L'Académie nouvelle

Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
L'Académie nouvelle

Forum d'archivage politique et scientifique

Le Deal du moment : -25%
PC Portable Gamer 16,1” HP Victus 16 – 16 ...
Voir le deal
749.99 €

    Jacques Baynac, Les Socialistes-révolutionnaires (mars 1881 - mars 1917)

    Johnathan R. Razorback
    Johnathan R. Razorback
    Admin


    Messages : 20764
    Date d'inscription : 12/08/2013
    Localisation : France

    Jacques Baynac, Les Socialistes-révolutionnaires (mars 1881 - mars 1917) Empty Jacques Baynac, Les Socialistes-révolutionnaires (mars 1881 - mars 1917)

    Message par Johnathan R. Razorback Lun 27 Déc - 15:04

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Baynac

    "En novembre 1917, aux élections pour la désignation des députés à l'Assemblée Constituante russe, les socialistes-révolutionnaires (S. R.), toutes tendances confondues, recueillaient plus de 60% des suffrages tandis qu'à l'occasion de ce vote, le seul libre jamais organisé en Russie, les bolcheviks n'en obtenaient que 25%.
    (pp.11-12)

    "Liquidés politiquement, les S.R. le furent ensuite physiquement. Les enfermer dans les premiers camps de l'Ou-Slon, ancêtre du goulag, les coller au mur, n'était pas encore assez. Les bolcheviks n'eurent de cesse qu'ils ne les eussent liquidés historiquement, effacés de la mémoire afin de tuer l'alternative qu'ils incarnaient. Les couvrant de calomnies, exploitant au-delà de toute raison leurs moindres faiblesses (nombreuses au demeurant), déformant et falsifiant systématiquement le passé, ils finirent par affubler les S.R. d'une si déplorable image de marque que tout le monde se détourna de ces traîtres si heureusement démasqués et châtiés par les valeureux tchékistes..." (p.12)

    "Les ouvrages [existants] se born[ent] [...] à sempiternellement rabâcher qu'ils étaient: a) les héritiers du populisme, b) l'expression de la classe paysanne petite-bourgeoise, et c) des partisans du terrorisme." (p.12)

    "S'il est exact que le P.S.R pratiqua effectivement beaucoup le terrorisme contre le tsarisme entre 1902 et 1910, et s'il est également vrai que certains S.R. recommencèrent à petite échelle au cours de l'été 1918 -cette fois contre les bolcheviks et les Allemands- ils spécifièrent toujours qu'il s'agissait là, non d'une stratégie mais d'une tactique imposée par les conditions créées par le despotisme et que cette tactique était absolument injustifiable dès lors qu'existait une démocratie minimale [comme aux U.S.A]. De fait, même sous le tsarisme, le terrorisme fut mis en veilleuse lors de chaque libéralisation du régime.

    Ensuite, s'il est avéré que les S.R. voulaient exprimer les classes paysannes inférieures (exploitées) c'est qu'ils les estimaient, non sans arguments théoriques et pratiques, partie prenante de la dynamique révolutionnaire antitsariste. Ils ne se distinguaient des sociaux-démocrates qu'en estimant la paysannerie non exploiteuse susceptible d'être aussi partie prenante d'une dynamique anticapitaliste, et, le cas échéant, socialiste. Mais, en aucun cas et jamais, le P.S.R ne désira exprimer les intérêts des seuls paysans. Au contraire, il voulait exprimer ceux de l'ensemble de la classe travailleuse : ouvriers, paysans et intelligentsia critique. On sait avec une bonne certitude qu'avant 1917 la moitié environ des effectifs militants du P.S.R étaient ouvriers.

    En revanche, pour ce qui est de la filiation idéologique du P.S.R., les choses sont plus complexes. Le P.S.R. était effectivement à certains égards l'héritier du populisme ; mais à d'autres, il était aussi celui de Marx. Se faire une idée conforme à la réalité de cette filiation exige d'esquisser l'histoire des relations entre Marx et Engels d'une part et les courants socialistes russes d'autre part.

    Avant 1878, Marx et Engels détestent la Russie et les Russes. Même les révolutionnaires ne trouvent pas grâce à leurs yeux. "Quelle prétention ! s'exclame Engels écrivant à Marx le 29 avril 1870. Pour réaliser l'unité du prolétariat européen, il faut qu'il passe sous commandement russe ! Et pourtant, même si Bakounine exagère fortement, il est évident que le danger existe. La "Sainte Russie" crachera tous les ans un certain nombre de ces Russes "sans carrière" qui, sous prétexte de "principe international" s'introduiront en douce partout chez les ouvriers, s'accapareront en catimini du rôle de dirigeants."

