

    "Je ne fais pas de la géographie culturelle au sens où ses représentants français l'entendent." (p.66)

    "Je ne refuse ni ne revendique aucun héritage. Quant aux filiations, elles existent bien sûr, mais elles sont très diverses et sortent du cadre de la géographie." (p.67)

    "L'art a à voir avec un idéal (esthétique) ; il est intrinsèquement lié aux activités créatrices de l'homme et se manifeste concrètement dans des œuvres d'art. [...] L'art donne lieu à des productions artistiques et esthétiques, à des œuvres. [...] Si la culture au sens anthropologique du terme n'est pas séparable du sujet pensant, la culture au sens de création se manifestant dans des œuvres d'art acquiert un statut d'autonomie par rapport au sujet." (pp.67-68)

    "Ce qui est par essence du domaine de l'intime doit-il rester cantonné à la sphère du privé et ne pas être décrété "scientifique" ?" (p.71)

    "[Tout support de création] possède bien une réalité physique et spatiale ainsi qu'une distribution géographique particulière, qui constitue un objet de recherches." (p.72)

    "Le contexte dans lequel l'artiste crée détermine en partie son geste artistique." (p.74)

    "Fonction de perturbation propre à la création." (p.75)

    "Pour assurer sa diffusion et sa pérennisation, une œuvre d'art a besoin de médiateurs. Ceux-ci font le lien entre l'artiste et le public [...] "Médiateurs culturels" (chargés de communication, chargés de mission culture, directeurs de structures artistiques)." (p.78)

    "Mon objet d'études géographique [...] analyser les lieux de création, de production, de représentation et de diffusion artistiques d'une entité géographique donnée, quartier, ville, agglomération, région, pays, etc. [...] Choisir comme objets d'études des lieux sur lesquels la géographie n'a pas l'habitude de se pencher, c'est-à-dire à la fois l'atelier d'artiste (et sa situation dans la ville), le studio du compositeur, la salle de danse, la salle de répétition d'un orchestre ou d'un chœur, les théâtres, les opéras, les salles de concert, auditoriums et autres zéniths, les galeries, les musées, les salles de cinéma, les cafés-concerts, les clubs de musique rock ou techno et tous les lieux "off". Une autre forme d'ouverture thématique consiste à élargir le champ d'analyse aux lieux de diffusion artistique qui sont aussi des lieux de sociabilité. Autrement dit, des lieux hybrides qui sont autant des lieux de diffusion de l'art que des lieux de rencontre et des lieux de consommation. Je veux parler des cafés-concert, locaux associatifs et politiques, galeries-librairies, cafés-restaurants-librairies, musées-cafés-librairies-boutiques de souvenirs, cafés-poésie, bars alternatifs, clubs de musique, salle de théâtre (le soir)-salles de répétition (le jour), salle de sport (le jour)-clubs underground (la nuit), galeries d'art-crèche [...] Comment, dans une ville comme Berlin, mais aussi comme Londres, Amsterdam et New York, passer à côté de ces lieux qui réinventent à la fois l'art et le rapport à la ville ? [...] Autant un musée mais aussi un opéra ou un théâtre de répertoire peut être perçu par une partie de la jeunesse comme un lieu culturellement mort, ou du moins fermé, réservé à une élite, autant un club techno ou un théâtre "off", plus encore un centre culturel alternatif, sera plutôt considéré comme un lieu artistique ouvert, et accessoirement un lieu de tous les apprentissages: à l'art, à d'autres genres artistiques que ceux enseignés à l'école, à la société dans toute sa diversité, à la politique parfois, à l'amour également. Pour le géographe, ces lieux "off" ont l'immense avantage et la redoutable caractéristique d'être plus éphémères que les lieux établis."(pp.78-79)
    -Boris Grésillon, Géographie de l’art. Ville et création artistique, Editions Economica, Paris, 2014, 254 pages.

    https://journals.openedition.org/belgeo/12873

    "Grésillon n’entend pas poser un nouveau sujet autonome, mais bien s’emparer de l’art (à travers ses lieux, ses acteurs et ses productions) comme d’un objet de recherches au croisement de la géographie culturelle, urbaine et sociale, rejetant ainsi les travers d’une géographie culturelle souvent trop culturaliste et dépolitisée."

    "approche résolument qualitative, mêlant entretiens, presse et littérature grise sur la ville."
    -Tatiana Debroux, « Boris Grésillon, Géographie de l’art. Ville et création artistique », Belgeo [En ligne], 1 | 2014, mis en ligne le 15 décembre 2014, consulté le 09 avril 2022. URL : http://journals.openedition.org/belgeo/12873 ; DOI : https://doi.org/10.4000/belgeo.12873





    _________________
    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


      La date/heure actuelle est Dim 17 Nov - 5:46