    Hormis les questions de rivalités avec Bakounine pour le contrôle de l'appareil de la révolution mondiale (l'Internationale), le fond du débat est clair. D'un côté, Marx et Engels estiment qu'au féodalisme doit nécessairement succéder le capitalisme et qu'ensuite seulement le socialisme peut être instauré. Ils professent en outre que la paysannerie ne peut accéder à un niveau de conscience suffisant pour faire une révolution socialiste. De l'autre côté, les théoriciens russes pensent que leur pays peut directement passer au socialisme. La première raison est que si en Occident l'Etat moderne est né de la bourgeoisie, en Russie c'est l'inverse. La bourgeoisie russe doit au tsar jusqu'à son existence. Abattre le tsar sans en profiter pour évincer la bourgeoisie serait une erreur qui donnerait à celle-ci l'occasion de montrer qu'elle est bien "capable d'imposer au peuple un esclavage pire qu'aujourd'hui [et de] trouver des méthodes plus efficaces pour paralyser notre activité que celles du gouvernement actuel qui ne voit pas plus loin que la prison ou l'échafaud" (Narodnaïa Volia, n°2, juin 1880). En outre, exclure la paysannerie du procès révolutionnaire est en Russie doublement erroné. D'abord parce que le prolétariat industriel est quasi inexistant. Qui fera la révolution ? Ensuite parce qu'existe la communauté agraire (obschina). Celle-ci a créé des bases objectives et subjectives qui peuvent permettre à l'immense majorité du peuple paysan qu'est le peuple russe de passer au socialisme. A condition que les intellectuels révolutionnaires sachent éviter que la révolte ne tourne au massacre à la Pougatchev, à condition qu'ils sachent faire passer l'énorme masse paysanne sur ce pont entre féodalisme et socialisme qu'est l'obschina, ils pourront franchir le fleuve capitaliste séparant deux stades du développement.

    Les positions étant on ne peut plus tranchées et les polémiques ayant été acerbes, les relations ne pouvaient s'améliorer que par l'évolution des uns et des autres.

    A partir de 1872 les révolutionnaires russes découvraient et acceptaient les démonstrations du Capital. "Aucun homme intelligent ne peut y faire d'objections sérieuses", déclara P. Tkatchev. Et Véra Figner, une terroriste, expliqua: "Le Capital [...] c'était, si j'ose dire, mon second baptême socialiste [...] Que les faibles créatures humaines soient appuyés dans leur lutte par un puissant processus historique me jetait en extase, donnait à toutes nos activités des fondements tellement fermes et profonds qu'il semblait certain que tous les obstacles seraient surmontés. [Cependant], je ne révisai pas toutes mes vues précédentes ou toutes les influences antérieures, je ne réalignai pas mes idées sur la base de la théorie de Marx. Les vues anciennes demeuraient comme le soubassement sur lequel s'était déposé tout ce que j'avais appris du Capital. Ces deux couches n'interféraient pas l'une sur l'autre ; mystérieusement, elles fusionnaient"."


    (pp.13-15)

    "
    (pp.16-17)

    "
    (pp.18-19)

    "L'obscurantisme léniniste devait, tôt ou tard, céder devant des forces historiques plus puissantes que n'importe quelle terreur. Toutefois, s'il n'est plus tout à fait minuit dans le siècle, l'aube n'est pas encore là. Il serait regrettable que le jour se lève sur un paysage déserté par l'espoir d'un monde meilleur, plus juste et plus libre, et il serait navrant que dans ce paysage manque le P.S.R. qui fit l'impossible pour que vive le socialisme de la liberté." (p.20)
    -Jacques Baynac, Les Socialistes-révolutionnaires (mars 1881 - mars 1917), Robert Laffont, 1979, 397 pages.




    _________________
    « La question n’est pas de constater que les gens vivent plus ou moins pauvrement, mais toujours d’une manière qui leur échappe. » -Guy Debord, Critique de la séparation (1961).

    « Rien de grand ne s’est jamais accompli dans le monde sans passion. » -Hegel, La Raison dans l'Histoire.

    « Mais parfois le plus clair regard aime aussi l’ombre. » -Friedrich Hölderlin, "Pain et Vin".


      La date/heure actuelle est Sam 23 Nov - 4:19